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Titius 7, ff de exercit. act. Stypmannus, part. 4, cap. 6, no. 124; cap. 15, n°. 154, pag. 418 et 544. Pothier, des obligations, no. 448, tom. 1, pug. 231.

CONFÉRENCE.

XXIV. Le fournisseur imprudent est celui qui, en cours de voyage, a prêté son argent au capitaine, sans s'être fait représenter par lui, soit un pouvoir spécial de ses armateurs, soit une autorisation légale conforme aux règles établies par l'art. 234 du Code de commerce. Il faut que, lors du prêt, les besoins du navire aient été réels ; et ils ne sont constatés réels aux yeux de la loi que par l'accomplissement des formalités prescrites par cet article; autrement, ces besoins ne peuvent paraître qu'imaginaires, et alors, d'après la loi romaine, les armateurs ne sont responsables de rien. (Voyez ci-dessus notre conférence sur la sect. 5 de ce chapitre). Le fournisseur imprudent est celui qui prête au capitaine plus qu'il ne lui est nécessaire; et la véritable somme nécessaire n'est constatée légalement que par les formalités ordonnées par l'art. 234, qui deviennent seules pièces justificatives. Sans cela, aucune action contre les armateurs, à moins que cet excédant ne fût minime, et qu'il n'y eût pas collusion coupable.

Il y aurait encore imprudence au prêteur de donner de l'argent au capitaine autorisé, dans un lieu où l'emploi ne pourrait en être fait, à moins que cet emploi ne pût se faire dans un autre lieu voisin, et que le donneur n'ait agi avec bonne foi et sans fraude. Alors l'action est ouverte contre les propriétaires.

Le fournisseur imprudent est celui qui prête à un capitaine, sachant que les armateurs de ce dernier lui avaient défendu d'emprunter. Alors, il n'aurait aucune action contre les armateurs. Mais il n'en serait pas de même, si le prêteur avait ignoré cette défense, pourvu toutefois que l'emprunt eût été légalement autorisé pour les nécessités du navire.

Du reste, il faut, selon nous, écarter, sous l'empire de la loi nouvelle, où loin de trop protéger, comme autrefois, les contrats à la grosse, nous devons les restreindre sévèrement dans le cercle de leurs formalités vitales, il faut écarter la doctrine trop commode de Valin, et dire que le prêteur, dans tous les cas, doit apporter la prudence commune, qui consiste sur-tout à se faire représenter l'autorisation, soit légale, soit spéciale, du capitaine. Autrement, il y a négligence extrême, il y a faute grave, il y a soupçon de fraude, qui lui refusent toute action contre les armateurs: Gravis culpa dolo æquiparatur.

En effet, il faut le dire avec l'orateur du Gouvernement, « le contrat à la grosse était bien >> plus utile et favorisé à l'époque de l'Ordonnance, qu'il ne l'est et ne doit l'être de nos jours.

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» Le systême des assurances s'étant amélioré depuis ce tems, les rapports ont entièrement changé. Il serait actuellement impossible qu'un grand commerce subsistât sans assurances, » et il serait impossible qu'il subsistât long-tems avec le contrat à la grosse. » C'est ce qui faisait dire au tribun Challan que si les conventions commerciales doivent être soumises à des règles qui préviennent la fraude et garantissent la bonne foi, combien plus doivent y être rigoureusement assujettis ces contrats, dont les effets réciproques dépendent d'un événement incertain. Ainsi, tous prêts faits au capitaine ne peuvent obliger les propriétaires qu'autant qu'ils sont conformes à ce que prescrit la loi. - (M. Corvetto, procès-verbal du 8 septembre 1807; M. Challan, séance du 15 septembre 1807).

T. II.

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SECTION IX.

Du Capitaine qui, en cours de voyage, vend des marchandises du chargement.

L'ORDONNANCE de Wisbuy, art. 68, renferme une disposition singulière. «En cas de nécessité, dit-elle, le maître pourra vendre partie des marchan» dises pour faire argent, s'il en a besoin, pour le navire, et le navire venant ensuite à se perdre, le maître sera néanmoins tenu de payer au marchand les » susdites marchandises. »

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M. Valin, art. 14, titre du fret, adopte la décision de l'Ordonnance de Wisbuy, et soutient que le propriétaire du navire doit payer la valeur des marchandises vendues, pendant le cours du voyage, pour les nécessités de la navigation, indépendamment du sort postérieur de son bâtiment, de la même manière que si, au lieu de vendre ces marchandises, le maître eût emprunté d'un autre une pareille somme, pour laquelle il aurait tiré sur lui une lettre de change.

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M. Pothier, contrats maritimes, n°. 43 et 72, nous apprend que des per› sonnes expérimentées dans la jurisprudence maritime, qu'il a consultées sur » son Traité, ont décidé que les propriétaires des marchandises vendues pour » les besoins du navire, ne pouvaient rien exiger, lorsque depuis le navire ⚫ était péri.... Cependant, dit-il, j'aurais de la peine à me rendre à cette décision, et je trouve plus juridique celle de l'Ordonnance de Wisbuy et de » M. Valin..... C'est une espèce de prêt forcé que le propriétaire des marchan» dises vendues a fait au maître, pour les besoins du navire, d'une somme ⚫ de deniers à lui appartenante, comme étant provenue du prix de ces mar>chandises. De ce prêt naît une obligation que le maître contracte avec lui » de lui rendre la somme prêtée...... Le propriétaire des marchandises ven⚫ dues a aussi action contre les propriétaires du vaisseau, pour la répétition » du prix de ses marchandises. Ils ne peuvent, pour s'en défendre, opposer

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» l'art. 2, titre des propriétaires, dont la disposition n'a d'application qu'aux obligations du maître, pour lesquelles il n'aurait pas de recours contre les propriétaires du navire, pour en être par eux indemnisé.... La mauvaise » réussite de l'affaire qui a fait l'objet du mandat, lorsqu'elle ne procède pas » du fait du mandataire, ne dispense pas le mandant de l'indemniser des dé> penses qu'il a faites, et des obligations qu'il a contractées pour l'exécution » du mandat, etc. »

Kuricke, tit. 6, art. 2, pag. 765, et Cleirac, pag. 88, no. 2, soutiennent la même thèse, d'après l'Ordonnance de Wisbuy.

Mais le Consulat de la mer, ch. 105, décide que si, en cours de voyage, le capitaine ne trouve pas à emprunter de l'argent pour survenir aux nécessités du navire, il pourra vendre des marchandises jusqu'à la concurrence de la somme nécessaire, et ne réserve aux propriétaires des marchandises vendues qu'un simple privilége et préférence sur le navire.

Les Jugemens d'Oléron, art. 22, ne leur défèrent à ce sujet une action contre le maître, que quand la nef sera venue à sa droite décharge.

Le Réglement d'Anvers, art. 19, dit que le maître du navire ne pourra › vendre ni engager aucune marchandise, tant qu'il trouvera argent au change » ou grosse aventure. Pourra, à toute extrémité, vendre des marchandises

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› chargées, lesquelles marchandises seront payées au marchand, au prix que » les autres se vendront. Voilà tout de sorte que si les autres marchandises sont perdues par naufrage, le sort de chacun est égal.

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Les marchandises ainsi vendues sont présumées n'avoir jamais cessé d'être à bord pendant le voyage. Voilà pourquoi le fret en est dû; voilà pourquoi le prix en est payé sur le pied que le reste sera vendu au lieu de la décharge. Art. 19, titre du capitaine; art. 14, titre du fret. On trouve une pareille décision dans l'art. 60 de l'Ordonnance de Wisbuy. Voyez mon Traité des assurances, ch. 12, sect. 43, § 5. Pareilles marchandises sont soumises à la contribution des avaries grosses. Le privilége qui compète à ceux qui en étaient les propriétaires, est le même que celui qui est accordé aux donneurs à la grosse. Cleirac, pag. 88, no. 4. Infrà, ch. 12, sect. 4.

Il est donc évident que si le navire périt, le capitaine ni les armateurs ne sont soumis à cet égard à aucune obligation personnelle. C'est ici une espèce de prêt forcé à grosse aventure.

Si les effets qui restaient à bord sont sauvés en tout ou en partie, doiventils contribuer à la valeur des marchandises auparavant vendues pour les besoins du navire? Je crois que oui, et je me fonde sur la règle établie en matière de jet, de laquelle j'ai parlé dans mon Traité des assurances, ch. 12, sect. 41, $4, et sect. 43, § 1. Vide infrà, sect. 12, § 2. Car, peu importe que les marchandises aient été jetées ou vendues pour le salut commun. Je conviens que, si le navire arrive à bon port, les armateurs sont obligés de payer la valeur des marchandises vendues en cours de voyage, pour les nécessités de la navigation, sans pouvoir, hors des cas de droit, intenter l'action d'avarie grosse. Suprà, sect. 3, § 2. Mais si le navire se perd, et que partie du char

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gement soit sauvée, l'action d'avarie grosse est le seul moyen de rétablir l'égalité entre les chargeurs, et de pourvoir, in subsidium, à l'intérêt respectif de chacune des parties.

Dans la sect. 11 du présent chapitre, on verra qu'en règle générale, les armateurs qui abandonnent le navire et le fret, ne sont pas obligés de payer les lettres de change que le capitaine, en cours de voyage, a tirées sur eux sans mandat spécial. Le capitaine n'est pas en toute chose le mandataire des armateurs; il n'a de pouvoir légal que celui que l'Ordonnance lui défère. S'il prend des deniers à la grosse, s'il vend des marchandises pour les nécessités de la navigation commencée, il n'oblige proprement que le navire seul, lequel venant à périr, les obligations attachées au vaisseau s'évanouissent par le naufrage, sauf le privilége sur les débris et sur le fret.

On a mis en doute si le capitaine doit vendre des marchandises de la cargaison plutôt que des pacotilles. L'Ordonnance n'a rien déterminé sur ce point, et la question paraît oiseuse dans ce cas, comme dans celui du jet. Vide mon Traité des assurances, ch. 12, sect. 40, § 4.

Je dois observer ici que cette vente est une fortune de mer, dont les assureurs répondent. La pacotille que j'ai fait assurer est vendue en cours de voyage pour les nécessités de la navigation; dès lors, le prix en est dévolu sur le navire et sur le fret. Si le vaisseau périt ensuite, ou qu'il devienne innavigable, les assureurs seront obligés de payer la perte, sauf leurs droits sur les effets sauvés. Si la pacotille ainsi vendue appartenait à un preneur à la grosse, l'événement serait pour le compte du donneur,

CONFÉRENCE.

XXV. Pendant le cours du voyage, le capitaine, après avoir fait constater légalement les besoins de son navire, et s'être fait autoriser par le magistrat des lieux, faute de trouver à emprunter, même en mettant en gage, peut également vendre des marchandises jusqu'à concurrence de la somme que les besoins constatés exigent. (Art. 234). Cela s'applique à toutes les marchandises dont le navire est chargé. Cependant, on ne doit vendre les marchandises des af fréteurs qu'après celles du propriétaire du navire, parce qu'il est plus naturel de vendre les marchandises de ce propriétaire, pour ses affaires, que celles des affréteurs.-(Voyez Pothier, charte-partie, no. 33 ).

Si le navire arrive à bon port, il est tenu compte du prix des marchandises vendues aux affréteurs à qui elles appartiennent, non sur le pied de la vente, qui peut avoir été à vil pris, mais sur le pied que le reste ou autre pareille marchandise sera vendue au lieu de la décharge, ou au cours de la place à l'arrivée, déduction faite du fret, conformément à l'art. 298 du Code

de commerce; ce qui est conforme à l'ancienne législation. (Ordonnance de la marine, article 14, titre du capitaine).

Il est juste, en effet, que l'affréteur paie le fret des marchandises en entier, quoiqu'elles ne soient pas parvenues au lieu de leur destination, puisqu'il est mis au même état que si elles y étaient parvenues, et qu'on les lui paie au prix qu'il les y aurait vendues, et qu'il a vendu celles qui y sont parvenues.

Mais si le navire se perd postérieurement à la vente, d'après le même art. 298, le capitaine ne devra plus tenir compte des marchandises que sur le pied qu'il les aura vendues, en retenant également le fret porté au connaissement, et le fret ne sera dû qu'à proportion de ce que le voyage était avancé lors de la vente. L'Ordonnance de 1681 n'avait rien statué à cet égard, dans le cas de la perte du navire, et les commentateurs professaient une doctrine contradictoire, qui se trouve aujourd'hui fixée par la loi nouvelle.

Mais ni l'art. 234, ni l'art. 298, ne parlent du cas où les marchandises, au lieu d'avoir été vendues, auraient été mises en gage. Quid, à l'égard du propriétaire des marchandises? Vendre ou mettre en gage est pour lui la même chosc. La mise en gage des marchandises opère, quant aux chargeurs, le même effet que la vente, et les marchandises n'ayant pas été transportées jusqu'au lieu de leur destination, doivent rester au compte du capitaine. C'est ici, selon nous, la même raison de décider que dans les deux hypothèses précédentes. C'est aussi l'avis de l'auteur du Répertoire universel de la jurisprudence commerciale, tom. 1, pag. 410. Quant au paiement des lettres de change tirées par le capitaine sur ses armateurs, pendant le cours du voyage, voyez la conférence sur la sect. 12 de ce chapitre. -(Voyez d'ailleurs la sect. 9 du tit. 8, tom. 2 de notre Cours de droit maritime ).

SECTION X.

Des actions principale, accessoire et contraire.

POUR comprendre la nature de ces diverses actions, il faut de nouveau remonter aux principes des lois romaines.

Les maîtres de navire étaient des facteurs d'une classe particulière. Dans tout ce qui concernait le commerce maritime, ils agissaient et figuraient comme vrais maîtres; c'était avec eux principalement et directement que l'on contractait. Il était donc convenable qu'ils fussent personnellement liés envers le tiers qui avait suivi leur foi.

$ 1. Droit romain.

L'action contre l'exerciteur

était

L'action exercitoire ne fut introduite que pour donner plus de poids à leur promesse, et leur attirer une plus grande confiance, en ajoutant à leur ajoutée à celle conobligation personnelle celle de l'exerciteur: Non transfertur actio, sed adjicitur, dit la loi 5, ff de exercit. act. L'action principale compétait donc contre

tre le maître.

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