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V.

S Amb. in Pf.36.

Pf. 30 89.

Sap. 1.

Mais puifque les infirmitez produifent des effets fi falutaires dans l'ame chrétienne, puifqu'elles lui fourniflent tant de preuves de fon élection pour le Ciel, qu'elles lui donnent tant de facilité pour en faire la conquête, & un droit acquis de s'adreffer au Sauveur, & d'en attendre les forces & les fecours néceffaires pour fupporter les amertumes de fon état ; quelles actions de graces ne dois-je pas avoir rendu à la grande miféricorde du Seigneur, de ce que ma vie s'eft confumée par les douleurs, & que mes jours fe font paffez dans les gémissemens & dans les fouffrances? Quelle confolation & quelle joye ne dois-je pas avoir, de ce que fa bonté m'a fait paffer par des épreuves fi fréquentes? Quel plaifir ne dois-je pas avoir reffenti bien des fois, de ce que par une fage & tendre difpofition de fa Providence, je fouffrois quelque douleur pour Jefus, qui en a tant enduré pour moi?

O mon Dieu ! qui fondez le fond des coeurs, vous connoiffez fi ce font là les fentimens du mien; vous fçavez si je n'ai pas bien des fois félicité, au moins intérieurement & avec envie, le fort des personnes qui jouiffent de la fanté & des commoditez de la vie, malgré les anathêmes prononcez contre les heureux de ce monde Luc. 6. par le Sauveur même, qui ne promet fon

royaume qu'à ceux qui fouffrent, qui fentent & qui gémiffent fous le poids des miferes de notre pelerinage. Vous fçavez fi par impatience dans mes maux, ou par ennui de leur durée, je n'ai pas souvent préferé le coup d'une mort prompte qui fait ceffer tout fentiment de douleur, aux fré- Eccl. 31. quentes angoiffes que je fouffre depuis fi long-tems, & aux amertumes d'un état d'infirmité pareil au mien ; vous fçavez fi je n'ai envifagé mes maux que des yeux de la foi, qui les déclare le fondement folide de l'efperance chrétienne, & l'objet des voeux d'un vrai difciple du Sauveur.

Que jai de honte d'être connu de vous plutôt pour un Juifque pour un Chrétien. La difpofition du coeur d'un véritable Chrétien eft de fe réjouir en Dieu dans la maladie comme dans la fanté; de con- Philip.4. ferver la joye fainte du Seigneur dans les maux comme dans les biens de cette vie, dans les jours de difgraces & d'afflictions comme dans les jours de faveurs & de profpéritez; de fe foumettre & d'accepter avec la joye du faint Efprit, les ordres de fon Dieu, même dans les plus grandes douleurs dont il veut l'éprouver ou le purifier, parce qu'il eft convaincu que ce mélange alternatif de biens & de maux entre dans les defleins de falut que Dieu a fur lui.

1. 10. de

Dei.

que lorsqu'il en reçoit des biens & des faS. Aug. veurs; il ne bénit fon faint nom, que lorfCivitate qu'il lui donne la graiffe de la terre, & l'abondance de fes fruits: lorfque cette Sageffe fuprême retire fes bénedictions temporelles de deffus le Juif, alors il s'attrifte fe chagrine, s'impatiente, & murmure contre les difpofitions de la Providence toujours adorable dans fa conduite: Et voilà, Seigneur, ce que j'ai toujours ou fouvent été. Loin de m'être réjoui dans mes fouffrances, parce que j'étois pour lors dans l'heureux état de vous plaire; loin de m'être confolé de mener une vie de Joan. 16. douleur, de trifteffe & d'amertume, que vous avez prédit devoir être le partage de vos Elus fur la terre; loin d'avoir reçu la maladie comme une de vos faveurs les plus fingulieres, & de l'avoir regardée comme un tems favorable, auquel vous me vifitiez dans votre miféricorde, je me fuis irrité contre une telle vifite, j'ai refuIdem in fé de la recevoir comme une grace ; j'ai Ffal. 93. pris pour un mal le remede que vous me préfentiez à toutes les playes de mon ame; je me fuis livré à une trifteffe exceffive, & j'ai attiré votre indignation par des murmures: mes maux, loin d'avoir été des motifs d'édification à ceux qui en étoient Cypr. 1. de mort. témoins, n'ont été pour eux que d'affreux fcandales; mes plaintes, mes ennuis, mes impatiences,

impatiences, qui ont tant de fois alteré la paix des autres, ont caufé dans mon ame des troubles qui m'ont fouvent fait douter de mon falut.

Que je fuis faifi de confufion & de crainte d'avoir montré tant de trifteffe, tant de chagrin & d'accablement dans mes fouffrances; d'avoir témoigné pour elles tant de dégoût & d'éloignement. Que j'ai de honte d'avoir été fi infidele à la grace du Sauveur, dont la vertu & la force eft d'inspirer la reconnoissance & la joye dans les maux. Je gemis, ô mon Dieu! d'avoir S. Bern. fi peu répondu aux deffeins que vous aviez de me détacher de la vie présente, par les amertumes que vous y répandiez.Pardon, ofée 2. Seigneur, du trop grand amour que j'ai eu pour elle; pardon d'avoir trop défiré & recherché les foulagemens de ce corps de péché, qui ne méritoit que les traitemens de la plus auftere pénitence; pardon des mortifications & des chagrins que j'ai tant de fois donnez aux perfonnes qui étoient les témoins de mes fouffrances, & qui tâchoient de les foulager.

L'unique reffource qui me refte, ômon Pf. 9; Dieu! eft de me jetter entre les bras de votre mifericorde, & de vous supplier de porter vos regards fur les maux qui m'environnent & me preffent; de vous reffouvenir que dans ce lieu d'affliction, que

Eccl. 10.

dans cette vallee de larmes, invefti & accablé de tant de miferes, frappé fouvent de l'affreufe image de la mort, & faifi des horreurs du tombeau, je ne puis témoigner de la joye dans mes maux, fi vous ne me la donnez vous-même cette joye falutaire, & fi vous ne répandez fur moi de nouvelles graces. Je les efpere de vous, ô mon divin Légiflateur! & c'eft par leur fecours que vous me ferez marPf. 50 & cher de vertu en vertu; c'eft-à-dire, qu'après m'avoir inspiré l'amour & la joye de vôtre Apôtre pour les fouffrances, vous me les ferez fupporter comme lui avec courage & avec perfeverance.

83.

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