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dont nous avons parlé, fuccéde - t'il à tous les biens du Bâtard en quelque lieu qu'ils foient fitués ? Bacquet, Traité du Droit Bâtardife, part. 1. chap. 8. n. 18. & Traité des Droits de Juftice, chap. 23. n. 3. décide que non, & que le Seigneur fuccéde feulement aux biens trouvés ou fitués en l'étenduë de la Jurifdiction, de manière qu'entre les trois conditions de la naissance, du domicile & du décès, il en faut encore une quatrième, fçavoir que les biens foient dans la Terre du Seigneur qui demande la fucceffion.

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Que fi on demande à qui appartiendront les biens fitués dans une Jurifdiction autre que celle où le Bâtard étoit né, domicilié & décèdé, il fera aifé de répondre que ces biens appartiendront au Roi, puifque le Roi, comme il a été dit d'abord, ne peut être exclus que par le Seigneur du lieu de la naiffance, du domicile & du décès..

A l'égard de la premiére condition touchant le lieu de la naiffance, les Arrêts ont jugé que dans le doute la préfomption étoit pour le Seigneur dans la Terre duquel le Bâtard étoit décédé & avoit eu fon domicile pendant fa vie ; c'est-à-dire, que dans le doute on devoit préfumer que le Bâtard étoit né dans le lieu où il étoit mort & où il étoit domicilié ; & à l'égard de la troifiéme, touchant le lieu du décès, les Arrêts ont encore favorifé le Seigneur, en ce qu'ils lui ont adjugé la fucceffion du Bâtard décédé au Service du Roi, tout ainfi que s'il étoit mort dans fa Terre. Bacquet, aux lieux cités ci-deffus.

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Par le Droit Romain, les Bâtards fuccédoient à leurs meres même en concours des enfans légitimes, & les meres fuccédoient auffi reciproquement à leurs Bâtards à l'exclufion du Fifc; mais il n'en étoit pas de même de la fucceffion paternelle. Dans celleci le Droit Romain diftinguoit les enfans nés d'une concubine domeftique appellés proprement enfans naturels, de ceux qui étoient nés d'un commerce incestueux adulterin ou autre illicite: Spurii, feu vulgo quafiti. Ces derniers étoient absolument incapables de rien recevoir, pas même à Titre d'alimens. On donnoit aux autres la fixième partie des biens de leur pere décédé fans enfans légitimes ab inteftat, capables d'ailleurs de recueillir l'entiére Succeffion fi elle leur étoit déférée par le Teftament de leur pere décédé fans enfans légitimes. Authentica licet parri, Cod. de naturalibus liberis.

Les Loix du Royaume ont rejetté toutes ces diftinctions, les Bâtards quels qu'ils foient, car le Concubinage n'eft point regardé parmi nous comme un commerce licite tel qu'il étoit chez les Romains, font également incapables de fuccéder à leurs peres & à leurs mercs, & auffi incapables de fuccéder ab inteftat comme par Teftainent cette incapacité fondée fur une raison prife de l'honnêteté publique & la même à peu près dont fe fert l'Empereur Juftinien en la Loi derniére, Cod. de natural. liberis, lorfqu'il dit, filiis naturalibus relinqui conftitutiones quantum voluerint ideo prohibuerunt, quia vitium paternum refrenandum esse exiftimaverunt.

Mais fi nos Loix n'ont pas la même indulgence qu'avoient les Loix Romaines pour les enfans naturels nés dans le Concubinage, elles n'ont elles n'ont pas auffi la même dureté pour les enfans in

ceftueux où adultérins ; fi les uns & les autres font exclus de la fucceffion, les uns & les autres auffi font en droir de demander les alimens jufqu'à ce qu'ils foient en état de gagner leur vie & nous nous fommes en cela conformnés à la difpofition du Droit Canonique dans le Chapitre cum haberet. extra de eo qui duxit in matrimonium quam polluit per adulterium: Voyez Louet & Brodeau, lett. A. chap. 6. Henrys, tom. 1. liv. 6. chap. 3. queft. 6. Lebret, de la Souveraineté, liv. 2. chap. 13. Coquille, fur la Coûtume de Nivernois, tit. des Succeffions, art. 24. Journal du Palais, tom. 1. page 754. Cambolas, liv. 1. chap. 1. Dolive liv. 5. chap. 34. Bacquet, du Droit de Bâtardife, part. 1. chap. 3. Catellan, liv. 2. chap. 95.

Mr. Boiffieu, en fon Traité des Droits Seigneuriaux, part. 1. chap. 66. affûre que dans la Province du Dauphiné on obferve encore aujourd'hui la difpofition du Droit Romain, & il rapporte en effet divers Arrêts par lefquels les Bâtards ont été admis à fuccéder à leurs ineres, & les meres reciproquement à leurs Bâtards à l'exclufion du Roi & du Seigneur Jufticier; mais quoiqu'il en foit, cet Ufage ne s'eft point confervé de même dans les autres Provinces regies par le Droit Ecrit; encore une fois la Loi générale du Royaume eft celle-là, que les Bâtards ne peuvent avoir des fucceffeurs ab inteftat autres que leurs enfans légitimes, & qu'ils ne peuvent en aucun cas fuccéder à leurs peres & meres.

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Les peres & les meres fuccedent fi peu à leurs Bâtards, qu'il a été jugé qu'ils ne pouvoient pas même reprendre par droit de retour ce qu'ils leur avoient donné pour leur tenir lieu d'alimens ou de Dot. Cambolas, liv. 1. chap. 5. Ferriere, fur la Queftion premiére de Mr. Duranti. Maynard, liv. 9. chap. 16. Il eft vrai que cette Jurifprudence eft particulière au Parlement de Touloufe, & qu'on le juge autrement au Parlement de Paris, ainfi qu'il est attefté par Henrys, tom. 1. liv. 6. chap. 5. quest. 30. & par Brodeau für Loüst, lett. D. chap. 1.

Il y avoit chez les Romains trois différentes maniéres de légitimer les Bâtards , per oblationem Curia, per refcriptum Principis per fubfequens Matrimonium ; Nous ne reconnoiflons en France que

ces deux derniéres.

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Le Roi peut légitimer toute forte de Bâtards & ceux là même qui font d'un commerce adulterin, facrilége ou inceftucux; mais il faut remarquer que le Roi n'accorde jamais ou n'entend jamais accorder des Lettres de Légitimation, fuivant Lebrun, des Succeffions › page 25. n'. 7. à l'effet de pouvoir fucceder, qu'aux Bâtards nés de deux perfonnes libres ex foluto & foluta, les autres restant toûjours inhabiles à fucceder à leurs peres & meres, non-feulement ab inteftat, mais encore par Teftainent.

Quand on dit que les Batards nés ex foluto & foluta, légitimés par le Roi peuvent fucceder à leurs pere & mere, on fuppofe que le pere & mere ont confenti a la Légitimation, & non-feulement eux, mais encore leurs héritiers prétomptifs, les derniers Arrêts rapportés par Lebrun, Traité des Succeffions, page 26. n'. 13. &fuiv. l'ayant ainfi jugé contre le fentiment de B.cquet, Traité du Droit de Bâtardife par. 2. chap. 12. n'. 6 & 19. Lebret, de la Souveraineté, liv. 2. chap. 12. page 70.

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Les héritiers préfomptifs, difons-nous, doivent confentir à la Légitimation; mais qu'arrivera - t'i fi ceux qui étoient héritiers préfomptifs lors de la Légitimation ne le font plus lorfque la Succeffion eft ouverte ? Un pere naturel, par exemple, fait légitimer fon Bâtard, & lors de la Légitimation il a un frere unique qui donne fon confentement; fi ce pere naturel furvit à fon frere, les autres Collateraux qui n'auront pas confenti à la Légitimation excluent ils le Bâtard Légitimé? Argentré a prévû ce cas, & il l'a décidé contre le Bâtard; il ne faut compter pour rien,

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dit cet Auteur, le confentement des héritiers préfomptifs s'ils ne font tels lors du décès du pere naturel, les parens heritiers préfomptits lors de la Légitimation ont inutillement. confenti fi d'autres ont pris leur place avant que la Succeffion foit ouverte & en un inot le confentement ne peut nuire ou préjudicier qu'à ceux qui l'ont donné, fi plures eodem gradu fint, his tantummodò fit prejudicium qui confenfere, fin cum prior gredus confenfiffet, evenit ut fecundus mortuo priore fuccederet, tempus fpectandum eft mortis ejus cui fucceditur ad dijudicandum capacitatem aut intereffe fuccefforis cæteri ante mortui fic habea ur tanquam non nati. Argentre, ur la Coûtume de Bretagne, art. 456. chap. 5. n2. 4. &. 5.

Les Bâtards légitimes, & les parens qui ont confenti à la Légitimation fe fuccédent reciproquement, & ce qu'il y a de fingulier, c'eft que les parens qui n'ont pas confenti à la Légitimation fuccédent au Bâtard à l'exclufion du Fifc quoique le Bâtard ne puiffe pas leur fuccéder. Lebret, Traité de la Souveraineté, liv. 2. chap. 12. Bacquet, du Droit de Bâtardise, part 2. chap. 13. & 14. Lebrun, des Succeffions, liv. 1. chap. 1. Sect. 4. n'. 3. & Sœfve, tom. 1. cent. 1. chap. 12.

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Le pere qui a des enfans légitimes ne peut faire légitimer fes Bâtards à l'effet de fuccéder. Bacquet, du Droit de Bâtardise part. 2. chap. 12. n. 10. mais l'effet de la Légitimation accordéc non extantibus legitimis, n'est point emporté par la furvenance. des enfans légitimes. Brodeau fur Loüet, lett. L. chap. 7. rapporte un Arrêt qui admit un enfant légitimé à demander la Légitime fur les biens de fon pere contre le fils légitime né depuis la Légitimation inftitué héritier univerfel, &c.

Quelques Auteurs, du nombre defquels eft le Préfident Faber en fon Code, liv. 6. tit. 25: définit. 19. ont crû que les enfans légitimés par le Roi faifoient défaillir le Fideicommis dont un pere naturel étoit chargé fous la condition fi fine liberis ; mais dans l'ufage l'opinion contraire a prévalu, & toutes les fois que le cas s eft préfenté on a jugé conftament en faveur dų substitué contre les enfans légitimes. Catellan, liv. 2. chap. 95. Ferriere fur Guypape, quest. 481.

Il en feroit autrement fi la queftion étoit entre le Subftitué & les Bâtards légitimés par le Mariage fubféquent, c'eft de ceuxci que l'on peut dire que la condition est véritablement la même

que celle des enfans nés légitimes, le Droit Civil & le Droit Canonique ne faifant abfolument aucune différence des uns aux autres, Cap. Tanta vis extrà qui filii fint legitimi. Leg. cum quis, Cod. de naturalibus liberis.

Je ne fçache qu'un cas où le Bâtard légitimé par le Mariage fubféquent eft exclu par le fils né légitime, c'est celui que propose Dumoulin, fur la Coûtume de Paris, §. 8. Glof. 1. n°. 34. Titius ayant un fils d'une Concubine, époufe une autre femme dont il a un fils, & après la mort de cette femme il reprend & époufe fa Concubine, le fils legitimé par ce dernier Mariage n'aura pas dit l'Auteur que nous venons de citer) le Droit d'aîneffe, au préjudice du fils né du premier Mariage; l'aîné des enfans légitimés par le Mariage fubféquent feroit préférable, il est vrai, pour le droit d'aîneffe, s'il étoit en concours avec l'aîné des enfans nés pendant le Mariage; mais la raifon de la différence en ce dernier cas, prife de ce que l'aîné des enfans nés dans le Mariage n'a pas lors de la Légitimation un droit acquis qui puiffe être un obftacle à l'effet retroactif, puifqu'il eft né du Mariage même qui légitime & qui n'a point par conféquent prévenu la Légitimation; cette raifon (difons-nous) ne fe trouve plus dès que nous fuppofons un Mariage antérieur à celui qui a produit la Legitimation & des enfans déja nés de ce Mariage, laîné des enfans procréé du Mariage intermediaire fe trouvant comme faifi & en poffeffion du droit d'aîneffe avant la Légitimation des Bâtards, la Légitimation ne peut l'en dépoffeder ni avoir un effet retroactif à fon préjudice, parce qu'enfin il a été un tems où il a été le premier né & légitime héritier, n'ayant alors que des freres naturels incapables de droit d'aîneffe.

Afin que les Bâtards foient légitimés par le Mariage fubfequent, faut qu'au tems de leur naiffance ou de leur conception, le pere & la mere ayent pû fe marier; c'eft-à dire, qu'il n'y ait eu aucun empêchement entre eux à muliere liberâ procreatus, dit Justinien, Tit. de Nuptiis, §. Ultimo; amfi par Arrêt du Parlement de Paris, rapporté dans le fecond Tome du Journal des Audiences, liv. 4. chap 4. des enfans nés d'un commerce Adulterin malgré le Mariage fubféquent de leur pere & de leur mere, furent déclarés illégitimes & incapables de fuccéder. On com

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