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n'excite contre nous des soulèvemens et des orages plus dangereux encore que les premiers (1). Votre légat auprès des Vénitiens, D. Johan. della Casa, archevêque de Bénévent, s'est admirablement conduit à cet égard; car sans condamner ouvertement l'Évangile, ou ordonner qu'il fût tenu caché, il est arrivé d'une manière détournée et en usant de dissimulation, au même résultat, en improuvant dans le catalogue étendu des livres hérétiques, publié par lui, une partie du moins de la doctrine renfermée dans l'Évangile, et surtout certains chapitres qui, plus encore que le reste, nous sont contraires; en quoi faisant il a bien et saintement agi, quoi

(1) Nos lecteurs ne nous croiraient pas si nous ne transcrivions ici les paroles mêmes des Évêques : Denique (quod inter omnia consilia, quæ nos dare hoc tempore Beatitudinæ tuæ possumus, omnium gravissimum ad extremum reservavimus) occuli hic aperiendi sunt, omnibus nervis adnitendum erit, ut quam minimum Evangelii poterit (presertim vulgari linguá) in iis legatur civitatibus quæ sub tuá ditione ac potestate sunt. Sufficiat tantillum illud quod in Missá legi solet, nec eo amplius cuiquam mortalium legere permittatur. Quamdiù enim pauculo illo homines contenti fuerunt, tamdiù res tuæ et sententia sucessére; eademque in contrarium labi cœperunt, ex quo ulterius legi vulgo usurpatum est. Hic ille (in summá) est liber qui præter cæteros hasce nobis tempestates ac turbines concitavit, quibus prope abrepti sumus. Et sane si quis illum diligenter expendat, deinde quæ in nostris fieri ecclesiis consueverunt singula ordine contempletur, videbit plurimum inter se dissidere, et hanc doctrinam nostram ab illâ prorsùs diversam esse, ac sæpe contrariam etiam. Quod simul atque homines intelligunt, a docto scilicet aliquo adversariorum nostrorum stimulati, non ante clamandi in nos finem faciunt quam rem plane omnem divulgarint, nosque invisos omnibus reddiderint. Quare occultandæ pauculæ illæ chariæ erunt, sed adhibitá quádam cautione et diligentiá, ne ea res majores nobis turbas ac tumultus excitet.

L'étonnement qu'excite d'abord un pareil langage cessera, et l'on comprendra comment de tels conseils ont pu être donnés en 1553 à un Pape comme Jules III, si l'on se rappelle que le Pape actuel, Léon XII, écrivait en 1824 dans la lettre encyclique qu'il a publiée à l'occasion du Jubilé de 1825:

« Vous n'ignorez pas, vénérables Frères, qu'une Société vulgairement appelée Biblique, se répand audacieusement par toute la terre, et qu'au mépris des traditions des Saints Pères et contre le célèbre décret du Concile de Trente, elle tend de toutes ses forces et par tous les moyens à traduire, ou plutôt à corrompre les Saintes Écritures dans les langues

qu'en puissent dire les bavards. Un grand nombre de personnes en effet ont trouvé absurde au premier abord qu'un homme qui n'avait jamais étudié un mot de théologie se mêlât de condamner tant d'auteurs qui ont écrit sur la religion, et qu'il publiât nous ne savons quel ouvrage ayant pour titre : De la Sagesse divine (De Arte Divinâ). Mais peu importe; ceux qui lui font ce reproche montrent qu'ils ont du temps de reste, et qu'ils sont profondément ignorans de ce qui concerne les intérêts de la Cour de Rome.... (pages 648 et 649).

Des conseils sur les précautions à prendre dans la vente des

vulgaires de toutes les nations; ce qui donne un juste sujet de crainte qu'il n'en arrive dans toutes les autres traductions comme dans celles qui sont déjà connues, savoir qu'on n'y trouve, par une mauvaise interprétation, au lieu de l'Évangile du Christ, l'Évangile de l'homme, ou, ce qui est pire, L'ÉVANGILE Du Démon.

<< Plusieurs de nos prédécesseurs ont fait des lois pour détourner ce fléau ; et dans ces derniers temps Pie VII, de sainte mémoire, a envoyé deux brefs... où l'on trouve des témoignages tirés tant des divines Écritures que de la tradition, et rédigés avec soin et sagesse, pour montrer combien cette invention subtile est NUISIBLE A LA FOI ET A LA MORALE... Nous vous exhortons à éloigner avec soin et empressement vos troupeaux de ces pâturages mortels... Que vos fidèles s'attachent exactement aux règles de notre congrégation de l'Index, se persuadent que si l'on laisse sans distinction traduire les Saintes Écritures dans les langues vulgaires, il en résultera, à cause de la témérité des hommes, PLUS DE MAL QUE DE BIEN... Voilà, vénérables Frères, où tend cette Société, qui de plus n'omet rien pour l'accomplissement de ses vœux IMPIES... Que si quelqu'un veut chercher la véritable source de tous les maux que nous avons déplorés jusqu'ici... il se convaincra que ce fut toujours, et que c'est encore le mépris opiniâtre de l'AUTORITÉ DE L'ÉGLISE, de cette Église qui..... reconnaît Pierre sur le Siége apostolique, voit et honore dans la PERSONNE DU PONTIFE ROMAIN, successeur de Pierre, celui en qui demeurent toujours la sollicitude de tous les Pasteurs et la garde des âmes qui lui sont confiées ; celui dont la dignité ne s'affaiblit pas méme dans un indigne héritier..........» (Lettre encyclique, etc., publiée à Paris, chez Adrien Le Clère, imprimeur de N. S. P. le Pape et de l'Archevêque de Paris. 1824. En latin, avec la traduction en regard, pag. 21 et suivantes.)

On voit que l'on peut dire de l'Église romaine entière ce que nos Évêques de Bologne disaient dans le 16° siècle de l'Espagne en particulier: Ellen'innove rien, elle ne change rien. (Nihil innovat, nihil mutat.)

indulgences et sur la nécessité de ne nommer que des évêques ignorans et dévoués à la cour de Rome (rudes ac litterarum ignari; et cæterum rerum curiæ peritissimi, et familiæ tuæ studiosissimi sint), et d'éloigner les luthériens des conciles, et quelques réflexions sur l'Allemagne religieuse, terminent ce morceau que l'on prendrait, nous le répétons, pour une sanglante satire, si l'authenticité n'en était pas constatée (1).

Le titre original est : Concilium quorumdam Episcoporum Bononiæ congregatorum, quod de ratione stabilienda Romana Ecclesiæ JULIO III, Pont. Max. datum est. Ex bibliothecâ W. Crashavii, in Theol. Baccal. et verbi div. ap. Temp. Lond. Prædic.

La pièce est datée: Bononiæ, 20 octob. 1553, et signée : VINCENTIUS DE DURANTIBUS Episc. Thermularum Brixiensis; EGIDIUS FALCETA, Episc. Caprulanus; et GERHARDUS BUSDRAGUS, Episc. Thessalonicensis.

(1) Le savant Llorente l'a réimprimé dans son ouvrage intitulé : Monumens historiques concernant les deux pragmatiques sanctions. Il y a déjà quatre ans qu'il est en notre possession, et nous étions au moment de le publier, lorsque la censure de 1824 est venue nous en empêcher; depuis lors il était resté dans nos cartons. Nous consultâmes alors sur son authenticité le savant auteur du Dictionnaire des Pseudonymes, M. Barbier, qui nous répondit le billet suivant, que nous ne pouvons nous refuser de publier, parce qu'il présente une confirmation précieuse de l'authenticité du curieux document rédigé par les évêques de Bologne:

MONSIEUR,

Le Concilium quorumdam Episcoporum, etc., me paraît une pièce bien authentique puisque Brown déclare l'avoir trouvée non-seulement dans les œuvres de Vergerio, mais encore dans les Lectiones memorabiles en 2 vol. in-fol., par Wolphius. Je ne connais rien contre cette pièce. J'ai l'honneur, etc.

Paris, 22 février 1824.

BARBIER.

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Vente au profit de la Société des Missions évangéliques de Paris.

Le spectacle qui avait réjoui nos yeux au mois d'avril dernier vient de se renouveler avec des résultats encore plus satisfaisans, et qui permettent les plus douces espérances pour l'avenir. La fin de l'année nous paraît de toute manière un moment bien choisi pour une vente au profit des missions. Le monde semble avoir pris à tâche d'éloigner les réflexions sérieuses que de pareilles époques devraient naturellement exciter ; il abandonne à la dissipation, à des soins frivoles, un temps qui devrait être consacré à examiner attentivement l'emploi que nous avons fait de ces heures qui se sont écoulées pour ne plus revenir, à passer en revue tant de bienfaits dont nous avons joui sans nous élever jusqu'au bienfaiteur, tant d'épreuves qui n'ont pas atteint le but pour lequel elles nous avaient été envoyées ; et ces jours qui, plus que tous les autres, devraient nous rappeler le prix du temps, sont peut-être les plus complètement perdus. C'est donc une heureuse idée que de venir réclamer quelques pensées pour les choses du royaume de Dieu, et au milieu de tant de vœux et de félicitations, qui ne se rapportent le plus souvent qu'à ce monde qui passe, de fournir aux amis de la sainte cause des missions un juste motif de se féliciter les uns les autres, et de se réjouir de ce que Dieu daigne bénir si visiblement leurs humbles efforts. Nos joies n'en seraient-elles pas toujours plus douces et plus pures, si nous savions y joindre la pensée de Dieu, et si, à l'époque d'un mariage ou d'un baptême, les familles chrétiennes prenaient l'habitude de montrer leur pieuse reconnaissance par des dons à nos saintes institutions et à nos établissemens de charité. Elles remplaceraient ainsi les sacrifices de prospérité qu'offrait l'ancien peuple, par un de ces sacrifices de la nouvelle alliance auxquels Dieu lui-même a déclaré qu'il prenait plaisir.

Pendant quatre jours, les 26, 27, 29 et 30 décembre, une multitude d'objets, et principalement des ouvrages de femme de tout genre, ont été exposés aux regards dans un vaste local, situé dans un des plus beaux quartiers de Paris, et la foule s'y

est portée avec empressement. Les dames du comité des missions, et quelques autres qui avaient bien voulu se joindre à elles, recevaient l'argent de ces objets, dont le prix était fixé. Dans ce magasin d'un nouveau genre, on se sentait uni par un intérêt commun, et par le sentiment d'une pieuse fraternité; l'on retrouvait là ses amis, ses parens, les personnes qu'on est accoutumé de voir dans nos temples et dans nos assemblées de sociétés pieuses. Les Anglais, presque aussi nombreux que les Français, y apportaient le même esprit, car eux aussi y trouvaient les ouvrages de leurs femmes et de leurs filles, et jamais sûrement on n'avait entendu demander si souvent, et avec une semblable expression: «Comment va la vente? Avez-vous déjà beaucoup d'argent? »

On a vendu un grand nombre d'exemplaires d'un cantique intitulé: Les Missionnaires chrétiens recommandés à Dieu, paroles de M. le pasteur Juillerat, musique de M. Lemire; plusieurs ouvrages sérieux que leurs éditeurs avaient envoyés dans ce but, et une grande quantité d'Almanachs des bons conseils. Quelques dames avaient eu l'heureuse pensée de faire de leur ouvrage un double acte de charité, en préparant des layettes à l'usage des enfans des pauvres ; elles ont été comprises, et l'empressement qu'on a mis à les acheter est un encouragement pour toutes à s'occuper plus encore de choses utiles que d'agréables futilités. L'année prochaine, on ne se contentera sûrement pas de songer à l'enfance, et il sera doux de penser qu'un argent versé dans la caisse des missions servira en même temps à procurer des vêtemens chauds et commodes aux malades et aux vieillards. Nous trouvons aussi fort heureuse l'idée qu'ont eue quelques jeunes gens de faire de petites maisons en liége, ayant la cheminée pour ouverture, destinées à recueillir des dons nouveaux; elles remplaceront avec avantage les simples boîtes ou troncs des missions dont on se sert dans beaucoup de maisons. A côté des offrandes de quelques artistes distingués, on voyait avec satisfaction les ouvrages d'humbles ouvrières et les essais de jeunes enfans. Ce n'est pas à Paris seulement qu'avaient été préparés tous ces jolis objets ; les dames de Honfleur et celles de Versailles en avaient envoyé un grand nombre, et nous

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