Page images
PDF
EPUB

et nouvelles levées qu'il feroit faire pendant le cours de la campagne, sous le prétexte de la continuation de cette guerre, pouvoir appuyer son changement de religion; que pour lors il n'y auroit pas lieu d'appréhender que ses sujets le voyant bien armé, et par terre et par mer, et en pouvoir de disposer de toutes les forces de Votre Majesté contre tous ses ennemis, soit domestiques, soit étrangers, et étant d'ailleurs satisfaits des avantages qu'il leur auroit procurés par un heureux commencement de guerre, et de la liberté de conscience qu'il leur accorderoit, voulussent ou osassent faire la moindre résistance à ses volontés; qu'au contraire, assemblant son parlement dans cette conjoncture, il en tireroit apparemment tels secours pour la continuation de cette guerre, et tels actes en faveur de sa religion qu'il pourroit desirer; que les Hollandais étant déclarés ennemis de l'Etat, et par conséquent ceux qui traiteroient avec eux sans ses ordres, punis comme traîtres au roi et à la patrie, ils n'auroient pas à beaucoup près tant de facilité à former, appuyer et maintenir une rebellion que lorsque sous l'apparence d'amis, eux et leurs émissaires auront liberté d'intriguer et de tout entreprendre. Enfin, Sire, après m'être servi le mieux qu'il m'a été possible dé toutes les autres raisons énoncées au mémoire de Votre Majesté, ce prince m'a répondu, qu'il ne s'étoit pas encore tout-à-fait déterminé sur le temps de sa déclaration; que peut-être seroit-il bon que Votre Majesté commençât à faire la guerre aux Hollandais, pour lui fournir par-là un prétexte de s'armer, et qu'aussi-tôt après il pourroit sans risque déclarer et sa catholicité et la guerre aux Hollandais, et le premier réussissant, comme il y auroit de l'apparence, joindre après un mois

ou deux, ses forces à celles de Votre Majesté contre leurs ennemis communs. Il me dit aussi qu'aussitôt que le projet auquel ses commissaires travailloient seroit achevé, il me le communiqueroit, et qu'il avoit bien de l'impatience que cette grande affaire fût bientôt conclue à votre commune satisfaction, et après m'avoir encore donné des assurances de son estime les plus obligeantes que je pouvois desirer, il m'a congédié. Je me suis aussi acquitté envers mylord Arlington de l'ordre que Votre Majesté n'a donné, et il m'a témoigné une forte passion de se conserver l'estime de Votre Majesté; il m'a aussi promis qu'il agiroit dorénavant avec moi avec une entière ouverture de cœur, et sans aucune réserve. J'y ai répondu de ma part avec d'autant plus de sincérité, que la connoissance que Volre Majesté m'a donnée de l'affection et zèle de ce ministre pour le service du roi son maître, avoit changé le pen de satisfaction que sa froideur passée m'avoit donnée, en une forte inclination à l'honorer comme un sage et fidèle ministre; et comme j'ai tout sujet d'être content de lui, il m'a paru aussi qu'il l'étoit des protestations sincères que je lui ai faites. Pour ce qui regarde l'affaire qui nous est confiée, notre entretien ayant été presque en toutes choses semblable à celui que j'ai eu avec le Roi, je n'en rendrai point compte à Votre Majesté, pour ne pas user d'une redite ennuyeuse : m'a dit que les affaires du parlement l'avoient tellement. occupé, qu'il n'avoit pu travailler au projet de traité, mais qu'il alloit s'y employer avec toute la diligence que le sujet mérite; il m'a dit aussi que pour ne point donner lieu de soupçon par des visites plus fréquentes que nous n'avons coutume de nous rendre, il falloit s'écrire réciproquement, et que pour le faire plus sûrement, il

il

disposeroit le roi et M. le duc d'Iorck à trouver bon que nous remissions entre leurs mains propres les lettres que nous nous écririons, sans que personne autre s'en puisse appercevoir; qu'il étoit aussi nécessaire que je donnasse mes répliques sur le traité de commerce, afin que cette affaire nous fournît un prétexte de nous voir souvent ; qu'il trouvoit aussi à propos de faire courir le bruit adroitement, que le roi son maître sollicite Votre Majesté de remettre à son arbitrage le différent qu'elle à avec l'Espagne sur l'exécution du traité d'Aix, afin de faire d'autant plus valoir aux Anglais cette complaisance de Votre Majesté, et leur ôter tout sujet de craindre qu'elle veuille recommencer la guerre avec l'Espague

J'ai vu aussi M. le duc d'Iorck, qui m'a dit en substance presque les mêmes choses dont le roi et mylord. Arlington m'avoient parlé. Aussi-tôt qu'on m'aura remis entre les mains le projet de traité, je ne manquerai pas de dépêcher un courrier pour le porter sûrement et en diligence à M. de Lionne, et je tâcherai de mériter la continuation de la confiance dont Votre Majesté m'a honoré, par une entière et fidèle application à l'exécution de ses sordres, étant avec un profond respect et toute la soumission que je dois,

Sire, de Votre Majesté, le très-humble, très-obéissant, très-fidèle et très-obligé serviteur et sujet,

COLBERT.

UV. DE LOUIS XIV. TOMÉ VI.

28

N° 9c.

COPIE DU MÉMOIRE REMIS PAR M. BEALLING A M. COLBERT,

LE 18 DÉCEMBRE 1669,

Ou projet d'un traité secret de ligue et confédération perpétuelle, entre le roi de la Grande-Bretagne et le roi Très-Chrétien (1).

Il a été traité, convenu et conclu, qu'il y aura à toule perpétuité, bonne, sûre et ferme paix, union, vraie confraternité, confédération, amitié, alliance et bonne correspondance entre le roi de la Grande-Bretagne, ses hoirs et successeurs d'une part, et le roi Très-Chrétien de l'autre, et entre tous et aucuns de leurs royaumes, états et territoires, entre leurs sujets et vassaux qu'ils ont

(1) Ainsi que la pièce qui précède, celle-ci a été tirée du dépôt des affaires étrangères de France. On n'a jamais pu trouver le traité même qui fut conclu d'après ce projet. On sait qu'il fut signé à Douvres, le 1er juin 1670, par les quatre commissaires anglais et par M. Colbert de Croissi. On en a la preuve irrefragable dans une lettre de Louis XIV au roi d'Angleterre, du 10 juin 1670, qui servit de ratification au traité; on est assuré, par toutes les négociations subséquentes, qu'il étoit tout-à-fait conforme au projet. On doit se rappeler ce que nous avons dit ailleurs, que Charles qui avoit fait siguer ce traité par ses ministres catholiques, voulut en faire conclure par ses ministres protestans un particulier, qui contenoit les mêmes clauses, à l'exception de celles relatives à la religion. Il

et possèdent à présent, ou pourront avoir à l'avenir et ci-après, tant par mer et eaux douces que par terre ; et pour témoigner que cette paix doit être inviolable, sans que rien au monde la puisse à jamais troubler, il s'ensuit des articles d'une confiance grande, et d'ailleurs si avantageux auxdits seigneurs rois, qu'à peine trouverat-on que dans aucun siècle on en ait arrêté et conclu de plus important. Le roi de la Grande-Bretagne étant convaincu de la vérité de la religion catholique, et résolu de se déclarer catholique et de se réconcilier avec l'église de Rome, croit que pour faciliter l'exécution de ce dessein, l'assistance du roi Très-Chrétien lui pourra être nécessaire : il est donc arrêtéet conclu: 1°. que sa majesté Très-Chrétienne fournira au roi d'Angleterre avant la dite dé"claration la somme de deux cent mille livres sterlings; la moitié de ladite somme sera payée trois mois après la ratification de part et d'autre de ce présent traité, et l'autre moitié trois mois après ce temps; et de plus, ledit seigneur roi Très-Chrétien assistera sa majesté Britannique de troupes et d'argent, selon qu'il sera de besoin, en cas

appeloit ce traité simulé. Il est de l'année 1671; mais il paroît qu'on n'en a retrouvé aucune copie.

Il faut remarquer que l'article y de celui qu'on va lire, fut modifié, et que la France ne voulut pas consentir à la guerre contre Hambourg.

La rédaction de l'article deuxième fut changée de la manière qu'on voit à la suite du projet. Il paroît que Louis XIV trouva trop contraire aux bienséances la rédaction anglaise, en ce qui concernoit l'argent donné pour la conversion, et voulut adoucir au moins les expressions. C'est un trait de caractère digne d'être observé. Au surplus, cette pièce n'a jamais été impriméc en France, non plus que celles qui l'accompagnent.

« PreviousContinue »