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VI. L'interdiction d'une personne peut être provoquée dans tous les cas, par chacun de ses parents, quel que soit son degré de parenté, alors même qu'il n'y aurait pas un intérêt actuel, et qu'il existerait des parents plus rapprochés. (Duranton, t. 2, p. 671.)

VII. Mais les alliés n'ont pas ce droit. Le texte de la loi est formel. Ils ne succèdent pas personnellement à l'insensé, dit M. Duranton, et l'un des principaux motifs qui ont déterminé le législateur à faire, de l'action en interdiction, une action de famille, cesse à leur égard. M. Proud'hon est du même avis, t. 2, p. 315. (Contra, Delvincourt, t. 1, p. 478.)

VIII. Quant au conjoint, il peut provoquer l'interdiction; mais avec cette distinction, que la femme qui veut user de ce droit, doit se faire autoriser par justice, même quand elle est séparée de corps. (Merlin, Répert., v° Autorisation; Duranton, p. 672; Chauveau, Tarif, t. 2, p. 376; Delvincourt, t. 1, p. 477; Berriat-Saint-Prix, t. 2, p. 186.)

IX. Par la même raison, la femme dont l'interdiction est provoquée par des parents, doit être autorisée par son mari, ou, à défaut, par justice, à l'effet de répondre à la demande dirigée contre elle. Sans cela, son interdiction serait nulle. (Cour de cass., 5 mai 1817.)

X. La cour de Bruxelles a jugé, le 3 août 1808, que le tuteur d'un mineur pouvait provoquer l'interdiction d'un parent de celui-ci, attendu que le tuteur représente le mineur dans tous les actes civils.

XI. Le ministère public a toujours, dans l'intérêt de l'ordre public, le droit de provoquer l'interdiction des individus qui sont en état de fureur (art. 491 du Code civil). Il ne peut provoquer celle des personnes en état de démence et d'imbécillité, que lorsque ces individus n'ont ni conjoints ni parents connus (ibid). Il serait déclaré non recevable, s'ils en avaient (cour de cass., 7 août 1826).

XII. Tous les auteurs s'accordent à dire qu'un individu ne peut demander sa propre interdiction. Cette doctrine a été consacrée par un arrêt de la cour de cassation, sur la réquisition du ministère public, « attendu qu'on ne peut déroger, par des conventions particulières, aux lois qui intéressent l'ordre public et règlent l'état des citoyens. » (7 sept. 1808.)

XIII. Les demandes en interdiction doivent être portées devant le tribunal de première instance (Code civil, art. 492); elles sont dispensées du préliminaire de la conciliation (art. 59, Code de Procéd.), et s'introduisent par une requête au président (art. 890).

XIV. Ce magistrat ordonne que la requête sera commu→

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niquée au ministère public, et commet un juge pour le rapport. (Art. 83 et 891 du Code de Procéd.)

XV. Après avoir entendu le rapport de ce juge, et les conclusions du ministère public, le tribunal ordonne que le conseil de famille donnera son avis sur l'état de l'individu dont l'interdiction est demandée (sur la composition et la tenue de ce conseil, voir t. 2, p. 176, vis Conseil de famille, no 27). Nous ferons seulement remarquer ici, avec M. Duranton (t. 1o, p. 676), que celui qui poursuit l'interdiction, a qualité pour requérir du juge de paix la convocation du conseil de famille. A cet effet, il lève le jugement.

XVI. La requête présentée au tribunal et la délibération dú conseil de famille sont signifiées au défendeur, qui est ensuite interrogé, soit dans la chambre du conseil par le tribunal entier, soit dans sa demeure, et par un juge commis, s'il ne peut se présenter. Le procureur du roi doit toujours y assister. (Art. 496 du Code civil; 893 du Code de Procéd.)

XVII. Il semble, au premier abord, que le tribunal pourrait commettre le juge de paix du domicile du défendeur, pour procéder à l'interrogatoire, si ce domicile n'était pas dans la ville où siége le tribunal, ou si le défendeur ne pouvait se présenter (Code de Procéd., art. 1035). Mais cette mesure serait en opposition manifeste avec le texte formel de l'art. 496 du Code civil, dont on peut trouver au besoin l'interprétation législative dans l'ordonnance du 4 août 1824, qui fixe une indemnité pour celui des juges qui se transporte hors de la ville où siége le tribunal, à l'effet d'interroger l'individu que l'on veut faire interdire.

XVIII. Après le premier interrogatoire, le tribunal commet, s'il y a lieu, un administrateur provisoire pour prendre soin de la personne et des biens du défendeur. ( Code civil., art. 497.)

XIX. Il arrive quelquefois que l'interrogatoire, même réitéré, du défendeur, ne peut éclairer complétement les juges. Ils peuvent alors ordonner une enquête en la forme ordinaire; ils peuvent aussi ordonner, si les circonstances l'exigent, que l'enquête sera faite hors de la présence du défendeur; mais dans ce cas, son conseil pourra le représenter. (Art. 893 du Code de Proced.

XX. Cette enquête peut être confiée à un juge de paix dans les cas prévus au mot Enquête, § 2. Aucun texte de loi ne s'y oppose.

XXI. Pigeau dit avec raison qu'il y a lieu d'apposer les scellés après une demande en interdiction, quand il n'y a personne auprès du défendeur pour veiller à la conservation de son

mobilier. Le défendeur est à peu près dans le même état qu'un homme qui a disparu, et il est certain que les scellés doivent être apposés d'office par le juge de paix au domicile de ce dernier. Carré pense que le demandeur en interdiction doit attendre, pour provoquer cette mesure, que le conseil de famille ait donné son avis sur l'état du défendeur. Néanmoins, ajoute-t-il, s'il y avait urgence, les scellés pourraient être apposés auparavant; mais nous croyons que le juge de paix agirait prudemment en renvoyant les requérants devant le président, qui apprécierait les causes de l'urgence, et rendrait, s'il les croyait fondées, une ordonnance permettant d'apposer les scellés. ( Droit français, t. 3, p. 357.)

XXII. Dès que l'administrateur provisoire dont nous avons parlé au no 18, a été nommé, toute apposition de scellés devient inutile. Si elle a eu lieu avant sa nomination, il devra les faire lever. Quand le tribunal n'a pas nommé d'administrateur, la levée doit être faite à la requête du tuteur ou du subrogé tuteur de l'interdit, avec inventaire, parce que si l'interdiction vient à cesser, le tuteur devient comptable envers l'interdit. (Carré, ibid.)

Du reste, il est de toute évidence que le mari, tuteur de sa femme interdite, n'est pas tenu de faire inventaire, car il reste toujours administrateur de la communauté, et il ne devient pas comptable de sa femme, si l'interdiction est levée.

XXIII. Lorsqu'il y a eu appel d'un jugement qui accueille ou qui rejette une demande en interdiction, la cour peut interroger de nouveau ou faire interroger par un commissaire l'individu qu'on veut faire interdire. (Art. 500 du Code civil.)

Mais peut-elle convoquer de nouveau le 'conseil de famille? Non, dit M. Rolland de Villargues (Répert., vo Interdiction, n° 29), parce que le conseil de famille ne ferait que réitérer l'avis qu'il a donné. Ce motif est vrai en général. Cependant, comme l'état moral du défendeur à l'interdiction a pu changer, depuis le premier avis donné par le conseil, pourquoi la cour royale, si ce changement était rendu probable par le nouvel interrogatoire, n'aurait-elle pas le droit d'interroger une seconde fois la famille ?

XXIV. Quand le jugement d'interdiction est confirmé, ou quand il n'y a pas eu appel de ce jugement, l'interdit doit être pourvu d'un tuteur et d'un subrogé tuteur, suivant les règles prescrites au titre de la Minorité, de la Tutelle et de l'Emancipation. (Art. 505 du Code civ.)

XXV. On a prétendu que la nomination du tuteur serait nulle, si elle avait été faite durant les délais de l'appel, et si cet appel avait eu lieu. Il est plus juste de dire, avec

MM. Duranton et Toullier, que la nomination ne doit, à peine de nullité, être faite qu'après la signification du jugement. Mais après cette signification, elle est valable, pourvu qu'il n'y ait pas eu d'appel interjeté auparavant. Nous ajouterons que si un appel vient à être interjeté après la nomination faite, les fonctions du tuteur devront être suspendues jusqu'à ce que l'appel soit vidé. (Voy. le Juge de paix, t. 3, p. 36.)

XXVI. L'article 50g du Code civil déclare que les lois sur la tutelle des mineurs s'appliqueront à la tutelle des interdits. Cependant il existe de notables différences entre ces deux tutelles. Ainsi celle des interdits est dative et non légale, à moins que la personne interdite ne soit une femme mariée, cas auquel la tutelle appartient de droit à son mari.

Le tuteur doit être nommé par le conseil de famille. Aussi la cour de cassation a jugé, le 11 mars 1812, que les père et mère d'un interdit ne peuvent lui nommer un tuteur par testament, car comment transmettraient-ils un droit qui n'est pas nécessairement attaché à leur qualité ?

Il faut donc tenir pour constant que le conseil de famille est entièrement maître de conférer la tutelle de l'interdit à qui bon lui semble. Il peut la donner à sa femme (Code civ., art. 507); mais aussi il peut la lui refuser, même sans aucun motif valable. L'arrêt qui jugerait le contraire, devrait être cassé comme reconnaissant implicitement que la femme est tutrice légale. (Cass., 27 novembre 1816. )

Par suite de ce principe, la cour de Metz a jugé, le 24 brumaire an 13, qu'on pouvait nommer tuteur celui – là même qui a provoqué l'interdiction. Le fils de l'interdit pourrait être aussi nommé. (Arg. de l'art. 508.)

XXVII. Non-seulement, ainsi que nous l'avons dit, le conseil de famille peut, sans donner de motifs, refuser la tutelle à la femme de l'interdit, mais, quand il la lui accorde, il doit régler la forme et les conditions de son administration, sauf son recours devant les tribunaux, si elle se croit lésée par ce réglement. (Code civ., art. 507.)

Le réglement du conseil de famille ne pourrait donner à la femme un droit absolu sur ses biens propres, ni sur ceux de son mari, ni enfin sur ceux de la communauté. Elle ne pourrait aliéner les premiers qu'avec autorisation de justice, et les autres qu'avec les formalités prescrites pour la vente des biens de mineurs. (Arg. de l'art. 509 du Code civ.)

XXVIII. Le conseil de famille peut ordonner que l'interdit sera traité dans son domicile, où placé soit dans une maison de santé, soit dans un hospice, à moins toutefois qu'il ne

s'agisse d'une femme mariée; car alors le mari seul est juge des mesures qu'il faut prendre. ( Arg. des art. 454 et 506 du Code civ.)

En tout cas, les revenus de l'interdit seront employés à adoucir son sort, et à accélérer sa guérison. (Art. 510.)

XXIX. Lorsqu'il sera question du mariage de l'enfant d'un interdit, la dot ou l'avancement d'hoirie, et les autres conventions matrimoniales seront réglés par un avis du conseil de famille, homologué par le tribunal, sur les conclusions du procureur du roi. (Art. 511.)

XXX. L'interdiction cesse avec les causes qui l'ont déterminée (Code civil, art. 512), et la demande en main-levée est instruite et jugée dans la même forme que l'interdiction (Code de Proced., art. 896).

<< Ainsi, disait M. Tarrible, orateur du tribunat, le rétablissement sera constaté par les mêmes procédés que l'a été l'aliénation d'esprit ; des témoins seront entendus, le conseil de famille sera consulté, l'interdit sera interrogé.

>>

XXXI. Nous croyons important de faire observer à MM. les juges de paix que, si l'avis du conseil de famille n'était pas unanime pour la main-levée de l'interdiction, l'interdit ne serait pas obligé d'appeler les dissidents, saufà ceux-ci à former tierce-opposition par acte signifié à l'interdit. Mais après cette signification, celui-ci devrait les appeler pour faire rendre le jugement avec eux. S'il ne les appelait pas, ils pourraient former opposition à ce jugement. Telle est l'opinion de Pigeau, fondée sur l'art. 888 du Code de Procédure.

S II. Interdiction en matière criminelle ou correctionnelle.

I. Quiconque a été condamné aux travaux forcés à temps, à la détention ou à la réclusion, est, pendant la durée de sa peine, en état d'interdiction légale. On lui nomme un tuteur et un subrogé-tuteur, comme s'il était interdit pour une des causes expliquées au paragraphe précédent. (Code pénal, article 29.)

II. Cette interdiction n'a lieu qu'en cas de condamnation contradictoire; car, si la condamnation est par contumace, les biens du condamné sont régis comme biens d'absents, conformément à l'art. 471 du Code d'Instruction criminelle.

III. Elle finit avec la peine du condamné. (Code pénal, art. 30.)

IV. Indépendamment de l'interdiction qui résulte des condamnations criminelles, il est une espèce d'interdiction moins

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