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d'Oins, Martell, Mathieu de La Redorte, Mauguin, le général comte Meynadier, Meynard, Molin, de Montépin, Moreau (Meurthe), Moreau (Seine), Nicod, Nosereau, le baron d'Oberlin, Odier, Odilon Barrot, Oger, Paillard-Ducléré, Paixhans, Panis, Parant, Passy, Pataille, Paturle, le baron Pavée dé Vandeuvre, Pedre Lacaze, le général Pelet, Perier (Aphonse), Périer (Camille), Périer (Joseph), Périn, Perrier (Ain), Persil, Peyre, Pfliéger, Pougeard-Dulimbert, Poulle (Emmanuel), Prunelle, Quinette, Raguet-Lépine, de Rancé, le baron de Ranchin, Rauter, Raybaud, Réalier-Dumas, de Rémusat, Renouard, Reynard, le baron de Richemont, le baron Rivet, Rivière de Larque, Robineau, le baron Roger (Loiret), le comte Roger (Nord), Rouger, Rouillé de Fontaine, Roussilhe, RoyerCollard, Saglio, le vicomte de Saintenac, Sapcy, Saubat, Sauveur de La Chapelle, le baron de Schonen, le général Schramm, le comte Sébastiani, Sémerio, Sévin-Moreau, de Sivry, Talabot, Tavernier, Teillard-Nozerolles, Teisseire, Teulon, Thévenin, Thiers, Thil, de Tilly, le général Tirlet, TouranginSilas, Tourraud, Toussin (Alexandre), Tracy (Victor), Tribert, Tronchon, Tueux, le baron Tupinier, de Turckeim, le général Valazé, Valette-Deshermeaux, Valon, Vallée (François), Vanduel, Vatout de Vauguyon, Vergnes, Vernier, Viennet.

DÉPOT D'UN PROJET DE LOI

M. le Président. La parole est à M. le ministre des finances pour le dépôt d'un projet de loi.

M. Lacave-Laplagne, ministre des finances. J'ai l'honneur de présenter à la Chambre un projet de loi ayant pour objet d'ouvrir au ministre des finances des crédits supplémentaires et extraordinaires pour l'exercice 1837 (1).

M. le Président. La Chambre donne acte à M. le ministre des finances de la présentation du projet, qui sera imprimé, distribué et renvoyé dans les bureaux.

La Chambre doit considérer qu'elle a encore à voter, indépendamment du budget, un grand nombre de lois de finances. Quelques lois sont aussi revenues de la Chambre des pairs, et il est à propos de porter un vote sur ces lois pour que les travaux de cette année ne soient pas en pure perte.

Dans cette circonstance, il est évident que si l'on ne veut pas prolonger la session indéfiniment, il serait essentiel que chacun se fît une loi d'arriver à l'heure précise. (Oui! oui!) Avec des séances de cinq heures on pourra espérer d'en finir beaucoup plus tôt.

DÉPOT D'UN RAPPORT D'INTÉRÊT LOCAL

M. le Président. La parole est à M. de Ladoucette pour le dépôt d'un rapport d'intérêt local.

(1) Voyez ci-après ce projet de loi, p. 23: 1a Anne.xe à la séance de la Chambre des députés du mercredi 10 mai 1837.

M. de Ladoucette, rapporteur. J'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission chargée d'examiner le projet de loi tendant à distraire la commune de Mers, département de la Somme, pour la réunir à la commune du Tréport (Seine-Inférieure) (1).

M. le Président. Le rapport sera imprimé et distribué.

DÉPOT D'UN RAPPORT D'INTÉRÊT GÉNÉRAL

M. le Président. La parole est à M. Mathieu (de Saône-et-Loire) pour le dépôt d'un rapport.

M. Mathieu (Saône-et-Loire). J'ai l'honneur de déposer sur le bureau de la Chambre le rapport sur le projet de loi concernant le système métrique des poids et mesures (2).

M. le Président. Le rapport sera imprimé et distribué.

CONGÉ.

M. le Président. M. Gillon demande un congé, parce que, comme procureur général de la Cour royale d'Amiens, il est obligé de se rendre à son poste pour remplir quelques formalités à l'égard des détenus qui profitent des bienfaits de l'amnistie. (Accordé ! accordé !)

(Le congé est accordé.)

SUITE DE LA DISCUSSION DU PROJET DE LOI
SUR LE SEL.

M. le Président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi sur le sel. La parole est à M. de Mosbourg.

M. de Mosbourg. Messieurs, ce n'est pas à tort que je demandai hier la remise de la discussion. Nous ne connaissions alors que deux projets du gouvernement, sur le sel, et deux projets passablement contradictoires de la commission. Nous n'avions donc à nous débattre que sur quatre projets. Aujourd'hui nous en avons un cinquième qui ne s'accorde avec aucun des autres; mais celui-ci a, du moins, le mérite de placer la discussion sur son véritable terrain, en présentant l'article destiné à prononcer la résiliation du bail des salines de l'Est en premier rang, au lieu de le présenter le dernier, comme on l'avait fait d'abord.

En effet, je suis convaincu que le but de tous les projets sur le sel, présentés depuis 1833, est d'arriver à la dissolution de la Compagnie des salines de l'Est, et d'arriver à cette dissolution par le fait du gouvernement, par le fait de l'administration, de manière à donner à cette compagnie le droit de dire que son contrat a été violé, qu'on n'a pas rempli en

(1) Voyez-ci après ce rapport, p. 27: Deuxième annexe à la séance de la Chambre des députés du mercredi 10 mai 1837.

(2) Voyez ci-après ce rapport, p. 28: Troisième annexe à la séance de la Chambre des députés du mercredi 10 mai 1837.

vers elle les engagements qu'on avait pris, et que, par conséquent, elle est autorisée à demander les indemnités les plus étendues.

La commission avait dit, dans son dernier rapport, qu'elle n'entendait, par ses propositions, créer aucun droit nouveau pour la compagnie, parce qu'elle ne portait atteinte à aucun de ses droits. Voici comment elle s'exprimait :

« Nous avons été aussi loin parce qu'il fallait tout prévoir, ce qui se passe actuellement rendant probable une liquidation prochaine ; toutefois, bien que le projet de loi puisse en háter l'époque, nous déclarons qu'il ne l'entraîne pas nécessairement ; que surtout c'est à des causes complètement indépendantes du projet lui-même que l'événement devrait être imputé. Nous n'entendons nullement reconnaître que la résolution des traités de 1825 soit exigée, commandée, imposée par notre loi, car il n'en est rien. C'est la force des choses qui y conduit. Que seulement le système de gouvernement vienne à ne pas prévaloir, le monopole jusqu'ici protégé par la force (remarquez bien cette phrase, Messieurs), ne peut plus se soutenir; c'est lui qui a besoin de lois nouvelles il périt si elles lui manquent. Ce n'est donc pas le tuer volontairement et de dessein prémédité, que lui refuser les moyens de vivre encore; on ne lui retire rien de ce qu'il avait, seulement on ne lui donne pas ce qui lui manque, ce qui lui a toujours manqué, et cela est bien différent pour les conséquences. »

:

Avant d'entrer dans la discussion du projet tel qu'il a été amendé par la commission, je prierai M. le ministre des finances de vouloir bien nous dire s'il pense, comme la commission, que le projet de loi ne puisse donner aucun sujet de plainte à la compagnie et lui toujours manqué, et cela est bien différent son contrat; je lui demande si l'adoption de ce projet n'autorisera pas la compagnie à dire que le ministère et les Chambres ont brisé violemment un traité solennel, et qu'en refusant d'exécuter les engagements contractés avec elle, on lui a donné droit de réclamer les indemnités qu'il lui plaira de demander.

Si l'on déclare que la loi ne porte aucune atteinte au contrat qui existe entre l'administration et la compagnie, je ne vois aucun motif d'insérer dans le projet une autorisation éventuelle de résilier le bail. Si, au contraire, on reconnaît qu'il y aura violation de ce contrat, oh! alors, c'est moi qui défendrais les droits de la compagnie, je représenterais à la Chambre qu'il n'est pas en son pouvoir, qu'il n'est pas dans son droit d'anéantir ou d'enfreindre des conventions publiquement stipulées entre l'Etat et une association privée. Ce serait abuser de sa puissance. S'il y avait des motifs d'utilité ou de nécessité publique pour dépouiller cette association des avantages de son bail, ce serait, dans d'autres formes, qu'il faudrait poursuivre cette espèce d'expropriation.

J'espère que M. le ministre des finances voudra bien nous donner des explications positives; elles me paraissent nécessaires pour donner une base certaine à la discussion.

M. Lacave-Laplagne, ministre des finances. Avant de répondre aux questions de l'honorable préopinant, je ferai une observation

sur les considérations qu'il a présentées en premier lieu.

Il vous a dit que tous les projets de loi qui avaient été présentés soit par le gouvernement, soit par la commission, l'avaient été dans l'intérêt de la compagnie, et pour lụi faciliter les moyens d'obtenir la résiliation de son bail.

M. de Mosbourg. J'ai dit les projets de loi; je n'ai pas parlé de la commission!

M. Lacave-Laplagne, ministre des finances. Les projets du gouvernement, s'ils avaient obtenu l'assentiment de la Chambre, n'auraient donné à la compagnie aucun droit pour obtenir la résiliation de son bail, et ne l'aurait pas non plus autorisée à présenter quelque allégation fondée à l'appui de sa demande; tout au contraire. Je ne pense donc pas qu'on puisse leur attribuer l'intention qui vient d'être indiquée par l'honorable préopinant.

J'ajouterai de plus, et à cet égard je ne ferai que répéter ce que j'ai déjà dit que, dans l'opinion du gouvernement, la non-adoption de ces projets de loi ne plaçait pas non plus la compagnie dans une situation telle, qu'elle eût le droit de demander la résiliation de son bail. Seulement, la non-adoption de ces projets de loi, et l'établissement d'une concurence illimitée dans les provinces de l'Est auraient pu avoir des conséquences telles que, sans reconnaître ce droit à la compagnie, le gouvernement aurait pu être conduit, par des considérations d'équité, à examiner la demande d'une résiliation.

Cette déclaration que je fais à présent, je l'avais déjà faite. Je demande à rappeler à la Chambre une phrase de mon discours d'a vant-hier; je disais : En 1829, sous M. de Chabrol, il y a eu une grande transaction avec cette compagnie; elle fut fondée uniquement sur le fait de l'inondation de la mine de Vic. Et il fut bien entendu que la concession faite à la Compagnie de Salzbourg ne donnait pas à la Compagnie des salines de l'Est le droit de demander une indemnité. J'ajoutais J'expose la situation des choses, parce que la Chambre doit concevoir qu'il importe qu'on ne donne pas à mes paroles plus de portée qu'elles n'en ont le gouvernement n'entend pas admetre la jurisprudence relative aux sources d'eau salée ; et, d'un autre côté, il n'admet pas la prétention de la compagnie, qui veut, en vertu de son bail, exclure les exploitations qui peuvent être autorisées. Voilà, si je ne me trompe, le véritable état de la question.

Le gouvernement a traité avec une compa gnie sous l'empire d'une législation que cette compagnie a dû connaître aussi bien que le gouvernement. Cette législation établissait-. elle la libre exploitation des sources salées? C'est une question qui est de la compétence des tribunaux. Cette question, de quelque manière qu'elle soit résolue, ne donne pas un droit à la compagnie ; car c'était à elle, quand elle a traité, de connaître et de bien mesurer la législation existante. Ainsi, voilà bien la position dans laquelle se trouve la compagnie sous l'empire de la loi existante.

Maintenant, que deviendra sa position, sous l'empire de la loi nouvelle ? M. le rapporteur a présenté, dans son rapport, des consi

dérations dont l'honorable préopinant vient de donner lecture, considérations dont je dois remercier la commission, parce qu'elles ont été inspirées par l'intérêt bien entendu de l'Etat, afin de vider les prétentions exagérées de la compagnie. M. le rapporteur a cherché à établir que la législation nouvelle ne changeait pas l'état des choses et que, par conséquent, la compagnie n'était pas plus fondée qu'auparavant à prétendre que, sous l'empire de cette législation, le contrat serait violé, qu'elle aurait droit à demander une indemnité, et que, par suite, le gouvernement serait à sa discrétion. J'ai déjà eu l'honneur de m'expliquer sur ce point devant la Chambre : j'ai dit que je croyais de mon devoir d'être sincère. En effet, quelque autorité qu'aient les paroles de votre commission, ces paroles ne sont pas la loi, et il serait possible que les tribunaux qui seraient chargés de traiter la question relative à la résiliation, ne partageassent pas l'avis de la commission, il serait possible qu'ils trouvassent dans les dispositions nouvelles un changement de conditions tel que l'administration des salines fût fondée à prétendre que le contrat n'existe plus, et qu'elle a le droit de demander la résiliation du bail et des indemnités résultant de cet acte de force majeure qui détruit le contrat qu'elle voulait maintenir.

J'ai même indiqué, parce que je crois que dans ces choses-là l'important c'est de ne pas se faire illusion et de bien connaître la situation des choses; j'ai indiqué quelques rapports sur lesquels il m'a semblé que la compagnie pourrait soutenir cette thèse, je n'ai pas trouvé d'inconvénient à les indiquer parce que, d'une part, je ne pensais pas que j'apprisse rien à la compagnie sous ce rapport, la compagnie connaissant aussi bien que personne ses intérêts, et que, d'un autre côté, cela n'influait en rien sur la décision de la question, car c'était toujours à la loi qu'il fallait s'adresser.

vernement et la commission peut acquérir l'autorité de la loi, je m'occuperai immédiatement de cette question, et que ma responsabilité me ferait un devoir de ne pas proposer à la sanction du roi, tant que cette question ne serait pas résolue, et résolue de manière à ne laisser aucune espèce de doute. (Très bien! très bien!)

M. Laurence, rapporteur. Cette assurance est suffisante.

M. Lacave-Laplagne, ministre des finances. Je dois rappeler à la Chambre que, dans la dernière assemblée de la Compagnie des salines, il a été soumis à l'assemblée cette question :

«Les changements qui se préparent dans la législation des sels pouvant amener la résiliation du bail, la compagnie peut-elle délibérer dès ce moment sur les propositions à faire, le cas échéant, ou remettre ce soin à son comité d'administration, sauf à donner ensuite son approbation. »>

L'assemblée se déclara vivement pour la dernière alternative, c'est-à-dire qu'il n'y aura de résolution définitive qu'autant que la base d'arrangement aura été non seulement consentie par le conseil d'administration, mais encore aura obtenu l'assentiment de l'assemblée générale des actionnaires. Ce n'est que lorsque les choses en seront là que la loi sera sanctionnée. Le gouvernement traitera avec la compagnie sur les bases de la législation existante, bases que j'indiquerai tout à l'heure, c'est-à-dire que le gouvernement n'admettra pas que la compagnie ait le droit de résiliation, si les choses restent comme elles sort, mais qu'il sera disposé à accorder à la compagnie des concessions conformes à la justice et au droit ; c'est dans ces termes que reste la question; et j'ai été bien aise de faire cette déclaration avant qu'on n'en vînt au vote. (Très bien ! très bien!)

Discussion des articles.

M. le Président. Voici l'article 1er, ancien article 16.

Art. 1r.

« Le ministre des finances est autorisé à consentir la résiliation du traité passé, le 31 octobre 1825, avec la Compagnie des salines et mines de sel de l'Est, en exécution de la loi du 6 avril précédent.

« Les propriétés domaniales comprises dans le bail, et qui seront remises à l'Etat, seront vendues.

Mais, Messieurs, je suis bien aise, à cet égard, de faire à la Chambre une déclaration qui importe à ma responsabilité et qui importe aussi à la manière dont la loi doit être entendue. J'espère que la Chambre ne s'étonnera pas qu'arrivé dans le cabinet, il n'y a pas encore un mois, et ayant eu continuellement, depuis que j'y suis, à l'ordre du jour des discussions de cette Chambre ou de l'autre Chambre, des projets de loi qui concernent le ministère dont je suis chargé, j'aie été obligé d'examiner les questions à mesure qu'elles se présentaient. Ainsi, la Chambre ne trouvera pas extraordinaire que je lui déclare que la question du sel, à laquelle j'espère lui avoir donné la preuve que j'avais apporté quelque attention, ce n'est pas en entrant dans le cabinet que je m'en suis occupé, c'est lorsque j'ai prévu que la discussion devait être prochaine. Eh bien ! je déclare que si j'avais eu à présenter une loi qui eût eu pour résultat 'd'amener la résiliation du bail de la compagnie, je ne me serais présenté devant la Cham- M. Laurence, rapporteur. La commission bre qu'avec des conventions librement arrê- désire faire un léger changement de rédaction tées entre le gouvernement et la compagnie, au paragraphe 2. Il est demandé par le gouveravec des agents de la compagnie ayant capa- nement, et consenti par la commission. Voici cité pour traiter. Le temps m'a manqué pour en quoi il consiste: au lieu de dire par forme arriver à ce résultat. Mais je dois déclarer de prescription, que les propriétés seront venque si le vote de la Chambre donne lieu de dues; à dire le ministre est autorisé à venpenser que le système combiné entre le gou-dre les propriétés domaniales, etc.

«Les paiements ou restitutions qui pourraient être mis à la charge de l'Etat seront effectués sur un crédit spécial qui, en l'absence des Chambres, pourra être ouvert par une ordonnance royale, laquelle sera convertie en loi dans la plus prochaine session. »

En conséquence, le 2o paragraphe de l'article 1er serait ainsi rédigé :

« Il est également autorisé à vendre les propriétés domaniales comprises dans le bail, et qui seront remises à l'Etat. »

M. Dufaure. Je ne m'oppose pas précisément à l'article 1er, mais je crains que la Chambre ne se presse trop de voter la disposition qui est mise en tête de la loi. M. le ministre des finances vient de vous dire tout à l'heure et avec raison selon moi, de retarder la sanction de qu'il serait obligé loi jusqu'à l'époque où il aurait pu s'entendre avec la compagnie sur les clauses de la résiliation. Vous avez indiqué déjà qu'il y a des difficultés graves entre la compagnie et l'Etat relativement à ces clauses. Voilà la sanction d'une loi qui a été présentée par le gouvernement comme loi importante, comme urgente pour la perception de l'impôt, qui peut être retardée, et notre vote par conséquent devenant inutile. Cela me porte à croire qu'on aurait pu laisser à M. le ministre des finances le temps d'essayer de traiter avec la compagnie. Nous n'avons pas besoin de faire une loi pour permettre cet essai ; que M. le ministre des finances s'en occupe à la prochaine session.

(MM. DE GOLBÉRY, MARNIER et CHARAMAULE demandent simultanément la parole.) M. Dufaure, continuant. Et indépendamment de toutes les autres dispositions, on nous aurait présenté le résultat des essais de conventions faites avec la compagnie.

Il est, en outre, dans l'article 1er, sur lequel nous délibérons, il est des dispositions qui me préoccupent jusqu'à un certain point.

Je prie la Chambre de les remarquer. Par le second paragraphe on donnerait au ministre des finances l'autorisation de vendre toutes les propriétés domaniales comprises dans le bail passé par l'Etat avec la Compagnie des salines de l'Est. Il faut remarquer que ces propriétés sont de deux natures. Il y a des sources salées qui appartenaient à l'Etat avant la découverte de la mine de sel de Vic; il y a la mine de sel gemme concédée à l'Etat par la loi de 1825 et par l'ordonnance du mois d'août qui l'a suivie. Je demande à M. le ministre des finances et à la commission si l'autorisation de vendre les propriétés domaniales s'applique à la fois et à toute la mine de sel gemme concédée à l'Etat par l'ordonnance du mois d'août 1825 dans les dix départements de l'Est et aux anciennes sources d'eaux salées appartenant à l'Etat. Je désire qu'on réponde à cette question.

Enfin, le paragraphe 3 me paraît avoir un très grave inconvénient. On permet, dans l'intervalle des deux sessions, au ministre des finances d'ouvrir par ordonnances des crédits provisoires pour l'exécution des clauses financières insérées dans le traité que l'Etat ferait avec la compagnie, de sorte qu'à la prochaine session on vous apportera une convention faite avec la compagnie que vous n'aurez pas encore vue, mais qui sera peut-être tout entière exécutée quant aux clauses financières.

Pourquoi donc payer avant que les Chambres aient sanctionné ce traité? Vous insérez dans l'article relatif à la résiliation des promesses d'indemnité; pourquoi payer immédiatement? Pourquoi ne pas attendre que la Chambre ait vu le contrat, qu'elle ait appré

cié les clauses financières, qu'elle leur ait donné son approbation?

Je trouve donc que l'article qui est présenté a un véritable inconvénient, et je prie la Chambre de bien réfléchir à ce qu'il contient et de voir s'il ne vaudrait pas mieux donner au ministre des finances le droit de faire l'épreuve du moyen qu'il a indiqué comme le meilleur, c'est-à-dire de passer un essai de traité que la Chambre appréciera ensuite dans toutes ses parties.

Plusieurs voix : Appuyé!

M. de Marmier. Rien n'est si pressé que de revenir au vrai et au juste. Les moyens indiqués par M. le ministre des finances me semblent suffire pour garantir les intérêts du Trésor. Ces intérêts étant garantis, ayant la certitude qu'ils seront ménagés, je crois qu'il n'y a rien de si urgent que de donner aux départements de l'Est la satisfaction qu'ils attendent avec une si juste impatience.

M. de Golbéry. Je suis monté à la tribune pour ajouter quelques observations nouvelles à celles de l'honorable M. de Marmier.

Le gouvernement reconnaît qu'il est temps de donner satisfaction, non pas seulement à l'opinion publique, mais aux droits des départements de l'Est; il reconnaît que depuis le bail de 1834, qui a, comme le disait le général Foy, créé le monopole de la France souterraine, ces départements sont placés sous un régime exceptionnel. Le gouvernement le sait, et M. le ministre des finances ne me contredira pas quand je dirai que c'est une véritable violation de la Charte.

Eh bien le gouvernement propose de faire cesser cet état de choses sur-le-champ. Quel serait le résultat de la proposition de M. Dufaure? Quelle serait son utilité? Parlons du résultat d'abord; ce serait de remettre à la session prochaine l'accomplissement des justes espérances des départements de l'Est, espérances qui ont été nourries par la présentation successive de deux projets de loi; car l'honorable M. Humann, étant ministre des finances, avait fait de ce même projet de loi qu'a présenté plus tard, isolément, M. Duchâtel, l'article 14 de son premier projet. On ajournera donc une année encore et peut-être plus, car l'avenir n'appartient à personne, une amélioration qui est réclamée partout avec une juste impatience.

Où est maintenant l'utilité de la proposition de M. Dufaure? Nous défions-nous du gouvernement en tant qu'il pourrait mal gérer ses propres intérêts? pensons-nous qu'un traité à passer n'est pas un acte d'administration; ou qu'il n'appartient pas au ministre de faire ces sortes d'actes? et la Chambre n'at-elle pas une garantie suffisante dans l'obligation où est ce ministre de lui présenter le traité? Il n'y a donc aucun danger à insérer en tête de notre loi l'autorisation pour le ministre des finances de traiter avec la compagnie. Il vous disait tout à l'heure avec une remarquable justesse, que ce serait de sa part envers la compagnie un traité d'équité. Certainement ce serait un traité de pure équité; car la compagnie sera bientôt forcée de le solliciter, de le demander en quelque sorte à genoux. Quelle est, en effet, la situation de cette compagnie? Elle est déplorable: car elle se trouve en concurrence avec les exploitations

de sources d'eau salée; l'état de la législation, constaté à cet égard par la jurisprudence, autorise la concurrence, et la concurrence tuera le monopole.

En 1829, quatre ans après la conclusion du traité la compagnie protesta contre l'établissement de Salzbronn; et le conseil d'Etat interprétant la pensée du gouvernement, interprétants ses actes, déclara que l'on avait concédé à la compagnie le banc de sel gemme ; puis les salines qui sont désignées une à une, et nommées comme la saline de Vic, celle de Dieuze etc., etc.

Puis le conseil d'Etat considérant que les puits d'eau salée ne sont compris dans le bail, ni dans la loi, a débouté la compagnie de ses prétentions; plus tard on parut devant la Cour de cassation; et la Cour de cassation déclara qu'il suffisait d'une simple déclaration pour exploiter les eaux salées; jurisprudence que le gouvernement n'admet pas en tant qu'elle établit la liberté de fabrication; mais le gouvernement, qui n'a pas été partie au procès a conservé tous ses droits sur les eaux salées ; il dit qu'il peut encore en disposer, et qu'elles n'ont jamais appartenu à la compagnie.

Or, si on ne donne pas à la compagnie, en vertu d'un droit nouveau, la faculté d'exploiter les eaux salées ses affaires seront d'autant plus compromises qu'elle perd la fourniture de la Prusse parce qu'on a découvert une saline à Unna en Westphalie; elle perd aussi la fourniture de la Suisse, parce que d'autres arrangements ont été pris: ainsi la position de la compagnie se trouve détériorée, non par des faits nouveaux, non par des faits violents, comme l'a dit hier M. Gay-Lussac, mais par l'état de la législation consacrée par la jurisprudence, et par la perte de ses relations. Si vous votez la loi, la législation sera, quant à la compagnie, ce qu'elle était en 1825, sans aucune innovation; je dis quant à la compagnie, mais non pas quant au gouvernement, qui ferait en cela une concession à la fois généreuse et salutaire. Peu importe après cela que les sources d'eau salée découlent d'un banc de sel gemme, qu'elles viennent à la surface après l'avoir traversée, cela est dans les lois de la nature, mais les contrats s'interprètent par la jurisprudence, et non par l'histoire naturelle; ils doivent l'être, par les tribunaux, par le conseil d'Etat, et d'après les lois humaines et non par les savants, d'après celles de la science.

Voilà ce que j'avais à dire quant à la compagnie; je pense donc que la proposition de M. Dufaure aurait de funestes résultats, et surtout qu'elle serait d'un effet funeste sur les populations de l'Est; qu'elle viendrait, en quelque sorte, jeter le découragement dans ces patriotiques populations qui attendent avec impatience le vote que vous allez prononcer. Je pense, d'un autre côté, qu'elle est complètement inutile, parce que l'administration m'inspire toute la confiance désirable pour la résiliation d'un bail; enfin j'ajoute que l'administration ne sera jamais en meilleure position envers la compagnie que dans ce moment; car si cette compagnie a été dégrevée en 1830 de 600,000 francs sur le prix de son bail, ce dégrèvement expire en 1840. En présence de la nécessité de payer son ancien prix, nous la verrons fort traitable. Elle se trouverait, au

moment où elle perd tous ses débouchés, obligée de payer 600,000 francs de plus. Le gouvernement sera fort équitable, s'il traite avec elle, mais ce sera, je le répète un acte de pure équité encore une fois.

La jurisprudence n'aura pas été changée par un fait nouveau. Si on donnait à la compagnie les sources salées, ce serait là un fait nouveau. Le gouvernement se trouve en présence d'une société qui fait de mauvaises affaires, mais il ne lui doit pas pour cela de dédommagement. Celui qui se trompe en droit doit supporter les conséquences de son erreur. Si la compagnie a cru que le bail contenait telle ou telle chose, si elle a mal compris telle ou telle définition, c'est une erreur dont elle doit gémir, mais le gouvernement ne lui doit aucune réparation, et les populations de l'Est ne doivent pas en souffrir.

On vous l'a dit, Messieurs, ces populations de l'Est sont les premières exposées au danger de la patrie; elles supportent les invasions, elles se lèvent les premières aussi contre les ennemis de la patrie, et cependant chaque fois qu'on nous occupe de leurs intérêts, ce sont des exceptions dilatoires qu'on nous oppose. Je vote pour le projet, je vote pour son adoption immédiate, tardive réparation d'une longue et criante injustice.

M. Dufaure. L'honorable M. de Golbéry m'a tout à fait mal compris. Ce n'est pas une exception dilatoire que je propose ; je me préoccupe des mêmes intérêts que lui, quoique peut-être moins que lui des intérêts de la compagnie, sur lesquels il a surtout insisté. Voici les intérêts qui me préoccupent, ce sont ceux des habitants des dix départements de l'Est. Lorsque, par la loi, vous déclarez libre l'exploitation des sources d'eau salée, il est incontestable que les intérêts des habitants de l'Est sont suffisamment mis à couvert. Néanmoins je ne m'oppose en aucune manière à la résiliation du bail de 1825; si les habitants la réclament, je l'appuierai également. Mais je désire que cela ne soit pas écrit à l'avance dans la loi, parce qu'il en résultera, comme l'a dit M. le ministre des finances lui-même, un retard dans la sanction de la loi.

En second lieu, je me préoccupe des intérêts du Trésor, eh bien, je ne comprends pas qu'à l'avance, pour un traité qui n'est pas encore essayé, on déclare que, dans l'intervalle des sessions, le ministre des finances pourra ouvrir par ordonnance des crédits provisoires afin d'exécuter le traité. Il n'y a aucune urgence il vaut mieux attendre que le traité soit présenté, et nous voterons alors les crédits.

Quant à la compagnie, je me préoccupe autant qu'il le faut de ses intérêts. Je ne m'oppose pas à la résiliation du bail, mais je veux que le ministre des finances soit libre pour consentir la résiliation. Il faut que la compagnie et lui traitent d'égal à égal, et si vous mettez dans la loi l'article qu'on vous propose, il est gêné, il est obligé d'attendre pour sanctionner la loi que le traité soit passé; je crains qu'on ne profite de sa situation, et, après tout, ce que je demande et ce que je veux repousser dans l'article 1er, ce sont les deux derniers paragraphes, qui engagent le ministre, sans fruit pour les départements de l'Est et pour les intérêts du Trésor public.

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