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sor public », l'art. 1er § 9 de la loi du 28 février 1872 a réservé l'application du droit fixe gradué aux marchés dont le prix est acquitté au moyen des deniers provenant des ressources générales du budget de l'État. Suivant l'expression d'un commentateur autorisé, c'est le marché dont le Trésor public « fait les frais » que la loi réduit à un simple droit fixe (Dall., Jur. gén., Vo Enregistrement, no 1996). Il en résulte que, pour savoir si un marché est passible du droit gradué ou du droit proportionnel, il faut rechercher non par qui l'acte a été passé, ni par quel procédé de comptabilité le prix sera compté à l'entrepreneur, mais par quel budget, national ou communal, ce prix sera supporté en définitive. C'est d'ailleurs en ce sens que la Cour s'est prononcée dans l'un des considérants de l'arrêt précité du 28 décembre 1892 (§ IV, suprà): « Attendu, a dit la Chambre civile, que c'est seulement quand le Trésor public doit supporter la dépense engagée et dans la mesure où il la supporte que le droit à percevoir est le droit fixe gradué. »

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VII.

Ce qui paraît avoir induit le tribunal à décider le contraire, c'est que ni les actes préparatoires, ni le procés-verbal d'adjudication ne se réfèrent à la convention qui règle la participation de la ville de Dôle aux dépenses de l'entreprise.

Il est vrai que l'arrêt du 28 décembre 1892 a été rendu dans une espèce où le cahier des charges de l'entreprise mentionnait expressément l'existence et la quotité de la subvention fournie par la ville à l'État.

« Attendu, porte cette décision, que . . . .

De ce que la Cour a ainsi relevé la mention contenue dans le procès-verbal d'adjudication relativement à la contribution de la ville, on ne saurait conclure que sa décision aurait été différente en l'absence de cette mention. Les termes de l'arrêt s'expliquent par les conditions mêmes dans lesquelles l'affaire se présentait à l'examen de la Chambre civile. Le pourvoi reprochait au jugement attaqué d'avoir admis la perception du droit proportionnel sur la moitié du prix d'un marché sous prétexte que la ville de Lyon, par des conventions intervenues entre elle et l'Etat, avait promis à l'Etat de supporter la moitié de la dépense de l'adjudication, alors que cette convention, à laquelle les adjudicataires sont demeurés légalement et juridiquement étrangers, ne constituait, de la part de la ville, qu'une promesse de concours ou de subvention pour l'exécution d'un marché de travaux publics et ne changeait en rien le caractère du marché et de l'exécution de l'entreprise et qu'il restait également seul débiteur du prix envers les adjudicataires. »

La Cour a répondu à cette argumentation par un arrêt qui renferme, tout à la fois, une décision doctrinale et une décision d'espèce.

Elle pose d'abord le principe à savoir que, pour établir la perception, il faut chercher par qui le prix doit être payé et que c'est seulement quand le Trésor public doit supporter la dépense engagée et dans la mesure où il la supporte que le droit à percevoir est le droit fixe gradué. Passant ensuite à l'examen des faits de la cause, elle applique le principe et elle établit que les adjudicataires sont d'autant moins fondés à critiquer la perception du droit proportionnel que la répartition de la dépense entre l'Etat et la ville a été mentionnée au procès-verbal dans le but précisément de les éclairer sur les conditions de l'adjudication. Ces constatations de fait, que la Cour a jugé utile de relever pour répondre point par point aux arguments du pourvoi, n'affaiblissent en rien la portée doctrinale de l'arrêt. Les circonstances particulières de chaque affaire peuvent changer; mais la règle de perception demeure immuable c'est seulement, a dit la Cour, quand le

Trésor public doit supporter la dépense et dans la mesure où il la supporte que le droit à percevoir est le droit fixe gradué.

VIII. Dans ces conditions, pour que le bénéfice du tarif réduit soit acquis á un marché conclu au nom de l'État avec le concours financier d'une ville, il ne saurait suffire que le procès-verbal d'adjudication et ses annexes passent sous silence la subvention municipale, puisque cette circonstance n'empêche pas de subsister le seul fait qui soit à considérer pour l'application du tarif, celui de la subvention.

C'est d'ailleurs un principe certain que l'Administration a le droit et le devoir de rechercher le véritable caractère des contrats afin de leur appliquer les règles de perception qui les concernent. Quel que soit l'acte contenant la disposition sujette à l'impôt, c'est uniquement la nature de cette disposition qui détermine l'application du tarif. La jurisprudence est constante à cet égard.

DEUXIÈME MOYEN.

XII. La loi du 22 frimaire an VII renferme les dispositions suivantes : Art. 26-3o... Art. 29..... - Art. 35... - Art. 36....

Enfin l'art. 78 de la loi du 15 mai 1818 porte :

D'après ces diverses dispositions, le seul bureau compétent pour l'enregistrement des actes administratifs est celui dans l'arrondissement duquel les autorités administratives exercent leurs fonctions. La formalité qui serait accomplie dans tout autre bureau ne remplirait pas le vœu de la loi et ne produirait pas, dès lors, les effets qui lui sont attribués.

XIII. C'est en vertu de ce principe fondamental que l'Administration a considéré comme inopérant l'enregistrement à l'un des bureaux de Besançon du procès-verbal d'adjudication passé devant les autorités administratives de Dôle, et qu'après avoir offert la restitution des droits indûment perçus à Besançon, elle a fait réclamer par le receveur à Dôle, le montant des droits simples et en sus réellement exigibles.

Pour rejeter la réclamation, le tribunal s'est fondé sur ce que l'art. 26 de la loi du 22 frimaire an VII contient une disposition purement démonstrative et nullement limitative; qu'elle n'est point d'ailleurs prescrite à peine de nullité d'où la conséquence que le payement effectué au bureau de Besançon a été effectué à juste titre et qu'il suffit pour mettre les parties à l'abri du droit en sus.

XIV. Cette appréciation n'est pas fondée. Sans doute, ainsi que le rappelle le tribunal, la Chambre criminelle de la Cour de cassation a pu insérer dans les considérants d'un arrêt du 14 novembre 1835 (S. 36.1.256) la formule reproduite dans la décision attaquée, à savoir que l'art. 26 de la loi du 22 frimaire an VII contient une disposition purement démonstrative et nullement limitative et qu'elle n'est point, d'ailleurs, prescrite à peine de nullité. Mais la question à juger était tout autre il s'agissait de savoir si un procès-verbal de garde forestier, enregistré dans un bureau incompétent, était frappé de la nullité que l'art. 34 de la loi du 22 frim. an VII édicte contre « l'exploit ou procès-verbal non enregistré dans le délai », et la Cour, appliquant limitativement le texte, a déclaré que la nullité prononcée par l'art. 34 ne concerne que les actes non enregistrés dans le délai, et non ceux qui l'ont été en temps utile dans un bureau autre que ceux dont parle l'art. 26. Cet arrêt, rendu dans un débat entre l'administration des Forêts et un délinquant, n'offre d'intérêt qu'au point de vue de l'application de la nullité aux procès-verbaux de contravention; il ne préjuge en rien la solution de l'affaire actuelle qui présente un caractère exclusivement fiscal. XV. Sous l'apparence d'une difficulté d'ordre secondaire, la question posée par le pourvoi se recommande à l'attention de la Cour par son im

portance au point de vue de la bonne administration de l'impôt. La loi organique de l'an VII ne s'est pas bornée, en effet, à fixer et à tarifer la matière imposable: elle contient, en outre, toute une série de dispositions qui sont relatives au recouvrement des droits et qui s'enchaînent entre elles par des liens nécessaires.

Pour assurer une sanction aux articles qui ordonnent l'enregistrement des divers actes, le législateur a d'abord désigné le bureau où la formalité doit être accomplie : c'est l'objet des art. 26 et 27. Il a ensuite donné à l'Administration le moyen de surveiller si les officiers publics se conforment aux obligations qui leur incombent à cet égard: tel est le but du répertoire que les notaires, huissiers, greffiers et secrétaires des administrations centrales et municipales doivent tenir jour par jour (art. 49), en y inscrivant la relation de l'enregistrement (art. 50), puis représenter tous les trois mois aux receveurs de l'enregistrement de leur résidence (art. 51). En cas de difficulté pour le recouvrement des droits, c'est le receveur du bureau où l'acte doit être enregistré qui est compétent pour délivrer la contrainte (art. 64). Enfin, le bureau où les droits sont exigibles est attributif de juridiction au profit du tribunal dans le ressort duquel il est situé (art. 65).

Toutes ces mesures qui concourent au même but ont été inspirées par la nécessité d'armer fortement le Trésor pour lui permettre d'assurer le recouvrement régulier de l'impôt ; elles seraient annihilées si l'on admettait avec le tribunal que l'art. 26 n'a rien d'obligatoire et que le lieu du payement est abandonné à la discrétion des contribuables. Le répertoire des officiers publics et des autorités administratives ne serait plus qu'un instrument inutile entre les mains du receveur, du moment où cet agent ne pourrait plus s'assurer, au moyen d'un simple rapprochement avec ses registres, que tous les actes ont été réellement enregistrés. On ne saurait plus ni à quel bureau appartiendrait l'initiative des poursuites, ni quel serait le tribunal compétent pour statuer sur les débats judiciaires. Dans ce système, la réglementation si précise de la loi organique, qui ne livre rien à l'imprévu, disparaitrait pour faire place à une confusion éminemment préjudiciable aux intérêts du Trésor.

XVI. La thèse du tribunal se condamne donc par ses propres conséquences; elle est, de plus, en opposition avec le texte même de la loi. Que l'on se reporte, en effet, à l'art. 26 et il sera facile de constater combien la formule en est impérative. « Les notaires, dit la loi, ne pourront faire enregistrer leurs actes qu'aux bureaux dans l'arrondissement desquels ils résident. -Les huissiers et tous autres ayant pouvoir de faire des exploits, procèsverbaux ou rapports, feront enregistrer leurs actes, soit au bureau de leur résidence, soit au bureau du lieu où ils les auront faits. Les greffiers et les secrétaires des administrations centrales et municipales feront enregistrer les actes qu'ils sont tenus de soumettre à cette formalité, aux bureaux dans l'arrondissement desquels ils exercent leurs fonctions. Les actes sous seings privés et ceux passés en pays étranger, pourront être enregistrés dans tous les bureaux indistinctement ».

Ces termes sont significatifs. Tandis que, pour les actes sous seings privés ou passés en pays étranger, la plus complète latitude est laissée aux parties, la loi enjoint à tous les officiers publics et aux autorités administratives de présenter leurs actes à la formalité dans un bureau spécialement désigné : c'est là une disposition dont le caractère impératif apparaît d'autant mieux qu'elle contraste avec la faculté laissée aux contribuables de faire enregistrer les actes sous seings privés dans tous les bureaux indistinctement.

Bien que la jurisprudence n'ait pas encore statué explicitement sur ce

point, il est certain que la Cour refusera de s'associer à l'interprétation du tribunal.

En effet, l'art. 27 de la loi du 22 frimaire édicte, pour les déclarations de mutations par décès, une règle conçue dans des termes analogues à ceux de l'art. 26 il porte que les mutations de propriété seront enregistrées au bureau de la situation des biens. Or il a été reconnu que cette règle est impérative; elle régit aussi bien les meubles ayant une assiette déterminée que les immeubles, et ne comporte aucune exception même dans le cas où les immeubles héréditaires situés dans l'arrondissement de plusieurs bureaux appartiennent à la même exploitation et sont affermés par un seul bail (Dall., Vo Enregistrement, no 4140. — Comp. Cass. 7 août 1807, Dall., loc. cit., no 5468, note 3).

Dans une affaire récente, la Chambre civile a rigoureusement maintenu l'application de cette règle : « Attendu, a-t-elle dit, qu'aux termes de l'art. 27 de la loi du 22 frimaire an VII, les mutations par décès sont enregistrées au bureau de la situation des biens et que s'il s'agit de biens meubles n'ayant pas d'assiette déterminée au jour du décès, la déclaration doit être faite au bureau du domicile du décédé ; qu'ainsi les legs de sommes non existantes en nature doivent être déclarés au bureau du domicile, quelles que soient les valeurs situées dans le ressort dudit bureau, et alors même qu'elles seraient insuffisantes pour l'acquittement desdits legs » (Civ. 12 août 1890, S. 91.1.40).

Les art. 26 et 27 de la loi de l'an VII, qui sont conçus dans les mêmes termes et dans le même esprit, ne sauraient comporter une interprétation différente et du moment où la Cour a reconnu le caractère impératif de l'art. 27, elle n'hésitera pas à adopter la même solution pour l'art. 26. XVII. La conséquence de ces observations se dégage d'elle-même. Dès lors que l'acte n'a pas été soumis à l'enregistrement, dans le délai qui lui est assigné, au bureau fixé par l'art. 26, la perception effectuée au bureau de Besançon est irrégulière. L'Administration ne pouvait donc se dispenser d'en ordonner la restitution et de faire réclamer les droits exigibles par le receveur compétent. Ces droits devaient comprendre non seulement le droit simple, mais encore le droit en sus édicté par l'art. 36 de la loi de l'an VII, à titre de sanction attachée au défaut d'enregistrement dans le délai de vingt jours imparti par les art. 29 de la loi du 22 frimaire et 78 de celle du 15 mai 1818.

C'est vainement que le tribunal se fonde pour repousser le droit en sus sur ce que l'obligation de faire enregistrer à un bureau déterminé les actes administratifs incombe seulement aux autorités administratives et non aux parties qui ont traité avec elles d'où il suivrait, à ses yeux, que l'acte ayant été présenté à la formalité par MM. Pignot, ceux-ci ne pourraient être passibles d'aucune pénalité.

Cette objection, déjà faite dans d'autres circonstances, a été constamment rejetée par la Cour (Cass. 22 janv. 1845, S. 45.1.103; 29 avril 1872, S. 72.1.145): « Attendu, porte ce dernier arrêt, que si ce fonctionnaire (le secrétaire général de la préfecture) n'a point remis, comme la loi lui en fait un devoir, dans le délai prescrit, l'extrait de l'acte au receveur de l'enregistrement, l'amende et la responsabilité qu'il a pu encourir vis-à-vis de l'Administration pour le fait de négligence, ne fait pas obstacle à ce que, conformément aux dispositions formelles de l'art. 37 de la loi du 22 frimaire an VII, le recouvrement du droit simple et du droit en sus soil poursuivi contre les parties: qu'en le décidant ainsi le jugement attaqué a fait une exacte application dudit article. >>

Il est donc certain que le droit en sus a été réellement encouru et qu'il

pouvait être réclamé à MM. Pignot. Ainsi se trouve justifié le second moyen du pourvoi.

TROISIÈME MOYEN.

XVIII. D'après la loi de l'an VII, les droits exigibles sur les actes administratifs doivent être consignés par les parties entre les mains des autorités administratives qui ont passé ces actes avant l'expiration du délai de vingt jours fixé pour l'enregistrement; il appartient ensuite aux autorités de verser les fonds à la caisse du receveur de l'enregistrement et de requérir la formalité.

Les parties ont donc satisfait à leurs obligations fiscales dès qu'elles ont remis la provision nécessaire; mais encore faut-il que la consignation ait été effectuée entre les mains du fonctionnaire compétent, c'est-à-dire de celui qui a passé l'acte: sinon, elle serait dépourvue des effets libératoires qui s'y attachent.

XIX. - Le tribunal s'est complètement mépris sur le mode de payement organisé par la loi de frimaire pour les actes administratifs. Il déclare que le versement fait par M. Pignot, dans le délai prescrit par la loi, au bureau de l'enregistrement de Besançon peut, au besoin, être considéré comme une consignation aux termes de l'art. 37 de la loi de l'an VII, et il s'en autorise pour rejeter la réclamation du droit en sus.

Il y a là une erreur matérielle. Le versement fait au bureau de Besançon n'a aucun rapport avec la consignation que M. Pignot aurait dù faire entre les mains des autorités administratives de Dôle pour se conformer à l'art. 37 : il ne saurait donc en produire les effets juridiques, et c'est à tort que le tribunal a écarté l'exigibilité du droit en sus par un motif aussi manifestement erroné.

Conformément à ces observations la Chambre civile a cassé le jugement qui lui était déféré.

Son arrêt est ainsi conçu:

La Cour,

Sur le premier moyen :

Vu l'art. 51 no 3 de la loi du 28 avril 1816;

Attendu que cette disposition assujettit au droit proportionnel « les adjudications et marchés pour contructions, réparations, entretiens, etc., dont le prix doit être payé par le Trésor, ou par les administrations locales, ou par des établissements publics »> ;

Attendu que la loi du 28 février 1872, dans son art. 1er no 9, en vigueur à l'époque où les faits du procès ont pris naissance, ne frappait que d'un droit gradué les adjudications et marchés dans le cas où le prix devait être payé directement par le Trésor public »;

Attendu que l'exception ainsi apportée à la règle générale édictée par la loi de 1816 était limitativement déterminée; qu'elle ne pouvait donc être étendue en dehors du cas spécialement prévu; que pour en faire l'application, il fallait rechercher par qui le prix du marché devait être payé et que c'est seulement quand le Trésor public devait supporter la dépense engagée et dans la mesure où il la supportait que le droit à percevoir était le droit gradué ; qu'il suit de là que si le paiement du prix incombait partie à l'État et partie à une commune, le droit proportionnel restait exigible sur la somme mise à la charge de celle-ci ;

Attendu, en fait, que la ville de Dôle s'est engagée envers l'Etat, par convention du 16 août 1888, à participer, jusqu'à concurrence de 800.000 fr. aux dépenses de la construction d'une caserne; qu'en suite de cet accord, le sous-intendant militaire de Dôle a, avec l'assistance du maire, procédé à

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