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traient eux-mêmes dans le commerce comme un héritage; on les vendait, on les revendiquait, on les hypothéquait à des créanciers, et il y avait action de complainte contre les gens qui en troublaient la pos

session.

Ceux de Paris ne furent plus logés au milieu de la ville; on les relégua hors des portes, dans le lieu nommé Champeaux. De petites maisons hautes et mal bâties y furent élevées exprès, et composèrent un certain nombre de rues étroites, tortues et obscures, qui furent fermées de portes de tous côtés : ce sont aujourd'hui les rues de la Poterie, de la Friperie, de la Chausseterie, de Jean-de-Beauce et de la Cordonnerie. C'était ainsi que toutes les juiveries de l'Europe fûrent bâties.

Il y eut encore ce changement, que le roi nomma des juges pour connaître des causes des Juifs et des différends qui naîtraient entre eux et les chrétiens. Le prévôt de Paris était toujours de ce nombre, et on le nomma commissaire conservateur des Juifs.

Les choses demeurèrent en cet état sous les règnes de Louis-le-Gros et de Louis-le-Jeune, et c'en fut assez pour enrichir de nouveau les Juifs.

Pendant le règne du premier de ces princes, et sous la minorité du comte Aton VI, les Juifs établirent des universités ou académies dans les environs

de Nîmes. Cette nation produisit alors des hommes recommandables par leur savoir. Le rabbin Abraham, professeur à Vauvert, était entouré de disciples venus des pays les plus éloignés.

France, Innocent III écrivit, à leur occasion, une lettre adressée à l'archevêque de Sens et à l'évêque de Paris. Ce souverain pontife la commence par une réflexion sur l'ingratitude des Juifs, et dit ensuite qu'il est informé que l'on souffre en France que les Juifs fassent nourrir leurs enfans par des femmes chrétiennes, et que ces malheureux en prennent occasion de commettre un crime énorme contre notre sainte religion. Toutes les fois que ces femmes reçoivent le corps de Notre-Seigneur-Jésus-Christ, à Pâques, ils les obligent, durant les trois jours qui suivent la fête, de tirer leur lait dans les latrines avant de donner à téter à leurs enfans. Le pape ajoutait qu'il était instruit que les Juifs commettaient encore plusieurs autres abominations, qu'il devenait urgent de faire cesser. Il conclut enfin sa lettre par des défenses très-expresses aux femmes chrétiennes de servir les Juifs, soit comme nourrices de leurs enfans ou autrement, sous peine d'excommunication.

Si le pape Innocent III se montra si sévère contre les Juifs, plusieurs de ses successeurs en usèrent avec plus de douceur envers eux.

Dès l'an 1235, Grégoire adressa de Pérouse une lettre à tous les chrétiens, dans laquelle il prit la défense des Juifs, se fondant sur l'exemple de plusieurs de ses prédécesseurs qui avaient prononcé anathême contre ceux qui continueraient à les persécuter. L'année suivante, il en écrivit une autre de Rieti; enfin, il écrivit aussi à saint Louis une lettre sur le même sujet.

En 1244, Innocent IV se prononça en faveur des Juifs de France et d'Allemagne, contre les faux bruits qui s'étaient semés parmi les peuples, que les Juifs, aux fêtes de Pâques, immolaient un enfant chrétien pour en avoir le sang.

Clément VI publia deux décrets en leur faveur; et Sixte V fit venir à Rome un Juif français, nommé Gabriel Magin, très-habile dans l'art de multiplier les vers à soie et de fabriquer leur produit. Ce pontife lui accorda, pour lui et pour ses descendans, un privilége exclusif pour la manufacture des soies, et il cassa toutes les déclarations, toutes les bulles de ses prédécesseurs qui pouvaient y être contraires, quand même elles auraient été données avec serment et excommunication.

Cependant Innocent ayant écrit à Philippe-Auguste, afin qu'il employât son autorité royale pour faire cesser l'usure des Juifs, une ordonnance fut rendue, en 1222, par laquelle il leur fut défendu de prendre pour gages les vases sacrés ou les ornemens de l'église, non plus que les lits, charrues ou autres meubles et ustensiles des paysans, dont ils ne pouvaient se passer pour gagner leur vie, et de prêter aucune somme à des chanoines ou à des religieux, sans le consentement du chapitre ou de l'abbé.

L'ordonnance régla l'usure à deux deniers pour livre par semaine, et décida que cet intérêt ne commencerait à courir qu'un an après que la somme principale aurait été prêtée. Elle portait encore que les chrétiens ne pourraient être contraints par corps

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que le précis des canons du concile de Bâle, mais encore une loi de l'Etat, puisqu'elle a été faite et publiée dans une assemblée nationale, et que loin d'avoir été abrogée par une loi contraire, son exécution a été réclamée, plus de quarante-quatre ans après le concordat, par les Etats-généraux assemblés à Orléans en 1560. Le concordat, au contraire, loin d'être une loi de l'Etat, est déclaré opposé aux conciles de l'Eglise universelle et aux libertés de l'Eglise gallicane, par un arrêt du Parlement (Lib. de l'Egl. gall., c. aa); et cet arrêt n'a été donné que depuis un édit de Charles IX, rendu sur les remontrances de cette Cour, et conforme d'ailleurs au vœu du clergé de France, qui n'a jamais reçu le concordat comme loi. Dans l'assemblée de 1635, les promoteurs représentèrent que dans le Recueil des affaires du clergé, on avait inséré le concordat, ce qui pouvait impliquer une approbation tacite du clergé, quoiqu'il eat toujours fait difficulté d'en admettre les dispositions. Ils requirent en conséquence qu'il plût à l'assemblée de pourvoir à cet inconvénient: voici la réponse de l'assemblée : 14 a été déclaré et protesté que ledit concordat n'est mis dans les liores du clergé que pour la commodité des ecclésiastiques qui peuvent en avoir besoin, et non pour une plus grande approbation.

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DEPUIS L'ORIGINE DE LA MONARCHIE, Jusqu'au SIÈCLE DERNIER. (Edit. J. C.)

Saint Justin, dans son Dialogue avec Triphon, nous apprend que les Juifs choisirent, par une commune délibération, des personnes qu'ils envoyèrent par toute la terre, et par le moyen desquelles ils publièrent les plus atroces calomnies contre les chrétiens et contre leur auteur.

On ne sait pas au juste à quelle époque ces émissaires pénétrèrent dans les Gaules; mais il est certain qu'il y en avait sous Marc-Aurèle, car Bardesane, qui écrivait dans la Mésopotamie en l'an 170, dit positivement, dans son livre contre le Destin, que les Juifs pratiquent la circoncision, que Moïse leur a commandée, en quelques lieux qu'ils demeurent, soit en Syrie, soit dans la Gaule, en Italie, en Grèce ou parmi les Parthes. Quoi qu'il en soit, ils étaient encore peu nombreux à cette époque ; et selon toutes les apparences, il n'y en avait point à Lyon, car on ne voit pas qu'ils aient pris part à la cruelle persécution de l'an 177, tandis qu'ils étaient, pour l'ordi

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