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saisie en vertu des articles 135 ou 235, déclare qu'il n'y a lieu à suivre, le pourvoi est recevable, non-seulement à raison d'une violation des règles de la compétence et des règles de la procédure, mais à raison de toutes les violations de la loi que l'arrêt peut sanctionner ou contenir. Il est visible, en effet, que l'arrêt qui, statuant sur une opposition, la rejette, ou qui, saisi d'une prévention, la déclare mal fondée, acquiert, s'il n'est l'objet d'aucun recours, l'autorité de la chose jugée, puisque sa décision. devient définitive et règle le sort de la procédure; il y a donc lieu, toutes les fois que cette décision n'est pas uniquement fondée sur l'appréciation des faits et qu'elle emporte la solution d'un point de droit, à l'ouverture du recours.

Ce premier point n'est nullement.contesté. Un juge d'instruction ayant déclaré par une ordonnance qu'il n'y avait lieu de décerner mandat d'arrêt contre un prévenu, le ministère public forma contre cette ordonnance une opposition qui fut rejetée par la chambre d'accusation. Le pourvoi formé par le procureur général contre cet arrêt a été déclaré recevable, et la Cour de cassation, statuant sur ce pourvoi, ne l'a rejeté qu'en fixant par son interprétation le sens de l'article 94 du Code d'instruction criminelle '. Les arrêts qui, dans les mêmes circonstances, ont admis ce pourvoi sont nombreux; il serait inutile de les rappeler.

2288. Si l'opposition du ministère public ou de la partie civile est accueillie, la difficulté ne s'élève qu'en ce qui concerne le prévenu a-t-il le droit de se pourvoir contre l'arrêt? Il faut décider que son pourvoi est recevable toutes les fois que l'arrêt qu'il attaque pourrait acquérir force de chose jugée sur le point qui fait l'objet du pourvoi. Supposons, par exemple, qu'il prétende que l'opposition du ministère public ou de la partie civile a été irrégulièrement formée, qu'elle l'a été en dehors du délai, ou par un acte qui n'a aucune force légale : il est évident que sur ce point l'arrêt de la chambre d'accusation peut revêtir force de chose jugée et que c'est là une disposition définitive contre laquelle il n'existe d'autre voie de recours que le recours en

cassation.

La jurisprudence a confirmé cette doctrine. Un arrêt a déclaré recevable le pourvoi formé par un prévenu contre un arrêt de la 1 Cass. 7 avril 1837 (Bull., no 107).

chambre d'accusation, à raison de la nullité de l'opposition qui avait saisi cette chambre : « Attendu que, s'il est de principe que les arrêts des chambres des mises en accusation, portant renvoi devant les tribunaux correctionnels, ne sauraient être considérés, en tant qu'ils statuent sur le fait de la prévention, comme ayant un caractère définitif et comme liant la juridiction par eux saisie, et si par suite, ces arrêts, aussi bien que les ordonnances de mise en prévention, ne sont susceptibles d'aucun recours, ce principe ne s'applique point au cas où le renvoi n'est prononcé qu'après l'examen et la décision du point de savoir si l'opposition déclarée par le ministère public ou la partie civile, en conformité de l'article 135, à une ordonnance de non-lieu, est intervenue dans le délai déterminé, à peine de déchéance par cet article; qu'en ce chef les arrêts de renvoi à la police correctionnelle, statuant souverainement et d'une manière définitive, ne peuvent être attaqués que par la voie du recours en cassation, seul moyen qui reste au prévenu pour faire admettre en sa faveur l'exception péremptoire résultant de ce que l'ordonnance de non-lieu aurait acquis l'autorité de la chose jugée 1. » On lit encore dans un autre arrêt « Que, si l'arrêt de la chambre d'accusation avait validé une opposition irrégulière, il n'eût appartenu qu'à la Cour de cassation, sur un pourvoi spécial, d'en prononcer l'annulation, et que la juridiction correctionnelle était sans droit et sans pouvoir pour en réformer les dispositions. » Enfin, dans un troisième arrêt, le prévenu a été déclaré recevable à fonder son pourvoi sur l'irrégularité de l'opposition de la partie civile à l'ordonnance de non-lieu, et ce pourvoi n'a été rejeté que parce que, « dans l'espèce, la partie civile a formé son opposition dans le délai de vingt-quatre heures, à partir de la notification de l'ordonnance de non-lieu; que cette opposition a été formée par un acte authentique ayant date certaine jusqu'à inscription de faux; qu'au lieu d'être notifiée au greffe, dépôt naturel des actes judiciaires, elle a pu l'être, sans qu'il en résulte de nullité, au parquet du procureur du roi; que d'ailleurs elle a été notifiée au prévenu et que celui-ci a produit sa défense à la chambre d'accusation 3.

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1 Cass. 15 avril 1836 (Bull., no 115). 2 Cass. 20 août 1852 (Bull., no 292). 3 Cass. 17 août 1839 (Bull., no 267).

2289. Lorsque les arrêts, soit que la chambre d'accusation ait été saisie par voie d'opposition ou en vertu des articles 135 et 235, renvoient les prévenus devant le tribunal correctionnel ou devant le tribunal de police, il y a lieu de distinguer, quant à la recevabilité du pourvoi, les droits du ministère public et les droits du prévenu.

Ces arrêts de renvoi peuvent être attaqués, comme on l'a vu, pour cause d'incompétence, soit par le procureur général, soit par la partie civile ou par le prévenu'. (Voy. no 2276.)

Ils peuvent encore être attaqués, soit par le ministère public, soit par le prévenu, toutes les fois qu'ils renferment une disposition définitive qui puisse acquérir l'autortié de la chose jugée et de laquelle puisse résulter un grief soit pour l'action publique, soit pour la défense.

Ainsi, le pourvoi est recevable contre l'arrêt d'une chambre d'accusation qui, après avoir reconnu au fait incriminé le caractère d'un délit, n'ordonne aucun renvoi. Ce point a été consacré par un arrêt qui prononce l'annulation: « attendu que la chambre d'accusation, après avoir procédé audit examen, a trouvé dans ce fait le même caractère de délit et les mêmes indices de culpabilité; qu'elle devait donc, aux termes des articles 130 et 230, prononcer le renvoi du prévenu en police correctionnelle et indiquer le tribunal qui devait en connaître; d'où il suit qu'en ne prononçant aucun renvoi, et en n'indiquant aucun tribunal devant lequel le prévenu serait traduit, la chambre d'accusation a suspendu la marche de la justice et violé les articles 130 et 230 *. »

Ainsi, le pourvoi est recevable encore contre un arrêt qui, en annulant une ordonnance du juge d'instruction, renvoie la procédure devant un autre juge : « attendu qu'au lieu de faire reprendre à l'instruction son cours ordinaire, cet arrêt ordonne que la procédure sera continuée par un autre juge d'instruction que le juge d'instruction en titre, qui a rendu l'ordonnance dont il prononce l'annulation, et exclut de la chambre du conseil les juges qui ont statué sur cette ordonnance; qu'en cela la cour a fait une fausse application des articles 472 et 473 du Code de procédure civile et 214, 429 et 431 du Code d'instruction criminelle et excédé ses pouvoirs; qu'en effet les juges d'instruction forment de véri

1 Cass. 15 juin 1838 (Bull., no 180); 4 déc. 1846 (I. cr., tom. XIX, p. 236). 2 Cass. 10 avril 1823 (J. P., tom. XVII, p. 1027).

tables juridictions et que les juridictions ne peuvent être saisies ou dépouillées qu'en vertu des dispositions de la loi; qu'aucune loi n'autorisait le renvoi et les exclusions prononcées par l'arrêt attaqué 1. »

Ainsi, le pourvoi est recevable contre l'arrêt qui décide que l'ordonnance de la chambre du conseil n'avait pas acquis force de chose jugée au moment de l'opposition. La Cour de cassation a reconnu ce point en déclarant : « qu'il s'agit dans l'espèce d'une double question de compétence de savoir si l'ordonnance de la chambre du conseil qui déclarait n'y avoir lieu à suivre contre Fraboulet était passée en force de chose jugée et si le fait articulé dans la plainte de la partie civile et dans l'arrêt attaqué constituait un délit ou une contravention de police; que c'est par la voie du recours en cassation que Fraboulet a dû attaquer l'arrêt de la chambre d'accusation, puisque sans ce recours l'arrêt aurait créé une fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée et de l'incompétence contre les moyens tendant à faire prononcer la nullité de l'opposition de la partie civile; que la cour, valablement saisie du pourvoi sous ce rapport, l'est nécessairement pour connaître des questions accessoires qui se rattachent au pourvoi1. »

Ainsi, enfin, le pourvoi est recevable contre l'arrêt qui, en statuant sur un chef des réquisitions du ministère public tendant au renvoi devant le tribunal correctionnel, à raison d'un fait qualifié délit, s'est borné à lui réserver son action à cet égard : « attendu que l'arrêt attaqué a méconnu les règles de compétence établies par les articles 130, 229, 230 et 231; qu'en effet il résulte de la combinaison de ces articles que l'examen auquel la chambre d'accusation doit se livrer lorsqu'une affaire est portée devant elle doit embrasser tous les faits sur lesquels a porté l'instruction; que ces faits doivent être considérés sous toutes leurs faces; que si devant les premiers juges ils n'ont pas reçu les qualifications véritables qui leur appartenaient d'après la loi pénale, la chambre d'accusation doit, même d'office, régulariser et compléter les qualifications; qu'elle le doit de même sur les réquisitions du procureur général, sans pouvoir se borner à prononcer des réserves relativement à un fait sur lequel il a conclu 1 Cass. 10 avril 1829 (J. P., tom. XXII, p. 912).

2 Cass. 17 août 1839 (Bull., no 267).

expressément devant elle, puisque ces réserves ne sauraient avoir pour effet de conférer au ministère public un droit qui ne lui serait pas attribué par la loi, ni de le relever d'une déchéance qui aurait éteint l'action publique; que l'arrêt attaqué s'est mis en opposition directe avec les principes ci-dessus posés '. »

2290. Mais les arrêts portant renvoi devant le tribunal correctionnel ou le tribunal de police peuvent-ils être attaqués pour fausse qualification des faits incriminés? La question doit être examinée sous un double point de vue : relativement au droit du ministère public et relativement au droit du prévenu.

En ce qui concerne le prévenu, le point est de savoir s'il doit être admis à se pourvoir contre l'arrêt qui le renvoie devant le tribunal correctionnel ou le tribunal de police, quand il fonde son pourvoi sur ce que le fait incriminé ne constituerait ni délit ni contravention. M. le président Barris a énoncé l'affirmative: « L'article 416, a dit ce magistrat, autorise le recours en cassation contre les jugements et arrêts rendus sur la compétence, sans limiter l'époque où l'exercice de cette faculté peut s'ouvrir. Les arrêts des chambres d'accusation peuvent donc être attaqués en cassation pour violation des règles de compétence dès l'instant où ils sont rendus et où ils sont connus des parties intéressées; ces arrêts peuvent violer les règles de compétence, lorsque, en qualifiant mal les faits de la prévention, ils en saisissent une juridiction à laquelle ces faits ne sont pas attribués par la loi, et lorsque, déclarant mal à propos que ces faits ne constituent ni crime, ni délit, ni contravention, ils affranchissent le prévenu de toute poursuite. Le prévenu pourrait de même, indépendamment du cas de violation des règles de compétence prévus par les articles 296 et 299, attaquer en cassation l'arrêt de la chambre d'accusation, lorsque, renvoyé par cet arrêt à la police correctionnelle ou à la police simple, il soutiendrait que le fait de la prévention n'est qualifié par la loi ni délit ni contravention *. » Cette doctrine, que M. Mangin a suivie 3, est-elle exacte?

3

Nous verrons plus loin que les arrêts des chambres d'accusation n'ont point l'autorité de la chose jugée relativement aux

1 Cass. 23 janv. 1845 (Bull., no 24).

2 Notes manuscrites, n. 3.

3 Tom. II, p. 220 ct 221.

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