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Conçoit-on maintenant toutes les calamités qui vont sortir de cette organisation barbare?

Nous ne parlons pas des corvées, des tailles, des gabelles, des impôts, et des prétendus droits de tous genres, même sur les filles, avant le mariage: puisque le Peuple est serf ou esclave, il est tout simple que son corps, son travail et sa vie soient à la disposition de ses Seigneurs ; qu'il ne puisse ni changer de place, ni se marier, ni exercer un métier ou un commerce quelconque, sans leur permission; et que ses maîtres puissent, au contraire, disposer de sa femme et de ses filles comme de lui-même.

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C'est révoltant, sans doute; mais puisqu'on souffre l'esclavage, il faut bien, en souffrir toutes les conséquences! C'est d'ailleurs l'usage alors; c'est l'opinion dans ces temps de barbarie.... Et, aujourd'hui, n'est-ce pas encore à-peuprès de même dans beaucoup de pays, grâces à l'opulence de l'Aristocratie et à la misère du Peuple!

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Mais qu'on imagine, si l'on peut, l'Anarchie féodale! Qu'on imagine les guerres civiles, soit entre les Rois et leurs grands vassaux, soit entre les vassaux supérieurs et les vassaux inférieurs, soit entre les Nobles et les Prêtres ! Qu'on imagine leurs trahisons et leurs révoltes, leurs pillages et leurs massacres!

Et qu'on remarque encore combien les causes de guerres deviendront fréquentes dans l'intérêt de l'Aristocratie !

La Royauté féodale devenant héréditaire et étant considérée comme un domaine privé, cette institution nouvelle, l'hérédité royale et seigneuriale, sera la source d'innombrables difficultés : les Rois disposeront de leurs Royaumes par donation et par testament; ces Royaumes se partageront souvent entre leurs enfants; les filles, les descendants des filles, et même ceux des filles mariées a des Princes étrangers, hériteront des couronnes; et, les Princes épousant toujours des Princesses; et souvent des Princesses étrangères, il arrivera que les Rois finiront par être tous parents et héri

tiers les uns des autres sans qu'il soit ordinairement facile de reconnaître le plus proche héritier; il arrivera qu'un Prince réunira, par droit de succession, plusieurs couronnes du même pays ou de pays différents; il arrivera que les successions royales auront souvent plusieurs prétendants et seront presque toujours une cause de guerres civiles et étrangères.

D'un autre côté, les Papes, pour étendre leur influence, interdiront les mariages entre parents, même éloignés, et la répudiation des Reines par les Rois, en se réservant d'accorder eux-mêmes des dispenses spéciales; ils attaqueront tous les mariages ou les divorces des Princes qui n'auront point obtenu leur permission, les excommuniant, les déposant, excitant leurs sujets à la révolte, et donnant leurs États à d'autres Princes.

Que de guerres donc, toujours dans l'intérêt des Papes, des Rois et des Aristocrates, et toujours aux dépens des Peuples, victimes! Malheureuse, malheureuse Humanité !

Et l'on nous vante la vieille France, la vieille Angleterre, la vieille Europe!lizia 2971902 291 90126mi no'm, C'est au contraire la France enfant, c'est l'Europe barbare: mais la France ét l'Europe se perfectionneront; car, voyons ce qui va nécessairement arriver. 902bid no

Pour triompher, chaque parti est obligé de s'appuyer sur le Peuple: ici ce sont les Rois qui recherchent surtout son appui; là c'est l'Aristocratie militaire; ailleurs c'est l'Aristocratie prêtre, dont la force consiste dans l'opinion du vulgaire. Presque partout les Rois, aidés par le Clergé, finiront par devenir les maîtres des Nobles et du Peuple.

Partout aussi l'Aristocratie finira par se liguer définitivement avec les Rois, là, comme en Angleterre, pour être leur maîtresse; ici, comme en France, pour être leur ins

trument.

Mais toutes les alliances passagères, soit des Rois, soit de l'Aristocratie, avec le Peuple, lui procureront des avan¬

tages: les Rois affranchiront quelques-uns de leurs propres vassaux pour s'en faire des amis, ou leur vendront leur affranchissement pour se faire de l'argent; puis ils affranchiront aussi les vassaux des Ducs et des Comtes pour affaiblir ceuxci; puisque chaque Duc et chaque Comte voudra suivre cet exemple ou se trouvera forcé de le suivre; et c'est ainsi que toutes les Communes se trouveront affranchies, les unes par les armes et le courage, les autres par les Rois ou par les Seigneurs, les unes dans un temps et les autres dans un autre, toutes avec des chartes et des priviléges différents.

Les Communes et les corporations étant ainsi formées, le défrichement des terres, l'agriculture, le commerce et l'industrie procureront au Peuple quelque richesse; les lumières, les arts, les sciences, se rallumeront aussi; les Assemblées nationales reparaîtront avec des Députés du Tiers-État; des révolutions populaires reconquerront quelques droits du Peuple; et la Réforme religieuse, ressuscitant, pour ainsi dire, Jésus-Christ et sa morale, commencera l'Age moderne et préparera le triomphe de l'Égalité et de la Fraternité.

Mais jusque-là, et pendant tout le Moyen-âge, ce ne sera que guerres entre les Rois et l'Aristocratie; oppression de leur part sur le Peuple; et, de la part du Peuple, souffrance, puis essai de résistance, puis tentative de délivrance et d'affranchissement; jusque-là, ce ne sera que barbarie, ignorance et superstition; puis de nombreuses étincelles annonceront l'explosion des lumières et l'arrivée du progrès.

Reprenons maintenant l'histoire des Français.

Depuis l'arrivée des Francs, on distingue trois races de Rois français:

1o Les Merovingiens, comprenant beaucoup de Rois et 332 ans (de 420 à 752);

2o Les Carlovingiens, comprenant plus de dix-sept Rois et 235 ans (de 752 à 987);

3o Et les Capétiens, comprenant trente-six Rois, jusqu'à Louis-Philippe, et 843 ans - (de 987 à 1830).

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Ne nous arrêtons pas à des détails inutiles; allons vite! 420 Pharamond;

428- Clodion;

448 Mérovée, qui prend Paris et qui donne son nom à la première race;

458 Childéric Ier, déposé pour avoir violé des vierges; Egidius, général des Romains;

Childéric Ier, repris ou réélu;

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€28 Dagobert et ses successeurs jusqu'à Pépin.

Après la mort de Clovis, ses quatre fils partagent la conquête en quatre Royaumes, puis en deux seulement, celui de Paris vers le nord-est, et celui de Neustrie vers le nordouest, tantôt réunis et tantôt séparés. On compte alors plusieurs Rois qu'il est inutile de nommer.

Depuis Dagobert jusqu'à Childéric III, dernier de la race, on compte neuf rois, appelés les Rois fainéants, gouvernes par des Ministres appelés Maires du Palais.

Quoique tous de la race de Mérovée et prenant la Couronne sans élection formelle, ces Rois sont essentiellement électifs et déposables.

Childéric III, le dernier des Rois fainéants, sera déposé comme Childéric Ier et remplacé par Pépin, élu en 752, qui commencera la seconde race.

Nous connaissons assez Clovis (page 26) et ses prédécesseurs voyons rapidement ses successeurs.

· SECT. 2. ——— Successeurs de Clovis jusqu'aux Maires du palais.

Partage du Royaume.

Les quatre fils de Clovis se partagent son Royaume comme un héritage ou un domaine, et résident à Paris, Orleans, Metz et Soissons: soit éloignement, soit approbation tacite ou toute autre cause, les chefs Francs les laissent ainsi partager.

De là des assassinats et des massacres, Clothaire et Childebert, par exemple, assassinant froidement les enfants de leur frère Clodomir pour s'emparer de sa part; de là aussi des guerres jusqu'en Italie, d'où les Francs reviennent chargés de butin.

Clothaire réunit ses quatre Royaumes; mais ses quatre fils les partagent de nouveau et conviennent que la ville de Paris sera commune entre eux. De là de nouvelles guerres, des assassinats nombreux, des massacres de villes entières, ordonnés par la rivalité des fameuses Reines Frédé gonde et Brunehaut, dont la dernière subit un affreux supplice pour avoir fait périr dix Rois ou enfants de Rois.

L'un de ces quatre fils de Clothaire, Gontran, roi d'Orléans et de Bourgogne, prodigue, plus que les autres encore, les biens et les faveurs à l'Église, aux Évêques et même aux intrigants Romains qui veulent servir les Barbares... J

On voit, par exemple, un misérable domestique(Leudaste) devenir Comte de Tours à force de bassesses et d'intrigues.

Clothaire II, petit-fils de ce même Clothaire, réunit encore tout le Royaume après le massacré d'une multitude de Princes de la famille royale; mais il abandonne aux Maires du palais, dont nous parlerons tout-à-l'heure, le gouverne ment de la Bourgogne et de l'Austrasie ou Royaume de Metz.

Dagobert, son fils, règne seul encore, et laisse égale

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