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nible, et si, pour rentrer dans les limites de cette quotité, il suffisait de faire porter l'usufruit légué à l'un sur la propriété donnée à l'autre, on devrait prendre ce parti, parce qu'il y aurait lieu de présumer que telle aurait été l'intention du testateur, plutôt que de supposer qu'il eût voulu dépasser les limites qui lui étaient imposées pour l'avantage de ses enfans.

Il en serait sans doute autrement si le préciput de l'enfant portait sur un fonds déterminé, et l'usufruit de la femme sur un autre fonds également déterminé, parce qu'alors on ne trouverait aucun point d'identité entre les objets de l'une et de l'autre disposition. On devrait, en ce cas, procéder suivant les règles expliquées sur la proposition précédente.

Il en serait autrement encore dans le cas où les deux legs cumulativement pris, l'un en toute propriété et l'autre en usufruit sur les biens restant aux enfans, ne dépasseraient pas la quotité disponible, parce qu'il n'y aurait plus lieu à donner la même interprétation aux dispositions du testateur. Qu'on suppose, par exemple, qu'un homme qui n'a qu'un enfant, ait légué le quart de ses biens à un étranger, et un quart en usufruit à son épouse, on ne devra pas faire porter cet usufruit sur le premier legs; parce que, n'y ayant rien dans les dispositions du testateur qui démontre que les deux legs ne doivent porter que sur le même quart, et les deux pouvant être intégralement exécutés sans blesser la réserve légale, on n'aurait pas de motif pour rejeter l'usufruit de la veuve sur le legs de l'autre.

HUITIEME PROPOSITION.

563. A l'exception des cas dont il est question dans la proposition précédente, lorsque toutes les libéralités faites par un père ou une mère résultent d'actes testamentaires, et, qu'en somme totale, elles excèdent le montant de la plus forle quotité disponible, la réduction en doit être faite, au marc le franc, sans distinction entre les legs 'universels et les legs particuliers (926), parce les droits étant ouverts en même temps pour tous les donataires, aucun d'eux ne peut, en ce cas, avoir de priorité sur les autres.

que

Ainsi, à supposer que le père, qui ne laisse qu'un enfant, ait légué le quart de ses biens à son épouse, et le tiers de ces mêmes biens à un étranger, la moitié qui est la quotité disponible la plus forte devra être partagée en sept parts, dont quatre appartiendront à l'étranger et trois à la veuve.

Ainsi encore, à supposer que le père, qui laisse trois enfans, ait légué un domaine à un étranger et le quart en propriété avec un autre quart en usufruit à son épouse, la plus forte quotité qui est ici le quart en propriété et le quart en usufruit, devra être partagée entre les deux lé gataires dans la proportion des valeurs de chacun des deux legs.

Mais, pour arriver à ce but, il faudra opérer le rachat de l'usufruit de la veuve, et le convertir en une portion de propriété d'une valeur égale à l'estimation qui aura été donnée à cet usufruit; puis on procédera conformément aux ex

plications que nous avons données sur la quatrième proposition.

Néanmoins, porte l'art. 927 du code, dans tous les cas où le testateur aura expressément déclaré qu'il entend que tel legs soit acquitté de préférence aux autres, cette préférence aura lieu; et le legs qui en sera l'objet ne sera réduit qu'autant que la valeur des autres ne remplirait pas la réserve légale, c'est-à-dire, qu'autant qu'en laissant tous les autres dans la succession, il n'y resterait pas encore assez pour remplir les droits des légitimaires.

NEUVIÈME PROPOSITION.

564. Lorsque, pour opérer la réduction propor tionnelle des legs, il faut faire une compositiona de masse dans laquelle entrent tout-à-la fois des valeurs en propriété et des valeurs en usufruit, les juges sont obligés ou d'arbitrer eux-mêmes la valeur de l'usufruit comparativement à celle de la propriété, ou d'ordonner que cette valeur sera préalablement déterminée par expertise.

Cette proposition est fondée sur ce qu'il n'y a aucune disposition dans nos lois qui fixe la valeur comparative de l'usufruit et de la propriété, si ce n'est en ce qui touche au droit d'enregistrement, pour la perception duquel, en cas de mutation, l'usufruit est considéré comme valant la moitié du fonds (1); mais si cette estimation, qui n'est faite que dans l'inté

(1) Voy. l'art. 15, §. 7 et 8 de la loi du 22 frimaire an 7, bull. 248, 2. série.

rêt du fisc, peut être invoquée comme exemple de comparaison, pour quelques cas particuliers, il est évident qu'elle ne peut être prise pour règle générale dans l'intérêt des citoyens entre eux : car, si l'usufruit légué à un homme de vingt ou trente ans peut valoir la moitié du fonds, il serait absurde d'en dire autant de celui qui serait légué à un vieillard de quatrevingt-dix ans.

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Lorsque, pour fixer la valeur de l'usufruit comparativement à celle de la propriété, il n'est question que d'apprécier la longévité probable de l'usufruitier, estimée d'après son âge connu, il peut n'y avoir pas de motif qui oblige les juges à renvoyer cet arbitrage à des experts; mais s'il fallait préalablement faire une reconnaissance de l'état des lieux pour constater des dégradations dont les frais de réparations atténueraient la valeur de l'usufruit ou celle de la propriété, il serait alors nécessaire d'employer le moyen de l'expertise sur ce point de fait.

Nous terminerons cette section, comme la précédente, par l'examen de quelques questions particulières.

PREMIÈRE QUESTION.

365. Le mari pourrait-il établir, par acte entrevifs, un droit d'usufruit sur le fonds dotal de son épouse; et quel pourrait être l'effet d'une pareille constitution d'usufruit?

Il est hors de doute que le mari ne peut établir un droit d'usufruit proprement dit sur le fonds dotal, puisque la constitution de ce droit

emporte un démembrement de la propriété, et que le mari ne peut aliéner les immeubles de la femme.

Néanmoins cette espèce d'aliénation ne serait pas nulle dans un sens absolu, attendu que, d'une part, le mari est usufruitier de la dot, tant que le mariage dure ou qu'il n'y a pas eu séparation de biens prononcée au profit de la femme, et que d'autre côté le code (595) permettant généralement à tout usufruitier d'aliéner son usufruit, ou les émolumens utiles de son droit au profit d'un tiers, il faut arriver à cette conséquence, que l'acquéreur ou le cessionnaire aurait le droit de se faire maintenir dans la jouissance qui lui aurait été cédée, tant que le mariage serait existant ou qu'il n'y aurait pas eu de séparation de biens prononcée entre les époux.

SECONDE QUESTION.

366. Le fiduciaire possédant des biens grevés de substitution, peut-il établir un droit d'usufruit sur ces biens?

L'héritier institué, ou le légataire avec charge de substitution, est réellement propriétaire des biens substitués; il pourrait donc établir, par acte entre-vifs, un véritable usufruit sur ces biens: mais comme il n'est propriétaire que sous une condition résolutoire, la constitution d'usufruit ne peut être que résoluble comme son droit de propriété.

Ainsi l'usufruit établi dans ce cas sera éteint par la mort de l'héritier institué ou du léga

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