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La loi veut, à peine de nullité, que le ministère public ait été entendu quel est le sens de ces mots? Ils signifient que le ministère public doit, à peine de nullité, faire le rapport devant la chambre d'accusation, conformément à l'article 218, et y prendre ses réquisitions, conformément à l'article 224. Il faut que les réquisitions portent sur le fond; il ne suffirait pas qu'elles se fussent arrêtées à un incident: c'est ce que nous avons déjà établi1. Mais il n'est pas nécessaire qu'il soit constaté que les réquisitions ont porté sur toutes les circonstances relevées par l'arrêt de renvoi; il suffit que le ministère public ait été entendu devant la chambre d'accusation et ait conclu au fond: c'est ce qui résulte d'un arrêt de rejet portant : « que l'audition du ministère public, prescrite par le n° 2 de l'article 299, s'entend de celle du ministère public devant la chambre d'accusation, et que cette audition a eu lieu conformément à la loi 2. »

2271. Un quatrième moyen de nullité est l'incompétence.

La loi du 10 juin 1853 a cru devoir ajouter ce moyen aux trois ouvertures mentionnées par l'article 299, et en cela elle n'a fait 413 et aucune innovation : les termes formels des articles 408, 416 permettaient déjà d'attaquer les arrêts des chambres d'accusation pour cause d'incompétence.

En effet, l'article 408 ouvre le recours en cassation, non-seulement contre l'arrêt de condamnation, mais contre l'arrêt de la cour impériale qui a ordonné le renvoi de l'accusé devant la cour d'assises, et parmi les voies de cassation qu'il énonce se trouvent les cas d'incompétence. L'article 413 étend aux matières correctionnelles et de police les voies d'annulation ouvertes par l'article 408. L'article 416 ajoute que la disposition qui prohibe le pourvoi contre les arrêts préparatoires et d'instruction avant l'arrêt définitif ne s'applique point aux arrêts rendus sur la compétence. Enfin, l'article 539 autorise formellement les parties à se pourvoir contre l'arrêt de la chambre d'accusation qui a admis ou rejeté une exception d'incompétence.

La jurisprudence a consacré à diverses reprises cette interprẻtation en déclarant par un premier arrêt : « qu'indépendamment du recours en cassation accordé aux accusés par l'article 299, sur

1 Voy. suprà no 2187, et cass. 11 nov. 1824 (J. P., tom. XVIII, p. 1095). 2 Cass. 6 nov. 1851 (Bull., no 465).

les trois ouvertures qui sont déterminées dans cet article, les accusés ont encore en leur faveur contre les arrêts de mise en accusation le recours général pour cause d'incompétence, qui leur est ouvert par les articles 408 et 416'; » par un autre arrêt : « que le recours en cassation contre les arrêts des chambres d'accusation n'est pas limité aux trois cas prévus par l'article 299; qu'il est encore autorisé, dans les cas relatifs à la compétence, par l'article 416a -par un 3o arrêt: « qu'il ressort de la combinaison de l'article 299 avec les articles 408 et 416 que le pourvoi contre les arrêts d'accusation est légalement motivé par une exception d'incompétence 3. »>

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2272. Il y a lieu à pourvoi pour cause d'incompétence :

1° Lorsque la chambre d'accusation en rejetant une exception d'incompétence a prononcé sur une affaire dont elle ne pouvait connaître, soit à raison du lieu où le fait avait été commis ou du lieu de la résidence ou de l'arrestation du prévenu, soit à raison de la nature du fait, soit à raison de la qualité du prévenu. Il faut, en effet, pour que la compétence de la chambre existe, qu'elle ait juridiction sur le fait, sur la personne et sur le lieu.

2o Lorsque la chambre d'accusation a prononcé le renvoi de l'affaire devant un tribunal autre que celui qui a juridiction pour en connaître; il y a, en effet, violation des règles de la compétence toutes les fois qu'une juridiction incompétente se trouve saisie par l'arrêt de renvoi. Ce point a été reconnu par un arrêt ainsi conçu : «< sur le moyen tiré de ce que la cour d'assises était incompétente, attendu que non-seulement l'accusé n'était ni domicilié ni résidant dans le département, mais que le délit poursuivi, en supposant qu'il existât, aurait été commis à Paris, où l'inculpé a été arrêté; que le fait poursuivi constituait un crime de la compétence des cours d'assises; qu'il ne s'agit donc pas ici d'un moyen d'incompétence absolue pris d'une atteinte portée à l'ordre public et à l'ordre des juridictions; que le demandeur se plaint seulement de ce que l'affaire a été instruite devant des juges qui n'auraient pas dû en connaître, sous le rapport du lieu et de la personne; mais que ce n'est là qu'un moyen

1 Cass. 22 janv. 1819 (J. P., tom. XV, p. 27).

2 Cass. 17 août 1839 (Bull., no 267).

3 Cass. 20 sept. 1844 (Bull., no 326).

d'incompétence relative, qui a pu être couvert par le silence de l'accusé, et qu'en fait le demandeur n'a pas usé des voies qui, indépendamment de celles ouvertes par l'article 299, lui étaient offertes par l'article 416; que dès lors en n'attaquant pas en temps utile l'arrêt de renvoi il s'est rendu non recevable à proposer pour la première fois devant la cour l'exception d'incompétence dont il s'agit '. » Il résulte de cet arrêt, qui repose d'ailleurs sur une distinction que nous n'examinons pas ici (voy. no 1694), que la voie du recours en cassation est ouverte contre l'arrêt de renvoi toutes les fois que cet arrêt, en statuant sur une question de compétence, saisit un tribunal qui n'est pas le tribunal compétent.

M. Mangin enseigne qu'il y a également lieu à pourvoi pour cause d'incompétence « 1° quand la chambre d'accusation attribue à un tribunal de répression le jugement d'un fait qui n'est réputé par la loi ni crime, ni délit, ni contravention; 2° et quand, au contraire, elle refuse de renvoyer au tribunal de répression le jugement d'un fait prévu et puni par la loi pénale *. » Il est certain que la conséquence de cette décision est de porter, dans le premier cas, devant une juridiction pénale un fait dont elle ne peut connaître, et dans le deuxième cas, devant la juridiction civile, s'il y a eu dommage causé, un fait sur lequel la juridiction pénale aurait pu statuer; mais ce n'est là qu'une conséquence de la décision, ce n'est pas la décision elle-même. Tout arrêt rendu sur la qualification d'un fait, s'il lui reconnaît le caractère d'un crime quand il était qualifié délit et le caractère d'un délit quand il était qualifié crime, a les mêmes effets s'ensuit-il qu'il faille le considérer comme un arrêt rendu sur la compétence? Lorsque le motif déterminant de l'arrêt est tiré du caractère même du fait incriminé, lorsqu'il a pour but de formuler la qualification, soit qu'il lui dénie ou lui inflige une qualification pénale, la voie du recours doit être ouverte à raison de la qualification inexacte ou fausse, et non à raison des règles de la compétence méconnues. C'est l'objet principal de l'arrêt qui lui assigne son caractère; ce ne sont pas les corollaires que sa décision peut entraîner après elle. Au surplus, cette distinction, qui a encore quelque intérêt même depuis que la loi du 10 juin 1853 a réuni dans le texte de 1 Cass. 24 déc. 1840 (Bull., no 364).

2 Tom. II, p. 202.

:

l'article 299 les pourvois pour incompétence et pour défaut de qualification légale, sera reprise plus loin à l'occasion du pourvoi contre les arrêts de renvoi devant la police correctionnelle.

2273. Après ces moyens de nullité, qui sont fondés sur le texte précis de l'article 299 modifié par la loi du 10 juin 1853, viennent les autres moyens, que ce texte n'exclut pas et qui sont fondés sur les dispositions générales de la législation.

Les vices, autres que ceux que nous avons déjà mentionnés, qui s'attachent à l'arrêt de la chantbre d'accusation, sont inhérents soit à la procédure antérieure à cet arrêt, soit à l'arrêt luimême. Examinons, d'abord, l'effet que les premiers peuvent exercer sur sa validité.

Une première règle est que l'arrêt de la chambre d'accusation, quand il a acquis l'autorité de la chose jugée, couvre toutes les irrégularités de la procédure antérieure. L'article 408, en effet, n'ouvre le pourvoi que contre cet arrêt, et non contre les actes de cette procédure; ces actes ne peuvent donc être attaqués isolément, ils ne peuvent donc l'être, s'il y a lieu, qu'en attaquant l'arrêt lui-même qui prononce sur l'instruction écrite et ne fait, lorsqu'il la juge régulière, qu'en dégager les conséquences.

Cette règle a souvent été consacrée par la jurisprudence. La Cour de cassation a jugé par un premier arrêt : « qu'il résulte de la combinaison des articles 299 et 408 que les vices reprochés à la procédure antérieure à l'arrêt de renvoi sont couverts par le défaut de pourvoi contre ledit arrêt; et que si l'omission ou la viola tion des formalités établies à peine de nullité par la loi contenues dans l'arrêt de renvoi peuvent être déférées à la censure de la cour, en vertu dudit article 408, aucune disposition de la loi n'a dispensé les prévenus de l'obligation de faire connaître leur volonté à cet égard par un pourvoi distinct et séparé 1. » Dans une seconde espèce, l'accusé fondait son pourvoi contre l'arrêt de la cour d'assises sur ce que l'expert qui, dans l'instruction préalable, avait procédé à une autopsie, n'avait point prêté serment le pourvoi a été rejeté : « Attendu que, s'il paraît que le médecin commis pour procéder à l'autopsie n'a point prêté, entre les mains du magistrat, le serment prescrit par l'article 44, et que ce même médecin a prêté plus tard devant la cour d'as1 Cass. 19 janv. 1833 (J. P., tom. XXV, p. 64).

sises avant d'y faire son rapport oral, il n'en résulte aucun moyen de cassation de la procédure faite devant la cour d'assises; qu'en effet la demanderesse n'a jamais élevé aucune contestation sur l'identité des matières extraites du corps de son mari, et soumises plus tard à l'examen et à l'analyse des experts chimistes; qu'en outre l'irrégularité de certains actes d'instruction de la procédure écrite ne saurait vicier celle faite devant la cour d'assises, quand, à la suite d'un arrêt de renvoi et d'un acte d'accusation réguliers, l'accusé a gardé le silence sur cette irrégularité » Dans une troisième espèce, où le moyen de pourvoi contre l'arrêt de condamnation était également tiré d'un vice de l'instruction écrite, le pourvoi a été encore rejeté : « Attendu que ce moyen se rattache aux actes de procédure qui ont suivi l'arrestation du demandeur à l'audience, actes antérieurs à l'arrêt de renvoi; que les prétendues nullités alléguées contre ces actes sont donc couvertes, aux termes de l'article 408, puisqu'il n'a été fait, ni dans les délais de l'article 373, ni dans ceux de l'article 296, aucune déclaration de pourvoi contre ledit arrêt 2. »

De là il faut inférer ce double corollaire : 1° que les nullités dont l'instruction écrite se trouve entachée doivent être relevées par l'arrêt de la chambre d'accusation; 2° que, si cet arrêt omet de les relever ou les écarte irrégulièrement, il y a ouverture à cassation. En effet, déclarer que les vices de la procédure antérieure à l'arrêt de renvoi sont couverts par le défaut de pourvoi contre cet arrêt, c'est reconnaître que ces vices peuvent faire l'objet d'un pourvoi et qu'il suffit que l'arrêt se les soit appropriés en maintenant une procédure irrégulière, pour qu'il puisse être par cela même attaqué. Si l'arrêt les couvre, ils n'étaient donc pas couverts avant cet arrêt; s'il y a chose jugée sur ces vices, depuis que l'arrêt est devenu définitif, il était donc permis de les faire valoir avant qu'il eût acquis ce caractère; en un mot, si le défaut de pourvoi les efface, le pourvoi pouvait donc les faire valoir.

2274. Ce principe est fondé sur la plus saine raison; car il est impossible d'admettre que la loi n'ait voulu donner aucune sanction aux règles fondamentales de la procédure, que toutes 1 Cass. 17 sept. 1840 (Bull., no 275).

2 Cass. 23 déc. 1847 (J. crim., tom. XX, p. 22).

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