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institution... qu'un grand norbre des 7o, 8a, 14a, 15o, 16° et 17 bataillons de la garde nationale ont pris part à l'émeute excitée dans cette capitale le 14 courant... j'ai jugé convenable, le conseil des ministres entendu, de dissoudre les susdits bataillons.

LA REINE.
Contresigné, CALLIO.

Palais des Necessidadès, 15 juin.

On se résigna assez tranquillement à la remise des armes, mais quand il fut question de la poudre et des cartouches, il se manifesta une vive résistance, et il fallut laisser une certaine quantité de ces munitions aux gardes nationaux licenciés.

Franza, l'un des chefs de l'insurrection de mars, reçut l'ordre de se rendre à Mozambique; mais il n'y. obtempera point. Ces deux faits caractérisent la situation : le pouvoir constitutionnel avait beaucoup à faire pour se fortifier; il en était encore à l'impuissance de faire exécuter ce qu'il ordonnait, et pour un gouvernement, l'impuissance est presque la mort.

De si longues et de si cruelles guerres intestines devaient amener de nombreuses émigrations. Des documents trop véridiques établissent, en effet, que le chiffre des personnes qui, dans l'espace de dix-huit mois, se rendirent au Brésil, tant de Portugal que des îles de l'ouest, s'élevait à plus de 18,000. Quelque temps après, un navire marchand, la Lizia, transporta de neuveau au Brésil 253 Portugais qui allaient s'y établir. Un fait aussi grave était de nature à inspirer des inquiétudes au Gouvernement, et il adopta des mesures pour empêcher les progrès du mal.

Un décret de la reine, publié vers la même époque, régla une autre matière: le duché de Bragance, attribué par le roi Jean IV à l'aîné des princes du sang royal, avait été déclaré propriété nationale en 1834; la reine décida que ce titre, ainsi que les propriétés qui y étaient attachées rentreraient en possession du duc d'Alcantara.

Il était naturel qu'à l'approche des cortès législatives, les partis opposés, les démocrates exaltés, aussi bien que les chartistes, se donnassent beaucoup de mouvement pour réparer leurs défaites. Aussi Lisbonne fut-il encore une fois en proie à de vives inquiétudes; on parlait de complots, d'une prétendue charte de Jean VI, que les conspirateurs écriraient sur leur drapeau; la reine devait être forcée d'abdiquer en faveur de son fils, qui régnerait sous l'autorité d'une régence. Le duc de Terceira passait pour le chef et l'âme des conjurés. Les ministres prirent les précautions nécessaires pour faire avorter ces sinistres projets, et il ne paraît pas qu'on ait tenté cette fois de mettre à exécution ce que peut-être on méditait.

La guerre civile n'est pas favorable aux affaires; les populations souffrent et il suffit souvent du plus léger prétexte, d'une taxe facile à porter en d'autres temps, pour allumer l'étincelle qui fait éclater les agitations populaires. C'est ce qui explique les troubles qui eurent lieu presqu'en même temps et pour une cause analogue, à Braga et à Lisbonne. Dans cette dernière ville, ce fut une décision au sujet de la vente du poisson au poids. A Braga, il s'agissait de décider les chapeliers à déclarer à l'administration le nombre des chapeaux qu'ils fabriquaient; un impôt de cinq reis par chapeau devant être perçu en vertu du dernier emprunt. Les chapeliers refusèrent; plus de 4,000 personnes se portèrent sur la place publique, en faisant entendre le cri de : plus de contributions. Toutefois cette manifestation n'aboutit qu'à une résolution très-pacifique. On adopta une adresse à la reine pour lui demander de suspendre la perception de l'impôt réclamé, vu l'extrême misère de la population. L'adresse fut imprimée et affichée. Le peuple parcourut les rues de la ville, la bannière municipale en tête, et des feux de joie couronnèrent cette manifestation qui s'était produite d'abord avec des caractères si menaçants. Sur un autre point, une révolte militaire éclatait dans le 18 régiment, en garnison à Guimaraes. Le baron d'Almagen partit immédiate

ment de Calda, arriva le même jour sur les lieux, et put sauver la vie au colonel, contre lequel surtout la révolte était dirigée. Huit chefs de la rébellion furent fusillés. Tel était à cette époque l'état du Portugal qui, comme on le voit, ne présentait pas l'aspect d'une nation, vivant de sa vie normale et progressive.

Dans les Algarves, les partisans de don Miguel continuaient leurs courses vagabondes. Un instant, les forces de Remechido allèrent en augmentant. Ce chef trouvait appui et refuge dans les 13,000 familles de la Sierra. En vain, le gouverneur de la province avait ordonné à ces familles de quitter leurs demeures; cet ordre n'avait pas été obéi. Le moment était donc mal choisi pour retirer des Algarves et les diriger sur Lisbonne, comme fit le gouverneur, quelques régiments dont la présence était si nécessaire dans les montagnes. Heureusement, qu'au moment même où il inspirait des craintes bien fondées, au moment où un autre chef, Baiva, venait recruter ses bandes, Remechido fut battu dans une rencontre, fait prisonnier, jugé par une cour martiale et fusillé à Faro. On lui avait enlevé ses papiers, sa correspondance, son argent. Il avait sur lui cinq contos de reis (30,000 fr.)

La mort de Remechido n'étouffa point l'insurrection. Les rebelles, qui s'étaient rangés sous les ordres de ce chef, redoublèrent, au contraire, d'audace et d'activité, enlevant les détachements, pillant les villes et les villages, et se livrant à toutes espèces d'atrocités sur les grandes routes. Remechido avait laissé un jeune fils, qui lui succéda dans le commandement des bandes insurgées et répandit dans le pays plus de consternation et de terreur que n'avait fait son père.

Cependant des intérêts pressants, réclamaient la sollicitude du gouvernement. Il était urgent qu'il avisât aux moyens d'assurer le paiement des arrérages de la dette

étrangère. Un décret, en date du 12 juillet, nomma une commission, pour constater l'état de cette dette et indiquer les moyens les plus convenables d'arriver au paiement des intérêts et à l'amortissement, sauf toutefois, l'approbation de ces moyens par les cortès.

Le 31 octobre, la reine donna le jour à un prince, qui fut appelé Don Louis, duc d'Opporto. A cette occasion, le roi des Français avait envoyé en Portugal le général Durosnel, son aide-de-camp, qui avait mission de le représenter au baptême du jeune prince. Les canons du fort et de la flotte saluèrent l'arrivée du général français. La naissance du jeune prince fournit au roi Ferdinand (1) l'occasion de renoncer à un avantage, stipulé dans un article secret de son contrat de mariage. Aux termes de cet article, il eût pu demander, et il l'avait fait, disait-on, une augmentation de cinq contos de reis sur la liste civile ; mais un avis officiel, publié dans le journal du Gouvernement, répondait aux bruits répandus à ce sujet : le prince déclarait expressément, qu'en présence des besoins du trésor, il renonçait à cette clause de son contrat.

Les intérêts matériels et financiers du pays firent håter l'ouverture de la session des cortès législatives. Elle eut lieu le 8 décembre. La reine vint exposer l'état du pays à l'intérieur et ses relations avec les puissances étrangères. (Voyez Appendice, pag. 118).

«Le pays est en généralitranquille, disait dona Maria, cependant la sécurité publique ne règne pas d'une manière satisfaisante dans certaines parties du royaume. Les districts du sud sont infestés par de petites bandes de rebelleş, qui, dans toutes les rencontres, ont été battues et dispersées par les braves troupes envoyées à leur poursuite. »

En ce qui concernait les finances, S. M. annonçait que

(1) On sait qu'aux termes de la constitution portugaise, le mari de la reine prend ce titre, dès qu'elle a donné le jour à un enfant mâle.

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ce reveņu était assez prospère pour rassurer les créanciers de l'État; elle espérait que les avances qui avaient affecté ce revenu d'une manière si pénible, pourraient être remboursées. La reine faisait ensuite part aux cortès, des mesures qu'elle avait prises au sujet de la dette étrangère, << dont on n'avait pu, disait-elle, payer les intérêts au-delà « du second trimestre de 1837, et qui était un objet de la << plus haute importance dans lequel l'honneur national et « le crédit du Gouvernement se trouvaient engagées. >>

Passant ensuite à la politique étrangère, S. M. faisait connaître aux cortès, l'arrivée d'un envoyé du roi de la Grèce, et proposait de nouer des relations diplomatiques avec ce pays. Elle s'applaudissait de la tournure satisfaisante qu'avaient prise les négociations ouvertes avec le Saint-Siége, d'où elle espérait voir sortir le rétablissement de ces relations de bonne amitié, qui devraient toujours exister, entre les deux pays. Enfin, la reine terminait en entretenant les cortès des efforts qu'elle faisait, concurremment avec d'autres puissances, pour l'entière extinction de la traite des noirs :

Je ne puis, ajoutait S. M., vous annoncer d'une manière positive la conclusion d'une convention avec la Grande-Bretagne pour la suppression de la traite des noirs. J'espère néanmoins que le jour n'est pas éloigné où un arrangement définitif aura lieu. J'ai entamé avec la France des négociations tendant au même but. L'intérêt de la monarchie exige l'extinction totale de ce trafic inhumain qui retarde les progrès de la civilisation dans nos provinces africaines, et rend impraticable la propagation de l'Évangile. Il est convenu que les puissances maritimes devront coopérer à cette œuvre de justice et de politique, et que l'on conclura des traités pour mettre un terme à ce trafic, tout en garantissant la liberté du commerce et le respect dû à l'indépendance des parties contractantes. »

Tels furent les événements que la monarchie portugaise, déjà bouleversée par tant de tourments politiques et de déchirements intérieurs, eut à traverser durant l'année que nous venons de parcourir. Cependant, des jours plus calmes

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