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ciers généraux, qui doit être faite incessamment, décrète qu'il y a urgence.

L'Assemblée nationale, après avoir préalablement décrété l'urgence sur l'affaire du sieur Jacques-Henri Moreton, décrète que cet officier est dans le cas exprimé dans la loi du 5 septembre dernier et doit, en conséquence, être réintégré dans la place et au rang dont il a été arbitrairement destitué. »>

Un membre Une cour martiale a été établie pour juger le sieur Moreton par décret de l'Assemblée constituante du 24 septembre 1790, il doit être jugé par cette cour.

M. Lacombe-Saint-Michel. Je demande la parole. M. Moreton gémit depuis dix-huit mois dans les liens d'une captivité morale; il a su risquer sa tète pour repousser l'autorité toute puissante. M. Moreton a demandé un conseil de guerre, seule voie qui lui fùt ouverte alors; et, lorsque, en vertu de la loi, il réclama la publicité de la procédure, une partie de ses juges ont donné leur démission sur le plus léger prétexte, ce qui caractérise assez un déni de justice. M. Moreton n'a pas besoin d'un tribunal, puisqu'il n'a point d'accusateur. D'ailleurs, la cour martiale n'ayant été établie que sur sa demande, il y a renoncé depuis que sa cause a été favorablement jugée par le décret du 5 septembre dernier.

En conséquence, je conclus comme M. le rapporteur; mais, comme il a été assemblé une cour martiale, que cette cour martiale coûte à la nation 4 louis par jour, je demande au préalable que l'Assemblée décrète qu'il y a urgence et adopte à l'instant le projet de décret.

M. Carnot aîné. Je demande à prouver qu'il n'y a pas besoin de décret d'urgence.

M. Thuriot. Je crois qu'en cette circonstance il faut commencer par déroger à la loi du 24 septembre, qui est en contradiction avec la loi du 5 septembre. En conséquence, je demande que l'Assemblée, en rendant le décret qui lui est proposé, déclare positivement qu'elle abroge le décret du 24 septembre et qu'elle s'en réfère à la première loi qui veut que celui qui a été dépouillé de son titre sans cause légitime y soit réintégré.

M. Carnot aîné. Le décret du 5 septembre dit que tous les officiers illégalement destitués seront replacés. Or, M. Moreton a été arbitrairement destitué, donc il doit être replacé, et c'est le décret que vous propose le comité militaire. Mais, Messieurs, le même jour, 5 septembre, le sieur Moreton a présenté une pétition à l'Assemblée constituante pour être jugé et, par un décret du 24 septembre, elle a décrété qu'il serait établi une cour martiale pour juger M. Moreton et que les mémoires des officiers du régiment de La Fère seraient joints aux charges et pièces du procès. Il en résulte que M. Moreton doit être réintégré dans sa place; mais cela n'empêche pas que la cour martiale ne doive se former, et c'est à elle à prononcer si M. Moreton est innocent ou coupable. En conséquence, je conclus à l'adoption du projet du comité; mais je m'oppose à l'urgence, car M. Moreton doit être jugé, et ce n'est qu'après le jugement qu'on saura si M. Moreton doit être compris dans la future promotion des officiers généraux.

Plusieurs membres La discussion fermée! (L'Assemblée ferme la discussion, puis décrète l'urgence.)

Plusieurs membres: Aux voix la motion de M. Thuriot!

D'autres membres : La question préalable! (L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la motion de M. Thuriot et adopte le projet de décret du comité.)

M. le Président. J'annonce à l'Assemblée que le roi m'a fait prévenir qu'il recevra ce soir, à 9 heures, la députation des 24 membres de l'Assemblée.

M. Dumas (Mathieu), au nom du comité militaire, a la parole pour présenter un rapport sur la pétition d'un grand nombre de citoyens actifs de la ville de Lyon, par laquelle ils demandent que cette ville soit maintenue dans le privilège de n'avoir aucune troupe de ligne en garnison; il s'exprime ainsi :

Messieurs, vous avez, par votre décret du 9 novembre dernier, renvoyé au comité militaire (1), une pétition signée par un très grand nombre de citoyens de la ville de Lyon, qui demandent que les troupes de ligne ne tiennent plus désormais garnison dans cette ville. Plusieurs villes du royaume, et celle de Lyon était de ce nombre, avaient, avant la régénération de l'Empire, le privilège de ne recevoir aucune garnison; et vous sentez, Messieurs, de quelle conséquence il pourrait être d'accorder aux citoyens pétitionnaires une demande qui tendrait évidemment au rétablissement d'un privilège. Ce serait à la fois violer les droits du peuple et porter atteinte à l'égalité politique, qui est la base de la Constitution française.

Les motifs que font valoir les pétitionnaires n'ont pas paru, à votre comité, suffisamment établis. Il faut reconnaitre, comme principe général, qu'aucune ville ne doit être particulièrement désignée comme ville de garnison, de même qu'aucune n'en doit être spécialement exceptée; car, sans cela, le pouvoir exécutif, chargé de surveiller la tranquillité publique, ne pourrait faire exécuter les mouvements des troupes, sans rencontrer des obstacles.

Ces principes incontestables rendent vaines les observations des pétitionnaires, qui désirent que la ville de Lyon ne soit pas considérée comme ville de garnison. Lyon est notre place d'entrepôt pour la défense des Alpes. Nous y avons toujours eu des magasins très considérables et un arsenal bien fourni. Lyon est encore, par sa seule position, une place défensive pour nos frontières et, quoique nous devions espérer de n'avoir pas à profiter de cet avantage, les projets des ennemis de la Révolution sur cette place ont fait voir que les étrangers en sentaient aussi bien que nous l'importance. D'après ces considérations, votre comité, après avoir examiné la pétition de la ville de Lyon, l'a rapprochée du titre IV du chapitre 1er de la Constitution, qui constitue le roi chef de l'administration intérieure; et il a conclu, en conséquence, à ce qu'il n'y ait pas lieu à délibérer sur cette pétition et au renvoi au pouvoir exécutif.

Mais parmi les pièces relatives à cette affaire, qui nous est remise par MM. les députés de Rhône-et-Loire en dernier lieu, il en est une fort remarquable et d'une toute autre importance encore que l'objet qui vient de vous être soumis, surtout dans les circonstances où nous nous trouvons, au milieu des troubles et des conspirations

(1) Voy. Archives parlementaires, 1r Série, tome XXXIV, séance du 9 novembre 1791, page 719.

suscités par les ennemis intérieurs, d'accord avec les ennemis de l'extérieur.

Un de ces folliculaires, que les ennemis du peuple chargent apparemment du soin d'empoisonner les véritables sources de la vérité, a inséré dans une feuille intitulée Journal de Lyon, ou Moniteur du département de Rhône-et-Loire l'article dont je vais vous donner un aperçu.

Le peuple est formellement invité à la révolte contre les autorités constituées. Les administrateurs sont dénoncés comme des traîtres : « Citoyens, dit le rédacteur, armez-vous, forgez des piques à la Cara; et, au premier signal, que vos administrateurs soient éventrés et que leurs boyaux vous servent de baudriers et de ceinturons...; il finit ainsi : « Cet oracle est plus sùr que Calchas. » (Interruptions et murmures.)

"

Un membre: Je fais la motion expresse que le comité militaire soit rappelé à l'ordre pour nous venir rapporter ici des gazettes.

M. Dumas (Mathieu), rapporteur. Ce n'est pas le comité militaire, c'est moi.

M. Grangeneuve. Je demande une motion d'ordre contre M. le rapporteur.

M. Dumas (Mathieu), rapporteur. Je demande que M. Grangeneuve, qui demande la parole contre moi, soit entendu et qu'il me soit permis d'y répondre.

M. Grangeneuve. Je demande que M. Dumas soit rappelé à l'ordre. Vous ne l'avez écouté que parce que vous croyez qu'il dénonçait ce journal au nom du comité militaire. Lorsqu'un membre de l'Assemblée nationale monte à la tribune comme rapporteur d'un comité, il ne doit rien dire qui n'ait été délibéré en substance par le comité. Ainsi, lorsque M. Dumas s'est permis de vous faire la lecture de toute une feuille hebdomadaire de Lyon, pour vous dire ensuite que c'était lui et non le comité, M. Dumas a abusé du droit de porter la parole. (Quelques applaudissements.)

M. Dumas (Mathieu), rapporteur. Vous me jugerez, Messieurs, après m'avoir entendu et vous déciderez si j'ai commis une légèreté. J'ai annoncé, en commençant le rapport, et même en terminant par les conclusions du comité, que cette pièce m'avait été remise depuis par MM. les députés du département de Rhône-et-Loire, qui sont ici. Je demande qu'on me laisse aller jusqu'au bout; je n'ai point d'esprit de parti. Si j'ai tort, on me rappellera à l'ordre. Je regarde commé très simple d'être rappelé à l'ordre, et je me soumettrai aux ordres de l'Assemblée. Toutefois, Messieurs, je n'ai pas donné connaissance dé cette pièce à l'Assemblée sans l'avoir communiquée au président du comité militaire.

J'ai cru comme vous, Messieurs, servir la patrie par une dénonciation importante, au moment même où vous preniez un parti que tous les bons citoyens désiraient depuis longtemps, vis-àvis des puissances étrangères, pour soumettre à votre surveillance le véritable fil de la conspiration intérieure. Je vous dénonce encore un ordre donné par le département de Rhône-et-Loire d'ouvrir toutes les églises.

Plusieurs membres : Dénoncez Royou! Dénoncez Durozoi!

Plusieurs membres : L'ordre du jour!

(L'Assemblée passe à l'ordre du jour sur la dénonciation faite par M. Dumas; décrète ensuite à l'unanimité, conformément à l'avis du comité

militaire, qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la pétition des citoyens actifs de Lyon et que l'objet en doit être renvoyé au pouvoir exécutif.)

L'ordre du jour est la discussion d'un projet de décret sur l'admission aux emplois de l'armée et de la gendarmerie nationale, en faveur de tous les militaires français qui ont servi chez les puissances étrangères, dont les armes se sont combinées avec celles de la France (1).

L'Assemblée a d'abord décrété l'urgence en ces termes :

« L'Assemblée nationale, délibérant sur le rapport de son comité militaire, relatif à l'admission aux emplois de l'armée et de la gendarmerie nationale, en faveur de tous les militaires français qui ont servi chez les puissances dont les armes ont été combinées avec celles de la France; considérant, d'un côté, qu'il ne s'agit ici que de l'extension d'une loi précédemment rendue; d'un autre côté, que les remplacements actuellement à faire dans l'armée et l'organisation instante de la gendarmerie nationale exigent une prompte décision sur l'objet de ce rapport, décrète qu'il y a urgence. ».

L'Assemblée a rendu ensuite le décret définitif en ces termes :

a

L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport du son comité militaire et après avoir préalablement décrété l'urgence, décrète que l'article 3 du décret du 4 mars 1791, concernant l'admission aux emplois de l'armée, en faveur des Français qui ont servi dans les armées des puissances alliées, cessera d'être restreint à ceux qui ont obtenu des grades supérieurs et la décoration de Cincinnatus. En conséquence, tout Français qui justifiera d'un service en qualité d'officier, de quelque grade que ce soit, chez les puissances dont les armes ont été combinées avec celles de la France, est susceptible d'obtenir des places dans l'armée de ligne et des emplois dans la gendarmerie nationale, de la même manière que s'il eût servi en France, pourvu que d'ailleurs il réunisse les autres qualités exigées par les décrets. »

M. Lequinio. Messieurs, vous voulez que la gendarmerie nationale soit organisée le plus tôt possible. (Oui! oui!) Eh bien, je vous proposerai un article qui vous fournira le moyen de faire cette organisation sans aucun délai...

Plusieurs membres: Lisez votre rédaction!

M. Lequinio. Je vous propose de décréter que, pour cette fois seulement, le ministre sera exempté de suivre les lois établies pour l'éligibilité des sujets. (Rires prolongés.)

(M. Lequinio revient à sa place.)

M. Lemontey, secrétaire, donne lecture des lettres, adresses et pétitions suivantes :

1° Lettre de M. Duportail, ministre de la guerre, qui soumet à l'Assemblée une difficulté relative au concours pour l'admission des élèves dans les corps de l'artillerie et du génie; cette lettre est ainsi conçue :

Monsieur le Président,

« Le concours pour l'admission des élèves dans les corps de l'artillerie et du génie est interrompu depuis 3 ans. Il est instant de rouvrir cette carrière militaire à quantité de jeunes gens qui s'y destinent. L'Assemblée nationale, par son décret du 15 septembre dernier, sanctionné

(1) Voy. ci-dessus ce rapport, séance du 24 novembre 1791, au soir, page 352.

le 23, a réglé les formes des examens pour l'admission dans ces deux corps, et les examens seront faits en présence de deux examinateurs respectifs et d'un commissaire nommé par le directoire du département, dans le ressort duquel l'examen a lieu. Cette disposition qui substitue 3 juges pour comparer et classer ce qui ne peut et n'a jamais été bien saisi que par un seul, tend à affaiblir la responsabilité des examinateurs, ainsi que l'attention et l'intérêt qu'ils doivent mettre à un choix aussi important. Les talents et les connaissances reconnus dans les deux corps prouvent assez qu'on n'a pas lieu de regretter l'ancien mode, qui mettait dans l'impossibilité de ne juger du talent des élèves, pour les mathématiques, que par l'examen d'un seul géomètre. C'est ainsi que l'Assemblée l'a décrété pour le corps de la marine, en établissant l'examinateur seul juge du concours.

«L'Assemblée nationale a, sans doute, fait les mêmes réflexions, puisque par son décret du 28 septembre sur la démission aux emplois de sous-lieutenant dans les troupes de ligne, décret qui n'a été sanctionné que le 13 de ce mois, elle établit, article 8, que les concours et examens pour les écoles de l'artillerie et du génie, continueront à avoir lieu dans les formes et aux époques accoutumées. Dès que j'ai eu connaissance de cette dernière loi, j'ai suspendu les dispositions que j'avais déjà faites pour l'exécution de la première que je dois regarder comme annulée. Une telle contradiction me retient; et je crois, Monsieur le président, ne devoir prendre un parti définitif à cet égard, qu'après avoir connu plus positivement le vœu de l'Assemblée nationale.

« Je vous prie de lui observer que cette mesure est d'autant plus instante que quantité de jeunes gens prêts à subir les examens prononcés, sont déjà rendus dans les lieux qu'on leur a désignés, attendant impatiemment l'instant de connaître leur sort. D'ailleurs, un plus long retard pour les écoles du génie et de l'artillerie, deviendrait très préjudicable au service et aux travaux pour la défense des frontières. « Je suis avec respect, etc.

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Les officiers-majors des places étaient assujettis à la retenue de la capitation et des 4 deniers pour livre; ils n'étaient portés sur les états que deduction faite du dixième, et les trésoriers de la guerre retenaient la capitation et les 4 deniers pour livre. Les 4 deniers pour livre ont été supprimés par la loi du 10 février 1791, relative à la fixation des masses destinées à l'entretien des différentes parties de l'armée. La capitation cesse d'être retenue par les trésoriers de la guerre depuis le 1er janvier 1791, parce qu'à compter de cette époque les officiers ont dù acquitter la contribution mobilière, comme tous les autres citoyens. Reste donc le dixième dont la suppression n'a pas été prononcée, mais qui

semble ne devoir plus être prélevé sur tous les appointements. A partir de la même date du 1er janvier 1791, jusqu'au terme du 13 janvier de la même année, partie de la contribution mobilière doit porter uniquement sur les salaires publics et privés, et ce serait une imposition trop forte à imposer aux officiers-majors des places que de continuer à retenir le dixième de leurs appointements.

« Je n'ai cependant pas cru devoir agir d'après cette opinion, et j'ai soumis la question au comité militaire de l'Assemblée nationale constituante, mais elle est restée sans réponse. Néanmoins, en attendant une disposition sur cela, ceux des officiers-majors des places qui se sont présentés ont touché leurs appointements échus au 1er janvier dernier. J'ai fait faire la réduction du dixième, sauf à leur en faire la restitution s'il y avait lieu.

« Pressé aujourd'hui de consommer entièrement avec les officiers, plusieurs d'entre eux réclamant la restitution du dixième, je vous supplie, Monsieur le Président, de faire ce que vous jugerez convenable.

« Je suis avec respect, etc.

"

Signé DUPORTAIL. " (L'Assemblée renvoie la lettre du ministre de la guerre au comité des contributions publiques.) 30 Lettre du sieur Poupard-Beaubourg, prisonnier à l'Abbaye. Cette lettre commence ainsi :

« Grands traits de lumière et révélation dernière de Poupard-Beaubourg, citoyen accusé des plus grands crimes de lèse-nation. »

M. le secrétaire annonce que la lecture de cette lettre demandera au moins une heure.

Voix diverses L'ordre du jour!- Le renvoi au comité de surveillance!

(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)

4° Adresse des citoyens de la ville de Versailles, amis de la Constitution, à l'Assemblée nationale, contenant des félicitations sur les deux lois relatives aux émigrés et aux troubles intérieurs excités par le fanatisme. Cette adresse est ainsi conçue :

«Représentants de la nation,

"Citoyens de Versailles, membres de la Société des amis de la Constitution, nous venons vous apporter le témoignage éclatant de notre confiance; vous l'avez universellement méritée par la vigueur et la sagesse que vous avez mises à créer et combiner la loi si difficile à faire sur les émigrés, et celle sur les troubles intérieurs excités par le fanatisme.

Quoique le prince ait suspendu, par son veto, l'exécution de la première de ces loís, vous n'en êtes pas moins surs d'avoir vraiment exprimé le vœu du souverain; vous n'en devez pas moins croire que toutes les fois que vous réunirez ainsi la majorité des suffrages de la France, vous lui aurez donné de bonnes lois.

Défenseurs de la Constitution, nous respectons tous les pouvoirs institués par elle; nous connaissons et nous respectons le droit qu'elle a donné au roi, mais nous n'approuvons pas l'usage qu'il en a fait dans cette circonstance (Exclamations à droite de l'Assemblée. Applaudissements dans les tribunes.) parce que, si on le trompe, comme nous le croyons, le danger en retombera toujours sur nous et que l'inexécution de la loi sur les émigrés peut multiplier à l'infini des maux qu'une juste sévérité eût coupés dans la racine.

Nous ne l'approuvons pas, parce que nous ne saurions concilier les comptes avantageux qui vous sont rendus par les ministres, avec les nouvelles affligeantes qui nous viennent de toutes parts, de l'activité redoublée plus que jamais des émigrés, de leurs préparatifs et de l'insolence ou de la perfidie avec lesquelles on joue une nation entière. Avant d'être frère ou parent, Louis XVI est roi, et il ne devait se souvenir que de ce dernier titre quand le salut de l'Etat le commandait impérieusement, surtout après tant de vaines et inutiles démarches pour ramener des rebelles qui devraient être châtiés.

« Nous n'approuvons pas l'apposition du veto du prince et nous le déclarons devant vous, parce que, libres, il est de notre droit et de notre devoir d'avertir nos mandataires et nos délégués...

Plusieurs membres : A l'ordre du jour!

M. Lemontey, secrétaire, continuant la lecture: «... Nous le faisons pour que le prince qui, suivant la Constitution, ne doit consulter que l'opinion publique dans l'exercice de son droit, connaisse cette opinion et lui obéisse, pour que vous continuiez à la consulter comme votre guide, votre oracle, et le garant de la bonté de vos

lois.

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Nous vous parlons avec courage, parce que c'est le langage de la liberté. Tout serait perdu, s'il fallait que le représenté prit une voix suppliante en parlant à son représentant et n'osât dire librement la vérité. (Vifs applaudissements dans les tribunes.) Mandataires du peuple, vous devez entendre toutes ses réclamations; il a essentiellement le droit de vous dire : « Vous êtes « dans la bonne voie, continuez à marcher d'un « pas ferme et assuré. Vos lois sont la fidèle expression de ma volonté ; continuez à la con«sulter toujours ainsi. »

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« Membres du souverain, nous usons de notre droit, nous vous invitons à continuer, à redoubler même de force et de fermeté, à faire des lois sévères, à réprimer tous les désordres, à porter l'activité dans toutes les administrations, à punir et frapper les traîtres, les conspirateurs, et tous les artisans de discorde qui lèvent impunément la tête au milieu de nous; surtout à vous mettre en mesure, près des puissances étrangères, à faire respecter, il en est temps, la nation française, par tous ces despotes, qui ne reconnaissent encore que les rois, leurs semblables. Nous osons vous assurer que l'opinion publique vous couvrira de son égide et que la nation entière vous entourera de sa confiance ». (Applaudissements.) (Suivent les signatures.)

Un membre: L'adresse est-elle signée individuellement?

M. Lemontey, secrétaire. Elle est souscrite d'une trentaine de signatures.

MM. Taillefer, Basire, Lecointre, Goupilleau, Chabot et autres membres demandent qu'il soit fait mention honorable de cette adresse au procès-verbal.

D'autres membres : L'ordre du jour!

M. Ducos. Le langage de la liberté ne doit jamais étonner des législateurs. De quoi s'agitil? La faculté d'approuver le veto suppose aussi la faculté de l'improuver; chacun en est bien le maître sans doute. Ces messieurs l'improuvent, d'autres l'approuvent. C'est le langage de ci1re SERIE. T. XXXV.

toyens respectueux des autorités constituées. Je demande que la mention honorable soit faite.

Un membre: Je demande la question préalable sur cette proposition. Les citoyens pétitionnaires se sont servis, dans leur adresse, d'expressions qui sont absolument inconstitutionnelles. Dans plusieurs endroits les signataires se disent membres du souverain, une portion du souverain. Or la souveraineté est indivisible et la Constitution défend qu'un individu ou une collection d'individus prenne de semblables qualifications. Ils vous appellent encore leurs mandataires, leurs délégués...

Plusieurs membres: Ils ont raison!

Le préopinant: Vous êtes les représentants du souverain, mais vous n'êtes ni mandataires, ni délégués. Je demande donc la question préálable.

M. Delacroix. L'Assemblée nationale ne doit pas s'offenser, comme le préopinant, que nos commettants nous appellent leurs mandataires. (Applaudissements.)

Plusieurs membres Nous ne le sommes pas! Lisez la Constitution!

M. Delacroix. C'est mal à propos que l'on reproche aux signataires de cette adresse la qualification qu'ils ont prise; car il est bien reconnu, je pense, et personne ne le contestera, que la souveraineté est dans la nation (Vifs applaudissements.), et il estbien étonnant que, dans cette Assemblée, on trouve mauvais que des citoyens exposent les raisons qui les portent à désapprouver le veto, quand on veut permettre au pouvoir exécutif de développer les motifs de son veto, ce qui lui est défendu par la Constitution. (Bravo! bravo! Vifs applaudissements.)

Pourquoi donc le peuple souverain ne ferait-il pas, lui qui en a le droit, ce que le pouvoir exécutif fait quand cependant il n'en a pas le droit? (Applaudissements.)

Je demande qu'il soit fait mention honorable de l'adresse dans le procès-verbal et j'ajoute qu'il serait flatteur pour nous que tous les départements eussent la même opinion. (Applaudissements.)

Plusieurs membres : La discussion fermée! (L'Assemblée ferme la discussion.)

Plusieurs membres: La question préalable sur la mention honorable!

D'autres membres: Non! non! l'ordre du jour!

(L'Assemblée rejette la question préalable, puis la motion de passer à l'ordre du jour et décrète la mention honorable de l'adresse au procès-verbal. (Vifs applaudissements dans les tribunes.)

M. Lemontey, secrétaire, continuant la lecture des lettres, adresses et pétitions.

5o Lettre de M. Charon, officier municipal de Paris, par laquelle il fait hommage à l'Assemblée de 10 exemplaires de son ouvrage sur les jeux et demande qu'il soit pris par l'Assemblée des mesures pour arrêter ce désordre public.

Plusieurs membres: Mention honorable au procès-verbal !

(L'Assemblée décrète qu'il sera fait mention honorable au procès-verbal de l'hommage de M. Charon.)

M. Chéron-La-Bruyère. Je demande le renvoi de l'ouvrage au comité de législation pour qu'il fasse rapidement un rapport sur cet objet,

29

et je demande, en outre, que MM. Dusaulx (1) et Charon soient appelés au comité pour y faire part de leurs lumières.

(L'Assemblée renvoie au comité de législation l'ouvrage de M. Charon, mais ne statue pas sur la seconde partie de la proposition de M. ChéronLa-Bruyère qui n'est pas appuyée.)

6o Adresse du sieur Guilly, lieutenant-colonel de la gendarmerie nationale au département de Loir-et-Cher, par laquelle il entreprend de se justifier sur les reproches qui lui ont été faits dans un rapport du comité militaire, relativement à quatre soldats du régiment de Rouergue, détenus dans la prison de la ville de Blois, qui se sont plaints de l'inexécution de la loi du 15 septembre dernier, portant amnistie pour tous gens de guerre prévenus ou accusés de délits militaires.

(L'Assemblée renvoie cette adresse et le certificat du directoire du district de Blois, qui est annexé, au comité militaire.)

7° Lettre de M. Desgranges, députés à l'Assemblée et membre du comité de la Dette publique, qui, étant malade depuis dix jours, prie M. le Président de proposer à l'Assemblée d'entendre, par l'organe d'un de ses secrétaires, son opinion écrite et jointe à sa lettre, sur le projet de suspendre le payement des liquidations, et la motion qu'il croit devoir faire sur cet objet important.

(L'Assemblée renvoie la lecture de cette opinion et de cette motion au jour où cette matière sera discutée.)

Un membre: Je renouvelle la motion qui a été faite avant-hier de faire, au plus tôt, un rapport sur la dénonciation faite par M. Rouyer, du paiement de la pension de M. de La Mothe, mort depuis 30 ans, et pour qui on n'a cessé de la recevoir en donnant sa quittance (2).

M. le Président. On ne peut faire ce rapport parce que l'auteur de la motion ne s'est pas rendu au comité de législation.

8° Lettre des maire et officiers municipaux de Versailles qui se plaignent de l'inculpation faite à leur ville, par M. Crestin, dans la séance du 25 de ce mois. Cette lettre est ainsi conçue :

« Monsieur le Président,

« Un membre de l'Assemblée nationale, M. Crestin, a annoncé à la tribune, dans la séance du 25 de ce mois, comme un fait certain, que, la veille, à 8 heures du matin, 40 ou 50 ouvriers de Paris, en état de porter les armes, sont partis pour aller à Worms, et qu'ils ont touché l'argent nécessaire pour s'y rendre, dans une caisse ouverte à tous les rebelles à Versailles. La municipalité s'étant assemblée, les membres ont été invités à déclarer ce qu'ils savaient à cet égard, et chacun a déclaré qu'il n'avait connaissance d'aucun fait qui eût quelque rapport, même indirect avec la dénonciation de M. Crestin. Cependant, les journaux propagent jusqu'aux extrémités du royaume une accusation qui compromet le patriotisme d'une ville qui, depuis le commencement

(1) Dans la séance du 19 octobre, M. Dusaulx avait été admis à la barre et avait fait hommage à l'Assemblée d'un ouvrage intitule: « De la passion du jeu depuis les temps anciens jusqu'à nos jours. Voy. Archives parlementaires. 1" Série, tome XXXIV, page 284. M. Dusaulx est devenu député suppléant de Paris, le 6 juin 1792, en remplacement de M. Boscary, demissionnaire.

(2) Voy. ci-dessus, séance du 19 novembre 1791, page

157.

de la Révolution, n'a cessé de faire les plus grands sacrifices à la chose publique.

« Nous vous prions, Monsieur le Président, de permettre que nous nous servions de votre organe pour désavouer cette inculpation grave. Si, malgré notre surveillance, il était possible que le fait annoncé par M. Crestin eút quelques fondements, il doit à l'Assemblée nationale, il nous doit, il se doit à lui-même de déclarer les indices qui lui ont été communiqués, afin de nous mettre à portée de faire punir les coupables. » (Suivent les signatures.)

Plusieurs membres: L'ordre du jour!

M. Crestin. Je n'ai rien dit à l'Assemblée nationale que ce que j'ai cru devoir lui dire pour l'acquit de ma conscience. J'ai des témoins ou du moins j'ai un témoin du récit que j'ai fait, et je l'ai rendu tel que je le savais. Si le comité de surveillance le veut, ou plutot si l'Assemblée l'exige, je désignerai au comité de surveillance la personne qui m'a assuré le fait.

Plusieurs membres: L'ordre du jour!
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)

9° Extrait des délibérations du conseil général du district de Brissy, qui, en son nom et au nom des administrés, déclare l'adhésion la plus entière à la Constitution du royaume, ainsi qu'aux décrets de l'Assemblée nationale, et jure d'employer tout son pouvoir pour les faire exécuter.

(L'Assemblée décrète qu'il sera fait mention honorable de cette délibération au procès-verbal.)

Un membre, au nom du comité de législation. Messieurs, voici l'acte d'accusation contre les sieurs Varnier, Tardi et Noireau, et la proclamation dont Vous avez renvoyé la rédaction au comité de législation:

"Acte d'accusation contre les sieurs Varnier, cidevant receveur des traites à Auxonne; Noireau, de Pontallier, ci-devant receveur du grenier à sel à Auxonne, et Tardi, employé dans les douanes nationales aux frontières.

« DEUX lettres ont été dénoncées à l'Assemblée nationale, dans sa séance du 12 novembre 1791: la première, signée Varnier, sans adresse, est datée de Paris, le 30 octobre précédent; la seconde, signée Vollon, maitre serrurier à Auxonne, sans date, est adressée à M. Basire, député à l'Assemblée nationale: ces deux lettres ont été déposées sur le bureau par M. Basire. La lettre du sieur Vollon annonce que la lettre signée Varnier est celle d'un sieur Varnier, receveur du grand bureau à Auxonne; qu'il loge à Paris, hôtel du Grand-Louis, rue de Grenelle-Saint-Honoré ; que la lettre a été trouvée chez le sieur Noireau de Pontallier, cidevant receveur du grenier à sel à Auxonne: la lettre signé Varnier annonce, en substance, que lesdits sieurs Varnier et Noireau, de concert avec le sieur Tardi, employé dans les douanes aux frontières, faisaient passer à Coblentz, dans l'armée des émigrés, des ci-devant employés des fermes, en leur donnant de fausses commissions d'emplois sur les frontières. La même lettre indique que déjà 63 employés ont été ainsi embauchés et conduits à Coblentz. Le sieur Varnier, logé audit hôtel du Grand-Louis, amené à la barre, y a été interrogé sur les deux lettres ci-dessus : et, sur les réponses du sieur Varnier, l'Assemblée a rendu les décrets suivants :

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