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» l'Angleterre se lever du même mouvement que

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moi, et je m'étonnai qu'à cette apparition seule » toute l'armée de nos conquérans ne se prospas en demandant grace; mais plus tard, quand je comptai nos rangs, quand je vis com» bien de nous manquaient à notre cause, parce qu'ils ne pouvaient vivre sans les vainqueurs, je m'étonnai que nous eussions la hardiesse de » tenir tête (1), »

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C'était vainement, en effet, qu'on avait appelé sous les drapeaux du pays tous les enfans du pays; un grand nombre, depuis long-temps, avait abjuré ce titre ; un grand nombre n'avait plus de patrie que le camp des maîtres. Pour n'être pas éternellement étrangers sur la terre conquise, pour s'y attacher et y prendre racine en quelque sorte, les conquérans avaient distribué parmi les vaincus des brevets de conquérans; et ainsi, ils s'étaient fait une armée indigène d'espions et de commis qui prenaient part au travail et aux profits de l'exploitation. S'agissait-il de condamner, d'exécuter les personnes, de taxer, de confisquer les biens, c'étaient des hommes, nés sujets, qui prêtaient leurs bras, leur voix, leur plume, et qui, ensuite, à la face de leurs

(1) Mémoires d'Edmond Ludlow, tom. 1er.

frères, tendaient la main au vainqueur, et se faisaient compter leurs services.

La misère est conseillère de mal (1): cette soif du bien-être qui nous dévore, quand elle est contrariée, s'irrite et nous pousse à tout sans discernement et sans frein. Epuisés de fatigue et de besoins, les subjugués eurent bientôt l'ame toute remplie par le seul desir d'être mieux, et ne furent plus capables d'un autre sentiment. La désertion leur ouvrait un refuge, ils s'y précipi tèrent. Mais à force d'user de cette ressource honteuse, on ne vit plus d'espoir qu'en elle; on endurcit sa conscience, on regarda ses amis avec froideur, comme une proie qui devait être partagée, et qui le serait toujours, quand même on aurait scrupule d'y toucher; les conquérans furent assaillis de requêtes; on demandait à les servir, on voulait des emplois, des charges, des titres, la noblesse. Ils accordaient, çar c'était leur compte, mais avec choix et avec mesure, parce qu'il ne fallait pas un esprit commun pour persister dans un tel abandon de tous les liens et de toutes les affections natives, et de peur que temps ne vînt où il y aurait plus de bouches pour dévorer que de bras pour produire. Cependant, ceux qui produisaient, ceux qu'on (1) Malesuada fames.

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dévorait prirent les armes; ils invoquèrent l'indépendance, ils en avaient besoin; ils devaient être libres sous peine de la vie. Mais cette nécessité n'était que pour eux. Ils avaient beau s'écrier que c'était la cause commune des Anglais, les Anglais, valets des conquérans, sentaient que ce n'était point là leur cause, et prêtaient leur force aux conquérans.

Voilà ce qui confondait de douleur ceux qui avaient espéré d'être libres; au premier choc ils trouvèrent en face d'eux les hommes, qu'ils croyaient avoir à leurs côtés; et chaque jour même, à chaque nouveau combat, ils voyaient quelqu'un des leurs, emporté par la vieille habitude, répudier la liberté trop incertaine, pour aller dans le parti contraire, vendre son sang contre des emplois (1).

leur camp,

Une chose plus déplorable, c'est que cette frénésie qui, s'emparant des sujets jusque dans au milieu des périls communs des fatigues et des espérances communes, les séparait de leurs compagnons et les chassait vers les ennemis, que la soif de dominer avait gagné de même une partie de ceux qui persistaient dans la cause du pays, et qui restaient sous

(1) Mémoires de Ludlow, tom. 1er., pag. 186.

les drapeaux. Il y avait des hommes qui faisaient la guerre aux maîtres, et qui ne se rendaient d'autre compte du motif qui les portait à combattre, sinon que les maîtres occupaient de bons postes, et que, s'ils vidaient la place, on pourrait s'y mettre. Avec une pareille vue des choses, ceux dont l'esprit était conséquent, et qui ne se-faisaient pas de chimères, ne devaient plus considérer leurs amis que comme des serfs destinés à la chaîne, et s'agitant pour changer de joug. Les plus simples, les plus humains, dans la bonne foi de leur ambition, associaient chacun à leur fortune à venir, et livraient en idée au peuple, le peuple lui-même à dévorer. « Ces hommes, que nous combattons, disaient-ils, » sont des méchans, Dieu ne veut pas qu'ils gardent leurs places; nous, qui sommes tous bons, nous les obtiendrons de lui, nous serons » tous ce qu'ils étaient, nous serons tous maîtres.» Ils ne voyaient pas qu'où il y a une seule famille de maîtres, pour qu'elle vive dans l'oisiveté, il faut qu'il y ait autour vingt familles d'esclaves qui périssent dans la fatigue.

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A mesure que la lutte se poursuivait, cette espèce d'homme se distinguait de plus en plus du reste des sujets qui combattaient seulement pour être moins obsédés. Ceux-ci poursuivaient

la guerre, sans colère, avec un calme sérieux, comme des hommes qui hasardent beaucoup pour repousser un grand mal, non comme ceux qui jouent leur vie contre du butin, ou le plaisir de vaincre; les autres étaient fougueux, immodérés, sanguinaires, et cette agitation de sang qui venait de l'impatience de leurs desirs, ils s'en faisaient une vertu. C'était, disaient-ils, un esprit supérieur qui agissait en eux et qui les travaillait de la sorte. Ils se prodiguaient dans leur effervescence les noms d'hommes privilégiés, d'hommes divins, de saints.

Après chaque victoire, les sujets libéraux impatiens de reprendre leur travail, offraient de capituler, et demandaient aux maîtres combien de liberté ils voulaient maintenant leur laisser

prendre, à condition que la guerre finirait; mais alors, les saints, effrayés d'un accord qui ne laissait plus de place à leurs desirs, voulaient qu'on s'acharnât sur les vaincus, qu'on poursuivit le carnage, qu'on fit des exécutions, des mássacres ; et pareillement, à chaque revers, quand les libéraux ranimaient leur courage et se condamnaient à vaincre ou à mourir, les saints à leur tour, mais pour eux seuls, offraient des conditions au vainqueur. Ils étaient les ennemis des maîtres, quand les maîtres pliaient, et

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