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que la cour saisie de l'instance_originaire pût connaître de l'appel du second jugement à raison de la situation du tribunal dont il émanait.

L'arrêt de la cour de cass. du 18 juill. 1815 (Dalloz, t. 2, p. 160; Sirey, t. 15, p. 585), cité par Favard, ne corrobore point son opinion quant à la forme de l'appel incident, puisqu'il n'est fondé que sur l'expiration du délai.

Celui qui a été rendu par la cour de Turin, le 1er avril 1812 (Dalloz, t. 10, p. 51; Sirey, 1. 13, p. 92), et qui décide que l'appelant principal ne peut se rendre incidemment appelant des chefs qu'il avait d'abord respectés, ne consacre pas non plus l'opinion d'après laquelle l'intimé seul aurait le droit de former appel incident. Il voit seulement, dans le fait d'un appel principal restreint à certains chefs, un acquiescement aux autres; et c'est en vertu de cet acquiescement qu'il déclare l'appel subséquent irrecevable. Quoique cet avis soit aussi celui de Poncet, no 322, nous ne le partageons pas, comme on le verra sur la Question 1577 bis, où nous envisageons la difficulté sous ce point de vue.

Quant à l'appel incident qui se rapporte au même jugement que l'appel principal, plusieurs arrêts décident qu'il ne peut appartenir à l'intimé que contre l'appelant et jamais contre un autre intimé. (Voyez, dans ce sens, Besançon, 9 déc. 1826, Turin, 7 juill. 1808, Limoges, 4 déc. 1813, et 10 août 1820 (cité par Talandier, no 405), Bourges, 12 fév. 1825, Dalloz, t. 2, p. 161; Sirey, t. 23, p. 528, Paris, 25 novembre 1825, Toulouse, 31 mars 1828, Sirey, t. 28, p. 224, Bordeaux, 22 janv. 1854, Agen, 10 mars 1836, et cass., 27 juin 1820.)

Mais déterminées par les principes que nous venons d'exposer, quelques cours ont admis des exceptions à cette jurisprudence. Ainsi, en matière d'ordre, l'appel incident est recevable d'intimé à intimé quand l'appel principal remet en question de l'un à l'autre la chose jugée en premier ressort et l'utilité de la collocation. (Paris, 6 janv. 1826; cass., 51 juill. 1827.) Ainsi encore il a été jugé que l'appel du garanti provoqué par celui du garant peut être formé incidemment par acte d'avoué à avoué. (Limoges, 24 juin 1812, 20 janv. 1823, arrêts cités par Talandier, p. 502 et 504, et Colmar, 19 mai 1826; Sirey, t. 29, p. 155.) Mais, d'après ce que nous disons sur la Quest. 1581 quater, la position que supposent ces arrêts n'est point possible; l'appel du garanti ne peut être provoqué par celui du garant, puisque l'un est tout à fait indépendant de l'autre. Nous ne pouvons donc accorder la faculté de le relever autrement que dans la forme de l'arti

cle 456.

La partie qui, après avoir esté en première instance, n'est ni appelante, ni intimée, mais seulement citée en assistance de cause, peut

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elle de son chef relever appel incident? Nous croyons aussi qu'elle le peut, toujours en vertu des mêmes principes. Mais les arrêts se contrarient encore sur ce point. On trouve, pour l'affirmative Bourges, 26 janv. 1822 (Dalloz, t. 2, p. 158; Sirey, t. 22, p. 236); cass., 11 janv. 1852 (Sirey, t. 32, p. 159), et pour la négative Nimes, 29 janv. 1822. (Voyez infrà, la Quest. 1578.)]

[1573 bis. L'appelant peut-il, pour échapper à la nullité proposée contre son appel, reprendre subsidiairement les mêmes conclusions, incidemment à un appel incident relevé par son adversaire?

La cour de cass. a jugé la négative, par deux arrêts des 27 avril 1835, et 19 fév. 1858.

Les décisions de la cour suprême nous semblent justifiées, dans ces espèces, par la circonstance que le délai de trois mois depuis la signification du jugement était depuis longtemps expiré, lorsque l'appel principal fut converti en appel incident, et l'on verra, sur la Quest. 1575, que l'appelant principal, bien que la forme de l'appel incident ne lui soit pas interdite, comme nous venons de le soutenir sur la question précédente, ne peut pas toutefois, comme l'intimé lui-même, jouir, pour cet appel incident, de la franchise du délai.

Mais le motif qui nous aurait fait décider comme la cour de cassation n'est pas celui qu'elle a adopté. Suivant elle, un appel incident ne pourrait pas être enté sur un autre appel incident. Les principes développés sous le n° 1573 nous paraissent démontrer le contraire. Le premier appel incident étant antérieur au second, n'est-il pas par rapport à lui un véritable appel principal? (V. Quest. 1571 bis.) Cette vérité était d'autant plus remarquable dans la cause que le premier appel incident, ayant été relevé par exploit, avait acquis par là non-seulement le caractère, mais encore la forme d'un véritable appel principal.

L'objection prise de ce que l'appelant trouverait ainsi toujours moyen d'échapper à la nullité de son acte d'appel n'est d'aucun poids à nos yeux, par la raison que, l'appel incident ne lui étant permis, d'après nous, qu'autant qu'il se trouve encore dans les délais, notre opinion n'a d'autre résultat que de lui faciliter, dans la forme, l'exercice d'un droit qui lui appartenait bien, personne ne contestant qu'il ne puisse, pendant la durée des délais, remplacer par un second acte régulier l'exploit nul qu'il aurait d'abord émis. (V. les Quest. 1562 bis et ter.)]

1574. Lorsqu'un jugement contient plusieurs chefs, et qu'une partie interjette appel d'un de ces chefs seulement, l'intimé peut-il, par acte d'avoué et après le délai général fixé par l'art. 445, interje

ter incidemment appel des autres chefs | les autres, pour que l'intimé ne pût appeler inde ce même jugement? cidemment, par acte d'avoué à avoué, de ces chefs qui lui porteraient préjudice (1).

Cette importante question, objet d'une controverse qui nous oblige de la discuter à fond, a été résolue pour la négative par la cour de Nimes, le 18 mai 1806, et par celle de Rennes, le 1er août 1810 (Dalloz, t. 2, p. 165; Sirey, t. 14, p. 368). Mais cette dernière l'a décidée dans un sens opposé, les 11 mars 1817 et 3 août 1819; et un excellent mémoire de Neufvillette, servi à la cour suprême dans l'affaire Thomasset et Saquin, nous apprend que la cour de Lyon a donné la même solution.

L'arrêt de Nimes, après avoir établi que chaque disposition d'un jugement, sur des chefs distincts, est regardée comme un jugement séparé, tot capita, tot sententice, en tire la conséquence que la voie d'appel principal, et dans les délais, est la seule qui appartienne à la partie condamnée par la disposition séparée, pour enlever à cette disposition l'autorité de la chose jugée. La raison en est que chacun est libre d'acquiescer, par son silence ou expressément, à la chose jugée, et qu'en ce cas n'est point applicable le troisième alinéa de l'article 445, qui autorise l'intimé à interjeter incidemment appel en tout état de cause. (Voy.Sirey, t. 9, p. 119.)

L'arrêt de Rennes fait une application plus rigoureuse encore du principe de la divisibilité des jugements. Il décide qu'encore bien que l'appelant principal n'eût pas déclaré, dans son acte d'appel, se borner à attaquer un seul chef du jugement, mais eût au contraire interjeté purement et simplement appel de ce jugement, il suffisait qu'il n'eût à se plaindre que d'un seul chef, et qu'il ne critiquât pas en effet

Les arrêts contraires de Rennes et de Lyon sont fondés sur ce que l'art. 445 n'établit aucune distinction, et n'admet point la divisibi-, lité du jugement, et sur l'inconvénient que cette doctrine présenterait dans ses résultats, en ce que l'une des parties calculerait son temps, de manière qu'en interjetant l'appel principal à la veille, pour ainsi dire, de l'expiration du délai, elle pourrait òter à la partie adverse le droit de réclamer contre les chefs dont celle-ci aurait à se plaindre, et par là, rendre nul le secours que la loi lui offre dans l'appel incident.

Nous convenons que l'art. 443 ne distingue point, et qu'aucun texte de notre Code ne pose le principe de la divisibilité, d'après lequel chaque décision, sur un chef distinct, serait considérée comme un jugement séparé; mais il en est ici comme d'une foule de maximes et de règles de jurisprudence, que le législateur n'a point consacrées en termes exprès, et qui n'en sont pas moins certaines, parce qu'elles ont eu constamment l'assentiment des magistrats et des jurisconsultes, et sont passées dans la doctrine.

Or, tel est le principe dont il s'agit. Il est formellement établi par les auteurs de la nouvelle collection de Denisart, au mot Acquiescement, ainsi que nous le verrons ci-après, sur l'art. 444; il a été reconnu comme reçu depuis longtemps par les arrêts de Nimes et de Rennes, et par celui de la cour de cassation du 26 prairial an XI (Sirey, t. 3, p. 310; Dalloz, t. 2, p. 148).

Dans l'espèce de ce dernier arrêt, le tribunal

(1) Nous ferons deux remarques à l'occasion de cet arrêt :

La première, c'est que, dans la Quest. 1442 de notre Analyse, nous avions tiré du rejet du pourvoi qui fut formé contre lui en cassation, et que prononce un arrêt du 12 sept. 1811, que la cour suprême avait consacré le principe de la divisibilité. Cet arrêt ne se trouve pas dans les recueils publiés jusqu'à ce jour; mais de Neufvillette, dans le mémoire cité ci-dessus, a fait remarquer qu'après la vérification par lui faite sur la minute, la cour n'avait point positivement consacré le principe de divisibilité appliqué par les juges d'appel, le moyen de cassation ayant été rejeté comme illusoire, en ce que, nonobstant la fin de non-recevoir, la cour de Rennes n'avait pas moins prononcé au fond sur le chef du jugement de première instance, qui était l'objet principal de l'appel. Mais, ajoute l'estimable jurisconsulte auquel nous devons le redressement de l'erreur qui nous avait échappé, cet hommage à la vérité ne détruit pas le principe formellement admis par la même cour de Rennes, et nettement consacré par d'autres arrêts, dont la conséquence naturelle et forcée laisse tout son empire à la règle générale sur Ja voie d'appel principal dans les délais, et à peine de déchéance.

Notre seconde remarque, c'est que Coffinières rap

porte l'arrêt de Rennes, dans son J. Av., t. 3, p. 345, et qu'en adoptant la décision de la cour de Nîmes, par le motif que le premier appelant avait expressément restreint son appel au chef qui préjudiciait à ses droits, il fait contre celle de Rennes quelques observations, fondées sur ce que, dans l'espèce de cette dernière, l'appel portait au contraire sur l'ensemble du jugement. Nous ne crùmes pas utile de nous expliquer sur ces observations dans notre Analyse, parce que nous considérions la question comme décidée par l'arrêt qui avait rejeté le pourvoi. La remarque qui précède nous oblige à faire connaître notre sentiment, qui est conforme à l'arrêt de Renues. En effet, si nous prouvons, et nous croyons y réussir, que la maxime tot capita, tot sententiæ a toujours été reçue dans la jurisprudence, il en résultera qu'elle doit être appliquée, même au cas où l'appelant principal ne déclare pas formellement qu'il limite son appel à un chef du jugement. La raison en est sensible; c'est qu'il serait absurde de supposer que l'appel qu'il interjette purement et simplement du jugement, portât sur les chefs à l'égard desquels il a obtenu gain de cause: il est donc nécessairement présumé n'avoir appelé que des seuls chefs qui lui préjudicient, et cet appel ne peut relever de la déchéance l'intimé, seul intéressé à altaquer le jugement en ce qui les concerne.

de Mont-Tonnerre avait eu à statuer sur quelques articles d'un compte, entre les héritiers Winter et Meister. Il en avait adjugé deux et rejeté le troisième.

Les héritiers Winter signifient ce jugement à Meister, avec commandement de l'exécuter. Chaque partie appelle du jugement.

Le tribunal civil du département déclare les héritiers Winter non recevables dans leur appel, sur l'unique motif qu'ayant acquiescé volontairement au jugement du tribunal de commerce, et l'ayant fait mettre à exécution, ce jugement avait acquis envers eux l'autorité de la chose jugée. Mais l'acquiescement des héritiers Winter portant sur des chefs du jugement totalement distincts et séparés de celui dont ils demandaient la réformation, il n'y avait pas lieu de leur opposer cet acquiescement, ni d'appliquer les lois qui donnent l'autorité de la chose jugée aux jugements acquiescés.

En conséquence, l'arrêt de la cour d'appel a été annulé pour fausse application de l'article 5 du tit. XXVII de l'ord. de 1667, qui attribue l'autorité de la chose jugée, soit à l'acquiescement formel, soit au défaut d'appel interjeté dans le temps prescrit par la loi, soit à l'appel déclaré péri (1) :

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l'objet du premier appel principal, pourvu qu'on soit dans les délais ou qu'on n'ait pas acquiescé; et qu'on peut également faire successivement deux pourvois en cassation contre le même jugement, considéré sous le rapport de deux chefs différents et distincts. (Voy. arrêt du 22 brum. an XIII; Sirey, an XIII, p. 289.)

C'est d'après le même principe de divisibilité des demandes, qu'on reconnaît s'il y a lieu à l'autorité de la chose jugée, savoir: eædem personæ, eadem res, eadem causa petendi. (Art. 1531, C. civ.)

C'est enfin d'après les règles de la chose jugée qu'il est facile de reconnaître les chefs de demande distincts et les différents jugements séparés (2).

Le principe de la divisibilité nous paraissant démontré, et chaque disposition d'un jugement portée sur des chefs absolument distincts, formant par conséquent autant de jugements particuliers et également distincts, il est de toute évidence qu'il ne peut résulter de ce que le juge a prononcé sur ces chefs, par un seul et même acte public, que l'on appelle un seul et même jugement, qu'il rende indivisible ce qui, par sa nature et essentiellement, est divisible. Il en est ici comme d'un seul contrat dans lequel les mêmes parties peuvent traiter et transiger sur plusieurs affaires indépendantes les unes des autres.

Il est donc vrai de dire qu'au fond, et sauf la forme de prononcer immédiate, les parties ont autant de jugements proprement dits que de chefs distincts jugés, et qu'elles se trouvent dans la même position que si des jugements avaient été rendus et expédiés séparément.

«Attendu qu'il est de maxime que, lorsqu'un »jugement a statué sur plusieurs chefs de de» mande, indépendants les uns des autres, la disposition qui frappe sur chacun des chefs » du procès est regardée comme un jugement » séparé, duquel il est permis à chaque partie » d'appeler, sans se priver du droit d'acquies» cer aux autres dispositions, et même d'en » poursuivre l'exécution provisoire, lorsque la » matière en est susceptible; que cette règle a » toujours été regardée comme constante, et » que l'ordonnance de 1559 ne s'est pas bor» née à laisser à l'appelant d'un jugement qui >> contient plusieurs chefs, la faculté de limiter » son appel à ceux qui lui portent un grief, » et d'exécuter les autres dispositions; mais » qu'elle lui en avait fait une obligation ex-sible et jugé dans cet état de divisibilité, ni » presse par son article 114, et l'avait sou» mis à déclarer le chef sur lequel portait son » appel, et à souffrir l'exécution du surplus du » jugement. »

C'est d'après le même principe de la divisibilité des jugements, qu'on peut interjeter appel d'autres dispositions que celles qui étaient

Or, comme le juge n'a ni l'intention ni le pouvoir, en statuant immédiatement sur chaque chef distinct des demandes et conclusions, en principal, suites ou accessoires, et en autorisant, par là, une seule expédition de ses prononcés, de rendre indivisible ce qui était divi

d'affranchir aucune des parties de l'accomplissement des règles générales sur l'exécution et l'autorité de ses décisions, ni d'étendre les cas d'exception, il faut bien que chaque partie agisse, pour ce qui regarde chaque jugement proprement dit, conformément à la règle générale, et n'invoque l'exception portée dans le

(1) Il y a également déchéance d'appel acquise après les délais, et présomption légale d'acquiescement, aux termes de l'art. 444, C. proc.

(2) On opposerait vainement, soit un arrêt de la cour de cass., du 20 déc. 1815 (Dalloz, t. 2, p. 155; Sirey, t. 16, p. 242), qui décide (et dans l'espèce d'un seul jugement) qu'aux termes de l'art. 445, § 3, la faculté » d'appeler incidemment, en tout état de cause, d'un » jugement de première instance, ne peut être cou» verte que par un acquiescement formel donné à ce

» jugement par l'intimé, postérieurement à l'appel » émis par la partie condamnée» (Sirey, t. 16, p. 242), et pour l'acquiescement postérieur, un arrêt du 31 oct. 1809 (Dailoz, t. 2, p. 150, et t. 10, p. 187; Sirey, t. 10, p. 61, et t. 9, p. 452), soit un autre arrêt du 26 oct. 1808 (Dalloz, t. 2, p. 157, et Sirey, t. 9, p. 98). On peut voir, pour la réfutation des inductions que l'on chercherait à tirer de ces arrêts, la consultation de Sirey, t. 20, p. 328, et surtout p. 350.

même art. 443, C. proc., que relativement à chacun des jugements.

Je signifie à personne ou domicile le jugement qui en contient plusieurs.

Par là, je signifie réellement plusieurs jugements;

Par là, je mets ma partie adverse régulièrement en demeure d'exécuter ceux des jugements qui ont adjugé tout ou partie de mes demandes en principal et accessoires.

Ce sera, en quelque sorte, un jugement bien plus distinct des autres, que j'aurai signifié à ma partie adverse, si ce jugement rejette une de ses demandes principales, indépendante des miennes.

Alors, la règle de conduite de chacune des parties n'est pas douteuse :

Celle qui a succombé plus ou moins complétement dans sa demande principale, distincte et particulière, doit interjeter appel principal | dans les trois mois de la signification à personne ou domicile de ce jugement, à peine de déchéance. (Art. 443 et 444, C. proc.)

L'autre partie peut, le cas ou l'intérêt échéant, prendre de là occasion d'interjeter un appel incident, en tout état de cause, mais toujours nécessairement, pour les dispositions qui se rattachent à ce jugement.

Quant aux autres jugements également signifiés, et qui me font grief, c'est à moi d'interjeter aussi un appel principal dans les trois mois, à compter de la signification, à peine de déchéance; et comme je puis former cet appel principal avant aucune signification emportant mise en demeure d'exécuter ou d'acquiescer, l'intimé (mon adversaire) pourra à son tour interjeter, plus tôt ou en tout état de cause, incidemment appel du jugement, s'il y a lieu. Quant à l'objection tirée de ce que l'une des parties pourrait, en interjetant son appel dans les derniers jours du délai, priver son adversaire de la faculté d'appeler incidemment, nous croyons qu'elle ne renferme qu'une argumentation frivole.

En effet, je signifie le jugement. Parlà, mon adversaire est mis en demeure de l'exécuter ou d'interjeter appel principal dans les délais.

Mais, par là, je ne me forclos pas du droit d'interjeter appel principal de l'autre jugement, qui me fait grief.

Je puis donc interjeter mon appel principal, après le délai expiré de l'appel principal du jugement qui me donne gain de cause.

De ce que je fais mes diligences contre ma partie adverse, en ce qui la concerne, il n'en résulte pas que ma partie adverse soit dispensée

(1) Nous disons non connexes, parce que l'appel relevé par l'intimé d'un chef non attaqué par l'appelant, mais connexe à un autre chef, ne doit pas être regardé comme principal, Le principe de la divisibilité ne s'entend, en effet, que dans ce sens, que tous les chefs

d'en agir de même contre moi, aux mêmes fins de faire courir le délai de l'appel, quant au jugement qui rejette mes chefs de demande distincts.

Il serait ridicule d'admettre que celui qui veille pour sa propre conservation fùt tenu de veiller encore pour la conservation de son adversaire. Il n'y a donc pas de temps frauduleusement calculé à m'imputer ma partie adverse n'a à imputer qu'à elle-même sa négligence volontaire.

Sans doute la loi admet, par exception à la règle générale, l'appel incident en tout état de cause.

Mais quelque générale que soit cette disposition, on n'y voit rien qui détruise le principe et les effets de la divisibilité des jugements; car la loi, dans l'art. 443, suppose un seul jugement, dont l'appel principal ouvre la voie de l'appel incident, qui, bien évidemment, ne peut se rattacher qu'à l'appel principal, dont le jugement attaqué est l'objet. Il n'y a pas de matière incidente relativement à un autre jugement ni à un autre appel principal, qui n'existe pas.

Autrement, la règle générale, posée dans la première disposition de l'article 445, deviendrait illusoire; et ce serait l'exception ainsi entendue par la troisième disposition du même article, qui donnerait cet étrange résultat.

Par tous ces motifs, que nous avons en partie puisés dans le mémoire de Neufvillette, et auxquels il est indispensable de joindre ceux que Sirey développe dans la consultation insérée au tome 20 de son recueil, 2o part., p. 528, nous persistons dans l'opinion que nous avons émise en nos précédents ouvrages, et nous tenons pour certain que toutes les fois qu'un jugement contient divers chefs distincts et non connexes (1), et qu'il n'y a appel principal que relativement à l'un de ces chefs; que toutes les fois même que dans la même hypothèse, il y a eu appel principal, sans interjeter purement et simplement appel d'un jugement qui, sur plusieurs chefs, aurait donné gain de cause à l'appelant, il faut en conclure, pour le premier cas, que l'appel incident, à l'égard des chefs non attaqués, est non recevable; pour le second, qu'il l'est également, puisque l'appel principal n'a pu porter sur des chefs jugés en faveur de l'appelant; qu'enfin, dans ces deux circonstances, l'intimé doit s'imputer de n'avoir pas, dans les trois mois de la signification du jugement par exploit à personne ou domicile, formé lui-même appel principal de ce jugement (2).

sont absolument distincts et séparés. C'est ce que la cour de Rennes a jugé, par arrêt du 19 juin 1811, qui, comme on voit, consacre derechef ce principe.

(2) Au surplus, on peut voir combien le passage de l'Exposé des motifs, inclus dans le commentaire de

[Cette question, objet de vives controverses, | posante qui a, depuis longtemps, fixé l'état de n'a pu, malgré les efforts de ceux qui l'ont la question dans un sens opposé à celui que détraitée, être résolue par le texte de l'art. 443,veloppe Carré. qui semble offrir des arguments aux partisans de l'une et de l'autre opinion, ou qui plutôt ne peut être invoqué par aucun d'eux.

Si, d'un côté, les adversaires de Carré font remarquer que l'article ne distingue pas et semble comprendre dans sa généralité autant les chefs séparés que les chefs connexes du jugement, pour donner à l'intimé la faculté d'en appeler incidemment à l'appel principal de l'un de ces chefs; de l'autre ceux qui partagent sa doctrine soutiennent que, si la distinction n'est pas apparente, elle est implicite, et que, précisément parce que l'article ne parle point des chefs séparés, il est censé, par là même, ne vouloir s'occuper que du chef frappé d'appel ou de ceux qui lui sont connexes. Le texte ne suffit donc point et c'est l'esprit seul de la loi qu'il faut consulter (1). Or, il sulte de cet esprit que la loi a voulu rendre les armes à celle des parties qui les avait volontairement abandonnées, lorsque sa partie adverse la provoque de nouveau au combat. L'espèce de transaction dont le silence de la première avait été le prix étant rompue par la seconde, celle-ci a dù rentrer dans tous ses droits.

Poncet, t. 1, p. 524, nos 521 et suiv., Merlin, Quest. de Droit, Favard, t. 1, p. 182, no 4, Berriat, h. t., note 57, no 1, Thomine, no 496, Boitard, t. 5, sur l'art. 445, et Talandier, n° 407, la soutiennent aussi de leur unanime assentiment. ]

1575. L'intimé ne peut-il interjeter appel incidemment, qu'autant qu'il se trouve dans le délai de trois mois, à partir de la signification que l'appelant lui aurait faite? [Quid des autres appels incidents dont il est parlé dans nos observations sur la Quest. 1575?]

Les auteurs du Praticien, t. 3, p. 31, résolvent affirmativement la première branche de la question. Mais il suffit de lire l'Exposé des ré-motifs du titre de l'appel, pour se convaincre que le législateur a eu l'intention de donner à l'intimé le droit d'appeler en tout état de cause, même après le délai de trois mois, à partir de la signification qui lui aurait été faite.

Si tel est le principe, n'est-il pas évident qu'il doit s'appliquer au cas où les appels respectifs portent sur divers chefs, comme au cas où ils sont dirigés sur le même (2)?

Au surplus, cette question a pu présenter quelque difficulté jusqu'en 1820; mais depuis cette époque, les cours royales et la cour de cassation l'ont tranchée de la manière la plus formelle.

Les arrêts de la cour d'Amiens des 29 mars et 10 mai 1822 (Sirey, t. 23, p. 323); de Lyon, 15 mai 1822 (Merlin, Quest. de Droit, t. 7, p. 472); d'Agen, 10 juin 1824 (Dalloz, t. 10, p. 97; Sirey, t. 24, p. 357); de Poitiers, 19 août 1851 (inédit); ceux de la cour de cass., des 15 janv. 1824 (Dalloz, t. 2, p. 164; Sirey, t. 24, p. 166), 16 juin et 18 juill. 1824 (Dalloz, t. 2, p. 165), 22 mars 1826 (Sirey, t. 26, p. 369); de Brux., 25 fév. 1827 (J. de B., t. 2 de 1827, p. 45), forment une jurisprudence im

l'art. 445, peut prêter d'appui à la doctrine que nous soutenons. Mais nous devons dire qu'un arrêt du 13 janv. 1824 (Sirey, t. 24, p. 166), sans rejeter le principe de la divisibilité sur lequel nous fondons notre opinion, a décidé contrairement que l'art. 443, C. proc., autorisait, sans distinction, l'appel incident en tout état de cause; que cet appel était recevable même contre les chefs du jugement autres que ceux sur lesquels il y a appel principal, encore bien que les chefs soient distincts et séparés du reste. Cette décision est uniquement fondée sur la maxime d'après laquelle il n'est pas permis de distinguer quand la loi ne dis

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Ici encore nous sommes dispensé de rapporter tous les arrêts qui ont décidé de la sorte, et dont plusieurs sont cités sur les questions précédentes; nous nous bornerons à rappeler celui du 26 oct. 1808, déjà cité sur la précédente question, et qui adoptait une jurisprudence formée avant la publication du Code de procédure (voy. Rép., au mot Appel, t. 1, p. 247), et que l'art. 445 a évidemment consacrée. Telle est aussi l'opinion de tous les auteurs. (Voy. entre autres Pigeau, t. 2, p. 68, no 542, édit. de la Soc. Typ.)

[Il faut mème dire que le 3o § de l'art. 445 n'a pas d'autre but que de relever l'intimé de la déchéance encourue par l'expiration des trois, mois et de lui rouvrir la lice en lui permettant d'y rentrer tout le temps que durera l'instruction.

Aussi, semblable question n'a jamais souffert de difficulté devant les tribunaux. Tous les arrêts déjà cités sur les questions précédentes ont reconnu, comme un principe, l'affranchissement du délai pour l'intimé qui veut

tingue point : ainsi, dans tout autre cas où nous argumentons du principe de la divisibilité des jugements, ce même arrêt ne pourrait être opposé.

(1) [On sent que nous ne posons la difficulté que sous le rapport de l'expiration du délai de trois mois. Eu ce qui concerne la forme de l'appel, puisque nous admettons celle du simple acte, même pour les jugements autres que celui dont est appel principal (Question 1573), à plus forte raison l'admettons-nous dans le cas de la question actuelle.]

(2) Contrà, La Haye, 13 juill. 1825 (J. de B., 1827, 5o, p. 98).

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