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ment saisies; que l'intérêt de l'accusé et celui de la vindicte publique, sont ainsi également maintenus'. »

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Cet arrêt résout les deux questions que nous avons posées : il décide qu'il n'y a pas lieu à sursis: 1° lorsque les moyens proposés ne rentrent pas dans les termes de l'article 299; 2° lorsque le pourvoi a été tardivement formé. Il faut soigneusement distinguer ces deux solutions.

La première, qui n'est pas d'ailleurs très-nettement établie par l'arrêt, serait contraire à la jurisprudence aujourd'hui constante, qui veut que tous les moyens de nullité proposés contre l'arrêt de renvoi soient vidés avant l'ouverture des débats. (Voy. n° 2285.) Il n'y avait, en effet, aucune raison de distinguer à cet égard entre les moyens énoncés dans l'article 299 et les moyens non moins graves qui peuvent être proposés en dehors de cet article; et il eût été étrange de vouloir purger les procédures antérieures de certains vices avant de procéder aux débats, et de les laisser en même temps infectées de vices non moins certains, et qui pouvaient, comme les premiers, entraîner l'annulation de ces débats. Il faut donc écarter cette première question qui ne fait plus aucun doute il n'appartient dans aucun cas à la cour d'assises de refuser de surseoir à raison de ce que les moyens de nullité ne rentreraient pas dans les termes de l'article 299'. Toute la difficulté se trouve circonscrite dans le second point résolu par l'arrêt, à savoir, que la cour d'assises n'est point tenue de s'arrêter devant des pourvois irréguliers à raison de leur tardiveté ou de l'omission des formes légales.

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2313. La jurisprudence, sous ce second rapport, ne s'est point maintenue. Un arrêt du 11 mai 1833, renversant cette première solution, déclare « qu'une cour d'assises dépassait les limites de sa compétence et commettait un excès de pouvoir en jugeant qu'un pourvoi n'était pas fait en temps utile et ne pouvait dès lors motiver la demande en surséance; qu'en effet la Cour de cassation, saisie par ce pourvoi, était seule compétente pour statuer sur sa recevabilité, et qu'il suffisait qu'il frappât sur un arrêt de compétence pour qu'il fût de plein droit suspensif, et dût faire surseoir à toute exécution dudit arrêt, jusqu'à ce que la 1 Cass. 5 févr. 1819 (J. P., tom. XV, p. 68). 2 Cass. 14 déc. 1833 (J. P., tom. XXV, p. 1058).

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Cour de cassation eût prononcé. » Un second arrêt, du 14 děcembre 1833, ajoute : « Que, s'il peut résulter de là quelque retard dans l'expédition des affaires, ce retard n'a lieu que pour mieux assurer la bonne administration de la justice et ne pourrait être indéfiniment prolongé, puisque, la compétence une fois jugée, le tribunál valablement saisi ne peut être arrêté par une nouvelle exception d'incompétence fondée sur les mêmes moyens déjà réjétés par la Cour . » Un troisième arrêt, répondant à une objection du ministère public, decide « qu'un arrêt de mise en accusation portant renvoi à la cour d'assises ne peut être considéré comme un simple arrêt d'instruction, puisqu'il détermine et regle la compétence d'après la qualification donnée aux faits; que, par conséquent, le pourvoi contre un tel arrêt est de sa nature suspensif, et n'autorise la continuation de l'instruction que jusqu'aux débats exclusivement; que le jugement de la validité, soit en la forme, soit au fond, d'un pourvoi en nullité formě contre un arrêt de ce genre, n'appartient pas à la cour d'assises, qu'il est exclusivement dans les attributions de la Cour de cassation. Ces arrêts résument le système de cette Cour.

Il nous a paru que ce système n'était pas la traduction fidèle du sens de la loi, et nous l'avons précédemment combattu dans les termes suivants : « Le principe du sursis est-il donc inscrit en termes précis dans la loi? Ne peut-on rien faire que s'incliner et lui obéir? Faut-il nécessairement subir toutes ses conséquences? Deux décisions fondent la jurisprudence de la Cour de cassation: d'une part, aux termes de l'article 373, le pourvoi est, en général, suspensif; de l'autre, aux termes de l'article 416, ce n'est qu'à l'égard des arrêts préparatoires et d'instruction que le pourvoi est joint au fond et s'ouvré après l'arrêt définitif; or, les arrêts des éhambres d'accusation sont des arrêts de compétence et non d'instruction. Nous ne contestons aucun de ces points. Mais nous demanderons d'abord est-ce bien un pourvoi que cette déclaration écrite après le délai expiré, quand il n'est plus permis de se pourvoir? Doit-on attacher à un pareil acte une importance sérieuse, quand la nullité éclate aux yeux? Est-il indispensable

1 Journ, du Pal., tom. XXV, p. 458.

2 Journ. du Pal., tom. XXV, p. 1058.

3 Cass. 5 juin 1841 (Bull., no 171); et conf. cass. 20 sept. 1844 (Bull., no 325); 15 avril 1852 (no 124).

de transporter toutes les pièces de la procédure et de surseoir pendant trois mois aux débats, pour que la Cour de cassation soit appelée à vérifier sa tardiveté? La cour d'assises empiéterait-elle donc sur les prérogatives de cette Cour, si elle avait la faculté, non d'apprécier la nullité da pourvoi, mais de constater un fait matériel, de reconnaître sa date? Il nous semble ensuite qu'on nè s'est pas assez arrêté dans cette discussion au texte de l'article 297. Cet article porte que, « si l'accusé n'a point été averti conformément à l'article précédent, la nullité ne sera point couverte par son silence ses droits seront conservés, sauf à les faire valoir après l'arrêt définitif. » Dans l'espèce de cet article, le président a négligé d'avertir l'accusé qu'il avait cinq jours pour le pourvoi, et qu'après l'expiration de ce délai il n'y serait plus recevable. La loi n'a pas voulu que cette omission pût lai préjudicier; elle lai réserve les moyens de nullité, mais il ne peut les faire valoir qu'après l'arrêt définitif. Il semble que le principe de cette solution pourrait s'appliquer au cas d'un pourvoi tardif. Il n'appartient point à la cour d'assises de statuer sur le mérite de ce pourvoi ; elle déclarerait seulement que les moyens de nullité invoqués par l'accusé lui sont réservés pour être soumis à l'appréciation de la Cour de cassation après l'arrêt définitif. Ainsi, soit en considérant le pourvoi tardif comme nul et frappé de déchéance, soit en le joignant au fond, et en réservant les droits de l'accusé pour ètre appréciés par la Cour de cassation après l'arrêt définitif, on arrive à dégager la justice d'une entrave qui suspend son cours sans servir les vrais intérêts de la défense, et porte une véritable atteinte à sa dignité, en la rendant le jouet des caprices des accusés. Cette saine interprétation des textes de la loi paraît devoir suffire pour résoudre cette difficulté; mais s'il n'en était pas ainsi, il y a lieu de croire que le législateur se hâterait d'intervenir pour faire disparaître l'obstacle qui embarrasse la voie judiciaire 1. >>

Le législateur est intervenu, et il a consacré purement et simplement la solution que nous avions proposée. La loi du 10 juin 1853 a rectifié l'article 301 dans les termes suivants : « Nonobstant la demande en nullité, l'instruction est continuée jusqu'aux débats exclusivement. Mais, si la demande est faite après l'accomplissement des formalités et l'expiration du délai qui sont 1 Revue de législation, 1846, tom. I, p. 349.

prescrits par l'article 296, il est procédé à l'ouverture des débats et au jugement. La demande en nullité et les moyens sur lesquels elle est fondée ne sont soumis à la Cour de cassation qu'après l'arrêt définitif de la cour d'assises. Il en est de même à l'égard de tout pourvoi formé, soit après l'expiration du délai légal, soit pendant le cours du délai après le tirage du jury, pour quelque cause que ce soit. »

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Ainsi, la question se trouve résolue par le premier paragraphe des additions apportées par la loi nouvelle à l'article 301 le pourvoi tardif n'est plus un obstacle à l'ouverture du débat; la cour d'assises procède au jugement, sauf la réserve du droit de l'accusé de faire valoir ses moyens de nullité contre l'arrêt de renvoi après l'arrêt de condamnation.

Le dernier paragraphe de la loi applique la même règle au pourvoi formé soit contre les ordonnances du président avant l'ouverture des débats, soit contre les arrêts incidents de la cour d'assises. Nous examinerons cette disposition lorsque nous nous occuperons de ces ordonnances et de ces arrêts.

CHAPITRE DOUZIÈME.

DE L'AUTORITÉ DES ARRÊTS DE LA CHAMBRE D'ACCUSATION.

2314. Quelle est l'autorité des arrêts de la chambre d'accusation qui ordonnent le renvoi des procédures devant les juridictions répressives.

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2315. Les arrêts de renvoi devant les tribunaux de police et de police correctionnelle ne sont point attributifs, ils sont seulement indicatifs de juridiction (art. 160, 182 et 193).

2316. Les arrêts de renvoi devant la cour d'assises sont attributifs de juridiction. Conséquences de cette règle.

2317. Examen des effets contradictoires attribués aux arrêts dans ces deux hypothèses. 2318. Quelle est l'autorité des arrêts de renvoi en matière de compétence?

2319. Si les cours d'assises ont plénitude de juridiction, et si cette règle donne force attributive aux arrêts de renvoi.

2320. Quelle est l'autorité des arrêts de renvoi sur les points de fait.

2321. Les juges saisis par le renvoi ne sont pas liés par les déclarations en fait de ces arrêts. Application de cette règle aux cours d'assises.

2322. Mais ils ne sont saisis que des faits qui sont l'objet du renvoi et ne peuvent étendre leur compétence à d'autres faits.

2323. Ils ne sont pas liés par les qualifications données aux faits.

2324. De l'autorité des arrêts en ce qui concerne les exceptions et fius de non-recevoir

opposées à l'action publique.

2325. Les arrêts qui admettent les exceptions proposées par la défense ont force de chose jugée, sauf le cas de charges nouvelles.

2326. Les arrêts qui rejettent les mêmes exceptions produisent les mêmes effets. 2327. Le prévenu peut-il faire valoir devant les juges de renvoi les exceptions qu'il n'a pas proposées devant la chambre d'accusation?

2314. Nous avons examiné, dans le chapitre précédent, dans quels cas le pourvoi peut être formé contre les arrêts des chambres d'accusation, et nous avons exposé les formes et les effets de

ce recours.

Nous supposons maintenant ou que ce pourvoi n'a pas été formé ou qu'il a été rejeté, et nous allons rechercher quelle est l'autorité de ces arrêts lorsqu'ils sont devenus définitifs.

Nous avons déjà vu, en traitant de l'exception de la chose jugée (no 1021), que les arrêts de la chambre d'accusation qui déclarent qu'il n'y a lieu à suivre contre les prévenus ont force de chose jugée lorsqu'ils n'ont point été attaqués ou que les recours ont été rejetés, et qu'ils conservent cette autorité jusqu'à la survenance des charges nouvelles. Il nous reste à parler ici des arrêts qui ordonnent le renvoi des procédures devant les juridictions répressives.

Quelle est leur autorité devant ces juridictions en ce qui concerne : 1° la compétence; 2o la qualification des faits; 3o le jugement des exceptions ou fins de non-recevoir et les points de droit qu'ils décident?

Ces questions, dont quelques points ont déjà été touchés dans le chapitre précédent, sont délicates, et ici encore la loi ne nous offre pour les résoudre que des textes confus ou incomplets. C'est à la doctrine qu'il faut recourir pour expliquer ces textes ou pour les suppléer; c'est dans les règles générales de compétence qu'il faut chercher la conciliation des attributions des différentes juridictions.

2315. Aux termes des articles 230 et 231, la chambre d'accusation, lorsqu'elle estime que le fait constitue soit une contravention, soit un délit, soit un crime, et qu'elle trouve les charges suffisantes pour motiver la mise en prévention ou en accusation, ordonne le renvoi devant un tribunal de police, devant un tribunal de police correctionnelle ou devant la cour d'assises. Quel est l'effet de ce renvoi? Est-il seulement indicatif, est-il

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