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gine et peint notre caractère national, semble nous prescrire de lui consacrer une monnaie; et comme notre Constitution est fondée sur nos droits originaires, et porte l'empreinte de notre caractère, ne conviendrait-il pas de choisir pour doc ment historique cette Constitution gravée sur le bouclier français ? On lirait ces mots: Constitution des Français, 1789, 1790; et en exergue: Nous la maintiendrons; et afin que cette monnaie ait quelque conformité avec les francs du roi Jean et de ses successeurs, on y représenterait le roi à cheval, non en guerrier armé de toutes pièces, mais avec les ornements de la royauté, le sceptre en main, au lieu de l'épée. Ce ne sera pas le roi Jean sortant de la prison de Londres, ce sera un ami des Français visitant les départements, semant la bienfaisance, et récoltant une moisson de bénédictions et d'amour.

Piécette ou pièce de 5 sols.

5. Lorsque je vois sur les monnaies de nos ancêtres, les Gaulois, la liberté représentée par un cheval en pleine course, sans mors, ni selle, je désire de voir renouveler ce fier emblème avec cette légende: à la liberté.

SIGNES MONÉTAIRES ADDITIONNELS.

Espèces d'or. Ecus d'or ou pièces de 100 livres.

6o On pourrait choisir pour sujet de l'écu d'or la Fédération du 14 juillet 1790. On y verrait l'autel de la patrie, sur lequel la nation et le roi jureraient leur union et le maintien des lois

Jean Ier, et l'on a imprimé, très longtemps après, que ce nom lui avait été donné parce que cette pièce valait une livre ou vingt sols, comme si franc et livre étaient synonimes. On n'aurait pas hasardé cette assertion și: 1° on avait senti la valeur du mot franc, mot propre de nation, qui est devenu synonime de libre; 2° si l'on avait fait attention à l'empreinte de la pièce, et si on l'avait comparée à d'anciennes pièces gauloises sur lesquelles on voit un cheval en pleine course, symbole de liberté. Sur les francs de Jean lor, on voit un homme à cheval et le cheval en pleine course. 3° Si on avait médité sur l'époque à laquelle ces francs ont été fabriqués. C'est en 1360, immédiatement après le retour en France de ce roi qui avait été détenu prisonnier en Angleterre, qu'il fait frapper cette monnaie de la manière la plus caractéristique, pour indiquer qu'il avait voulu solenniser sa délivrance. En effet, et pour qu'on ne s'y méprenne pas, il prend l'emblème du cheval en pleine course, qui est le symbole de la liberté; il fait semer des fleurs de lis et l'armure du cavalier et la draperie du cheval, pour désigner la liberté d'un Français: enfin la légende Rex Francorum indique que c'est le roi qui a sa liberté. S'il a donna à cette pièce la valeur de 20 sols ou d'une livre, c'est qu'alors le mot livre se prononçait libre parce qu'il dérivait du latin libra. Enfin, ce n'était pas, parce qu'il valait 20 sols ou une livre, qu'on l'appelait franc, puisqu'en l'année suivante, le 14 avril 1361, ce même prince ordonna de frapper des francs d'or plus grands que les premiers, de 42 pièces au marc et au cours de 30 sols. Comment donc, le Blanc lui-même a-t-il pu dire que le FRANC fut ainsi nommé à cause qu'il valait un franc ou une livre, c'est-à-dire, 20 sols; et voyez comme il se contredit; puisqu'en parlant de cette monnaie frappée sous Charles V, il dit qu'à la suite on donna le nom de franc à ces pièces de 20 sols, à cause que la manière de compter par livres composées de 20 sols, doit son origine aux Français. C'était donc en mémoire des Français; mais cette seconde raison n'est pas plus philosophique.

constitutionnelles de l'Empire, lesquelles inscrites sur une table d'airain seraient suspendues audessus de l'autel; on lirait en légende: Fédération des Français dans la capitale de l'Empire.

On conçoit que le style de cette monnaie exige que la nation soit sous un costume dont ont saisisse facilement l'allégorie : le vètement court à l'antique, bordé de fleurs de lis; le manteau fleurdelisé, doublé d'hermine; la haste, l'épée, le rouleau des lois, le bonnet de la liberté orné de fleurs de lis. Le roi doit être avec tous les ornements de la royauté.

Comme sur une des faces de cette pièce on aurait le caractère des deux pouvoirs, je choisirais pour sujet du revers, le décret qui confirme le gouvernement monarchique, et je l'exprimerais par la représentation de l'ancienne manière de proclamer les lois; je placerais le roi sur le pavois national, avec cette légende: Monarchie confirmée. Les dates du décret et de la sanction seraient sur la tranche.

Louis ou pièces de 50 livres.

7. La seconde espèce d'or devant porter le nom du prince, je voudrais qu'elle fût consacrée à ces trois mots sacrés qu'a prononcés Louis XVI, le 4 février 1790: Une seule opinion, un seul intérêt, une seule volonté. C'est en se rappelant cette éternelle leçon pour les peuples et pour les rois, que le Français sera le plus grand, le plus fort des peuples, et que son roi sera le plus grand et le plus puissant des monarques: ainsi on représenterait le roi au milieu des représentants de la nation, le 4 février 1790.

Livre d'or ou pièce de 20 livres.

On pourrait choisir pour sujet de la livre d'or le vœu civique. Je crois qu'il aurait été bien représenté par un autel,sur lequel seraient le livre de la loi, la couronne, et le bonnet de la liberté, avec l'exergue: Loi, Nation, Roi; et la légende : vœu civique des Français, ↳ février 1790.

Pistole ou pièce de 10 livres.

Sur la pistole, ne pourrait-on pas exprimer la translation de l'Assemblée nationale à Paris, avec la date en exergue: 10 octobre 1790?

Espèces de cuivre.

Notre monnaie de cuivre est d'une pitoyable exécution. Les espèces de cuivre des Anglais semblent plus soignées que celles d'or et d'argent. Que l'ignorante morgue cesse de dire avec dédain: Ces monnaies ne sont que d'un métal vil. Qu'importe la nature du métal et même la mé. diocrité de son prix ? Considérons que cette monnaie sera plus habituellement entre les mains du Français qui n'a que le nécessaire très rigoureux: consolons-le de ce qu'il n'est pas riche, en lui rappelant que nous avons reconnu, que nous reconnaissons, et qu'à jamais nous reconnaîtrons qu'il est notre concitoyen, notre frère; et que s'il y a inégalité de rang, de fortune, de même qu'il y a inégalité de talens et de force, il y a égalité de justice et d'affection; qu'il ins

pire même un intérêt d'autant plus vif qu'il supporte la plus forte charge des fatigues et des maux. Rappelons-lui ces grandes vérités, en les imprimant sur une monnale qu'il aura souvent sous les yeux, parce que ce sera la monnaie dont il fera le plus d'usage.

Sol.

Il semblerait donc que notre sol devrait représenter l'Assemblée nationale remettant au roi le décret qui le proclame Restaurateur de la liberté française en exergue, ces mots : il l'accepte, 13 août 1789.

Demi-sol, pièce de 6 deniers.

Le 17 juillet 1789, le roi à l'Hôtel de ville de Paris, disait Mon peuple peut compter sur mon amour. Ce sentiment, consacré sur une espèce monétaire, rendrait ce signe intéressant, et pour le riche qui le conserverait comme anecdote philosophique autant qu'historique, et pour le pauvre auquel il offrirait une double consolation.

Liard ou pièce de 3 deniers.

Oubliera-t-on l'instant qui, réunissant toutes les classes des Français sous le ruban de trois couleurs, a fait des soldats de tous les citoyens, et des citoyens de tous les braves soldats ? L'épée antique surmontée du bonnet de la liberté, accolée de deux fleurs de lis, l'exergue 12 juillet 1789, la légende citoyens-soldats, rappelleraient ce souvenir dans la pièce de trois deniers qui peut être dans les mains de tous les citoyens.

Denier.

Lorsque le pauvre, qui ne peut acheter qu'un quarteron de pain, ou un quart d'once de tabac, veut payer le prix de ces substances si nécessai res à la vie ou à sa consolation, si la livre de pain ou l'once de tabac valent 2 sols 3 deniers, il ne devrait payer au plus que 7 deniers. Néanmoins on le force à en payer neuf, en vertu de la loi du fort denier, qui n'est écrite dans aucun code, mais que l'intérêt le plus vif a gravé en caractères révoltants sur son manuel infernal. Toutes les fois qu'on doit un denier, il en faut donner trois, parce que nous n'avons pas de pièces d'un denier. Ce n'est rien pour l'homme riche qui a beaucoup, c'est beaucoup pour l'homme pauvre, qui n'a rien, qui n'a exactement rien à sacrifier. Je demande ce signe monétaire pour l'homme pauvre. Que ceux que ces considérations trouvent insensibles, parce que la massue du besoin ne les frappe pas, se rappellent l'instabilité des choses d'ici bas, qu'ils pensent à cette inscription: Donnez une obole à Bélisaire. Je n'emploierais pas d'autre ornement pour cette monnaie, que cette simple inscription: premier soulagement, par décret de l'Assemblée nationale du....., et de l'autre côté: DENIER, altendez mieux (1).

(1) Le denier est rappelé dans la loi Salique, mais il était d'argent. Saint Louis a fait frapper les premiers deniers de billon. Henri III, et tous ses successeurs jusqu'à Louis XV, en ont fait fabriquer en cuivre: à Paris, sous

En parlant du perfectionnement de nos monnaies je ne dois pas passer sous silence quelques autres observations. Depuis quelques années, M. Droz a inventé un balancier monétaire, à l'aide duquel il prétend accélérer et perfectionner la fabrication des monnaies: il a eu des contradicteurs, il y a même de la concurrence; car M. Auguste, fermier des affinages, m'a annoncé un perfectionnement du même genre. Gardez-vous d'imiter ces commissaires des monnaies qui obligés, par état, de faire vérifier l'utilité des découvertes en ce genre, ne s'en ont pas même occupés. Empêchez, surtout, que les artistes utiles ne suivent l'exemple du fameux Nicolas Briot qui, persécuté par la cabale de la cour des monnaies, a porté en Angleterre son fameux balancier, découverte ingénieuse, utile à tous les arts, et avec laquelle il a frappé les plus belles monnaies qui eussent paru depuis la chute de Rome et d'Athènes.

Je ne dois pas oublier M. Romain Jeuffroy, graveur en pierres fines, qui, ayant retrouvé le moyen de graver sur l'acier trempé, connu chez les anciens, et non pratiqué de nos jours, a présenté au comité des monnaies un mémoire pour l'appliquer aux carrés des monnaies. Le talent de cet artiste est connu.

Au reste, n'admettez pas aveuglément ces découvertes nouvelles. Faites constater, par des expériences bien dirigées, leur utilité ou leur inutilité; faites dresser des procès-verbaux raisonnés, par deux commissaires de l'Assemblée nationale, deux membres de l'Académie des sciences, deux personnes ayant les connaissances monétaires requises, mais qui n'auront aucun intérêt à l'admission ou au rejet de ces découvertes. C'est ainsi que doit marcher le désir de connaitre la vérité; et c'est ainsi que la vérité se découvre.

On vous a proposé d'imprimer sur vos espèces leur titre et leur poids. La loi que vous rendrez sur ces titre et poids sera publique; personne ne pourra l'ignorer; chacun saura conséquemment, à quel titre, à quel poids doit être chaque pièce monétaire. Une empreinte quelconque assurera donc que vos espèces seront à tels titre et poids. Quelques chiffres et lettres ne seront pas un témoignage plus authentique; en effet, et d'abord quant au titre, l'énonciation qu'on imprimerait sur vos carrés n'ajouterait rien aux grains de fin qui pourraient manquer et quant au poids, comme la circulation le diminue chaque jour en raison de sa plus grande activité, l'impression du poids n'empêchera pas cet usement, et ne servira, à la longue, qu'à grossir le mensonge en proportion de la diminution du volume de la pièce.

QUATRIÈME PARTIE.

De la quantité de matières à fabriquer.

Combien fabriquerons-nous d'espèces de cuivre? Combien en fabriquerons-nous d'argent à 6 deniers?

Cette question n'est pas susceptible d'un grand examen; car la quantité de notre numéraire dépendant de l'étendue de nos besoins, il faut laisser au temps la mesure de cette étendue.

Louis XIV, on ne faisait usage que de la pièce de deux deniers et on l'appelait double: mais le pauvre peuple des provinces faisait un usage constant de la pièce du denier simple.

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Calculons néanmoins ces besoins. Vos nouvelles espèces de cuivre étant fabriquées au plus haut point de perfection, vous les verrez bientôt préférées à vos pièces de 2 sols et de 18 deniers; et comme ces pièces serviront à la fabrication de Vos monnaies de bas argent, il faudra étendre la fabrication de cuivre de manière à remplacer la quantité de cette monnaie de billon. On ne peut donc la porter à moins de 500,000 livres par département, ce qui l'élève à 41 millions 500,000 livres pour le royaume, sur quoi il faut déduire la quantité de la monnaie de cuivre qui existe.

Nous avons une base plus certaine pour la fabrication de la monnaie à 6 deniers de fin. Le comité des monnaies avait évalué à 990,000 marcs la quantité de petite monnaie d'argent, au titre de 10 deniers 21 grains, qui circule dans le royaume, ce qui aurait fait près de 50 millions; il porte aujourd'hui cette somme à 54 millions; mais il est démontré qu'il n'y en a pas assez, puisqu'on a introduit beaucoup d'espèces étrangères; ainsi il faut calculer sur une fabrication de près d'un million par département, ce qui demandera 2 millions 800,000 marcs de matière à 6 deniers de fin, pour les pièces de 5, 10 et 20 sols; savoir :

400,000 marcs en pièces de 5 sols;
800,000 marcs en pièces de 10 sols;
1,600,000 marcs en pièces de 20 sols.

Ce qui donnera 80 à 81 millions de petites monnaies.

Si vous considérez combien vos petits écus actuels éprouvent de détérioration par la circulation trop vive à laquelle ils sont exposés; et qu'il serait cependant improposable d'ordonner une fabrication de pièces de 3 livres à 6 deniers de fin, parce qu'elles seraient trop volumineuses; Vous vous déterminerez à décréter une monnaie de 40 sols au même titre que celle de 20 sols. La quantité de petits écus circulant dans le commerce est de plus de 300 millions; mais comme j'ai proposé pour 80 millions de petite monnaie, je crois qu'il faudra, pour le moment présent, n'ordonner qu'une fabrication de 120 millions de pièces de 40 sols, c'est-à-dire à peu près de 4 millions de marcs.

Telle est la quantité de monnaie qu'il est nécessaire de fabriquer.

Quant aux remèdes de fabrication, je crois qu'il faut les restreindre à un grain et demi de tin pour l'aloi et à 2 grains pesant pour le remede de poids.

Et à propos de ces remèdes, je dois répondre à une méchante objection qu'on me prépare, et qui ne peut être faite de bonne foi par ceux qui savent le français, et qui connaissent la différence qu'il y a entre ces expressions faire payer et tenir compte.

On fait payer en monnaie; on tient compte des objets de toute sorte de nature. On fait payer par le débiteur; on tient compte à un comptable. On conçoit déjà la différence essentielle de ces termes. Comment donc a-t-on pu m'imputer d'avoir voulu gratifier les directeurs des monnaies de deux trente-deuxième par marc d'or, et de trois quarts de grains par marc d'argent ?

Un directeur des monnaies doit rendre compte de toute la quantité de matières fines qu'on lui remet, et c'est là la partie de sa comptabilité qui est relative au compte des matières qu'il a reçues. Quant à sa fabrication, c'est autre chose. Comme il peut travailler un peu au-dessus, ou un peu au-dessous de la loi, afin de l'engager à travailler au point le plus approchant, après avoir

restreint à quatre trente-deuxièmes le remède d'aloi pour l'or, qui était à douze trente-deuxièmes et à un grain et demi celui pour l'argent qui était à trois grains; après avoir réduit le remède de poids à huit grains au lieu de quinze qu'on accordait pour l'or, et de trente-six pour l'argent, ce qui n'est certes pas un petit avantage, j'ai proposé de diviser les remèdes en deux, pour les porter une partie en dedans et une partie en dehors du travail; mais comme un directeur doit compte de la totalité du fin des matières qu'il a reçues, j'ai pensé qu'il était impossible, sans un double emploi, de lui faire payer de nouveau ce qui manquerait de fin dans la fabrication, en ce qui provenait du remède; et pour l'empêcher de travailler avec trop d'éteudue, ce qui porterait l'espèce au-dessus de sa valeur intrinsèque, j'ai ajouté qu'on ne lui tiendrait pas compte du fin ou du poids qui excéderait la loi et l'on ne pouvait, certes, donner d'autre sens à ces expressions, puisque j'ai ajouté que le directeur aurait intérêt à rapprocher tellement de la lettre de la loi, qu'il serait plutôt au-dessous qu'un peu au-dessus.

Au reste, je ne parle pas la langue des prétendus monétaires, mais la véritable langue française, dont il est utile d'étudier les synonymes, si l'on ne veut pas être ridiculement ergoteur.

CINQUIÈME PARtie.

Moyens de se procurer les matières pour subvenir à la fabrication.

Quels seront les moyens de se procurer de la quantité de matières nécessaires à cette quantité de monnaie?

D'abord, en ce moment, par votre fabrication de cuivre, vous serez bientôt en état de retirer toute la monnaie de billon, ce qui, grâce à vos cloches, vous rendra l'argent que contient ce même billon;

2o Les opérations subsidiaires sur cette matière de cloches, qui ne servira pas à vos monnaies, procureront une seconde source de matières d'argent, soit par son emploi, soit par sa vente;

3o Les bonifications de votre Trésor national, que l'on vous a annoncé devoir s'accroître, faciliteront cette fabrication;

4o Le désir d'avoir une belle monnaie, une monnaie commode, engagera les possesseurs de pièces de 6, 12 et 24 sols à les porter au change des monnaies;

En cinquième lieu, il est impossible de se dissimuler que le prix de l'argent est si élevé, que votre comité des finances ne pourra faire venir des piastres d'Espague sans faire de grands sacrifices, parce que les piastres valent réellement 55 livres le marc; et quand même vous consentiriez à faire ce sacrifice, vous n'en retirerez qu'un bien triste fruit; car on fondra vos écus pour vous les vendre plus cher. Il est donc d'une nécessité absolue de porter le prix de l'argent à 55 livres; à ce moyen, vos écus actuels se retrouveront à une valeur intrinsèque égale à la valeur légale, moins les frais de fabrication.

Ne vous inquiétez pas alors des moyens d'avoir des matières, vos hôtels des monnaies saurout bien s'en pourvoir, sans que l'Etat fasse aucun sacrifice.

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SIXIÈME PARTIE.

Moyen d'assurer d'une manière irrévocable et simple la vérité du titre, et d'empêcher l'émission d'une fabrication imparfaite.

Il ne suffit pas d'avoir de la matière pour faire de la monnaie; d'avoir déterminé le titre et la valeur des espèces; d'avoir statué sur leur perfectionnement et sur la quantité de la fabrication. Vous devez singulièrement veiller sur la fidélité de l'exécution.

Ceux qui ont lu le Traité de la constitution monétaire, que j'ai eu l'honneur de présenter à cette Assemblée, connaissent la plus grande partie des vices du régime monétaire. Je ne relèverai ici que les principaux d'entre ceux qui sont relatifs à la fabrication.

C'est d'abord un grand vice de mettre sur l'espèce l'empreinte avant qu'il soit irrévocablement jugé qu'elle est au titre et au poids. Les auteurs comparent la monnaie à un billet à ordre, dont l'empreinte est la signature: ils auraient dû ajouter qu'elle en assure la valeur. Or, a-t-on jamais trouvé une personne assez imprudente pour signer un billet à ordre dont la valeur serait laissée en blanc ? La signature du billet à ordre en garantit la valeur ; et c'est lorsque cette valeur est déterminée, que la signature est apposée sur le billet. Il faut donc aussi qu'une monnaie ne soit empreinte que lorsqu'il est constaté qu'elle a sa valeur légale; et elle n'a sa valeur légale qu'aulant qu'elle est au titre et de la pesanteur déterminés par la loi; et l'on ne peut être assuré qu'elle a ce titre et cette pesanteur que par les expériences de l'essai et de la pesée; et ces expériences doivent se faire par des personnes de l'art, et en présence de celles qui doivent veiller à la fidélité de la fabrication. Or, qui sont ceux qui doivent veiller à cette fidélité ? Les personnes auxquelles ont accordé leur confiance ceux qui ont intérêt à cette fidélité. Vous reconnaissez la nation : vous reconnaissez le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif.

Il faut conséquemment le concours de ces deux pouvoirs pour autoriser l'apposition de l'empreinte sur une monnaie quelconque. Mais dès qu'une fois les deux pouvoirs ont autorisé cette apposition, il serait absurde de soumettre les mêmes pièces à une nouvelle revision d'un des deux pouvoirs.

Il n'existe qu'un moyen de faire concourir les deux pouvoirs à la vérification, c'est-à-dire à la signature de notre billet métallique, et ce moyen est indiqué dans la constitution monétaire (p. 68 et 108): c'est que le département ou le district où se trouve l'hôtel des monnaies, commette un de ses membres pour qu'en qualité de commissaire de la nation, il fasse procéder à ces vérifications; c'est qu'en outre, le commissaire n'opère qu'avec celui que le roi aura nommé pour représenter le pouvoir exécutif. On conçoit que le commissaire de la nation doit être nominé à chaque opération, tandis que le commissaire du pouvoir exécutif peut remplir des fonctions annuelles.

Mais s'il est nécessaire que les deux pouvoirs concourent pour garantir à toutes les nations la fidélité de nos monnaies, il est aussi nécessaire qu'ils correspondent avec un comité composé des représentants du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif, qui puissent rendre compte, à l'Assem

blée nationale et au roi, de l'état des monnaies et d'une exécution conforme à la loi. C'est le comité des monnaies dont il est parlé dans le projet de décret sur les monnaies, comité composé d'un directeur général des monnaies et d'un commissaire général suppléant nommés par la nation; de deux commissaires généraux nommés par le roi; comité dont les fonctions sont si importantes qu'on ne saurait trop accélérer sa formation, et je crois qu'elle doit marcher du même front que le décret de la fabrication demandée.

Je propose donc en me résumant qu'il soit décrété: 1° que dans trois jours sera arrêté le choix des sujets des empreintes des espèces de cuivre de 1, 3, 6 et 12 deniers, ainsi que des monnaies de 5, 10, 20 et 40 sols;

2° Que tous les artistes seront invités à faire des dessins desdits sujets pour être, par l'Académie de peinture et sculpture, fait choix de ceux qui auront été exécutés avec le plus d'intelligence;

3o Que les dessins choisis seront gravés au trait lavé sur une dimension de cinq pouces de diamètre, et distribués aux artistes qui se présenteront pour graver les matières des monnaies;

4° Qu'il sera accordé trois semaines auxdits artistes pour la gravure des matrices destinées aux espèces de cuivre, et autant pour celles destinées aux espèces d'argent au titre de 6 deniers, et que l'Académie de peinture et sculpure choisira trois de ses membres pour être juges desdites matrices mises au concours;

5° Qu'il sera accordé une somme de 3,000 livres pour la gravure des matrices de chaque espèce aux artistes qui les auront exécutées avec le plus de perfection, ainsi qu'une somme de 600 livres à ceux qui auront obtenu le suffrage en second ordre ;

6° Que les artistes qui auront remporté les prix fourniront aux graveurs particuliers des monnaies les matrices et poinçons des espèces dont ils auront exécuté les matrices principales, sous la rétribution accordée ci-devant au graveur général des monnaies;

7° Qu'il sera fait sans délai, par-devant deux commissaires de l'Assemblée nationale, deux commissaires de l'Académie des sciences, et deux personnes ayant les connaissances monétaires, mais sans intérêt à l'admission ou au rejet d'aucune découverte, des expériences premièrement: sur la matière des cloches, pour constater le parti le plus avantageux à en retirer pour les signes monétaires, auxquelles expériences tous métallurgistes pourront assister et proposer leurs moyens; secondement, sur le procédé de la gravure sur l'acier trempé, proposé par M. Romain Jeuffroy, afin d'en constater la vérité et l'utilité; troisièmement, sur les balanciers des sieurs Droz et Auguste desquelles expériences, procès-verbaux seront dressés, et le rapport fait à l'Assemblée nationale pour être ordonné ce qu'il appartiendra;

8 Qu'il sera très incessamment fabriqué dans toutes les monnaies: 1° pour 41 millions d'espèces de cuivre ou de métal de cloches; 2° 6.800,000 marcs de monnaie d'argent, au titre de 6 deniers; à savoir, 400,000 marcs en pièces de 5 sols, 800,000 marcs en pièces de 10 sols, 1,600,000 marcs en pièces de 20 sols et 4 millions de marcs en pièces de 40 sols;

9. Que les écus et demi écus continueront d'avoir cours pour leur valeur de 6 et de 3 livres, ainsi que leurs subdivisions pour 6, 12 et 24 sols, jusqu'à ce qu'il en ait été autrement ordonné;

10 Que les pièces de deux sols et de 18 deniers cesseront d'avoir cours au 1er mars 1790, et qu'à cette époque elles ne seront reçues au change que pour leur valeur intrinsèque; mais qu'à dater du 1er février prochain (1), et pendant tout le cours dudit mois, lesdites pièces seront toutes reçues au change sans aucune réduction;

11. Que les pièces de billon provenant de l'étranger ne seront reçues que pour leur valeur intrinsèque, et que les pièces de 2 sols, tellement neuves qu'elles porteront la preuve de leur fausseté, ne seront reçues ni au change ni dans le commerce;

12° Que le prix de l'argent au titre de 12 deniers sera fixé à 55 livres;

13° Que les directeurs des monnaies ne pourront faire monnoyer aucune espèce, que préalablement leur titre et leurs poids n'aient été vérifiés par deux experts essayeurs nommés par deux commissaires, dont l'un choisi par le roi, et l'autre par le directoire du département ou du district, lesquels commissaires seront tenus d'assister auxdites vérifications, ainsi qu'au monnoyage des espèces ;

14 Que les ateliers des balanciers seront fermés sous trois serrures différentes, dont les clefs seront remises au président du directoire du département ou du district, au commissaire du roi et au directeur;

15. Que l'Assemblée nationale nommera très incessamment un directeur général des monnaies et un commissaire général adjoint, lesquels avec deux commissaires généraux des monnaies, qui seront nommés par le roi, composeront le comité auquel correspondront les commissaires du roi, ainsi que les officiers des différents hôtels des monnaies, pour être par ledit comité surveillées les opérations monétaires, et rendu compte tant à l'Assemblée nationale qu'au roi de tout ce qui a rapport auxdites opérations;

16 Que dans les arrondissements des différents hôtels des monnaies il sera fait choix, par les directeurs respectifs, de 85,000 quintaux de meilleur métal de cloches, pour être convertis en signes monétaires en proportion de la masse des besoias, ou employés à l'alliage des monnaies, après en avoir préalablement épuré le métal, et le surplus conservé en dépôt pour être employé aux différents besoins des hôtels des monnaies;

17° Que par-devant les commissaires nommés par l'Assemblée nationale, il sera procédé à l'enchère du surplus du métal des cloches, pour être adjugé, soit en gros, soit en détail, à celui ou ceux qui en feront les offres et les conditions les plus avantageuses; qu'en conséquence, il sera fait et imprimé, dans la huitaine, des affiches d'adjudication dudit métal, lesquelles seront placardées dans toutes les villes du royaume, à la diligence des directoires des différents départe

ments.

M. de Virieu. La question que nous discutons est d'une grande importance; nous désirons tous d'être éclairés; c'est par ce motif que je demande l'impression des discours de MM. T'évêque d'Autun et de Mirabeau.

(L'impression est ordonnée.)

La discussion sur les monnaies est interrompue à deux heures pour s'occuper d'affaires urgentes concernant le département du Nord.

(1) Ce projet ayant éprouvé des retards, il faudra éloigner ce terme.

1re SÉRIE. T. XXI.

M. Boutteville-Dumetz, au nom des comités réunis ecclésiastique et d'aliénation, rend compte de la conduite de la municipalité de Douai qui, secondant les projets des prêtres mécontents, a fait tout ce qui dépendait d'elle pour retarder la vente des domaines nationaux. Elle a répandu à profusion une circulaire où sont contenus tous les principes des partisans du clergé. Le département du Nord a pris sur cet objet un arrêté où il enjoint à la municipalité d'être plus circonspecté à l'avenir.

Le rapporteur termine en proposant un projet de décret qui est adopté en ces termes :

"L'Assemblée nationale, sur le compte qui lui a été rendu par ses comités ecclésiastique et d'aliénation, d'une délibération du conseil général de la commune de Douai, du premier de ce mois, d'une délibération du conseil du département du Nord, en date du 4, et d'une lettre écrite par le conseil général de la commune de Douai au conseil du département du Nord, du 7 du même mois; considérant: 1° que le conseil général de la commune de Douai a,par sa délibération du premier de ce mois, transgressé les premières règles de l'ordre administratif, suivant lesquelles les municipalités ne peuvent correspondre avec les conseils ou directoires de département, que par l'intermédiaire des conseils ou directoires de district; 2° que cette transgression réfléchie ne peut avoir eu pour motif que l'envie de donner une grande publicité à des principes aussi inconstitutionnels en eux-mêmes, que dangereux dans leurs conséquences; 3° que la profusion affectée avec laquelle le conseil général de la commune de Douai a répandu cette délibération dans la ville, et surtout dans la classe la moins éclairée des citoyens, retrace trop sensiblement l'ancien et repréhensible projet de ce même corps, de faire restreindre la vente des biens nationaux du département du Nord, à un 83° de la totalité des biens nationaux du royaume

« Décrète que la délibération du conseil du département du Nord, du 4 de ce mois, sera exécutée selon sa forme et teneur; approuve la conduite sage et ferme des administrateurs composant ce conseil; ordonne aux directoires des districts du même département de continuer les opérations relatives aux ventes des biens nationaux; leur recommande d'y apporter toujours le même zèle et le même patriotisme qu'ils y ont mis jusqu'à présent; ordonne à la municipalité et au conseil général de la commune de Douai, d'être plus circonspects, et, persistant dans son décret du 4 de ce mois, charge ses comités de mendicité et de finances de hâter le rapport qu'ils ont à faire sur les moyens de procurer aux pauvres le travail nécessaire pour assurer leur subsistance.

M. Merlin doune lecture de deux lettres adressées par les administrateurs du département du Nord, à M. Duportail, ministre de la guerre, et à l'Assemblée nationale.

En voici les termes :

Lettre à M. Duportail, ministre de la guerre.

« Monsieur, le licenciement et le débandement de l'armée patriotique des Pays-Bas autrichiens inondent tellement les campagnes frontières de ce département de gens sans aveu et de vagabonds que nous n'en recevons que les nouvelles les plus alarmantes. La plupart d'elles nous an

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