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dù l'exclure du bénéfice du recours en cassation qui lui est accordé sans restriction ledit article 413 1. »

par

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Cette première jurisprudence n'a point été maintenue. Dans une espèce où le procureur général s'était tardivement pourvu, la Cour de cassation a déclaré l'administration des douanes, partie civile, non recevable: Attendu que le recours tardivement exercé par le procureur général, étant irrecevable, est réputé non avenu, et que l'action publique qu'il avait pour objet de conserver est par là même éteinte et anéantie; qu'en cet état le pourvoi de l'administration, dénué du nécessaire appui qu'aurait pu lui prêter un recours exercé en temps utile par le ministère public, ne peut se soutenir par ses propres forces; que l'administration des douanes, dans l'affaire actuelle, ne peut agir que comme partie civile, et que la partie civile n'est recevable ni en matière criminelle, ni en matière correctionnelle et de simple police, à se pourvoir en cassation contre un arrêt émané de la chambre d'accusation et portant qu'il n'y a lieu à suivre contre des individus inculpés, lorsque cet arrêt n'est point attaqué par le ministère public; qu'en effet aucun des articles du Code relatifs aux attributions particulières des chambres d'accusation ne donne à la partie civile le droit de se pourvoir en cassation contre leurs arrêts, et que, d'après les dispositions générales des articles 408 et 412, elles n'ont le droit d'en demander l'annulation que sous le rapport des condamnations qui auraient été prononcées contre elles'.

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La même doctrine est reproduite avec plus de précision encore dans un second arrêt, qui porte : « Que l'arrêt attaqué rejette l'opposition formée par le demandeur à une ordonnance de la chambre du conseil, portant qu'il n'y a lieu à suivre quant à présent sur la plainte en adultère qu'il a formée contre sa femme et son complice; que le ministère public ne s'est point pourvu contre cet arrêt et qu'il a acquis à son égard l'autorité de la chose jugée; que l'action publique n'appartient qu'aux fonctionnaires auxquels la loi l'a confiée; que la partie civile ne participe point à l'exercice de cette action; qu'elle ne peut, par ses diligences et les recours qu'elle exerce, relever le ministère public des déchéances qu'il a encourues;... que si l'action publique est 1 Notes manuscrites, n. 34.

2 Cass. 10 juin 1828 (J. P., tom. XX, p. 561).

éteinte, le recours en cassation de la partie civile, ainsi borné à ses intérêts privés, n'est point recevable; qu'en effet les chambres d'instruction et les chambres d'accusation ne sont compétentes pour statuer sur les plaintes des parties civiles qu'autant qu'elles le sont aussi pour statuer sur l'action publique; que, quand elles procèdent au règlement de la compétence, elles ne peuvent saisir qu'un tribunal de répression, et qu'un tribunal de répression ne peut être saisi d'une action civile qu'autant qu'il l'est en même temps de l'action publique, sa base indispensable; conséquemment que, quand l'action publique est éteinte, les chambres d'accusation sont sans pouvoir pour s'occuper de l'action civile; qu'il résulte de là que le pourvoi en cassation de la partie civile toute seule serait sans objet, puisqu'il ne pourrait jamais avoir pour résultat de saisir une chambre d'accusation désormais incompétente, ni d'autoriser celle-ci à renvoyer nûment l'action civile devant le tribunal de répression; qu'ainsi la partie lésée par un délit qui choisit la voie de la plainte subordonne nécessairement le sort de son action à celui de l'action publique; que l'article 413, qui ouvre à la partie civile, en matière correctionnelle, la voie de cassation contre tous arrêts et jugements en dernier ressort, sans distinction de ceux qui ont prononcé le renvoi de la partie ou sa condamnation, n'entend parler que des jugements et arrêts qui interviennent après que la juridiction correctionnelle a été saisie soit par citation directe, soit par suite d'ordonnance ou d'arrêt de renvoi à cette juridiction, et non des arrêts des chambres d'accusation relatifs à l'instruction ou au règlement de la compétence'. » Ces motifs sont en partie répétés dans plusieurs arrêts postérieurs qui ont consacré la même décision ".

Nous pensons que cette doctrine doit être suivie, mais en en limitant toutefois les termes. Il ne nous paraît pas exact de dire, comme l'arrêt qui vient d'être rapporté, que l'article 413 ne s'applique qu'au pourvoi contre les arrêts et jugements émanés de la juridiction correctionnelle; car le pourvoi du procureur général et du prévenu contre les arrêts des chambres d'accusation rendus en matière correctionnelle et de police n'a pas d'autre base. Le droit de pourvoi de la partie civile ne peut être contesté, mais il doit être restreint, suivant les termes des 1 Cass. 26 juillet 1828 (J. P., tom. XXII, p. 132).

2 Cass. 7 mars 1844 (Bull., no 88); 17 août 1849 (Bull., no 208).

articles 373 et 412, aux intérêts de l'action civile. Elle peut se pourvoir utilement pour cette action, si le ministère public s'est lui-même pourvu; elle peut se pourvoir encore, même sans le concours du ministère public, si des dommages-intérêts ont été, aux termes de l'article 136, prononcés contre elle. Mais comment son pourvoi isolé pourrait-il avoir pour effet soit de faire revivre l'action publique éteinte, soit même d'en continuer l'exercice? De ce qu'elle peut, surtout en matière correctionnelle et de police, mettre l'action publique en mouvement et en saisir les tribunaux, s'ensuit-il donc qu'elle ait le droit d'en diriger l'exercice et de procéder elle-même aux actes de poursuite? On a dit « qu'en matière correctionnelle l'intérêt civil est l'intérêt principal, celui de la vindicte publique l'intérêt accessoire »; mais ces paroles, quoique empruntées au rapporteur de la commission du Corps législatif, dans ses explications relatives à l'article 413, sont complétement inexactes; elles sont une réminiscence de notre ancienne jurisprudence, qui avait elle-même pris dans le droit romain la distinction des délits privés et des délits publics. Dans notre législation moderne, tous les faits punissables, qu'ils soient qualifiés crimes ou délits, ne sont incriminés qu'à raison de la lésion qu'ils apportent à l'ordre social; le ministère public est dans tous les cas la partie principale, et la partie civile, lors même qu'elle a mis l'action publique en mouvement par sa plainte ou par sa citation, n'est que partie jointe. Son action est donc toujours accessoire à l'action publique et ne peut dès lors, au moins devant la juridiction répressive, s'exercer qu'en s'appuyant sur celle-ci.

Il y a lieu toutefois de remarquer que la partie civile peut se pourvoir contre l'arrêt de la chambre d'accusation toutes les fois que cet arrêt a statué, soit légalement, soit même par excès de pouvoir, sur son action civile par exemple, s'il a prononcé des dommages-intérêts contre cette partie, s'il a déclaré sa plainte calomnieuse, s'il a décidé que son action est non recevable'. Elle ne fait qu'exercer dans ce cas le droit que lui reconnaissent les articles 373, 412 et 413. Il suffit qu'elle éprouve un grief dans ses intérêts civils pour qu'elle puisse en demander la réparation. Faut-il considérer comme un grief une simple condamnation aux dépens? La Cour de cassation a répondu négativement : « At1 Conf. Mangin, tom. II, p. 253.

tendu que le pourvoi de la partie civile contre un arrêt de nonlieu ne pourrait avoir d'efficacité, et par suite ne serait recevable, qu'autant qu'il s'agirait de faire tomber des condamnations civiles que cès arrêts auraient prononcées contre elle; mais qu'on ne peut qualifier ainsi une simple condamnation de dépens, qui n'a été que la conséquence forcée de la règle en vertu de laquelle les dépens doivent être supportés par la partie qui succombe'. »

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§ IV. Dans quel délai le pourvoi doit être formé.

2301. Il résulte des dispositions de la loi que deux délais sont établis par le pourvoi contre les arrêts de la chambre d'accusation l'un général et qui s'applique à tous les arrêts définitifs, et par conséquent aux arrêts de cette chambre autres que les arrêts de renvoi à la cour d'assises; l'autre spécial et qui n'est relatif qu'aux arrêts de renvoi devant la cour d'assises.

Le premier de ces délais a été édicté par l'article 373, qui dispose en général, à l'égard de toutes les parties, qu'elles auront trois jours francs, après celui où l'arrêt leur aura été prononcé, pour déclarer au greffe leur pourvoi en cassation".

Le second délai est établi par les articles 296 et 298. Nous avons vu qu'aux termes de l'article 293, l'accusé, à son arrivée dans la maison de justice, est interrogé par le président des assises ou par le juge qui le supplée. L'article 296 dispose que « le juge avertira l'accusé que, dans le cas où il se croirait fondé à former une demande en nullité, il doit faire sa déclaration dans les cinq jours suivants, et qu'après l'expiration de ce délai il n'y sera plus recevable ». L'article 298 ajoute que « le procureur général est tenu de faire sa déclaration dans le même délai à compter de l'interrogatoire, et sous la même peine de déchéance portée en l'article 296 ».

L'institution de ce délai est une garantie pour la défense : la loi a voulu que le prévenu, lorsqu'il est renvoyé en état d'accusation devant la cour d'assises, fût solennellement averti de la faculté qui lui est accordée de se pourvoir, et pût l'exercer à la suite de cet avertissement. C'est à raison de la gravité du fait qui lui est imputé et des conséquences de l'accusation portée contre lui cette formalité extraordinaire a été établie.

que

1 Cass, 17 août 1849 (Bull., no 208).

2 Cass. 11 oct. 1860 (Bull., no 224).

2302. Elle constitue, au surplus, une exception dans la loi. Elle ne s'applique, en effet, qu'aux seuls pourvois formés contre les arrêts de renvoi devant la cour d'assises et pour l'un des moyens indiqués par l'article 299. C'est ce qui résulte de la combinaison des articles 296, 298 et 299. Les articles 296 et 298 établissent le délai de la demande en nullité et l'article 299 ajoute « Cette demande ne peut être formée que contre l'arrêt de renvoi à la cour d'assises et dans les quatre cas suivants... » Il a été jugé en conséquence « que l'article 373 établit, pour le délai dans lequel le pourvoi doit être formé, une règle générale ; que cette règle s'applique aux pourvois formés non-seulement envers tous les arrêts de condamnation, mais encore envers tous les arrêts susceptibles de pourvoi, d'après les dispositions de l'article 416; que s'il y est dérogé par l'article 296, qui accorde à l'accusé un délai de cinq jours, à dater de l'avertissement qu'il a reçu dans l'interrogatoire qu'il doit subir d'après l'article 293, cette dérogation doit être restreinte au cas spécial pour lequel on l'a établie; que la disposition de l'article 296, combinée avec celle de l'article 299, ne s'applique qu'à des arrêts de mise en accusation, par suite desquels les accusés sont transférés dans la maison de justice près la cour d'assises à laquelle ils sont renvoyés, pour y être jugés sur des faits que la loi a qualifiés crimes 1 ». Cette doctrine a été en quelque sorte formulée en règle par d'autres arrêts qui déclarent simplement « que l'extension donnée au délai du pourvoi par l'article 296 et la restriction donnée aux moyens de nullité par l'article 299 sont exclusivement applicables aux arrêts des chambres d'accusation qui ont prononcé un renvoi à la cour d'assises pour un fait qualifié crime par la loi ».

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Il ne faut pas perdre de vue que cette exception s'étend nonseulement aux pourvois fondés sur les trois moyens indiqués par l'article 299, mais encore aux pourvois pour cause d'incompétence. On a vu, en effet, que la loi du 10 juin 1853 avait ajouté le moyen tiré de l'incompétence aux trois causes de nullité prévues par ces articles. Il y a donc lieu d'écarter désormais les arrêts qui décidaient « que le recours pour cause d'incompétence qui est ouvert aux accusés contre les arrêts de mise en accusa

1 Cass. 28 juillet 1820 (J. P., tom. XVI; p. 71). 2 Cass. 4 août 1820 (J. P., tom. XV, p. 90).

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