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Il se réfugia sur une montagne déserte, près de la ville de Modin. Ses enfants s'appelaient Jean, surnommé Gaddès; Simon, surnommé Thaci; Judas, appelé Machabée; Éléazar, nommé Abbaron, et Jonathas, surnommé Appus. Jamais, dans aucun pays, on ne vit d'hommes dont les noms fussent plus dignes d'être conservés dans la mémoire de leurs compatriotes.

La Judée était esclave; on avait exterminé ses guerriers, pillé ses richesses, renversé ses autels et ses lois. L'empire d'Asie pesait tout entier sur elle; les troupes d'Antiochus occupaient toutes ses forteresses. Le peuple, fatigué de massacres et de persécutions, n'avait plus, de sa ruine totale, d'autre bien à conserver que la vie; et pour la racheter, tout obéissait au vainqueur.

Dans un tel état d'abaissement et de consternation, il paraìt prodigieux qu'un seul homme, sans autre secours que son courage et sa famille, ait pu former le projet d'affranchir sa nation, de chasser l'étranger, de rétablir la république des Juifs, et de relever un temple dont toutes les nations avaient conspiré et consommé la ruine. C'est cependant ce projet glorieux que conçut Mathathias, et qu'accomplirent ses héroïques enfants.

Il commença d'abord par un de ces coups hardis qui seuls peuvent électriser des âmes abattues, en les étonnant par une grande audace et en les enflammant par un grand exemple.

Il entra dans la ville de Modin, parla au peuple, lui rappela sa gloire passée et son humiliation présente, mais chercha vainement à lui faire préférer une mort glorieuse au sacrilége et à l'apostasie. Les officiers d'Antiochus se présentèrent, ordonnèrent de sacrifier aux idoles; tous gardaient un honteux silence. Un Juif, plus corrompu ou plus effrayé que les autres, s'avance au pied de l'autel pour faire son sacrifice; Mathathias, indigné, lui plonge une épée dans le sein, tue l'officier syrien qui le protégeait, et renverse aux yeux de sa troupe et l'autel et l'idole 1. Il représente ensuite aux habitants qu'après An du monde 3837.- Avant Jésus-Christ 167.

une telle action il n'y a plus de salut à espérer pour la ville qui en a été le théâtre, et qu'il ne reste plus qu'à vaincre ou à mourir. La foule, faible et indécise, se disperse; les hommes courageux entourent Mathathias, et se retirent avec lui sur la montagne déserte qu'il habitait. Son parti s'y grossit peu à peu de tous ceux qui conservaient quelque religion et quelque vaillance. Les troupes d'Antiochus vinrent l'attaquer; mais, animés par le désespoir, les Juifs battirent leurs ennemis et les mirent en fuite.

Ce premier succès augmenta les partisans du vengeur d'Israël, qui fut bientôt en état de s'étendre hors de sa retraite, de remporter de nouveaux avantages et d'affranchir plusieurs villes du joug honteux des Syriens.

Mathathias, fort avancé en âge, termina bientôt sa glorieuse carrière il chargea, en mourant, son fils aîné, Simon, de l'administration, et Judas de la guerre.

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Judas, comme on l'a vu plus haut, portait le nom de Machabée, heureux présage de ses victoires. Cet illustre guerrier devint la gloire d'Israël, qui lui dut sa délivrance. Une valeur indomptable, une piété sans bornes, une justice inflexible, une célérité inconcevable dans ses entreprises, formaient les principaux traits du caractère de ce héros, qui défit et ruina, à la tête de six mille hommes, les innombrables armées de la Syrie, conquérant d'autant plus fortuné que son pays fut sa seule conquête, et que la justice conduisit toujours ses armes. « Il se revêtit, dit l'Écriture, de ses armes comme << un géant, et son épée mettait à couvert toutes ses troupes. << Il parut dans les combats comme un lion qui court à sa << proie, et répandit de toutes parts la terreur de son nom. » Apollonius fut le premier des généraux d'Antiochus dont il triompha1. Dès le commencement de la bataille, il se précipita sur le général ennemi, le tua et s'empara de son épée. Cette prompte victoire de Judas jeta la consternation et l'épouvante dans l'armée syrienne; privée de son chef, elle prit

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la fuite, et laissa aux Juifs un immense butin. Judas comptait plus sur le courage que sur le nombre de ses soldats. Il ne voulait en avoir près de lui que de dévoués, renvoyait ceux qui montraient quelque crainte, et punissait, avec la dernière rigueur, tous les Juifs qui violaient la loi de Moïse.

On appelait assydéens les Juifs dispersés dans les pays étrangers; ils avaient une synagogue séparée de celle de Jérusalem, et l'on y observait avec plus de zèle et de régularité la loi de Dieu. Dès que les assydéens furent informés des succès de Judas, ils se rallièrent à lui, mais leurs secours ne faisaient que réparer les pertes occasionnées par la guerre de sorte que ses troupes, dans une lutte si terrible contre des armées de vingt, de quarante et de cent mille hommes, ne devinrent jamais assez fortes pour qu'il pût montrer en campagne plus de sept ou huit mille guerriers.

Séron, général des troupes de Syrie, marcha contre Judas pour venger Apollonius1; mais il ne fit qu'augmenter la gloire des Juifs par sa défaite. Antiochus, apprenant ces deux victoires, tenta les plus grands efforts pour se venger. Ptolémée, Nicanor et Gorgias, les trois plus renommés de ses généraux, marchèrent en Judée, à la tête d'une armée de quarante-sept mille hommes choisis. Judas se prépara à soutenir cette attaque. Quoique Jérusalem l'eût reçu sans résistance, il ne jugea pas convenable, dans l'état où était le temple, d'y sacrifier encore. Il réunit les lévites à Masphath, et, après y avoir invoqué le Seigneur, il renvoya dans leurs foyers les hommes mariés et tous ceux que leurs propriétés, leurs affaires ou leur timidité rendaient plus faibles et plus inquiets des événements. Ensuite il dit à la petite troupe qui lui restait «< Fortifiez votre courage; demain nous combat<< trons ces nations rassemblées pour nous perdre et pour << renverser notre religion. Songez tous qu'il vaut mieux << mourir dans le combat que d'être témoin des malheurs de « de sa patrie et de la destruction de son culte. » Gorgias, à Même année, 3838.

la tète d'un gros détachement, avait fait une marche rapide pour surprendre Judas dans son camp d'Emmaüs, et toute la grande armée de Syrie croyait que cette entreprise allait terminer la guerre. Machabée, informé de ce projet, quitta ses retranchements, et, par une autre route, courut à la tête de trois mille hommes, surprendre et attaquer l'armée syrienne, pendant que Gorgias trouvait le camp juif vide et désert.

Les Syriens, surpris de cette attaque imprévue et des prodiges de valeur que faisaient trois mille hommes sans boucliers, sans épées, et armés seulement de massues, prirent la fuite, malgré les efforts de Ptolémée et de Nicanor. Les Juifs se saisirent des armes des vaincus, les poursuivirent, et leur inspirèrent une telle terreur, qu'ils évacuèrent entièrement la Judée.

Gorgias, revenant alors et voyant la déroute de la grande armée, n'opposa aucune résistance à Judas, et prit aussi la fuite avec sa troupe. Les Juifs, délivrés de leurs ennemis, trouvèrent dans le camp syrien une grande quantité d'or, d'argent, d'étoffes de pourpre et d'autres richesses.

Dans ce temps, Antiochus, quittant sa capitale pour fairc la guerre en Perse, avait laissé la régence de Syrie à Lysias. Celui-ci n'eut pas plus tôt appris la nouvelle victoire de Machabée, qu'il résolut, pour éviter le courroux du roi, de venger promptement un si sanglant outrage. Il se mit lui-même à la tête d'une armée de soixante mille hommes, et, se croyant certain du succès, emmena avec lui des marchands de Tyr, auxquels il promit de vendre pour esclaves tous les Juifs qu'il comptait prendre. Il marcha sur Béthoron, et Judas vint audevant de lui avec dix mille hommes. Lysias fut battu, on tailla en pièces cinq mille de ses soldats. Le régent, ne pouvant rallier son armée, courut à Antioche pour y faire de nouvelles levées.

Machabée, profitant du repos que lui laissaient tant de triomphes, conduisit l'armée à Jérusalem, et alla avec elle sur la montagne de Sion. Là ils virent les lieux saints déserts,

l'autel profané, les portes brûlées, le parvis rempli d'épines et d'arbrisseaux. Les Juifs déchirèrent leurs vètements, firent un grand deuil, et se couvrirent la tête de cendres. Ils se prosternèrent le visage contre terre, et les airs retentirent du son de leurs trompettes et du bruit de leurs gémissements. Judas, ayant placé une partie de ses gens autour de la citadelle pour y contenir les Syriens et les apostats qui y étaient demeurés, employa tout le reste des Juifs à purifier le temple, à le rebâtir ainsi que le sanctuaire, à relever l'autel du Seigneur, à replacer dans le lieu saint de nouveaux vases, de nouveaux voiles et de nouveaux ornements. Tous ces travaux terminés, on célébra solennellement la dédicace du temple, on immola des holocautes, et Machabée offrit un sacrifice en actions de grâces pour la délivrance d'Israël.

Lorsqu'il eut rempli ce pieux devoir, il fortifia la montagne de Sion, environna la ville de murs et de tours, et fit construire des forteresses dans le pays.

Les Iduméens, les Ammonites et les Galiléens voyaient d'un œil jaloux Jérusalem se relever de ses ruines. Ils rassemblèrent une grande armée sous les ordres de Timothée. Simon et Judas son frère, livrèrent plusieurs combats à ces peuples, les battirent, prirent d'assaut plusieurs villes, et firent beaucoup de butin et d'esclaves.

Les Arabes grossirent encore le nombre des ennemis et des victoires des Juifs. Un seul échec troubla le cours de tant de prospérités. Tandis que Judas, Jonathas et Simon poursuivaient leurs succès, deux généraux juifs, Joseph et Azarias, voulant aussi leur part de gloire, attaquèrent iniprudemment à Jamnia les Syriens commandés par Gorgias. Il battit les Juifs, leur tua deux mille braves, les mit en déroute, et les força de fuir et de retourner en Judée.

Cependant Antiochus Épiphane, après avoir attaqué sans succès Élymaïde et Persépolis dont les richesses avaient tenté son avarice, retournait tristement à Babylone, lorsqu'il reçut la nouvelle de la défaite de ses armées en Judée. Furieux de

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