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CHAPITRE X.

Des parties qui poursuivaient dans les affaires criminelles.

I. La preuve que les offensés ou leurs familles étaient autorisés à poursuivre contre les crimes privés, résulte :

1o. De la nature de la chose; c'était eux qui avaient le premier droit à la vengeance; c'était eux qui devaient percevoir les compositions imposées aux coupables;

2o. Du langage uniforme des lois et des formules citées. jusqu'ici dans ce livre; elles supposent toutes le droit aux offensés et à leurs familles, de poursuivre les crimes commis contre eux, et dont les satisfactions les regardaient ;

II. La preuve que le prince, ou ses agents, les comtes et les autres possesseurs du droit de justice poursuivaient à la place des parties civiles, ou concurremment avec elles, les crimes privés commis dans leurs juridictions respectives, résulte:

1o. De la loi salique ; elle veut que quand un homme a été trouvé assassiné dans un chemin, le comte ou juge public du lieu s'y transporte, appelle ensuite les habitants du voisinage, et si la personne du mort est reconnue, fasse avertir les parents; elle veut que le juge public appelle ensuite en justice ceux du voisinage pour qu'ils se justifient d'avoir tué cet homme;

2o. D'une formule de Sirmond; elle trace les formes de la descente du juge public et des magistrats, sur le lieu où l'on

II.-10. Si... homo juxta strada aut intra duas villas proximas sive vicinas fuerit interfectus ... debit judex, hoc est, comes aut grafio, ad locum accedere, et ibi cornus sonare, et si vinerit, qui corpus cognuscit occisi, sic parentibus in notitia ponatur. Si vero non vinerit, qui corpus, tunc vicini illi in eorum campo... corpus inventum est, debet facere bargum V pedis in altum in præsentia judicis ibi levare corpus, et debit judex... dicere « Homo ste in vestro agro... occisus, contestor ut usque in vir noctes non reponatur, et de humicidium stum vos ad mallum, ut... veniatis...»

...

Tunc vicini illi, quibus nunciatur ante XL noctis,... cum sexaginus quinus juratoris se exuant, quod nec occisissent nec sciant qui occisisset... Juratoris donent,... qui..... id... jurant; si ... ante XL noctes non ficirent, noverint se personam mortui requirenti legibus satisfacire. Si vero jurent, ... et se per sacramento idoneaverint, nulla eis composicio requiratur. (Extr. de la lɔi Šalique, tit. 75. D. Bouquet, t. IV, p. 180.)

2o. Voyez une formule de Sirmond au chap. II de ce livre, art. IV, no 4, seconde autorité.

a trouvé le mort assassiné, et de l'enquête des témoins faite sur le lieu même, sans l'intervention des parties civiles;

3°. Des capitulaires de Charlemagne et de Louis-le-Pieux; ils chargent les juges publics de poursuivre et de venger les homicides;

4. D'un capitulaire de Charles-le-Chauve; il veut que << tous les hommes libres, suspects de faux témoignages, de « vols, de rapines, de violences, de parjures ou d'infidélités <«< envers le prince,» soient poursuivis, quand même ils n'auraient point d'accusateurs, par le comte et ses ministres ; que s'ils ne comparaissent pas au placité après deux avertissements, « ils soient forcés par tous leurs biens mis au ban, de venir et « de faire justice, » ou s'ils n'ont point de biens à saisir, que la saisie se fasse sur leurs personnes; qu'enfin, après que le comte aura rappelé par la force les accusés à son tribunal, il

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...

4°. De... liberis hominibus qui infames... sunt de testeiis vel latrociniis et rapacitatibus et assalturis vel de infidelitate nostra... Si post secundam comitis admonitionem ad mallum venire noluerint, rebus eorum in bannum missis venire et justitiam reddere compellantur. Et si talis est quem. parentes aut propter faidam homines accusare noluerint aut ausi non fuerint... et negaverit, juret cum duodecim... Francis, quorum testimonium leges publicæ non reiciunt quod testeiam, vel latrocinium aut rapinam non fecerit; et post hæc juret... quod deinceps... non faciet... et si scierit qui hæc fecerit, illis ministris nostris, per quos talis causa emendari debet, non celet... Qui res et mancipia vel mobile non habent per quæ distringi possint ut ad mallum veniant, et ibi... excondicant, aut si se excondicere non potuerint, quod male fecerint legaliter emendent. Post secundam hannitionem comitis si ad mallum non venerint, comprehendantur secundum præfatum capitulare libri tertii capitulo LXI, quo dicitur de latronibus qui magnam habent blas

se...

phemiam. Quicunque aliquem ex his comprehenderit, nullum damnum exinde patiatur. Comprehensus autem si fidejussores habere potuerit, per fidejussores ad mallum adducatur; si fidejussores habere non potuerit, a ministris comitis custodiatur, et ad mallum perducatur. Et si aliquis eum accusaverit, fiat de illo secundum præfatum capitulum... Si autem eum nullus accusaverit, excondicat se prædicto modo, et juret... Si... fiscalinus noster ita infamis in fiscum nostrum confugerit, vel colonus de immunitate in immunitatem confuge rit, mandet comes judici nostro vel advocato... casa Dei ut talem infamem in mallo suo præsentet. Et si talem præsentaverit, si aliquis eum comprobare voluerit, faciat : et si nullus eum comprobare voluerit, tamen suam infamiam ad Dei judicium purget, et per illud... judicium ant liberetur aut condemnetur... Et si servus alicujus ita clamosus est, comes dominum servi commoneat ut eum in mallo præsentet; et præsentatum, si aliquis comprobare voluerit, faciat. Et si nullus eum comprobare voluerit, ad Dei judicium prædicto modo se examinet, et per illud Dei judicium, aut liberetur, aut condemnetur. (Extr. d'un capitulaire de Charlesle-Chauve, de l'an 873, tit. 45, chap.3. Baluze, t. II, p. 228 et 229.)

poursuive le jugement, quand même il ne se trouverait point d'accusateurs.

III. La preuve que les accusations des crimes publics étaient poursuivies exclusivement par les agents du prince, résulte :

1o. D'une charte de Louis-le-Pieux; elle montre que le prince envoyait des agents particuliers dans les diverses contrées du royaume, pour poursuivre les intérêts du fisc, et requérir les paiements qui lui étaient dus;

2o. D'un capitulaire de Charlemagne ; il recommande spécialement aux comtes la poursuite des causes dont les compositions regardaient le fisc, et leur attribue même un tiers de ces compositions pour les encourager aux poursuites;

3. Cette preuve se fortifie par les preuves mêmes qui ont établi les attributions faites au fisc des compositions et de l'amende appelée ban du roi; on y voit clairement que l'objet du législateur fut de charger spécialement des poursuites, ceux qui avaient le plus grand intérêt à ces poursuites.

Cette preuve se consomme enfin par la foule des exemples des poursuites faites au nom du fisc des causes qui regardaient le fisc, ou sur lesquelles le ban du roi était exigé ; l'on ne produira point ici ces exemples, parce qu'ils doivent se trouver en grand nombre dans le livre suivant, où l'on traitera de la puissance de juger, et des fonctions propres aux dépositaires du droit de justice; on verra alors les mêmes devoirs et les mêmes droits attribués aux comtes et aux grands laïques et ecclésiastiques dans leurs domaines respectifs.

IV. La preuve que l'accusation publique était admise pour le crime de lèse-majesté, résulte :

1o. D'un écrit contemporain du règne de Louis-le-Pieux ; il dit formellement que tout citoyen est admis par l'ancienne

III.-10. Notum sit vobis quia istos vassallos nostros... mittimus ad has partes in fiscum promovendas, et varias redibitiones exigendas. (Extr. de la charte 38 de Louis-le-Pieux. D. Bouquet, t. VI, p. 652.)

2o. De compositionibus quæ ad palatium pertinent, si comites ipsas causas commoverint... tertiam partem ad eorum recipiant opus, duas vero ad palatium. Et si per suam ne

gligentiam remanserint, et missus dominicus ipsas causas cœperit inquirere, tunc volumus ut ipse comes illam ... partem non habeat, sed cum integritate ad palatium veniat. (Extr. d'un capitulaire de Charlemagne, de l'an 793, art. 5. Baluze, t. I, p. 259.)

3. Voyez les autorités citées au chap. V de ce livre.

IV-10. Voyez l'extrait d'un poëme du temps de Louis-le-Pieux, cité à la

coutume des Francs, à accuser de ce crime que les Francs abhorrent;

2o. Des écrits contemporains du règne de Louis-le-Pieux; ils rapportent des exemples de Tassillon, duc de Bavière, et de Béra, comte de Barcelone, qui furent accusés du crime de lèse-majesté, l'un par les Bavarois, l'autre, par un particulier.

V. La preuve que les parties civiles et les citoyens accusateurs ou dénonciateurs, convaincus de calomnie, étaient sujets à des peines proportionnées aux risques dont leur calomnie avait menacé l'innocence, résulte :

1o. De la loi salique ; elle impose une amende à celui qui a accusé d'un crime léger un innocent; elle condamne le faux accusateur à la composition du meurtre, si le crime imputé est capital;

2o. De la loi ripuaire; elle impose une forte amende à l'accusateur d'un innocent;

3o. De la loi des Bavarois suivie par un capitulaire; elle condamne le calomniateur à la peine du crime qu'il a imputé à un autre;

4°. D'un autre capitulaire; il condamne le faux accusateur, s'il est clerc, à la dégradation; s'il est laïque, à la même peine qui a menacé ceux qu'il avait accusés.

première partie de cette époque, liv. II, chap. Ier, no 8.

2o. (Tassilo)... crimine lesæ majestatis a Bajoariis accusatus est. (Extr. des Annales d'Eginhard, année 788. D. Bouquet, t. V, p. 208.)

In ... placito... Bera comes Barcinonensis ... a quodam vocabulo Sanila, infidelitatis argueretur. (Extr. de la Vie de Louis-le-Pieux, par l'Astronome, chap. 33, année 820. D. Bouquet, t. VI, p. 103.)

V. 1. Si quis hominem innocentem et absentem apud regem accusaverit... LXII cum dimidio culp. jud. Si vero tale crimen imputaverit, unde mori debuisset, si verum fuisset, ille qui eum accusaverit... sol. co culp. jud. (Extr. d'un texte de la loi Salique, ancienne rédaction, tit. 21, chap. 1 et 2. D. Bouquet, t. IV, p. 136.)

2o. Si quis hominem innocentem ad regem accusaverit, sexaginta solidis culpabilis judicetur. (Extr. de la loi Ripuaire, tit. 38. Baluze, t. I, p. 37.)

3. Si quis contra caput alterius falsa suggesserit, vel... de injusta accusatione commoverit, ipse pœnam vel damnum quod alteri intulit, excipiat. (Extr. de la loi des Bavarois, tit. 8, chap. 17. Baluze, t. I, P. 119.)

4o. De his qui innocentes ad principes aut judices accusare convicti fuerint, si clericus... ab officii sui ordine degradetur. Si vero secularis, pœnam quam ipsi, si convicti essent, passuri erant, patiantur. (Extr. d'un capitulaire de la collection de Benoît Lévite, liv. vi, art. 435. Baluze, t. I, p. 1010.)

CHAPITRE XI.

Proscription de l'usage de la question à l'égard des accusés libres dans la monarchie franque. De l'effet du simple aveu des accusés.

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I. Nous avons avancé que l'usage de la question ne fut jamais admis à l'égard des personnes libres, sous les deux premières races, dans les pays régis par les lois salique, ripuaire, allemande et bavaroise, d'après le silence de ces codes qui ne font mention de cette forme dans aucun cas, et d'après les moyens prescrits par ces codes pour la décharge ou la conviction des accusés, dont l'usage excluait toute autre preuve, spécialement celle qui eût pu résulter de l'aveu obtenu par la question. On ne peut vérifier le silence des codes que sur les codes mêmes, quant à leurs dispositions; relativement aux moyens de conviction, on les fera connaître dans les chapitres suivants.

II. Nous avons avancé encore que l'usage de la question autorisé par les lois romaine, bourguignonne et visigothe, disparut dans les provinces régies par ces lois et soumises à la monarchie franque, et céda, en ce point, à l'empire des lois générales sur les lois particulières, aussi bien qu'à l'esprit prédominant dans la législation générale qui était incompatible avec cet usage odieux.

Cette assertion s'appuie sur les textes mêmes des lois générales qui soumettent tous les citoyens, sans distinction de nation, à des formes de justification et de conviction qui excluent la possibilité de l'usage de la question; ces textes seront produits dans la suite de ce livre.

III. La preuve que l'aveu libre des accusés en justice était reçu comme une preuve suffisante de leur crime, indépendamment d'autres preuves, résulte :

De plusieurs formules de jugements qui étaient rédigées sur

I et II. La preuve de ces deux articles est renvoyée au corps entier des codes nationaux, des lois générales, et à la suite de ce livre.

III. Veniens ille ante... eos... ibique accusabat... hominem, nomine illum, eo quod ... feminam nomine il lam, jam anno expleto sine diffinitione parentum.. .... eam volentem rapuisset, atque in conjugio sibi malo ordine

contra legem et justitiam sociasset,
qui... hoc denegare non potuerunt:
sed in omnibus... fuerunt professi...
Tunc ipsi viri qui ibidem aderant,
tale dederunt judicium, ut secundum
legem Romanam... ambo pariter vitæ
periculum incurrissent, vel senten-
tiam mortis... excepissent. (Extr. de
la formule 32 de Sirmond. D. Bou-
quet, t. IV, p. 533.)

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