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sant même dans le Seigneur (1). Or, si l'Eglise regarda comme de vrais Martyrs ceux qui étoient morts à la suite de pareils travaux imposés en punition de leur Foi, à plus forte raison doivent-ils être considérés comme tels, ces prêtres qui, avant d'y être forcés, avoient déjà souffert une si horrible captivité et de si affreux traitemens. N'oublions pas qu'à Blaye, de même qu'à Bordeaux, leurs souffrances comme leur détention, sans compter ce qu'ils avoient précédemment souffert, ne durèrent pas moins de vingt mois. (Voy. pour la série des confesseurs de la Foi, morts captifs à Bordeaux, J. ALBOUY, etc. etc.; et, pour la série de ceux qui y furent égorgés, J. ALIX, etc. etc.)

Quant à ceux qui revinrent du supplice de cette captivité en 1796, nous pouvons bien leur appliquer les réflexions par lesquelles s'est terminé notre article ROCHEFORT (Voy. cidevant, pag. 375). « Les récompenses promises par Dieu aux Martyrs, dit saint Cyprien, ne sont pas seulement pour ceux qui y ont perdu la vie. Jésus-Christ décerne aussi les honneurs du martyre à ceux qui, dans de cruelles épreuves, ont conservé leur foi pure et invincible. Ils vivent et règnent avec lui, tous ceux qui, persévérant dans la fermeté de la Foi, n'ont aucunement fléchi devant les édits sacriléges et funestes des persécuteurs (2) ».

(1) At ut tyrannus isto modo Fidei infringere non valuit murum, cogitat ut nostræ religionis homines in aulá ejus constitutos, neque annonas, neque stipendia solita potirentur : addidit quoque et laboribus conterere rusticanis. Dirigit viros ingenuos et admodum delicatos ad campum Uticensem, ut sub ardentis solis incendio cœspites messium desecarent, ubi omnes cum gaudio pergentes, in Domino lætabantur. (Victor : De Persecutione vandalica. L. II.)

(2) Nec solos animadversos et interfectos, divine pollicitationis manent præmia, sed etiam si ipsa passio fidelibus desit, Fides tamen integra, atque invicta perstiterit, et contemtis ac relictis suis omnibus, Christum se sequi Christianus ostenderit, ipse quoque à Christo inter Martyres honoratur, pollicente ipso, et dicente, etc.... Vivere omnes dicit (Apostolus) et regnare cum Christo, non tantùm qui occisi fuerint, sed et quique in Fidei suæ firmitate et Dei timore perstantes, imaginem Bestiæ non adoraverint, neque ad funesta ejus et sacrilega edicta consenserint. (S. Cypr. Epist. ad Fortunatum. De exhortatione Martyrii, Cap. XII.)

N° XVII.

ARRAS.

Si la plupart des proconsuls envoyés par la Convention dans les départemens, sous l'influence de la faction Dantoniste-Chaumétiste, en octobre 1793, ressembloient plus ou moins à ce Théotecne, aux sacriléges fureurs de qui Dioclétien livra les chrétiens de la ville d'Ancyre, vers l'an 303; nul ne lui ressembloit mieux que cet apostat, Joseph Lebon, à qui tout pouvoir sembloit donné par l'enfer même sur les provinces de l'Artois et du Cambrésis. On reconnoîtra son caractère, ses procédés, ses forfaits et ses complices dans ceux de Théotecne qui, suivant le récit d'un témoin oculaire, étoit «< un homme sans mœurs, déserteur de toute piété, d'un esprit turbulent, d'un naturel plein de violence, enclin à la cruauté, méchant à l'excès, avide de carnage et de sang, exécrable sous tous les rapports, et dont on ne sauroit mieux faire apprécier la perversité, qu'en disant que c'étoit à cause de cet infernal mérite que le gouvernement de la province de Galatie lui avoit été confié. Il avoit promis à Dioclétien que, s'il l'obtenoit, il y feroit bientôt disparoître tout vestige de christianisme, et y transformeroit même en païens tout ce qu'il pourroit y trouver de fidèles.

>>Sa réputation qui l'y précéda, répandit l'épouvante parmi les âmes pieuses; et la terreur qui s'empara des esprits fit que tous les habitans étoient consternés, comme si le plus grand fléau du ciel eût plané sur leurs têtes. Les voies de la persécution lui étoient préparées par des complices qui, pour attester la grandeur de sa puissance, l'annonçoient comme devant renverser les autels et raser les églises. A peine est-il arrivé que les prêtres sont saisis et traînés aux idoles pour qu'ils y abjurent leur Foi; et les laïcs religieux

qui ne paroissent pas disposés à suivre ses vues impies, voient déjà leurs biens confisqués, et sont jetés avec leurs enfans dans les prisons pour y attendre le dernier supplice. L'association d'hommes infâmes, qui seconde ses abominables projets, partage son temps entre les forfaits et des orgies d'où ils sortent encore plus ivres de scélératesse que de vin, en s'abandonnant à tous les excès de fureur dont peuvent être capables les plus frénétiques démoniaques. Ils fondent sur les maisons particulières, y saccagent tout ce qu'ils ne peuvent emporter; et quiconque résiste, quiconque veut seulement s'expliquer, est traité de séditieux. Plusieurs sont précipités dans les fers; et l'impunité de ces démons déchaînés, lâchant la bride à tous les méchans dont la perversité s'étoit contenue jusque-là, les dénonciations sortent de toutes parts; les amis sont trahis par leurs amis; les gens pieux sont calomniés; des femmes vertueuses, et d'innocentes vierges sont audacieusement enlevées par des hommes impudiques. Les chrétiens qui veulent fuir, ne trouvent plus d'asiles où ils puissent être en sûreté : et cependant aucun d'eux n'ose se montrer en public (1). »

(1) Quidam, Theotecnus nomine, patriæ nostræ regimen consecutus est; homo incompositus, turbidus, violentus, ad sævitiam proclivis, malignus omninò, cæde ac sanguine gaudens, desertor pietatis, omnimodis exsecrabilis, et cujus nequitiam nullis verbis meliùs possim explicare, quàm dicendo quòd ejus solius merito tam magnæ civitatis administrationem acceperit. Etenim imperatori adversus Ecclesiam belligeranti promiserat quòd si hujus regionis gubernatio sibi crederetur omnes quotquot hic, sunt christianos, brevi tempore traduceret ad impietatem. Hic ergò, priùsquam fines nostros ingrederetur, sola sui adventús fama pios omnes sic exterruit, ut desolata fuerit plenitudo Ecclesiæ, et fugitivis impletæ solitudines montiumque cacumina : tantusque omnes terror invasit, ac si demissa cœlitùs plaga impenderet capitibus universorum. Præmittebat enim nuntios..... adferentes edicta potestatis commissæ amplitudinem testantia, quibus præcipiebatur ut omnes ubique Ecclesiæ cum suis altaribus æquarentur solo; sacerdotes traherentur, et cogerentur ejurare pietatem ; omnium autem eorum qui præceptis contradicerent facultates addicerentur fisco, ipsique ac liberi eorum includerentur carceribus, Præsidi ad supplicium reservandi.. .... Consilium autem malignantium ipsi suæ perditionis barathro innatans, versabatur in co

Ici doit s'arrêter la citation, car si nous la poussions plus avant, nous anticiperions trop réellement sur ce que nous avons à dire de particulier sur la mission du proconsul Joseph Lebon, dont il importe essentiellement de faire connoître le but et les manœuvres, pour qu'il reste bien évident qu'elle fût animée de la plus féroce haine contre la religion, et que ceux qui, dans cette occasion, furent immolés pour cette cause, périrent véritablement en Martyrs.

Ce proconsul, né dans Arras même, vers 1765, et admis ensuite au sacerdoce, avoit, sous les auspices de la constitution civile du clergé, usurpé la cure de Neuville-Vitasse, près d'Arras. Ardent pour la révolution, il étoit disposé à la seconder dans tous ses excès; et, devenu membre de la Convention après le 31 mai 1793, il y mérita bientôt par sa criminelle audace, d'être envoyé, le 9 août, proconsul à Abbeville. Il en fut rappelé le 4 septembre, pour accroître sans doute la force que la faction Dantoniste y acquéroit (Voyez LOIS et TRIBUNAUX RÉVOLUTIONNAIRES); et ce fut cette faction qui, dans la séance du 18 vendémiaire an II (9 octobre 1793), et sur la demande de Barrère, le fit envoyer dans l'Artois vers le même temps où Carrier l'étoit à Nantes, Francastel à Angers, Collot d'Herbois et Fouché à Lyon, etc. (Voy. NANTES, ANGERS, LYON.)

messationibus et compotationibus et suæ prosperitatis excessum portare non valentes impii, ac nimiá malitiá velut mero ebrii, omnia quæ insani furentesque solent, agebant et patiebantur. Etenim irrumpentes in domos nulla apparente ex causa, obvia quæque diripiebant, neque injuriam ferentium aliquis audebat ipsis se opponere: nam si verbo obloqueretur quispiam, reus agebatur insolentiæ ac seditionis. Cùm ergò sic proposita essent impia edicta, et primi quique ex fratribus ad custodiam ferro vincti tenerentur in carcere; christianorum nemo apparebat in publico: palàm autem expilabantur eorum ædes, prodebantur amici, calumniam patiebatur religio, mulieres ingenuæ virginesque à lascivis hominibus inverecundè raptabantur........... Deerat enim fugitivis salutis locus, et ab aris recesserant sacerdotes, derelinquentes vestibula ecclesiarum: dùmque eorum facultates impiis essent expositæ ad rapinam, etc. (Nilus, testis oculatus, in Bollandinianis, tom. 1v maii, die 18 hujus mensis.)

Lebon se hâta de créer dans la ville d'Arras, un tribunal révolutionnaire, pour , pour l'aliment duquel ses agens entassoient des victimes dans les prisons; et le comité de salut public de la Convention étoit si content de ce début, que, le 26 brumaire (16 novembre), six jours après l'impie fête de la Raison à Paris, trois des membres de ce comité, pleins de l'esprit qui l'y avoit animée, savoir: Billaud-Varennes, Carnot et Barrère écrivirent à Lebon pour l'encourager dans ses attentats : « Investi, comme vous l'êtes, de pouvoirs illimités, lui disoient-ils, vous pouvez prendre dans votre énergie toutes les mesures commandées par le salut de la patrie. Continuez votre attitude révolutionnaire.... secouez sur les traîtres le flambeau et le glaive. Marchez toujours, citoyen collègue, sur la ligne révolutionnaire que vous suivez avec courage : le comité applaudit à vos travaux (1) ».

Comme Lebon, dans la crainte encore de n'avoir pas assez de liberté pour le mal, avoit montré quelque hésitation au comité, Billaud-Varennes lui écrivit bien vite dans le même temps: « Les autorisations que vous demandez, seroient surabondantes; toutes ces mesures dont vous parlez, sont non seulement permises, mais encore commandées par votre mission rien ne doit faire obstacle à votre marche révolutionnaire. Abandonnez-vous à votre énergie. Vos pouvoirs sont illimités. Tout ce que vous jugerez convenable au salut de la patrie, vous pouvez, vous devez le faire sur-le-champ. Nous vous adressons un arrêté du comité de salut public qui étend vos pouvoirs aux départemens voisins (2) ».

Le sang des prêtres avoit déjà commencé à couler sur l'échafaud d'Arras; et les prisons de cette ville se remplissoient de plus en plus de victimes. Lebon, voulant jouir

(1) Rapport de Saladin à la Convention, au nom de la commission des Vingtun chargée de l'examen de la conduite de quelques membres du comité de salut public, en date du 16 ventose an III (6 mars 1795), pag. 68.

(2) Ibid., pag. 69.

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