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A l'intérieur, le gouvernement russe poursuit son œuvre d'assimilation politique et de développement matériel.

Le 1er janvier, le tarif de douanes russes fut étendu à la Pologne. La Banque de Varsovie allait cesser d'exister comme établissement indépendant: elle ne serait plus qu'une succursale de la banque de Saint-Pétersbourg. Ainsi se continue entre les deux royaumes l'œuvre de l'assimilation. Au point de vue économique, l'ancienne Pologne ne peut que se féliciter d'une union intégrale avec le reste de l'Empire.

Le plus puissant instrument de civilisation et de force politique des temps modernes n'est pas négligé par la Russie. Le gouvernement russe a résolu de lier entre elles les importantes villes de fabriques de Sgierz et Lody, et de les rattacher à Varsovie par ses embranchements du chemin de fer de Varsovie et de Cracovie. Il s'agit aussi de mettre Varsovie en communication avec Saint-Pétersbourg et Moscou par des lignes de fer. Varsovie sera mise prochainement en communication avec Berlin par le chemin de fer de Lowicz à la frontière prussienne. Le gouvernement russe négocie en ce moment avec le gouvernement prussien pour le prolongement de ce chemin. Il voudrait que le chemin allât en droite ligne de Lowicz par Slupce et Sirzolkewo à Posen, parce que c'est la voie conduisant le plus directement à Berlin, et que les relations entre Posen et le royaume de Pologne la rendront désirable et même nécessaire. Mais, jusqu'à présent, le gouvernement prussien n'a point agréé ce projet, probablement par des considérations stratégiques. Il aimerait mieux la direction vers Bromberg ou par Kalisch et Breslau. Le gouvernement russe insiste pour qu'une résolution désinitive soit adoptée. Il consentirait à choisir la direction par Kalisch, mais sous la condition qu'à partir de ce point la Prusse continuera les travaux jusqu'à Posen.

La ligne de Moscou à Saint-Pétersbourg, comptant 750 kilomètres, fut achevée cette année : une autre ligne, celle de Varsovie, serait bientôt achevée.

Dès 1835, le gouvernement russe s'est occupé d'introduire dans les pays transcaucasiens la culture du végétal que produit l'indigo, le polygonium tinctorium. Des plants indigotifères choisis

en Chine et qui réussissent admirablement dans les terres environnant Elizabethpol, promettent à cette contrée une industrie importante, et la de nature la plus féconde, puisqu'elle s'appuye sur l'agriculture. Déjà aussi, des mûriers ont été plantés et la récolte de la soie commence à donner des produits assez importants.

L'institution des caisses d'épargne commence à s'établir dans l'Empire. Leur salutaire influence s'y propage de plus en plus avec l'aide éclairée de l'administration supérieure.

La caisse d'épargne de Saint-Pétersbourg n'a été ouverte que depuis une dizaine d'années : le solde dû par elle à ses déposants était, au 31 décembre 1851, de 575,444 roubles, soit 2,301,776 francs.

La caisse d'épargne de Moscou avait, à la même époque, appartenant aux déposants, 562,212 roubles, soit 2,248,848 francs. Les provinces de la Baltique ont leurs caisses particulières. Les caisses d'épargne ne sont pas, au reste, les seuls établissements qui, en Russie, reçoivent les épargnes des particuliers; les banques impériales sont des caisses d'épargne sur une plus grande échelle et absorbent une grande partie des économies; elles ont la faculté de donner des bulletins nominatifs, transférables et portant intérêt.

Il existe en Pologne (dans la province) huit caisses d'épargne, qui ont un solde de 31,516 roubles, soit 126,064 francs. A Varsovie, la caisse d'épargne possède un solde de 316,426 roubles, soit 1,265,704 francs. Cet établissement, créé depuis sept ans, a ouvert 14,606 livrets et a eu un mouvement de fonds s'élevant à 9,170,331 roubles, soit environ 36,000,000 francs.

Un mouvement sérieux de progrès intellectuel se fait sentir dans l'Empire, désormais remis des agitations qu'avait fait naître l'immixtion de la Russie dans les querelles extérieures. On ne sait pas assez le nombre et l'importance des établissements d'instruction que renferme la Russie. A la fin de 1849, elle comptait 2,142 établissements d'instruction secondaire avec 113,281 élèves et dix établissements d'instruction supérieure avec 3,754 étudiants. La Pologne possède en outre 1,555 écoles avec 81,665 élèves. La Sibérie a soixante-dix écoles, fréquentées par 3,524 élèves.

Pour opposer une digue à l'envahissement démoralisateur de la philosophie allemande, S. M. l'Empereur abolit, cette année, la faculté de philosophie et confia aux ecclésiastiques exclusivement l'enseignement de cette science réduite à la logique et à la psychologie.

Un traité de commerce important fut signé, le 28 février, avec le Portugal. Ce traité était fondé sur la liberté réciproque du commerce et de la navigation. Mais le principe était restreint, en ce qui concernait le Portugal, à ses possessions européennes et à ses îles de Madère, Porto-Santo et Açores.

La guerre du Caucase continue avec ses résultats ordinaires et inévitables d'extension lente, mais sûre, de la domination russe. Là, comme en Algérie, c'est l'établissement des grandes voies de communication qui fraye le chemin de la conquête.

L'issue de la campagne d'hiver, commencée dans les derniers jours de 1850 dans la grande Tschetschna, fut satisfaisante. Le corps placé sous les ordres du général major Kozlowski remplit sa destination, qui était de frayer à la Russie une voie toujours ouverte dans ce pays; les troupes, après avoir repoussé l'ennemi sur tous les points, avaient éclairci les forêts jusqu'à la plaine féconde de Schalin. Deux fois, pendant cette expédition Schamyl essaya d'arrêter le passage des troupes russes par des retranchements en terre, derrière lesquels se massèrent des bandes nombreuses de Tschetschenses et d'habitants du Daghestan. Deux fois ces retranchements furent enlevés, deux fois ils furent rétablis : enfin, le général Kozlowski réussit à les tourner le 20 janvier, pendant que les généraux Slaepzow et Krukowski contenaient le naïb Hadji-Mourad dont la cavalerie menaçait la grande Tschetschna.

Pendant la campagne de juin, on s'occupa de la ligne entre Vasseran et la forteresse de Gromaia. Un détachement de troupes sur le Sundja, commandé par le général-major Slaepzow, avait été chargé de construire de nouvelles stanitzas. Les habitants de la Tschetschna supérieure prirent part à des escarmouches, qui avaient pour but d'empêcher les travaux. Pour écarter ces obstacles, le général-major Slaepzow marcha contre eux avec deux compagnies, un détachement de Cosaques, cinq canons et une

batterie de fusées à la congrève. La colonne principale, sous les ordres du commandant, traversa la vallée boisée de la rivière Gescha. Les Cosaques rencontrèrent tout à conp une grande partie de la population; tout le bétail fut chassé ou pris et on détruisit les habitations et les meubles. Un grand nombre de Tschetschenses furent faits prisonniers. L'autre colonne opérait dans la vallée de la rivière Schalasa; elle détruisit tout, et les deux colonnes, chargées de butin, se retirèrent. Les Tschetschenses voulaient une revanche, ils attaquèrent avec des forces considérables le centre et l'arrière-garde des colonnes expéditionnaires; mais ils échouèrent et la lutte se termina dans la plaine de Scalz. Les Tschtschenses y perdirent deux cents hommes morts ou blessés. Les Russes avaient eu six hommes tués, le général-major Slaepzow blessé, ainsi que quatre officiers supérieurs et quarante-sept soldats. Cette affaire produisit une impression si vive sur les habitants récalcitrants de la Tschetschna supérieure, que plusieurs se hâtèrent de se placer sous la protection des forces russes.

Déjà, dans les mois d'avril et de juillet, Hadji-Mourad avait été battu dans deux rencontres sanglantes, par le prince Argoutinski-Dolgorouky, la première fois derrière les retranchements d'AkAruy-Bachy, la seconde fois près d'Emakh.

Après la clôture de la campagne d'été, la tranquillité générale ne fut troublée au Caucase que par les démonstrations hostiles de quelques villages (aouls). Le vice-amiral Sérébriakoff réunit à Novorossiisk, sur la côte occidentale de la mer Noire, quatre mille hommes d'infanterie, et ayant pénétré dans la vallée de l'Adaghoum, resta pendant neuf jours au cœur du canton des Natoukhaïs. Les villages qui se soumirent furent épargnés, mais les autres furent livrés aux flammes.

A l'aile gauche de la ligne du Caucase, le lieutenant général Kozlowsky obtint autant de succès, dans un mouvement qu'il dirigea le 16 novembre, avec trois bataillons d'infanterie, cinq escadrons de cosaques et sept bouches à feu, contre l'aoul de Dakhip-Irsan, situé au confluent de la Sounja et de l'Argoun. Ce repaire fut détruit de fond en comble. Bientôt après, les dissensions de Schamyl et de Hadji-Mourad engagèrent celui-ci à recourir à la protection des Russes.

Le colonel prince Worontzoff, aide de camp de S: M. l'empereur, ayant appris que Hadji-Mourad se trouvait sur la rive droite de l'Argoun, envoya au-devant de lui trois compagnies d'infanterie, avec lesquelles le plus audacieux et le plus entreprenant de tous les naïbs arriva le 20 novembre au fort de Wozdvijensk, où il fit sa soumission. L'influence de Hadji-Mourad dans les montagnes donnait une importance particulière à cet incident.

TURQUIE.

L'évacuation des provinces danubiennes terminait, cette année, une des grandes difficultés imposées au gouvernement ottoman il ne resterait de cette occupation qu'une dette de plusieurs millions fort onéreuse à la Turquie. Une autre difficulté, celle relative aux réfugiés hongrois internés à Kutayah, dans l'Asie Mineure, amena un échange de notes diplomatiques avec l'Autriche. L'empire autrichien demandait que les réfugiés ne pussent être mis en liberté sans son agrément. Le divan ne s'effraya point des menaces qui lui furent adressées : il se contenta de protester de ses bonnes intentions, et promit de surveiller la conduite des réfugiés, de manière à ne donner aucune inquiétude au cabinet de Vienne. M. Kossuth et ses compagnons n'en furent pas moins mis en liberté le 1er septembre.

Une autre affaire, qui ne faisait que commencer à la fin de l'année, celle des Lieux Saints, avait sans doute moins d'importance en elle-même que par les prétextes qu'elle pouvait fournir à la Russie, pour poser ses prétentions en qualité de représentant du schisme grec. La France ne réclamait purement et simplement que le rétablissement de ses anciens droits, conformément à l'esprit de tolérance qui règne aujourd'hui dans le monde. civilisé. La question reprise énergiquement par la diplomatie française, après le coup d'Etat de décembre, devait arriver bientôt à une conclusion favorable.

La situation intérieure de l'empire ottoman commençait à devenir plus calme. Aux différents soulèvements survenus dans les parties excentriques de l'empire ottoman, on peut opposer l'heureuse conclusion de l'insurrection de Samos. Dans les premiers

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