Page images
PDF
EPUB

2310. Au nombre des formes ordinaires du pourvoi en cassation en matière criminelle se trouvent la consignation de l'amende et la mise en état. Ces deux formes sont-elles applicables aux pourvois contre les arrêts de la chambre d'accusation?

En ce qui concerne l'amende, la loi ne fait aucune distinction: si le pourvoi est formé par la partie civile, cette partie doit, aux termes de l'article 419, faire, à peine de déchéance, la consignation préalable d'une somme de 150 francs.

:

S'il est formé par le prévenu, et que la matière soit correctionnelle ou de police, le demandeur doit faire la même consignation, puisque l'article 420, après avoir dispensé de cette formalité les condamnés en matière criminelle, ajoute qu'à l'égard de toutes autres personnes, l'amende sera encourue par ceux qui succomberont dans leurs recours. Telle est la décision d'un arrêt portant « Vu les articles 419 et 420, desquels il résulte que tout demandeur en cassation d'un arrêt ou d'un jugement en dernier ressort rendu en matière correctionnelle ou de police doit, sous peine de déchéance, joindre à son pourvoi une quittance de l'amende ou suppléer au défaut de cette quittance par la représentation des certificats spécifiés; et attendu que le demandeur est renvoyé à la cour d'assises, non comme accusé de crime, mais comme prévenu de délits mentionnés dans la loi du 17 mai 1819, et que cette loi punit de peines correctionnelles; que l'arrêt de la cour royale est donc rendu en matière correctionnelle; que cependant il n'a satisfait ni à la disposition de l'article 419, ni à celle de l'article 420; déclare le demandeur non recevable. »

Si l'arrêt de la chambre d'accusation a été rendu en matière criminelle, l'amende est-elle encore exigée? La raison de douter est que l'article 420 ne dispense que les condamnés en matière criminelle. Mais le motif de cette dispense s'applique aux prévenus ou accusés aussi bien qu'aux condamnés : c'est la nature de la poursuite, c'est le caractère des faits incriminés qui fait l'exemption; la loi a voulu que, dès qu'il s'agit de la poursuite d'un crime, aucune entrave ne fût apportée au recours.

2311. La formalité de la mise en état donne lieu à une difficulté plus grave. Nous n'examinerons ici ni le caractère ni l'utilité de cette mesure; nous nous bornerons à rechercher si elle 1 Cass. 9 nov. 1820 (Dall., v° Cass., n. 679).

doit être étendue aux prévenus qui se sont pourvus contre les arrêts de la chambre d'accusation.

Il est certain, en premier lieu, qu'on ne peut leur faire l'application de l'article 421, puisque cet article ne fait mention que des condamnés, et le deuxième paragraphe de l'article 116, modifié par la loi du 14 juillet 1865, ne règle aussi la compétence qu'en ce qui touche les condamnés. M. Mangin' invoque l'article 61, titre 4, du règlement du 28 juin 1738, qui portait: « Les accusés qui auront été décrétés de prise de corps ne seront reçus à demander la cassation des arrêts ou jugements en dernier ressort qui les auront décrétés, s'ils ne sont actuellement en état dans les prisons.... » Il est vrai que l'article 28 de la loi du 27 novembre-1er décembre 1790, l'article 25 de la loi du 2 brumaire an IV et l'article 90 de la loi du 27 ventôse an VIII ont provisoirement maintenu ce règlement dans toutes les dispositions auxquelles ils n'y ont pas dérogé. Mais l'article 421 n'a-t-il pas réglé la matière de la mise en état? Et lorsqu'il s'est borné à l'appliquer aux condamnés, est-il possible de soutenir qu'il ait voulu laisser debout l'article 61 du règlement de 1738, en ce qui concerne les prévenus ou accusés? Faut-il admettre que le législateur, qui avait cet article sous les yeux lorsqu'il rédigeait l'article 421, et qui s'occupait à la fois du pourvoi contre les arrêts d'accusation et les arrêts de condamnation, ait voulu laisser vivre la partie de cet article qu'il n'a pas reproduite?

La Cour de cassation a cherché une autre base à cette mesure. Un arrêt du 10 septembre 1830 déclare « que le droit de se pourvoir en nullité des arrêts de mise en accusation ne résulte pour les accusés que de l'article 296; que cet article reconnaît que, pour former une demande en nullité, l'accusé doit être constitué en prison; qu'il lui fixe un délai de cinq jours 'après son interrogatoire, passé lequel il n'est plus recevable à se pourvoir; que si, après l'arrêt de mise en accusation, l'accusé ne se constitue pas, il est procédé contre lui ainsi qu'il est dit aux articles 465 et suivants, et qu'il ne peut profiter des dispositions de l'article 296 qu'en se représentant*. » Un autre arrêt se borne à poser en règle « que du rapprochement et de la combinaison des articles 91, 94, 113, 133, 134, 231, 232, 233, 243, 293 et 1 Tom. II, p. 246.

2 Cass. 10 sept. 1830 (J. P., tom. XXIII, p. 795).

296, il résulte qu'un accusé n'est pas recevable à se pourvoir en cassation ou en nullité de l'arrêt qui le renvoie devant une cour d'assises, comme accusé d'un fait de nature à être puni d'une peine afflictive et infamante, s'il n'est actuellement en étatím

Cette argumentation est-elle plus exacte que la première? П] est hors de doute que, dans le système de notre Code, tout ac cusé d'un fait qualifié crime par la loi doit être mis en état de détention; les articles 134 et 231 exigent que l'arrêt de renvoi devant la cour d'assises contienne spécialement une ordonnance de prise de corps; les articles 295 et 296 ne peuvent être exė¬ cutés qu'à la condition que l'accusé soit mis sous la main de la justice, et l'article 126 suspend la liberté provisoire légalement accordée lorsque l'accusé est renvoyé devant la cour d'assises. Mais peut-on directement conclure de la règle de cetfé détention préalable à la nécessité de la mise en état? La détention préalable est la conséquence de la procédure antérieure, elle est la consé quence de l'arrêt de renvoi et de l'ordonnance de prise de corps confirmée par cet arrêt; or quel est l'effet du pourvoi? N'est-ce pas précisément de suspendre l'exécution de l'arrêt, de suspendre par conséquent l'exécution de l'ordonnance de prise de corps? Comment donc cet arrêt, dont l'exécution est suspendue, comment cette ordonnance, qui n'est pas applicable, peuvent-ils servir de base à la détention? Est-il possible de concilier l'exécution pros visoire que suppose la détention et le sursis qui est la conséquence immédiate du pourvoi? Il est vrai que l'article 301 a modifié la règle que le pourvoi est suspensif; mais il ne l'à modifiée que pour autoriser le président des assises à recueillir les penseigno ments survenus depuis l'instruction. Il est vrai encore que la liberté dont le prévenu a continué de jouir est une infraction aux règles de la procédure; mais, s'il appartient à la Cour de cassa jon de réformer les actes qui ont produit cette infractiou, lui appartient-il d'exiger l'application de ces règles à l'avance et avant même qu'elle ait statue? Il a fallu la disposition spéciale de l'article 421 pour assurer la mise en état des condamnés que l'instruction a laissés libres est-ce qu'on aurait pu prétendre, si cette disposition n'existait pas, qu'ils devaient obéissance provin soire aux actes qu'ils attaquaient.? Est-ce qu'on aurait même pensé à faire exécuter des jugements dont l'effet était suspendu par le 1 Cass, 23 mai 1846 (Bull., no 129).

pourvoi? Or, en ce qui concerne les individus qui se pourvoient contre les arrêts de la chambre d'accusation, l'article 421 n'existe pas.

[ocr errors]

Il nous semble que c'est dans un autre ordre de motifs qu'on peut trouver le principe de la mise en état à l'égard de ces indin vidus. En matière de faits qualifiés crimes, l'accusé qui n'est pas en état de détention est considéré par la loi comme fugitif : l'article 465, en effet, ordonne la représentation de l'accusé qu'un arrêt de la chambre d'accusation renvoie devant la cour d'assises, et l'article 467 ajoute qu'après un délai de dix jours après l'ordonnance de se représenter, il sera procédé au jugement de la contumace. Or, on a inféré des articles 468, 470 et 473 qu'un accusé contumax n'est pas admis à se pourvoir : sa représentation est la condition essentielle du droit de sa défense; il est réputé, suivant les termes de l'article 465, en état de rébel+ lion contre la loi. La Cour de cassation a déclaré en consé→ quence; « Qu'il résulte des articles 465 et suivants que, lorsqu'un individu contre lequel est intervenu un arrêt de mise en accusation n'a pu être saisi, ou ne se représente pas, il doit être rendu contre lui une ordonnance portant qu'il sera tenu de se représenter dans dix jours; qu'il est ensuite procédé contre lui au jugement par contumace; qu'il résulte desdits articles qu'au cune défense ne peut être présentée sur le fond de l'accusation en faveur du contumax, et que l'ensemble de ces dispositions exclut toute faculté de pourvoi en cassation de la part de l'accusé placé dans les termes de l'article 465% »

*ཝ

Mais si la mise en état des prévenus ne peut trouver d'appui que dans l'article 465, il s'ensuit que ceux-là seuls qui sont renvoyés devant la cour d'assises pour faits qualifiés crimes peuvent être soumis à cette mesure, car ce n'est que dans ce cas que la procédure contumaciale applique ses formes. Ainsi, les préve↓ nus qui seraient renvoyés en police correctionnelle par un arrêt de la chambre d'accusation seraient recevables à se pourvoir contre cet arrêt, quoiqu'ils ne fussent pas en état ; car aucun texte ne peut être invoqué pour leur appliquer cette mesure. Ce point a été reconnu par la Cour de cassation dans une espèce où la partie, contestait la recevabilité du pourvoi formé par une femme renvoyée en police correctionnelle, en se fondant sur ce 1 Cass. 23 avril 1846 (Bull., no 100),

que

la demanderesse, contre laquelle il existait un mandat d'arrêt, ne s'était pas mise en état. Cette fin de non-recevoir fut rejetée : << Attendu que c'est aux condamnés en matière correctionnelle ou de police que l'article 421 impose l'obligation de se mettre en état ou d'obtenir leur mise en liberté sous caution, et qu'aucune condamnation n'existe encore contre la veuve Dauga'. Et si les accusés de faits qualifiés crimes ont obtenu précédemment leur mise en liberté provisoire, avec ou sans caution, ils continuent d'en jouir jusqu'à ce qu'il ait été statué sur le pourvoi, puisque jusque-là l'arrêt de renvoi n'est pas exécutoire.

§ VI. Effets du pourvoi.

[ocr errors]

2312. L'article 301 déclare que: « nonobstant la demande en nullité, l'instruction sera continuée jusqu'aux débats exclusivement. » Il résulte de cette disposition que le pourvoi contre les arrêts suspend l'ouverture des débats, et que la cour d'assises est tenue de surseoir jusqu'à ce que la Cour de cassation ait statué.

Mais cet effet n'est-il attaché qu'aux pourvois qui sont fondés sur l'une des causes de nullité déterminées par la loi ou qui ont été régulièrement formés? Faut-il surseoir encore quand le pourvoi est fondé sur un moyen qui n'est pas susceptible d'être accueilli ou quand il a été formulé après l'expiration du délai légal? Cette question, aujourd'hui résolue par la loi, a eu plusieurs phases.

La Cour de cassation avait, en premier lieu, jugé que, dans cette double hypothèse, la cour d'assises n'était pas tenue de surseoir: « Attendu qu'il n'y a lieu au sursis ordonné par l'article 301 pour l'ouverture des débats que dans le cas où la déclaration du pourvoi contre l'arrêt de mise en accusation a été faite par l'accusé ou le ministère public dans le délai fixé par l'article 296 et conformément à l'article 299; que les cours d'assises, en procédant aux débats, nonobstant un pourvoi tardivement déclaré ou qui ne leur paraît pas porter sur des ouvertures de cassation déterminées par la loi, n'attentent pas à l'autorité de la cour, puisqu'elle conserve le droit et les moyens de statuer sur ce pourvoi, qui doit, dans tous les cas, lui être transmis, et de juger si lesdites cours d'assises ont été régulière1 Cass, 18 mars 1814 (J. P., tom. XI, p. 218).

[merged small][ocr errors]
« PreviousContinue »