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avoit lui-même exprimé une opinion bien différente. A son arrivée à Sainte-Hélène, se promenant avec sir Georges Cockburn, qui étoit autorisé à choisir une résidence, avec la seule exception de la maison du gou→ verneur, lorsqu'ils arrivèrent à Longwood, Buonaparte en fut si enchanté au premier coup-d'œil qu'il desira d'y rester, sans même retourner à la ville. On lui dit que la famille du lieutenant-gouverneur ne pouvoit pas quitter cette maison si promptement. Il demanda qu'on y dressât une tente; il lui fut observé que cela incommoderoit beaucoup le lieutenant-gouverneur; mais que la maison seroit évacuée aussitôt que possible. En s'en retournant, ils passèrent devant une maison bien située, et appartenante à M. Balcombe, dans Jaquelle il se trouvoit une chambre isolée du reste de l'habitation. Le général Buonaparte exprima le désir d'occuper cette chambre, et malgré tout ce que sir Georges Cockburn put dire pour l'en détourner, il s'y établit. Au bout de deux jours seulement, ses compagnons se plaignirent, et dirent qu'il y avoit de la dureté à loger l'empereur dans une seule pièce. Voilà comment la complaisance de sir Georges Cockburn fut payée de retour! Il fut fait tant de changemens à Longwood, sur sa demande, tant pour lui que pour sa suite, que le général Buonaparte resta trois mois dans cette chambre. Le fait est qu'il n'aimoit pas de quitter la maison de M. Balcombe, à cause de la facilité des communications avec la ville. Il y étoit circonscrit dans un petit jardin d'où il ne pouvoit sortir sans garde, et cependant il ne porta aucune plainte. Aujourd'hui qu'il a un circuit

de huit milles, dans lequel il peut se promener sans garde, s'il le veut, il se plaint, pour la première fois, des restrictions mises à sa liberté.

A l'époque du départ des prisonniers pour SainteHélène, on fit faire la charpente d'une maison pour le général Buonaparte. A îarrivée des matériaux, sir Hudson Lowe écrivit au général pour lui demander s'il vouloit qu'on bâtît une autre maison, ou bien qu'on fit des additions à l'ancienne. Deux ou trois semaines s'étant écoulées sans qu'il reçût aucune réponse, sir Hudson Lowe alla trouver le général pour avoir son option. Le général dit qu'il préféreroit une maison neuve, mais qu'il faudroit cinq à six ans pour la bâtir, et qu'il étoit sûr que dans deux ou trois ans l'administration de ce pays-ci seroit renversée, ou qu'il y auroit un changement dans le gouvernement de France, et que dans l'un ou l'autre cas il seroit délivré. Sir Hudson Lowe n'ayant pu obtenir d'autre réponse, fit commencer des changemens à la maison actuelle. Le général Buonaparte Je trouva mauvais, quoique ces changemens eussent pour but de loger sa suite.

10o. Quant à la dépense assignée pour l'entretien du général, avant d'en parler, il est à propos de démentir une assertion qui a été répétée dans le temps par plusieurs journaux : on prétendoit qu'il avoit été décidé au congrès de Vienne que Buonaparte seroit transféré de l'île d'Elbe à l'île Sainte-Hélène, Une semblable proposition n'a jamais été faite au congrès, et les bruits qui ont circulé à ce sujet n'avoient aucun fondement.

La dépense de l'établisement de Buonaparte à Sainte-Hélène a été grande en premier lieu, faute de dispositions préalables pour des approvisionnemens réguliers, mais elle a été réduite lorsque ces dispositions ont pu être faites. Elle avoit été fixée à 8,000 I. st. par an; mais on prévoyoit que la première année coûteroit beaucoup plus. En fixant cette somme, le gouvernement avoit pris pour guide le terme moyen des dépenses du gouverneur de l'île pendant un certain nombre d'années. Ce gouverneur recevoit 6,500 l. st. Comme le général Buonaparte n'avoit pas les mêmes dépenses de table à faire, on avoit pensé qu'une allouance de 8,000 1. st. pour son établissement étoit fort convenable dans sa situation. Sir Hudson Lowe ayant été consulté ensuite, et ayant été d'avis que l'établissement du général ne pouvoit être entretenu à moins de 12,000 1. st (288,000 fr.), cette somme a été immédiatement allouée. Ceux qui la trouveroient insuffisante doivent songer que Sir Hudson Lowe lui-même n'a que 12,000 l. st. pour toutes les dépenses qu'il est obligé de faire.

Quinze jours après l'arrivée de la lettre ministé– rielle, Buonaparte entra en négociation avec Sir Hudson Lowe, offrant de se charger de défrayer luimême toute sa dépense, montant à 17 ou 18,000 l., si on lui permettoit de correspondre avec un banquier, pourvu que ses lettres fussent cachetées, et que l'argent qu'il recevroit ainsi fút entièrement à sa dispo. sition; et il étoit si certain d'avoir cet argent à ses ordres, qu'un jour il offrit de faire une traite, assu

rant qu'elle seroit honorée, et que sir Hudson Lowe pouvoit en sûreté avancer la somme.

Lorsque le gouvernement de ce pays-ci alloue au général Buonaparte une somme de 12,000l. st., c'està-dire autant qu'à son propre gouverneur, qui a de grandes dépenses à faire, et qui est obligé de recevoir les habitans et les commissaires des puissances alliées, il est permis de dire que si elle ne suffit pas au général Buonaparte, et s'il désire davantage, il n'a qu'à le prendre sur les fonds considérables dont il peut disposer.

11o. On dit encore dans cette lettre qu'il n'a qu'une bouteille de vin par jour. Le nombre des personnes qui sont avec lui est de neuf, non compris les enfans. Or, on lui fournit pour quinze jours quatre vingt-quatre bouteilles de vin ordinaire, sept de Constance, quatorze de Champagne, vingt-une de Grave, quatre vingt-quatre de Ténérif, et cent quarante de Bordeaux. Plus, quarante-deux bouteilles, de porter.

J'espère donc, conclut lord Bathurst, avoir convaincu la chambre qu'il n'y a pas la moindre raison de supposer que le général Buonaparte soit traité avec trop de rigueur. Ceux qui sont sous lui ont été on ne peut pas plus insolens envers le gouverneur, et si on les écoutoit, leurs plaintes ne finiroient pas. Le gouverneur ne peut maintenir son autorité qu'en exigeant une entière soumission aux mesures que ses instructions lui commandent de prendre. Si l'on juge que Buonaparte ne doit pas être détenu à SainteHélène, qu'on le renvoie ; mais s'il doit y être confiné

il ne seroit pas juste de rejeter une si haute respon→ sabilité sur le gouverneur, et de l'empêcher en même temps de faire exécuter les dispositions nécessaires pour cette détention (1).

Le noble lord termine en s'opposant fermement à la motion.

Le marquis de Buckingham regrette que son noble ami ait soumis cette motion à la chambre. D'après ce que vient de dire le noble comte, il est évident, ajoute-t-il, que le prisonnier n'a été soumis qu'aux restrictions indispensables. La conduite tenue à son égard n'est pas dictée par la vengeance, mais par la nécessité d'empêcher cet homme de venir encore troubler le repos de l'Europe.

Lecomte Darnley parla dans le mêmesens, et après quelques nouvelles observations de lord Holland, sa motion est rejetée, sans division.

(Journaux Anglais du 13 mars 1817, et Journal de Francfort du 25 au 31.)

'(1) Quelques journaux ont annoncé que les puissances alliées étoient dans l'intention de transférer Buonaparte de SainteHelène à Malthe. Nous sommes autorisés à donner un démenti formel à cette nouvelle. Elle n'a d'autre fondement que les voeux insensés de ses partisans: soit que Buonaparte ait long-temps à vivre ou non, il est destiné à passer le reste de sa vie à SainteHélène. (The Courrier, du 12 mai 1817. )

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FIN DES PIÈCES JUSTIFICATIVES.

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