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qui doit rester entier, absolu, inflexible pour se trouver à la hauteur de l'honneur militaire, et de la dignité du pays sous le pavillon militaire duquel marche le bâtiment de guerre protecteur du convoi.

§ 2.

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Du pavillon militaire et commercial. Insultes et réparations.· Réparation faite par le Bey de Tunis à l'Angleterre, en 1826. Le Nettuno, bâtiment du roi des Deux-Siciles, à Livourne, etc.

Les cas d'insultes faites au pavillon militaire, avec intention ou par suite de malentendus, sont nombreux; nous en signalerons plusieurs dans les chapitres XXII — des convois militaires; XXIV, §1abus fait du pavillon suédois par les Anglais; XXVII — de la presse des matelots; XXIX — du cérémonial maritime; ainsi que dans les deux paragraphes suivants, 3 et 4.

Dans ce paragraphe, nous nous bornerons à rappeler le texte même de la déclaration du Bey de Tunis, sur la demande en réparation présentée par le cabinet britannique, à l'occasion du vaisseau anglais, le Marc-Antoine.

Louange à Dieu.

Déclaration du Bey de Tunis.

Hussan-Pacha-Bey à son très-fidèle allié et véritable ami, le Roi de la Grande-Bretagne et d'Irlande.

Attendu qu'il nous a été représenté qu'une insulte grossière a été faite au pavillon anglais, en ce qui concerne le vaisseau anglais le Marc-Antoine, en violation des traités entre nous et S. M. le Roi de la Grande-Bretagne et d'Irlande, nous nions par ces présentes avoir connaissance d'un tel outrage; et en signe de notre sincère regret à cette occasion, nous désirons offrir à Sadite Majesté le Roi de la GrandeBretagne et d'Irlande, notre assurance formelle, que nous prendrons des mesures pour prévenir le renouvellement de procédés semblables, en ordonnant et enjoignant à tous et chacun de nos officiers et autres personnes nous devant hommage et obéissance, de reprimer, sous leur responsabilité, toute molestation ou injure, faite par parole ou par action à des sujets anglais, leurs vaisseaux ou propriétés dans l'intérieur de nos domaines; mais, au contraire, de leur montrer tout le respect qui leur est dû en conformité avec les traités et nos intentions; quiconque enfreindra cet ordre, sera puni d'une manière exemplaire.

Tout salut est en Dieu. Écrit dans la lune de Ramadan, 1241 de l'Hégire. (4o. D'. 13 avril 1826.)

§ 3.

Réparation accordée à Livourne, en 1848, au pavillon français.

En 1848, à l'époque où régnait à Livourne une grande agitation politique, des hommes du peuple, entraînés par une de ces mille nouvelles incohérentes, ridicules qui, dans les temps de révolution, circulent parmi les masses avec la rapidité d'un courant électrique, et viennent surexciter leurs passions (toujours si violentes quand elles sont mises en mouvement par les amateurs ou les meneurs d'anarchie et de démagogie), — des hommes du peuple, disons-nous, se dirigèrent vers un bâtiment français de la marine commerciale, amarré dans le port; des matelots furent molestés par les hommes qui envahirent le pont du bâtiment français, y cherchant des armes, qui n'y existaient pas; le pavillon national lui-même fut insulté. Le capitaine porta plainte au consulat général de France, lequel de son côté se vit dans la nécessité de réclamer une réparation.

Quelques semaines s'écoulèrent avant que le gouvernement toscan, qui avait ordonné une enquête sur les événements accomplis, fit connaître sa détermination, d'accorder la légitime réparation qui avait été demandée; déjà une sourde et inquiète agitation se faisait remarquer parmi les Français résidant à Livourne, étonnés du retard apporté par le ministère toscan à répondre à l'attente du consulat général de France, lorsque l'ordre arriva enfin de Florence, au gouverneur militaire et civil de la ville de Livourne, de faire saluer, par les canons de la forteresse, le pavillon français, en témoignage de réparation de l'insulte qu'il avait reçue.

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Insulte faite au pavillon royal des Deux-Siciles à Livourne, en 1848.

Quelques mois avant, une partie de la population de Livourne s'était rendue coupable d'un acte plus répréhensible encore, puisqu'il portait atteinte, tout à la fois, aux droits du pavillon militaire des Deux-Siciles et aux droits de l'humanité, et qu'il a été accompli sous les yeux de l'autorité méconnue par la foule amentée.

Le 29 janvier 1848, à 11 heures du matin, le bâtiment à vapeur le Nettuno (le Neptune) de la marine royale des Deux-Siciles,

jeta l'ancre sur la rade de Livourne; le capitaine fit connaître aux autorités du port qu'il se trouvait sans charbon et sans eau.

La population du port, dite vénitienne, décida, dans un élan de haine que lui fit éprouver la vue du pavillon du roi Ferdinand II (que les meneurs démagogiques étaient parvenus à faire considérer comme l'ennemi de l'Italie), que le Nettuno ne recevrait ni charbon ni eau; les plus déterminés dans cette foule exaltée, ayant conçu le soupçon que le roi Ferdinand II se trouvait à bord du Nettuno, manifestèrent l'intention d'aller s'emparer de vive force du vaisseau napolitain.

Le Marquis de Ridolfi, ministre de l'intérieur de S. A. I. le grand-duc de Toscane, était à cette époque à Livourne, où il avait été dans le cas de se rendre pour procéder à une enquête sur les menées démagogiques dont cette ville était le foyer, et faire arrêter l'avocat Guerazzi, ainsi que divers autres individus engagés dans la lutte qui s'organisait secrétement contre l'autorité et le gouvernement du grand-duc Léopold, le père de ses sujets, titre qu'aucun souverain n'a mérité au même degré.

Une députation, choisie parmi les hommes qui se proposaient de s'emparer du Nettuno, se rendit auprès du Marquis Ridolfi : à force de bonnes paroles (« à coups de larynx », ainsi que s'exprimait, quelques semaines plus tard, l'un des gouvernants de la France, dont la voix a plusieurs fois appaisé les grondements de la foule!). M. de Ridolfi obtint de son menaçant auditoire, qu'on s'abstiendrait de tout acte de brutalité et que le charbon que réclamait le Nettuno pour pouvoir continuer son voyage, lui serait livré.

Le Marquis Ridolfi fit consigner les troupes de la garnison dans leurs casernes, et afficher la proclamation suivante, proclamation courte, énergique et fort convenable en tous points :

« Le bâtiment à vapeur le Nettuno doit continuer sa route; or, selon la parole donnée par son commandant, il manque de charbon, c'est un devoir d'humanité de l'approvisionner, et des ordres ont été donnés en conséquence.

« Le gouvernement rappelle aux Livournais qu'il ne transigera jamais avec le tumulte, et moins encore quand le tumulte a pour but un acte brutal. >>

Après les mesures prises, en ce qui concernait la garnison; après des paroles aussi dignes et aussi énergiques, ne devait-on pas croire que l'autorité ne fléchirait pas, qu'elle resterait énergique et digne comme le langage de sa proclamation?...... Il n'en fut rien; loin delà ! L'autorité a reculé devant les clameurs CUSSY. II. 4

de la foule; elle n'a pas su faire sortir les soldats de leurs ca

sernes.

La proclamation du Marquis Ridolfi fut arrachée des murailles; elle fut déchirée par ces hommes qui apparaissent aux jours de tumulte, que le désordre trouve à point nommé à son service, et qui (à force peut être de l'avoir entendu dire par des meneurs chargés d'exploiter les passions et la force matérielle de la foule, au profit de certaines ambitions personnelles qui se tiennent à l'écart), ont fini par croire qu'ils sont, eux, hommes des classes ignorantes de la société, les véritables citoyens d'intelligence et de sagesse du pays. Jamais les populations, en se laissant entraîner à tous les désordres, à tous les excès, par des mots et par des images trompeuses de langage, n'ont prouvé, aussi clairement que l'ont fait, de nos jours, les populations de France, de Suisse, d'Allemagne et d'Italie, combien est faux le diction: Vox populi, vox Dei!

Un certain nombre d'individus appartenant à la garde civique, déclarèrent que le peuple avait raison, bien que plusieurs officiers de ce corps eûssent reconnu, dès le principe, la convenance de délivrer au Nettuno le charbon réclamé par le commandant de ce bâtiment, et le ministre, oubliant la fermeté du langage qu'il avait tenu et que les troupes, consignées dans leurs quartiers, étaient, là, prêtes à seconder le pouvoir, dont l'autorité était méconnue par la place publique, s'empressa de faire intimer au commandant du Nettuno l'injonction de prendre le large à la voile! Nul sentiment d'humanité n'a retenu la foule ivre de haine, nul sentiment de dignité n'a porté l'autorité, en usant de son droit, à résister à l'injustice de la multitude en démence, aux sentiments de laquelle des gardes civiques ne rougirent pas de s'associer!

En présence de tels faits, et quand de nouveaux pamphlets venaient chaque jour exciter les passions populaires, on pouvait redouter et prévoir un cruel avenir de désordres et de calamités pour ce beau pays de Toscane, si florissant jusqu'alors, si paisible et si heureux jusqu'au moment où l'ambition de quelques meneurs s'est mise à travailler (en le trompant par des promesses mensongères, par des espérances irréalisables, par des phrases sonores et de frivoles chansons), l'esprit de ces populations administrées avec tant de paternité par un souverain juste, bon et vertueux. Et n'est-ce pas ainsi que l'on procède partout? Des phrases qui flattent la multitude qui n'aperçoit pas plus l'avenir de malheurs qu'on lui prépare, que l'homme ivre n'aperçoit l'abime qu'il cotoie !

Ah! si la foule, excitée par quelques hommes méchants, faux patriotes, faux philantropes, ambitieux qui cherchaient, au milieu du désordre, une position qu'une société régulière et calme ne leur avait pas faite; si cette foule s'est montrée aussi hostile au pavillon royal des Deux-Siciles, que n'eût-elle pas fait peut-être si elle avait connu, qu'à bord du Nettuno, se trouvait le Marquis del Carretto, ministre de la police, que le roi Ferdinand II avait cru devoir sacrifier à l'opinion publique, en l'exilant pendant quelque temps de son pays, et que l'on se plaisait, pour le rendre odieux aux populations italiennes, à représenter comme le compère Tristan et Grand-Prévôt du roi Ferdinand II, auquel on ne pardonnait pas d'avoir essayé, par les moyens de coërcition militaire, à rétablir son autorité méconnue en Sicile ? Mais, fort heureusement, l'émeute grondante de Livourne n'apprit la circonstance de la présence, à bord du Nettuno, du Marquis del Carretto, que lorsque ce bâtiment à vapeur de la marine royale des Deux-Siciles, obligé de naviguer désormais sans charbon, s'était éloigné à la voile du port de Livourne.

§ 5.

Faits divers. Saisie du Vixen, etc.

Affaire de blocus forcé.

objet

Les faits concernant la corvette danoise le St.-Jean, du § 1, sont de nature mixte en quelque sorte. Il y a eu atteinte positive et préméditée, portée aux droits du pavillon militaire, et le blocus des port et forteresse de Gibraltar, dont la corvette s'était, contre son gré, trop approchée en franchissant le détroit, a été le prétexte de la conduite des Espagnols envers ce bâtiment. C'est de cette façon que nous avons été conduit à réunir, dans le même chapitre, un fait de blocus lié à une atteinte portée aux droits du pavillon militaire, et diverses circonstances d'insulte au pavillon dans un port. Il est difficile en effet, quelquefois, de consacrer exclusivement un chapitre à la réunion de faits de la même famille, sans aborder jamais des faits qui auraient dû ou pu faire partie d'un chapitre nouveau.

Quelques faits d'insulte au pavillon seront consignés dans le chapitre XXIX parcequ'ils se rattachent plus particulièrement aux règles du cérémonial maritime; le chapitre XXIV dira l'insulte faite par la marine royale de la Grande-Bretagne au pavillon suédois, dans le port de Barcelone.

Plusieurs chapitres (XXVI et XXXVII notamment) signaleront

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