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alliés intimes et nécessaires des mêmes peuples qui, dans les deux premières coalitions, avaient marché contre la France, et les unit indissolublement à elle par des intérêts communs.

La paix d'Amiens devint alors en Angleterre l'objet des regrets de tous les hommes d'Etat. Les nouvelles acquisitions de la France, que désormais on n'espérait pas de lui ravir, rendaient plus sensible la faute qu'on avait commise, et en démontraient toute l'étendue.

Un homme éclairé qui, pendant le court intervalle de la paix d'Amiens, était venu à Paris et avait appris à connaître la France et VOTRE MAJESTE, parvint à la tête des affaires en Angleterre. Cet homme de génie comprit la situation des deux pays. Il vit qu'il n'était plus au pouvoir d'aucune puissance de faire rétrograder la France, et que la véritable politique consistait à l'arrêter. Il sentit que, par les succès obtenus contre la troisième coalition, la question avait été déplacée, et qu'il ne fallait plus penser à disputer à la France des possessions qu'elle venait d'acquérir par la victoire; mais qu'on devait, par une prompte paix, prévenir de nouveaux agrandissements que la continuation de la guerre rendrait inévitables. Ce ministre ne se dissimulait aucun des avantages que la France avait recueillis de la fausse politique de l'Angleterre; mais il avait sous les yeux ceux qu'elle pouvait en recueillir encore. Il croyait que l'Angleterre gagnerait beaucoup, si aucune des puissances du continent ne perdait plus. Il mettait sa politique à désarmer la France, à faire reconnaître la confédération du Nord de l'Allemagne en opposition à la confédération du Rhin. Il sentait que la Prusse ne pouvait être sauvée que par la paix, et que du sort de cette puissance dépendait le système de la Saxe, de la Hesse, du Hanovre et le sort des embouchures de l'Ems, de l'lade du Weser, de l'Elbe, de l'Oder et de la Vistule, débouchés nécessaires au commerce anglais. En homme supérieur, Fox ne se livra pas à des regrets inutiles sur la rupture du traité d'Amiens, et sur des pertes désormais irréparables; il voulut en prévenir de plus grandes, et il envoya lord Lauderdale à Paris

Les négociations s'entamèrent, et tout en faisait présager l'heureuse issue lorsque Fox mourut. Elles ne firent plus que languir. Les ministres n'étaient ni assez éclairés ni assez de sang-froid pour sentir la nécessité de la paix. La Prusse, poussée par cet esprit que l'Angleterre soufflait dans toute l'Europe, mit ses troupes en marche. La garde impériale eut ordre de partir lord Lauderdale parut effrayé des conséquences des nouveaux événements qui se préparaient. Il fut question de signer le traité, d'y comprendre la Prusse, et de reconnaître la confédération du Nord dé l'Allemagne. Votre Majesté, par cet esprit de modération dont elle a donné de si fréquents exemples à l'Europe, y consentit. Le départ de la garde impériale fut différé de quelques jours; mais lord Lauderdale hésita il crut devoir envoyer un courrier à sa cour, et ce courrier lui rapporta l'ordre de son rappel (1). Peu de jours après, la Prusse n'existait plus comme puissance prépondérante.

La prospérité marquera cette époque comme une des plus décisives de l'histoire de l'Angleterre et de celle de la France.

Le traité de Tilsitt termina laquatrième coalition. Deux grands souverains, naguère ennemis, se réunirent pour offrir la paix à l'Angleterre ; mais

(1) Voyez la négociation du lord Lauderdale, no 1.

cette puissance, qui malgré tous ses pressentiments, n'avait pu se déterminer à souscrire à des conditions qui laissaient la France dans une position plus avantageuse que celle où elle s'était trouvée après le traité d'Amiens, ne voulut point ouvrir des négociations dont le résultat inévitable assurait à la France une position bien plus avantageuse encore (1). Nous avons refusé, disaiton en Angleterre, un traité qui maintenait dans l'indépendance de la France le Nord de l'Allemagne, la Prusse, la Saxe, la Hesse, le Hanovre, et qui garantissait tous les débouchés de notre commerce; comment pourrions-nous consentir aujourd'hui à signer avec l'EMPEREUR DES FRANÇAIS, lorsqu'il vient d'étendre la confédération du Rhin jusqu'au Nord de l'Allemagne, et de fonder sur les bords de l'Elbe un trône français, une paix qui, par la force des choses et quelles que fussent les stipulations admises, laisserait sous son influence le Hanovre et tous les débouchés du Nord, ces principales artères de notre commerce?

Les hommes qui envisageaient de sang-froid la situation de l'Angleterre, répondaient deux coalitions dont chacune devait durer dix ans, ont été vaincues en peu de mois; les nouveaux avantages acquis par la France sont la suite des événements, et l'Angleterre ne peut plus s'y opposer: sans doute il n'aurait pas fallu violer le traité d'Amiens. Il eût fallu depuis adhérer à la politique de Fox. Profitons du moins aujourd'hui des leçons de l'expérience, et évitons une troisième faute. Au lieu de jeter les regards en arrière, portons-les vers l'avenir la péninsule est encore entière et dirigée par des gouvernements secrètement ennemis de la France. Jusqu'à ce jour, la faiblesse des ministres espagnols et les sentiments personnels du vieux monarque ont retenu l'Espagne dans le système de la France. Un nouveau règne développera les germes de la haine entre les deux nations. Le Pacte de Famille a été anéanti, et c'est un des avantages que la Révolution a procurés à l'Angleterre. La Hollande, quoique gouvernée par un prince français, jouit de son indépendance son intérêt est de demeurer l'intermédiaire de notre commerce avec le continent, et de le favoriser pour participer à nos profits. N'avons-nous pas à craindre, si la guerre continue, que la France n'établisse sou influence sur la péninsule et ses douanes en Hollande?

Tel était le langage des hommes qui savaient pénétrer dans les secrets de l'avenir. Ils virent avec douleur refuser la paix proposée par la Russie. Ils ne doutèrent pas que le continent tout entier ne fût bientôt enlevé à l'Angleterre, et qu'un ordre de choses, qu'il était si important de prévenir, ne s'établit en Espague et en Hollande. Sur ces entrefaites, l'Angleterre exigea de la maison de Bragance qu'elle quittât la péninsule et se réfugiât au Brésil; les partisans du ministère anglais semèrent la division parmi les princes de la maison d'Espagne. La dynastie qui régnait fut éloignée pour toujours, et en conséquence des dispositions faites à Bayonne, un nouveau souverain, ayant avec la France une puissance et une origine communes, fut appelé au gouvernement de l'Espagne.

L'entrevue d'Erfurth donna lieu à de nouvelles propositions de paix; mais elles furent aussi repoussées (2). Le même esprit qui avait fait rompre

(1) Voyez les pièces de la négociation après la paix de Tilsitt.

(2) Voyez les pièces de la négociation après l'entrevue d'Erfurth.

les négociations de lord Lauderdale, dirigeait les affaires en Angleterre.

La cinquième coalition éclata. Ces nouveaux événements tournèrent encore à l'avantage de la France. Les seuls ports par lesquels l'Angleterre conservait une communication avouée avec le continent, passèrent, avec les provinces Illyriennes, au pouvoir de VOTRE MAJESTÉ, par le traité de Vienne, et les alliés de l'empire virent s'accroitre leur puissance.

Les arrêts rendus par le conseil britannique avaient bouleversé les lois du commerce du monde; l'Angleterre, dont l'existence tout entière est attachée au commerce, jetait ainsi le désordre parmi le commerce des nations. Elle en avait déchiré tous les priviléges. Les décrets de Berlin et de Milan repoussèrent ces nouveautés monstrueuses La Hollande se trouva dans une position difficile; son gouvernement n'avait pas une action assez énergique, ses douanes offraient trop peu de sécurité, pour que ce centre du commerce du continent demeurât plus longtemps isolé de la France. VOTRE MAJESTÉ, pour l'intérêt de ses peuples et pour assurer l'exécution du systême qu'elle opposait aux actes tyranniques de l'Angleterre, se vit forcée de changer le sort de la Hollande. Cependant VOTRE MAJESTÉ, constante dans son système et dans son désir de la paix, fit entendre à l'Angleterre qu'elle ne pouvait sauver l'indépendance de la Hollande, qu'en rapportant ses arrêts du conseil ou en adoptant des vues pacifiques. Les ministres d'une nation commerçante traitèrent avec légèreté une ouverture d'un si grand intérêt pour son commerce. Ils répondirent que l'Angleterre ne pouvait rien au sort de la Hollande. Dans les illusions de leur orgueil, ils méconnurent les motifs de cette démarche; ils feignirent d'y voir l'aveu de l'efficacité de leurs arrêts du conseil, et la Hollande fut réunie (1). Puisqu'ils l'ont voulu, SIRE, je crois utile aujourd'hui, et je propose à VOTRE MAJESTÉ de consolider cette réunion par les formes constitutionnelles d'un sénatus-consulte.

La réunion des villes anséatiques du Lawenbourg, et de toutes les côtes depuis l'Elbe jusqu'à l'Ems, est commandée par les circonstances. Ce territoire est déjà sous la domination de VOTRE MAJESTÉ.

Les immenses magasins d'Héligoland menaceraient toujours de s'écrouler sur le continent, si un seul point restait ouvert au commerce anglais sur les côtes de la mer du Nord, et si les embouchures de l'lade, du Weser et de l'Elbe ne lui étaient pas fermées pour jamais.

Les arrêts du conseil britannique ont entièrement détruit les priviléges de la navigation des neutres, et VOTRE MAJESTÉ ne peut plus approvisionner ses arsenaux et avoir une route sûre pour son commerce avec le Nord qu'au moyen de la navigation intérieure. La réparation et l'agrandissement du canal déjà existant entre Hambourg et Lubeck, et la construction d'un nouveau canal qui joindra l'Elbe au Weser et le Weser à l'Ems, et qui n'exigera que quatre à cinq ans de travaux et une dépense de quinze à vingt millions dans un pays où la nature n'offre pas d'obstacles, ouvriront aux négociants français une voie économique, facile et à l'abri de tout danger. Votre empire pourra commercer en tout temps avec la Baltique, envoyer dans le Nord les produits de son sol et de ses manufactures, et en tirer les

(1) Voyez les pièces intitulées Démarches du ministère hollandais.

productions nécessaires à la marine de VOTRE MAJESTÉ.

Les pavillons de Hambourg, de Brême et de Lubeck, qui errent aujourd'hui sur les mers, dénationalisés par les arrêts du conseil britannique, partageront le sort du pavillon français, et concourront avec lui, pour l'intérêt de la cause commune, au rétablissement de la liberté des mers.

La paix arrivera enfin ; car tôt ou tard les grands intérêts des peuples, de la justice et de l'humanité, l'emportent sur les passions et sur la haine; mais l'expérience de soixante années nous a appris que la paix avec Angleterre ne peut jamais donner au commerce qu'une sécurité trompeuse. En 1756, en février 1793, en 1801 à l'égard de l'Espagne, comme en mai 1803 à l'époque de la violation du traité d'Amiens, l'Angleterre commença les hostilités avant d'avoir déclaré la guerre. Des bâtiments qui naviguaient sur la foi de la paix furent surpris; le commerce fut dépouillé, des citoyens paisibles perdirent leur liberté, et les ports de l'Angleterre se remplirent de ses honteux trophées. Si de tels exemples devaient se renouveler un jour, les voyageurs, les négociants anglais, leurs propriétés et leurs personnes saisies dans nos ports depuis la mer Baltique jusqu'au golfe Adriatique, répondraient de ces attentats; et si le gouvernement anglais, pour faire oublier au peuple de Londres l'injustice de la guerre, lui donnait encore le spectacle de ces prises faites au mépris du droit des nations, il aurait aussi à lui montrer les pertes qui en seraient la conséquence.

SIRE, aussi longtemps que l'Angleterre persistera dans ses arrêts du conseil, VOTRE MAJETSÉ persistera dans ses décrets. Elle opposera au blocus des côtes le blocus continental, et au pillage sur les mers la confiscation des marchandises anglaises sur le continent.

Il est de mon devoir de le dire à VOTRE MAJESTÉ : elle ne peut espérer désormais de ramener ses ennemis à des idées plus modérées que par sa persévérance dans ce système. Il en doit résulter un tel état de malaise pour l'Angleterre, qu'elle sera forcée de reconnaître enfin qu'on ne peut violer les droits des neutres sur les mers et en réclamer la protection sur le continent; que l'unique source de ses maux est dans ses arrêts du conseil, et que cet agrandissement de la France qui longtemps excitera son dépit et sa jalousie, elle le doit aux passions aveugles de ceux qui, violant le traité d'Amiens, rompant la négociation de Paris, rejetant les propositions de Tilsitt et d'Erfurth, dédaignant les ouvertures faites avant la réunion de la Hollande, ont porté les derniers coups à son commerce et à sa puissance, et conduit votre empire à l'accomplissement de ses hautes destinées.

Je suis avec respect,

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Mais cette publication, ne comprenant que les notes officielles échangées entré les plénipotentiaires respectifs, n'a pas fait suffisamment connaître les circonstances qui ont accompagné la rupture. L'extrait du compte des deux dernières conférences entre les deux plénipotentiaires français et anglais, qui fut rendu dans le temps au ministre des relations extérieures, parti alors de Paris à la suite de SA MAJESTÉ, atteint mieux ce but. On y verra que l'Angleterre a pu empêcher la guerre de Prusse, et qu'elle ne l'a pas voulu, et que c'est en vain que les résultats de cette campagne et l'augmentation de puissance qu'elle devait donner à la France, ont été annoncés à son plénipotentiaire : le Gouvernement anglais a voulu en courir les risques.

Quatre ans plus tard, il a pu également sauver la Hollande. On verra, dans les pièces d'une négociation, que le ministère hollandais essaya d'ouvrir avec le gouvernement britannique, que l'Angleterre a préféré la continuation de la guerre à l'indépendance de la Hollande, comme il l'avait préférée au salut de la Prusse.

La France n'a donc été conduite au degré de grandeur où elle est parvenue que par l'obstination de l'Angleterre à prolonger cette guerre qu'elle déclare devoir être perpétuelle. Chaque époque où elle a rejeté la paix est devenue pour la France une époque de gloire et d'accroissement de puis

sance.

I.

NÉGOCIATION DE LORD LAUDERDALE.
No 1.

Extrait du compte rendu au ministre des relations extérieures par le plénipotentiaire français. Paris, le 26 septembre 1806.

Monsieur,

D'après

l'autorisation que m'en avait donnée SA MAJESTE L'EMPEREUR, j'ai déclaré à lord Lauderdale qu'une paix signée et ratifiée promptement avant que les opérations militaires eussent acquis une certaine importance, pouvait sur-le-champ en arrêter, le cours, et qu'il se trouvait en position de jouer et de faire jouer à l'Angleterre le beau rôle de pacificateur du continent; rôle d'autant plus beau, que l'Angleterre acquerrait par là le mérite de sauver une puissance contre laquelle elle est actuellement en guerre, mais dont son intérêt lui prescrit cependant de protéger l'existence. Lord Lauderdale a paru sentir la noblesse de cette proposition et ce qu'elle a d'avantageux pour son pays. J'ai ajouté qu'il n'y avait qu'un moment pour cela; qu'une fois la guerre recommencée, il fallait de part et d'autre en courir les chances, et que ni lui ni moi ne pouvions prévoir où la fortune de la France et le génie de son chef pourraient porter nos armes, notre influence et notre gloire.

C'est en réfléchissant sur cette déclaration, et en se rappelant ma réponse sur l'impossibilité de céder la Dalmatie, que lord Lauderdale m'a dit qu'il enverrait un courrier à sa cour; et il m'a demandé une seconde conférence.

Cette seconde conférence à eu lieu aujourd'hui à deux heures. Lord Lauderdale avait reçu un courrier de Londres, qui lui avait apporté la nouvelle de la composition du ministère, et des instructions relatives à la négociation. Mylord s'est montré plus invariable que jamais dans les propositions qu'il avait mises en avant et dans sa résolution de demander ses passe-ports: il m'a

rappelé la déclaration que je lui avais farte de l'imposibilité d'arrêter par la paix la marche de l'armée française prête à entrer en campagne. Ce que vous m'avez déclaré, m'a-t-il dit, je vous l'aurais demandé au nom de mon gouvernement; j'en avais reçu l'ordre; mais je n'en rendrai pas moins au gouvernement français cette justice, que c'est lui qui a fait volontairement cette déclaration.

(C'est immédiatement après cette conférence que lord Lauderdale écrivit au ministre des rélations extérieures la note suivante :)

No 2.

A. S. Exc. M. Talleyrand, ministre des relations extérieures.

Monsieur,

Paris le 26 septembre 1806.

Je ne perds pas un moment à faire connaître à Votre Excellence que le résultat de la conférence que j'ai eue aujourd'hui avec S. Exc. M. de Champagny, ne me laisse malheureusement aucun espoir de pouvoir amener les négociations, de la part de la Grande-Bretagne et de la Russie, à une issue favorable. Dans cet état de choses, et d'après mes instructions, il ne me reste d'autre parti à prendre que de m'adresser à Votre Excellence pour les passeports nécessaires, afin que je puisse retourner auprès de mon souverain.

En faisant ainsi cette demande à Votre Excellence, je ne saurais me refuser au plaisir que je ressens à témoigner ma reconnaissance de toutes les attentions personnelles que Votre Excellence à bien voulu me marquer pendant mon séjour à Paris, et à exprimer en même temps les sentiments d'estime que j'ai toujours ressentis et que je ressentirai dans tous les temps pour Votre Excellence.

Signé LAUDERDALE.

A Son Excellence Mylord Lauderdale.

Mayence, le 30 septembre 1806.

Le soussigné, ministre des relations extérieures, a mis sous les yeux de S. M. L'EMPEREUR ET Roi, la note que Son Excellence myloid comte Lauderdale lui a fait l'honneur de lui adresser, le 26 de ce mois.

SA MAJESTÉ, après s'être prêtée, dans le désir de la paix, à toutes les propositions qui auraient pu la rendre durable et respectivement utile aux deux puissances contractantes et à leurs alliés, verra avec peine la rupture d'une négociation dont ses dispositions personnelles lui avaient fait espérer d'autre résultat. Si le cabinet anglais veut renoncer à la perspective de la paix, si son ministre plénipotentiaire doit quitter la France, SA MAJESTE se flatte cependant que le cabinet anglais et lord Lauderdale, lorsqu'ils mesureront l'étendue des sacrifices qu'elle était disposée à faire pour avancer le retour d'une sincère réconciliation, auront la conviction intime que SA MAJESTÉ voulait, pour le bonheur du monde, ne mettre en balance aucun avantage avec ceux de la paix, et que l'intention d'en assurer les bienfaits à ses peuples pouvait seule décider son cœur paternel à des sacrifices non-seulement d'amour-propre, mais de puissance plus considérables que ne l'aurait indiqué l'opinion même du peuple anglais, au milieu d'une guerre où il aurait obtenu, sans aucun mélange de revers, de constants avantages.

Toutefois, s'il était dans la destinée de l'EMPEREUR et du peuple français de vivre encore au milieu des guerres et des orages que la politique

et l'influence de l'Angleterre auraient suscités, SA MAJESTé, après avoir tout fait pour mettre un terme aux maux de la guerre, se voyant déçue dans ses plus chères espérances, compte sur la justice de sa cause, sur le courage, l'amour, la puissance de ses peuples.

Mais, se rappelant encore les dispositions qu'elle avait toujours exprimées dans le cours de la négociation, SA MAJESTÉ ne peut voir qu'avec regret que l'Angleterre, qui pouvait illustrer sa vaste puissance par le bienfait de la paix, dont le besoin se fait sentir à la génération actuelle et au peuple anglais, comme à tous les autres, en laisse volontairement échapper la plus belle occasion. L'avenir fera connaître si une coalition nouvelle sera plus contraire à la France que les trois premières. L'avenir dévoilera si ceux qui se plaignent de la grandeur et de l'ambition de la France n'ont pas à imputer à leur haine, à leur injustice, et la grandeur et l'ambition dont ils l'accusent. La France ne s'est agrandie que par les efforts renouvelés tant de fois pour l'opprimer.

Néanmoins, quelles que soient les inductions. que l'on puisse tirer pour l'avenir du passé, SA MAJESTÉ sera prête, si les négociations avec l'Angleterre doivent être rompues, à les reprendre, au milieu de toutes les chances des événements: elle sera prête à les rétablir sur les bases posées de concert avec l'illustre ministre que l'Angleterre a perdu, et qui, n'ayant plus rien à ajouter à sa gloire pour le rapprochement des deux peuples, en avait conçu l'espérance, et a été enlevé au monde au milieu de son ouvrage.

Le soussigné a l'honneur de prévenir S. Exc. mylord comte Lauderdale que M. de Champagny a été autorisé à lui délivrer les passe-ports qu'il lui a demandés.

Il saisit l'occasion de lui renouveler l'assurance de sa haute considération.

Signé CH.-M. TALLEYRAND.

II.

NÉGOCIATION APRÈS LA PAIX DE TILSITT. Traduction de la réponse de M. Canning à la notification à lui faite par M. d'Alopeus du traité de Tilsitt et de l'offre de la médiation de la Russie avec l'aveu de la France.

M. George Canning, secrétaire d'État, etc. à M. Al opeus.

Le soussigné, secrétaire d'État de Sa Majesté. britannique au département des affaires étrangères, n'a mis aucun délai à faire connaître au roi son maître la note qui lui a été présentée par M. Alopeus, ministre plénipotentiaire de Sa Majesté l'empereur de toutes les Russies, dans laquelle M. Alopus, par ordre de sa cour, notifie au gouvernement britannique la conclusion à Tilsitt, le 25 juin (7 juillet ), d'un traité de paix entre la Russie et la France, et annonce en même temps l'offre de médiation de SA MAJESTÉ IMPÉRIALE pour la conclusion d'un traité de paix entre la Grande-Bretagne et la France, et l'adhésion du gouvernement français à cette offre de média

tion.

Le soussigné a ordre du roi son maître, de déclarer que l'Empereur de Russie rend justice aux sentiments du roi, lorsque Sa Majesté Impériale ne met point en doute que le roi ne soit disposé à contribuer au rétablissement d'une paix générale, telle qu'elle puisse assurer le repos de l'Europe. Sa Majesté a donné tout récemment des preuves non équivoques de cette disposition,

soit dans la réponse qui a été faite au nom de Sa Majesté à l'offre de médiation de l'Empereur d'Autriche, soit lorsque Sa Majesté a déclaré qu'elle était prête d'accéder à la convention conclue à Bartenstein, le 23 d'avril, entre l'empereur de Russie et le Roi de Prusse, et dans les instructions que le soussigné transmit, par ordre de Sa Majesté, à l'ambassadeur de Sa Majesté à la cour de Saint-Pétersbourg à la nouvelle des derniers événements désastreux en Pologne, lesquelles instructions enjoignaient à cet ambassadeur de signifier aux ministres de l'Empereur de Russie que Sa Majesté était toute prête à entrer, de concert avec son auguste allié, en toute négociation que l'empereur de Russie trouverait à propos d'ouvrir pour le rétablissement d'une paix générale.

Toujours dans les mêmes sentiments et la même disposition, Sa Majesté déclare qu'elle ne s'en départira aucunement.

En conséquence le soussigné a ordre de Sa Majesté d'assurer M. Alopeus que Sa Majesté attend avec la plus vive sollicitude la communication des articles du traité conclu à Tilsitt, et l'explication de ces principes justes et honorables d'après lesquels Sa Majesté Impériale exprime sa croyance, que la France est disposée à conclure la paix avec la Grande-Bretagne.

Sa Majesté s'attend à trouver dans les stipulations du traité de Tilsitt et dans les principes sur lesquels on représente la France comme prête à négocier, un caractère tel qu'il fournisse à Sa Majesté de justes espérances d'arriver à une paix qui concilie la sécurité et l'honneur.

Dans ce cas, Sa Majesté se prévaudra avec empressement de l'offre de médiation de S. M. l'Empereur de Russie.

Mais jusqu'à ce que Sa Majesté ait reçu ces communications importantes et nécessaires, il est évidemment impossible que le soussigné soit autorisé à fournir une réponse plus positive à la note présentée par M. Alopeus.

Le soussigné prie, etc.

Signé GEORGE CANNING. Bureau des affaires étrangères, 5 août 1807.

III.

Correspondance de M. le prince de Starhemberg, ambassadeur d'Autriche, avec le ministère anglais, à la fin de 1807.

No 1.

Note du prince de Starhemberg à M. Canning.

Londres le 20 novembre 1807.

Le soussigné a l'honneur d'informer S. Exc. le secrétaire d'Etat pour le département des affaires étrangères, qu'il vient de recevoir l'ordre positif de sa cour de faire au ministère britannique les représentations les plus urgentes sur l'importance dont il serait de voir cesser la lutte qui existe encore entre l'Angleterre et la France, et dont les effets produisent les conséquences les plus fatal s pour tout le reste de l'Europe. S. M. I'EMPEREUR ET ROI, animé du désir constant de travailler au repos et à la tranquillité, n'hésite pas à demander officiellement et avec instance à Sa Majesté britannique, de vouloir bien lui déclarer sincèrement ses intentions à cet égard, en lui manifestant ses dispositions à entrer en négociation pour une paix maritime, sur des bases convenables aux intérêts réciproques des puissances qui y prennent part.

Le cabinet de Saint-James s'est expliqué trop souvent sur son désir du rétablissement de la

paix, pour que le soussigné ne se flatte pas d'en obtenir dans cette occasion l'assurance formelle désirée par sa cour, qui achèverait de prouver à toutes les nations de l'Europe la sincérité des vues pacifiques de l'Angleterre.

Le soussigné profite de cette occasion pour prier Son Excellence le secrétaire d'Etat d'agréer l'hommage de sa haute considération.

Signé LE PRINCE DE STARHEMBERG.

No 2.

Traduction de la lettre de M. G. Canning, du 23 novembre 1807, adressée au prince de Starhemberg.

Le soussigné, premier secrétaire d'Etat de Sa Majesté pour le département des affaires étrangères, a mis sous les yeux du roi son maître la note officielle qui lui à été remise par le prince de Starhemberg, envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire de S. M. 1. l'Empereur d'Autriche, et dans laquelle le prince de Starhemberg exprime, par ordre de sa cour, les vœux ardents de Sa Majesté Impériale pour la cessation de la lutte actuelle entre la Grande-Bretagne et la France, et demande une déclaration formelle et sincère des sentiments de Sa Majesté à cet égard.

conséquence des dispositions pacifiques de Sa Majesté britannique, énoncées dans la réponse donnée le 23 novembre dernier à sa note officielle du 20 du même mois, il est chargé de proposer au ministère anglais d'envoyer immédiatement des plénipotentiaires à Paris pour y traiter du rétablissement de la paix entre toutes les puissances actuellement en guerre avec l'Angleterre. Cette invitation franche et sans détour doit donner la preuve certaine de la bonne foi et de l'intention sincère de la France de faire cesser le fléau de la guerre; et c'est avec empressement que Sa Majesté Impériale se prète à être l'intermédiaire d'un résultat aussi désirable. On aime à se flatter que la cour de Londres ne balancera pas à reconnaître dans cette occasion l'importance de la proposition qui lui est faite, et qu'elle se prêtera à donner un nouveau témoignage de la volonté qu'elle a prononcée si souvent de rendre le repos au reste de l'Europe, en nommant des négociateurs qu'elle chargera des grands intérêts à discuter. Pour éviter toute espèce de retard, le soussigné est autorisé par la France à donner des passeports aux ministres que le cabinet de SaintJames choisira à cet effet. La manière dont ces ouvertures sont soumises à la cour de Londres, et les mesures que l'on prend pour en réaliser l'exécution, achèveront de démontrer l'esprit de conciliation qui les a dictées.

No 4.

Starhemberg.

Londres, le 8 janvier 1808.

Sa Majesté ayant fait connaître tout récemment et à diverses fois la disposition où elle est et le désir qu'elle a d'entrer en négociation pour traiter de la paix sur des bases qui la rendent sùre et honorable, et cette déclaration ayant été faite au gouvernement autrichien de la manière la plus Copie d'une note de M. Canning au prince de régulière et la plus authentique, dans la réponse que le soussigné a reçu ordre de faire, dans le mois d'avril dernier, à l'offre officielle de la médiation de Sa Majesté Impériale par l'organe du prince de Starhemberg, et dans celle qui, par l'ordre de Sa Majesté, a été faite à une offre semblable qui a eu lieu de la part de l'empereur de Russie, réponse qui a été communiquée à la cour de Vienne, Sa Majesté ne peut se défendre d'un sentiment de surprise en voyant se renouveler la demande d'une déclaration de sentiments qui ont été depuis si longtemps et si formellement communiqués à la cour de Vienne.

Sa Majesté ne croit pas qu'il soit nécessaire de rien ajouter à ces déclarations pour prouver aux nations de l'Europe une sincérité que les nations de l'Europe ne sauraient mettre en doute. Mais, pour satisfaire aux désirs si vivement exprimés d'une puissance amie, qui semble en faire l'objet d'une sollicitude particulière, Sa Majesté est disposée à renouveler encore les assurances qu'elle a si souvent données, et Sa Majesté déclare qu'elle est actuellement, comme elle a toujours été, prête à entrer en négociation pour traiter de la paix sur les bases d'une parfaite égalité d'intérêts respectifs entre les puissances belligérantes, et d'une manière conforme à la fidélité que Sa Majesté doit à ses alliés, et telle enfin qu'elle donne à l'Europe tranquillité et sécurité.

Signé GEORGE CANNING. Bureau des affaires étrangères, 23 novembre 1807.

No 3.

Copie d'une note de M. le prince de Starhemberg à
M. Canning.

Londres le 1er janvier 1808.

Le soussigné, obéissant aux ordres de sa cour, en se conformant aux désirs de celle des Tuileries, a l'honneur d'informer M. le secrétaire d'Etat pour le département des affaires étrangères, qu'en

Le soussigné, premier secrétaire d'Etat de Sa Majesté pour les affaires étrangères, a présenté au roi son maître la note à lui remise le 2 de ce mois par le prince Starlemberg, envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire de S. M. l'Empereur d'Autriche.

En déclarant qu'il était chargé de proposer au gouvernement britannique d'envoyer des plénipotentiaires à Paris, le prince Starhemberg a omis d'expliquer s'il avait reçu cette commission de l'empereur son maître ou du gouvernement français. Si le prince Starhemberg a, dans cette circonstance, agi d'après l'ordre spécial et immédiat de sa cour, et si la proposition faite à Sa Majesté d'envoyer à Paris des plénipotentiaires, doit être considérée comme provenant de Vienne, le soussigné a ordre d'exprimer le sentiment pénible avec lequel Sa Majesté a vu combien peu on avait eu égard, en formant cette proposition, à la correspondance qui avait déjà eu lieu entre les cours de Vienne et de Londres, au sujet d'une négociation pour la paix, lorsqu'on avait laissé écouler un si long espace de temps depuis l'acceptation faite par Sa Majesté au mois d'avril dernier, de l'offre de la médiation de Sa Majesté Impériale, Sa Majesté pouvait à peine s'attendre à ce que cette même offre fût répétée (si toutefois la note du prince de Starhemberg peut être regardée comme la répétition), sans qu'on y joignit la plus légère notification de l'acceptation des conditions que Sa Majesté avait déclarées devoir être le préliminaire indispensable de l'ouverture de la négociation.

Et attendu que la note du soussigné, sous la date du 23 novembre dernier, est indiquée comme base de la proposition actuelle par le prince Starhemberg. Sa Majesté remarque avec surprise que cette proposition n'a cependant de rapport qu'aux puissances qui sont engagées avec la France dans la guerre contre la Grande-Bretagne, sans

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