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sur une question de cette importance? Rassuronsnous à cet égard : elle ne dit pas tout ce qui est utile pour organiser un gouvernement libre, mais elle dit le nécessaire; elle ne parle pas très-haut, mais elle parle assez clairement, et nous allons voir cette prépondérance des organes les plus accrédités de l'opinion que nous garantissait l'esprit de nos Constituants, que nous annonçait assez haut le nom de République, résulter du texte même des nouvelles lois.

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La question de savoir si une Constitution est républicaine ou monarchique peut être ramenée à celle de la permanence ou de la non-permanence des assemblées.

Et en effet, comme la république est l'antithèse de la monarchie et comme la monarchie est le gouvernement d'un seul, la république est essentiellement le gouvernement du nombre, ou total ou restreint, représenté dans nos mœurs politiques modernes par des assemblées électives. Si donc les assemblées sont toujours en mesure de parer aux nécessités pressantes de l'État, c'est que les institutions sont républicaines; si, au contraire, il est des périodes où elles dépendent pour leur réunion

en corps politiques de la volonté d'un personnage placé au-dessus d'elles, alors c'est à ce personnage que revient la suprême autorité, c'est lui qui a la charge principale des grands intérêts publics et de la sécurité nationale: les institutions sont monarchiques.

De là les efforts des républicains dans la dernière commission des lois constitutionnelles pour substituer la permanence des Chambres au système proposé par le Gouvernement, et de là aussi la résistance du Gouvernement sous l'influence d'habitudes monarchiques dont il n'est pas encore parvenu à se dépouiller.

Eh bien, qu'est-il sorti de ces efforts en sens inverse? A quelle solution s'est-on arrêté? La Constitution établit-elle la permanence ou la supprime-telle? la question est fondamentale.

La solution, il le faut avouer, manque de netteté; elle n'est ni franchement monarchique, ni franchement républicaine. Les Chambres se réunissent de plein droit le second mardi de Janvier, et leur session dure cinq mois au minimum : ceci est dans le sens républicain; mais, d'un autre côté, elles sont sujettes à la prorogation et à l'ajournement ceci est dans le sens monarchique. Cepen

dant les majorités des deux Chambres peuvent exiger une convocation extraordinaire. On lit, en effet, dans l'article 2 de la loi sur les rapports des Pouvoirs publics : « II (le Président) devra les a convoquer (les Chambres) si la demande en est a faite, dans l'intervalle des sessions, par la majorité << absolue des membres composant chaque Cham

« bre. »

Cette disposition est décisive: la balance penche en faveur de la république. En temps ordinaire sans doute ce droit sera d'une difficile application, mais, en présence d'un événement grave, d'une crise dangereuse, d'un péril public, si les Chambres ont le sentiment de leur devoir, elles auront la faculté de l'accomplir, et si elles n'avaient pas ce sentiment, il importerait peu qu'elles pussent ou non se rassembler.

Ainsi, comme la permanence n'a d'importance pratique que pour les cas graves, au fond, avec le moyen terme adopté, il y a permanence des Assemblées, pourvu toutefois que leurs majorités soient d'accord. L'orateur du Gouvernement avouait que le droit en question équivaudrait à la permanence, s'il n'y avait qu'une Assemblée, mais en différait beaucoup, parce qu'il y en avait deux, dont l'ac

cord serait difficile. Mais la divergence de vues des deux Chambres quant à l'opportunité de leur intervention dans les grandes affaires nationales sera, nous l'espérons, beaucoup plus rare qu'il ne se plaisait à l'imaginer.

A la vérité, la dissolution de la Chambre des députés porte une atteinte sérieuse à la permanence, d'autant plus sérieuse qu'un intervalle de trois mois s'écoulera depuis que la Chambre aura cessé d'exister jusqu'à ce que le suffrage universel l'ait ressuscitée. Durant cet intervalle le Sénat ne pourra pas non plus se réunir, même en présence des événements les plus graves, et ainsi toute action `représentative sera suspendue. Dans le cours de cette période le Président se rendît-il coupable du crime de haute trahison, il ne saurait être régulièrement poursuivi, puisqu'à la Chambre des députés seule appartient l'initiative de l'accusation.

Reconnaissons-le: il y a là trois mois d'une Présidence monarchique tout-à-fait contraire au principe républicain. Mais trois mois d'exception ne constituent pas un régime, et puis, ne l'oublions pas, ce régime exceptionnel, il faut que le Sénat l'autorise, il faut qu'une des deux Chambres consente à cette abdication momentanée des Chambres.

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