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Il y a lieu de remarquer ici que, d'après une jurisprudence qui sera examinée ultérieurement (no 2310), le prévenu, s'il n'est pas sous la main de la justice, n'est pas recevable à se pourvoir contre l'arrêt qui le renvoie devant la cour d'assises, soit parce que, suivant les termes de l'article 421, il ne serait pas en état, soit parce que, s'il est fugitif, les articles 465 et suivants, qui règlent la procédure contumaciale, excluent implicitement ce pourvoi. C'est par ce double motif que la Cour de cassation a rejeté le pourvoi des accusés contumax contre les arrêts de renvoi. On lit en effet dans ces arrêts « qu'aux termes des articles 296, 297 et 299, un accusé ne peut former de pourvoi que dans les cas prévus et limités par l'article 299; que, si l'extinction de l'action publique par la prescription ou par l'autorité de la chose jugée en faveur de l'accusé peut donner lieu à l'annulation d'un arrêt qui l'aurait renvoyé devant la cour d'assises pour des faits non susceptibles d'être poursuivis contre lui comme crime, les dispositions de ces articles supposent qu'il s'agit d'un accusé détenu et n'accordent explicitement la faculté du pourvoi qu'aux accusés détenus; qu'il résulte des articles 465 et suivants sur les contumax que, lorsqu'un individu contre lequel est intervenu un arrêt de mise en accusation n'a pu être saisi ou ne se présente pas, il doit être rendu contre lui une ordonnance portant qu'il sera tenu de se représenter dans un délai de dix jours; qu'il est ensuite procédé contre lui au jugement par contumace; qu'il résulte desdits articles qu'aucune défense ne peut être présentée sur le fond de l'accusation en faveur du contumax, et que l'ensemble de ces dispositions exclut toute faculté de pourvoi en cassation de la part de l'accusé placé dans les termes de l'article 465'. >>

2295. Le droit des parties civiles a donné lieu à plusieurs difficultés.

Il faut distinguer si ce droit est exercé en matière criminelle ou en matière correctionnelle ou de simple police.

En matière criminelle, la question s'élève relativement 1° aux arrêts de non-lieu; 2° aux arrêts qui admettent une exception sans déclarer qu'il n'y a lieu à suivre au fond; 3° aux arrêts d'incompétence.

1 Cass. 23 avril 1846 (Bull., no 100); 23 mai 1846 (Bull., no 129).

La partie civile est-elle recevable à se pourvoir contre les arrêts de non-lieu ?

La chambre d'accusation ne peut être saisie que de l'action publique; elle est incompétente pour statuer sur l'action civile des parties, et dès lors, cette action n'est portée dans aucun cas devant elle; elle ne prononce de dommages-intérêts que lorsqu'elle rejette, suivant les termes de l'article 136, l'opposition de la partie civile à l'ordonnance de la chambre du conseil. Quel peut donc être le but du pourvoi de cette partie contre l'arrêt de non-lieu? C'est de demander que l'action publique soit renvoyée devant des juges qu'elle puisse saisir en même temps de son action civile. De là la conséquence que la condition de cette intervention est l'existence même de l'action publique; car il est clair que, si cette action a cessé d'exister, la chambre d'accusation ne peut plus la renvoyer devant aucune juridiction. Or, l'action publique existe-t-elle encore quand la chambre d'accusation a déclaré qu'il n'y a lieu à suivre et que le procureur général ne s'est pas pourvu contre cet arrêt? Il est évident qu'elle est complétement éteinte, à moins que le pourvoi de la partie civile n'ait pour effet de la conserver.

La partie civile a le droit de mettre en mouvement l'action publique, mais elle ne l'exerce pas; elle peut en saisir la justice répressive, mais elle ne fait elle-même aucun acte de poursuite. Nous avons essayé précédemment de mettre en lumière cette distinction, qui constitue la base même de notre procédure criminelle. (Voy. no 523.) Or, le pourvoi, lorsqu'il s'applique à l'action publique, est un acte de poursuite de cette action; car il ne s'agit plus de la mettre en mouvement; les tribunaux en ont été saisis ; elle a suivi son cours; il s'agit de continuer les actes sur lesquels elle s'appuie, c'est-à-dire de l'exercer; or, l'exercice de l'action. publique est une fonction que la loi a réservée aux membres du ministère public. On trouve, à la vérité, une exception à cette règle dans l'article 135, qui confère à la partie civile le droit de faire opposition à l'ordonnance de non-lieu et donne à cette opposition l'effet de soutenir l'action publique défaillante par l'acquiescement du ministère public. Mais cette exception, que nous avons du reste appréciée, ne peut être étendue au delà de ses termes si l'article 135 ne l'avait pas écrite dans son texte, nul ne prétendrait, en présence des articles 1 et 3 du Code, que la

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seule opposition de la partie civile pût faire vivre l'action publique après l'ordonnance de non-lieu du juge d'instruction; par conséquent, il suffit que notre Code ne l'ait pas reproduite, lorsqu'il s'est occupé du pourvoi contre les arrêts de la chambre d'accusation, pour qu'elle ne puisse être suppléée. Autre chose est le droit de faire opposition aux ordonnances de mise en liberté du juge d'instruction, autre chose le droit de former un pourvoi contre les arrêts de non-lieu de la chambre d'accusation; la loi, comme nous l'avons vu, redoutant quelque peu la faiblesse ou les entraînements des juges, a voulu placer à côté du ministère public une seconde sentinelle, que ses intérêts lėsės rendent quelquefois plus vigilante, et qu'elle a chargée de conserver par son opposition une action que l'inertie du procureur impérial aurait laissée s'éteindre. Mais cette précaution aufaitelle pu être continuée vis-à-vis de la chambre d'accusation et relativement au procureur général? La défiance qui l'a motivée pouvait-elle s'étendre jusqu'à cette juridiction souveraine et jusqu'au chef du parquet?

Prenons maintenant les textes : l'article 299, qui ne s'applique à la vérité qu'aux arrêts de renvoi devant la cour d'assises, n'ouvre qu'au procureur général et à l'accusé le pourvoi contre ces arrêts. L'article 408, qui applique à tous les arrêts de la chambre d'accusation les moyens de nullité qui peuvent être invoqués contre les arrêts de condamnation, ne mentionne encore que le pourvoi du ministère public et de l'accusé. De là que faut-il conclure? C'est que la partie civile, en matière criminelle, n'étant point associée à l'exercice de l'action publique, n'est point chargée de veiller à ses intérêts et de la relever quand elle succombe. Quel est donc son rôle? Il est tracé par l'article 373 et par l'article 412. L'article 373 porte qu'elle ne peut se pourvoir que quant aux dispositions relatives à ses intérêts civils; l'article 412 lui interdit de poursuivre l'annulation d'une ordonnance d'acquittement ou d'un arrêt d'absolution, à moins que l'arrêt n'ait prononcé contre elle des condamnations civiles supérieures aux demandes de la partie acquittée ou absoute; cette disposition seulement peut être annulée sur sa demande. Ainsi, la partie civile ne peut saisir la Cour de cassation que de ses intérêts civils. Et, dès lors, quel serait l'effet de son pourvoi contre un arrêt de non-lieu, s'il pouvait être admissible?

Est-ce que son action civile peut être renvoyée devant une juridiction répressive si celle-ci n'est pas saisie à la fois de l'action publique? Or, cette dernière action éteinte, que peut-elle demander?

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Telle est la doctrine consacrée par la Cour de cassation, et la jurisprudence de cette Cour n'a jamais varié sur ce point. Un arrêt du 28 juin 1822, le premier qui soit motivé, rejette le pourvoi d'une partie civile contre un arrêt de non-lieu, en déclarant : « qu'aux termes de l'article 1er du Code d'instruction criminelle, l'action pour l'application des peines n'appartient qu'aux fonctionnaires auxquels elle est confiée par la loi; que cette action, qui est l'action publique, n'appartient donc pas aux plaignants parties civiles; que, d'après l'article 3, l'action civile peut être poursuivie soit en même temps et devant les mêmes juges que l'action publique, soit séparément; mais que, dans ce dernier cas, le jugement de l'action civile est suspendu, tant qu'il n'a pas été prononcé définitivement sur l'action publique; que la première de ces actions est donc subordonnée à la seconde; qu'elle peut y être jointe et en devenir un accessoire; mais ces deux actions sont toujours et essentiellement distinctes l'une de l'autre celle-ci ayant pour objet nécessaire l'intérêt public et l'application aux coupables des peines encourues, celle-là ne pouvant en avoir d'autre que l'intérêt du plaignant et la réparation du dommage causé par le crime; que si l'article 135 autorise l'opposition de la partie civile aux ordonnances de mise en liberté rendues par les chambres du conseil, cette disposition, qui est hors des termes du droit commun, doit être restreinte au cas particulier pour lequel elle est faite, et ne saurait donner à la partie civile le droit de se pourvoir contre les arrêts par lesquels les chambres d'accusation déclarent qu'il n'y a pas lieu à suivre contre les prévenus traduits devant elles; que, quand le ministère public demande l'annulation de ces arrêts, sa demande est la suite d'une action publique-à laquelle peut être jointe l'action civile, d'après les principes établis dans l'article 3; mais que, s'il garde le silence, il renonce à l'action que seul il avait le droit de suivre; que l'action publique, qui n'existe plus, ne peut revivre par le fait de l'action civile ; que l'action de cette partie pour ses dommages et intérêts, ne pouvant être jointe à l'action pour l'application des peines, qui est éteinte, elle ne peut être suivie par la voie criminelle, ni par conséquent auto

riser un pourvoi dont l'objet serait nécessairement le renvoi du prévenu devant la cour d'assises 1. »

2296. La même règle doit être appliquée au cas où le pourvoi aurait été formé contre un arrêt qui aurait rejeté l'opposition faite par la partie civile elle-même, car le droit que l'article 135 lui a accordé s'arrête à l'opposition contre l'ordonnance de la chambre du conseil, et il n'en peut résulter le droit de se pourvoir même contre l'arrêt qui a rejeté cette opposition. C'est ce que la Cour de cassation a reconnu en rejetant le pourvoi d'une partie civile : « Attendu que l'arrêt attaqué déclare le demandeur, partie civile, non recevable dans son opposition à une ordonnance de la chambre du conseil portant « qu'il n'y a lieu à suivre sur sa plainte, faute par lui d'avoir formé cette opposition dans le délai de vingt-quatre heures »; que le procureur général ne s'est pas pourvu contre cet arrêt; qu'il a conséquemment renoncé à exercer son action à raison des faits dénoncés par le demandeur; que la poursuite des crimes et des délits n'appartient qu'au ministère public; que s'il est loisible à la partie lésée de se joindre à lui pour obtenir la réparation du dommage qu'elle prétend avoir souffert, cette faculté ne l'autorise pas à s'immiscer dans l'exercice de l'action publique, ou bien mieux encore à l'exercer seule quand le ministère public y a renoncé; que si ce principe fondamental de la procédure criminelle reçoit une exception qui résulte de ce que l'article 135 autorise la partie civile à former opposition à l'ordonnance de la chambre du conseil et à déférer ainsi à la cour royale l'examen des charges, cette exception, qui se trouve hors des termes du droit commun, n'emporte pas, pour la partie civile, lorsque le ministère public croit devoir garder le silence, le droit de se pourvoir en cassation contre l'arrêt de la cour royale qui intervient sur son opposition; qu'un pareil pourvoi serait, en effet, un véritable acte de poursuite, tandis que la partie civile n'est autorisée qu'à en former un seul, savoir, l'opposition à l'ordonnance de la chambre du conseil; qu'il suit de là qu'il importe peu de quelle manière la cour royale a prononcé

1 Cass. 28 juin 1822 (J. P., tom. XVII, p. 461); et conf. cass. 31 janv. 1828 (J. P., tom. XXI, p. 1118); 30 avril 1829 (J. P., tom. XXII, p. 954); 22 juillet 1831 (J. P., tom. XXIV, p. 65); 30 sept. 1841 (Bull., no 294); 14 juillet 1859 (Bull., no 178); 5 sept. 1859 (Bull., no 223); 21 juillet 1860 (Bull., no 171).

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