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En France, aussitôt que le cri: Le prisonnier est sauvé! eut retenti sous les voûtes de la Conciergerie, M. Anglès, qui depuis deux mois avait remplacé M. Decazes à la Préfecture de police, M. Decazes lui-même et le Procureur général Bellart, au sanglant renom, bondirent sur Madame de Lavalette. Interrogatoire, procès-verbal et mise au secret. La Chambre des députés tonna et la Comtesse fut gardée six semaines en prison. Louis XVIII se tut (1). De là cette épigramme :

«De notre gros Louis, vous désirez savoir

Ce qu'on pourra trouver, lors de ses funérailles :
On assure, du moins, c'est facile à prévoir

Qu'en vain l'on cherchera son cœur et ses entrailles. »

(1) Dans des livres qui font la fortune de certains éditeurs, dont l'engeance aujourd'hui pullule, livres rédigés à quelques centimes la ligne par de pauvres gens, j'ai lu que Louis XVIII aurait dit en apprenant l'évasion : « De nous tous, Mme de Lavalette est la seule qui ait fait son devoir. >>

J'ai raconté comment la Duchesse d'Angoulème avait fait repousser la Comtesse par son chevalier d'honneur, et comment MM. Anglès, Decazes et Bellart s'étaient conduits avec elle.

Avant d'implorer l'antibonne, Madame de Lavalette s'était jetée aux pieds du Roi qui lui avait dit : « Madame, je ne peux faire autre chose que mon devoir. »

C'est sans doute cette phrase que l'on a travestie.

Du reste, la police perquisitionna pendant trois semaines pour ressaisir le fugitif; les trois Anglais furent condamnés à trois mois de prison chacun; le porte-clefs de la Conciergerie, qui n'en pouvait mais, empocha trois ans et Louis XVIII ne sourcilla pas.

Lorsque le Comte obtint, en 1822, des lettres de grâce, il retrouva sa femme folle; et folle elle mourut longtemps après lui.

CHAPITRE IV

Conseiller Rapporteur.

nistie.

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Mort de Fouché. Commissaire Français. Ordonnances du Roi. - Les sept membres de la Commission. Etablissement de comptes.

Nous voilà considérablement éloignés de Mounier; mais il faut arriver au 12 janvier 1816 pour le voir donner signe d'existence. Il écrivait ce jour-là au Duc de Mortemart :

« La dernière fois que j'ai eu l'honneur de vous voir, vous m'avez fait espérer que vous voudriez` bien m'attacher à quelqu'un des Conseils de la garde nationale. Permettez-moi de vous rappeler cette promesse.

« Je désirerais beaucoup être placé ainsi d'une manière qui, en ne me laissant pas inutile à la garde nationale, me dispenserait d'un service actif assez peu en rapport avec ma position générale et souvent en contradiction avec mes autres fonctions.

« Agréez, Monsieur le Duc, etc. »

La réponse ne se fit pas attendre :

ÉTAT-MAJOR
GÉNÉRAL

GARDE NATIONALE DE PARIS

Paris, le 15 janvier 1816.

Le Maréchal, Pair de France, Commandant en chef,

Vu la démission de Monsieur le Chef d'Escadron d'ÉtatMajor, Armand de Bastard, Conseiller Rapporteur près le Conseil Général de discipline, ladite démission motivée sur sa nomination par le Roi à la place de Commissaire Général de Police du Département de l'Isère.

Et sur le compte avantageux qui lui a été rendu du zèle, du dévouement et de l'intelligence de Monsieur Mounier, Conseiller d'État, Officier de la Légion d'honneur et Capitaine d'État-Major, ordonne ce qui suit :

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ARTICLE PREMIER. La démission de Monsieur Armand de Bastard est acceptée.

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ᎪᎡᎢ. 2. Monsieur Mounier est nommé Conseiller Rapporteur près le Conseil Général de discipline, avec rang de Chef d'Escadron, en remplacement de Monsieur Armand de Bastard.

ART. 3. Le Major Général inspecteur Général des Conseils de discipline est chargé de l'exécution du présent arrêté.

Signé Le Maréchal OUDINOT.

Par le Maréchal Pair de France

Commandant en chef:

Le Major Général,

Signé : Le Duc de Mortemart.

Pour ampliation :

Le Major Général,

Le Duc DE MORTEMART.

Par le Major Général :

Le Colonel d'État-Major, Secrétaire Général,

DE TILLY,

Mounier était élevé, par ce brevet, à la dignité de pourvoyeur de l'Hôtel des haricots, maison d'arrêt de la garde nationale; mais peu importe.

L'ordre des dates m'appelle à reproduire une pièce d'importance plus haute. C'est une lettre de l'Empereur de Russie à Louis XVIII, lequel lui avait fait parvenir l'avis de son accession au traité dit de Sainte-Alliance, production du mysticisme

d'une illuminée allemande, la Baronne de Krüdner, combiné avec les aspirations mal définies de l'âme rêveuse du Tzar :

<«< Monsieur mon frère! la lettre par laquelle Votre Majesté me fait part de son accession au traité du 14/26 septembre m'a causé la plus vive satisfaction. Je me suis plu à reconnaître, dans les expressions dont elle se sert, la parfaite identité de ses principes avec ceux qui ont dicté cet acte, et l'accord des sentiments qui l'animent pour le bienêtre de la France, envisagé dans ses rapports intimes avec celui de l'Europe entière.

« Désirant mettre la dernière main à l'œuvre salutaire qui doit remplir les vues de la Providence divine sur les Souverains et les peuples confiés à leur sollicitude, je me suis empressé de ratifier l'ensemble des stipulations destinées à consolider la paix.

<«< L'inviolabilité des engagements qui en dérivent peut, seule, mettre un terme aux malheurs d'une nation que Votre Majesté est appelée à réconcilier avec elle-même et avec tous les membres de la famille européenne, trop longtemps les victimes de ses troubles intérieurs et de ses dévastations au dehors. J'aime à croire que leur confiance ébranlée ne tardera pas à renaître. Elle seule peut garantir le repos de la France. Mais cette confiance, unique base des transactions entre les États, ne saurait résulter que du système de modération, que Votre Majesté s'applique à faire prévaloir pour le bien de son peuple, dans la vue de désarmer toutes les passions qui l'agitent encore, et de confondre les intérêts qui le divisent en un seul intérêt national.

« Pénétrée comme l'est Votre Majesté de l'impor

tance de ses augustes fonctions, éclairée par le flambeau de la religion et de l'expérience, elle apercevra sans peine les conséquences d'un ensemble de mesures invariablement dirigées vers ce but.

« La France devra à sa sagesse et à sa modération le repos dont elle a besoin, et l'avantage non moins précieux de voir substituer par degré, à l'action d'une force répressive, celle d'une confiance réciproque entre elle et les autres États.

<« C'est dans la douce persuasion que Votre Majesté partage entièrement mes opinions à cet égard, que je la prie de compter sur mon amitié la plus active, et de croire aux sentiments inaltérables avec lesquels je suis, Monsieur mon frère, de Votre Majesté, le bon frère,

« ALEXANDRE, »

« Saint-Pétersbourg, le 23 janvier/4 février 1816. »

En voyant Alexandre louer Louis XVIII du système de modération que Sa Majesté s'applique à faire prévaloir, on se croit en présence d'une sanglante ironic.

Le Duc de Feltre, qui avait tenté vainement quelques démarches, après le retour de l'ile d'Elbe, pour obtenir son pardon de l'Empereur, avait pris en haine tous les officiers de la République et de l'Empire, et pour en admettre le moins possible dans la nouvelle armée, faisait examiner leur conduite par une Commission, présidée par le Maréchal Victor, revenu de Gand avec Louis XVIII. Cette Commission où figuraient le chevalier de Querelles, ancien chef dans les bandes royalistes de l'Ouest, le Maréchal de camp Prince de Broglie, ancien émigré qui n'avait jamais servi, et Borde soulle, un des généraux qui avaient décidé la défec

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