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des citoyens, les dernières conspirations et les révélations qu'elles nous ont procurées dans les menaces des derniers Bourbons doivent suffisamment apprendre ce que la généralité des citoyens devait obtenir si les complots eussent été réalisés; et, dans la conviction de la politique exterminatrice des derniers des Bourbons, les huit millions d'acquéreurs de domaines nationaux, les nombreux fonctionnaires publics successivement employés depuis 1789 dans tout le système administratif ou de la représentation nationale, et les cinq cents mille guerriers, illustres défenseurs de la patrie, tous repoussent inexorablement l'affreuse anarchie, et deux siècles d'horribles guerres civiles qu'entraînerait le retour au système féodal.

» Les Capétiens n'ont jamais voulu sincèrement en affranchir la nation, non plus qu'assurer la permanence et la périodicité des états généraux ou de la représentation nationale.

« Sous Charles VI, c'est au milieu des exécutions dont Paris » et la France voyaient tous les jours renouveler l'infâme spec»tacle, que ce roi, supprimant les officiers municipaux de la

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capitale, défendit aux bourgeois, sous peine de la vie, toute espèce d'assemblée, les priva de leurs droits de commune, » rétablit les impôts qui avaient été levés par son père sans le » consentement des états, et donna à ses élus et à ses conseil»lers des aides un pouvoir arbitraire. » (1)

» Les leçons de l'histoire, comme l'intérêt national, sanctionnent donc la déchéance des Bourbons.

« Le pouvoir exécutif en France doit-il étre héréditaire dans la famille du premier consul Bonaparte? Je ne connais rien de plus précis ni de plus concluant sur les avantages qu'a le système d'hérédité sur le système électif que ce que dit sur la France même l'un des députés aux états généraux d'Orléans et de Blois, en 1560 et 1588. (2)

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«En toutes monarchies électives, dit-il, il y a un danger qui advient toujours; c'est qu'après la mort du roi l'Etat » demeure en pure anarchie, sans roi, sans seigneur, sans >> gouvernement, et au hasard de sa ruine, comme le navire » sans patron, et qui doit son naufrage au premier vent; cependant les voleurs et meurtriers assassinent comme il leur » plaît, avec espérance d'impunité. Aussi lisons-nous que, » pendant les élections des sultans d'Egypte, le pauvre peuple » et les meilleures villes de tout le pays étaient saccagées par les

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(1) Mably, Observations sur l'Histoire de France. (2) Jean Bodin.

» mamelucks. Si on dit que cependant on établira un gouver» neur, je dis qu'il n'y aura pas moins de difficultés qu'à

» faire un roi.

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» Mais posons le cas qu'il se fasse sans contredit, sans assem»bler les états, auxquels appartient de nommer le gouverneur; qui sera garant de sa foi? Qui l'empêchera d'envahir l'Etat, » l'ayant en sa puissance? Qui est-ce qui le désarmera s'il ne » veut? On a vu comme s'y porta Gustave, père de Jean de Suède, qui de gouverneur se fit roi sans attendre l'élection. » Et on laisse le gouvernement au Sénat, comme il se fait en Pologne, et se faisait à Rome anciennement : le danger n'est » pas moindre que cependant les plus forts ne s'emparent des » forteresses. Quant aux guerres des Romains et puis des Allemands, advenues pour les élections des empereurs, toutes >> leurs histoires ne sont pleines d'autre chose, où chacun peut » voir le piteux spectacle des villes saccagées, des provinces pillées et fourragées des uns ou des autres.

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» Encore y a-t-il un autre inconvénient, c'est que le plus » beau domaine public est tourné en particulier, comme il » s'est fait du domaine Saint-Pierre et de l'empire d'Alle» magne; car les princes élus, sachant bien qu'ils ne peuvent » laisser l'Etat à leurs enfans, font leur profit du public par » venditions et donations. >>

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Mais, l'hérédité reconnue comme système préférable pour la stabilité du gouvernement français, quel homme illustre, quelle famille accréditée en Europe doit être élevée à cette éminente dignité?

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» Tribun français, je répondrai comme le pape Zacharie le fit à Pépin Celui-là qui porte avec gloire tout le poids des affaires d'une grande nation est seul digne du rang supréme. (1)

» Ce grand homme, l'histoire l'a déjà nommé, c'est NAPOLÉON BONAPARTE! Les contemporains le béniront, et il sera l'admiration de la postérité la plus reculée, encore moins par la gloire qu'il s'est acquise que pour l'avoir fait tourner à la pacification de la France et au repos de l'Europe. Bonaparte a mérité et justifié le titre d'empereur ou de victorieux, que la nation va se complaire à lui décerner avec la stipulation fondamentale d'hérédité dans sa famille, dont les membres sont illustrés par d'importans services dans l'armée, dans les négociations et dans les délibérations publiques.

(1) Anciennes Annales des Francs, et Annales de Fulde. Dom BOUQUET.

» Quant à la garantie pour la nation, cette garantie réside sur une base fondamentale, sa participation au pouvoir législanf, et le droit inaliénable, qu'elle exerce par ses délégués, de délibérer publiquement l'impôt, de le voter, et de requérir toutes pièces originales des recettes et des dépenses publiques, pour motiver dans tous les temps la confiance.

» Je dis participation inalienable au pouvoir législatif et au vote libre et public de l'impôt, parce que ce droit les Francs l'apportèrent des forêts de Germanie, et qu'ils l'exercèrent même sous le gouvernement conquérant et politique de Clovis et de Charlemagne.

» Mais « Charlemagne oublia d'affermir la puissance publique » sur une base inébranlable. Il fallait, par une loi fonda» mentale, fixer l'ordre de la succession au trône, rendre » inviolable l'autorité souveraine, et proscrire à jamais le >> partage de la monarchie. Il fallait déclarer, par une loi » solennelle, que, tous pouvoirs n'existant que pour l'intérêt >> commun cet intérêt s'oppose à leur aliénabilité. Quelles effroyables calamités ce petit nombre de lois constitutives » eût épargnées aux générations suivantes! » (1)

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» Je dis aussi inaliénable, parce qu'après que le système féodal, fruit de l'imprévoyance de Charlemagne et de l'incapacité de ses successeurs, commença à se briser, les Français cherchèrent à reconquérir leurs droits à la puissance législative et au vote libre de l'impôt, d'abord par des priviléges de bourgeoisie, ensuite par l'affranchissement des communes, par des états provinciaux ou particuliers, enfin par l'admission des députés de toutes les classes de citoyens aux états généraux.

» Je dis encore inaliénable, parce que si les derniers Bourbons ont été cent dix-huit ans sans convoquer d'états géné– raux, le comble des abus et des malheurs publics, et les grandes catastrophes dont ils sont justement les victimes, démontreront à la postérité qu'on ne viole pas impunément les droits sacrés qu'a une nation libre au pouvoir législatif et au vote libre de l'impôt.

» Je dis enfin droitinaliénable, parce que toutes les classes de citoyens chargèrent en 1789, expressément, leurs députés aux états généraux de prononcer la permanence et la périodicité du pouvoir législatif, et que toutes les instructions s'accordèrent à demander le vote annuel et libre de l'impôt.

(1) Résumé des cahiers et pouvoirs aux états généraux de 1789. Discours préliminaire.

» Cette garantie, que la nation s'est toujours réservée, et qu'elle exerce dans ce moment, se consolide donc en rendant héréditaire le pouvoir exécutif en France dans une famille dont les services, la gloire et la fortune ont pour origine ce principe fondamental de la liberté française; principe exercé ou réclamé, dans la prospérité comme dans l'adversité, pendant treize cents ans ; principe cimenté de nouveau aujourd'hui durant quinze années par les triomphes des héros et le sang d'un million de Français.

» Enfin, la garantie de la nation dans l'exercice du pouvoir législatif, et le vote annuel et libre de l'impôt étant identique avec les titres qui conduisent au rang suprême Napoléon Bonaparte et sa famille, et l'union intime de cette illustre famille avec l'universalité des citoyens français, avec nos institutions civiles, politiques et militaires, devant assurer la stabilité du gouvernement, et devenir le germe de la prospérité publique en France, je vote pour l'examen par une commission de la motion d'ordre de notre collègue Curée. »

RAPPORT fait au Tribunat par Jard-Panvilliers, au nom de la commission (1) chargée d'examiner la motion d'ordre du tribuu Curée. -Séance du 13 floréal an 12.

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Citoyens tribuns, après dix ans d'efforts inutiles pour se donner un gouvernement stable et régulier, la France allait être de nouveau livrée aux fureurs des partis et aux désordres de l'anarchie, lorsqu'elle vit luire la journée à jamais mémorable du 18 brumaire an 8. Dès lors tous les cœurs se livrèrent à l'espérance.

» Un héros qui avait déjà rempli l'univers du bruit de ses exploits militaires et de la profondeur de ses vues politiques dans les divers traités qu'il avait conclus en Italie, et dans le gouvernement de ses conquêtes d'Egypte, était accouru des bords du Nil aux rives de la Seine à la voix de la patrie éplorée. Conduit par le génie tutélaire de la France à travers des flottes ennemies, il avait touché le sol de la République au moment même où des factieux se disposaient à y rétablir le règne affreux de la terreur. Son nom seul pouvait leur imposer; il devint l'objet des espérances de tous les bons citoyens. Tout ce qu'il y avait d'hommes amis de leur pays dans les

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(1) Membres de la commission: Curée, Sahuc, Jaubert (de la Gironde), Duveyrier, Duvidal, Gillet (de Seine-et-Oise), Fréville, Carion-Nisas, Savoye-Rollin, Albisson, Grenier, Delaitre, ChabautLatour, Fabre, Jard-Panvilliers, Faure, Siméon, Arnould.

mières autorités de l'Etat se rallia autour de lui, et sentit la nécessité de lui remettre les rênes du gouvernement. Il les saisit d'une main ferme, mais avec tous les ménagemens que commande une politique sage et éclairée.

» Il introduisit l'esprit de modération dans le gouvernement, et le premier usage qu'il fit de l'autorité qui lui était confiée fut de proposer aux puissances étrangères de mettre un terme aux maux de la guerre qui depuis dix ans ensanglantait l'Europe. Des propositions de paix de la part d'un héros qui n'avait jamais connu de défaites que celles de ses ennemis, étaient bien propres à rassurer les gouvernemens sur les projets de conquêtes et de bouleversement qu'on supposait à la France; mais les passions qui avaient allumé le feu de la guerre étaient encore trop exaspérées pour que ces propositions fussent accueillies. Il fallut recourir encore à la force des armes et cette nécessité donna lieu à ce prodige militaire, à cette campagne de Marengo, monument éternel de la valeur des Français et de l'habileté de leur chef, qui, par une marche aussi audacieuse que savamment combinée, s'empara de tous les magasins de l'ennemi, et le força par une seule victoire à lui remettre toutes les places fortes du Piémont et de la Lombardie.

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Depuis longtemps il avait accoutumé les peuples à ses succès; mais celui-ci parut si fort au-dessus de tout ce que l'histoire nous apprend des triomphes des plus grands capitaines, et de ses propres victoires, qu'il excita une admiration universelle, et fit sentir aux puissances coalisées qu'elles tenteraient inutilement de vaincre une nation qui dès lors se crut elle-même invincible sous un tel chef.

» Toutefois le fléau de la guerre ne fut encore suspendu que pour quelques instans ; mais la gloire militaire du premier consul de la République, son administration intérieure, la dignité et la modération qu'il mettait dans ses rapports avec les autres gouvernemens, inspirerent tant de confiance à la nation, que la sécurité renaquit dans l'esprit de chaque citoyen, le commerce reprit son activité, et le crédit public se rétablit comme au sein de la paix la plus parfaite.

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Quel motif d'inquiétude pouvait-on avoir en effet quand on savait qu'un génie actif et bienfaisant veillait à la sûreté intérieure et extérieure de l'Etat? La paix, ce bien si désiré, personne n'ignorait qu'elle était l'objet de ses vœux les plus ardens; on se flattait que la victoire et la modération écarteraient tous les obstacles qui s'opposaient à son retour, et cette espérance ne tarda pas à se réaliser. Dans moins d'un an l'Europe entière fut pacifiée : elle le serait encore si une puissance, jalouse du bonheur des autres nations et de la prospé

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