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BRIQUET, professeur royal de controverse, à Navarre; DuDEMAINE, professeur royal de théologie, en Sorbonne; TINTHOIN, professeur d'Ecriture-Sainte, en Sorbonne; FLOOD, professeur royal de morale, à Navarre; MATIGNON, professeur royal des Saintes - Ecritures, à Navarre; HUGUES, professeur d'hébreu, en Sorbonne (1) ».

Cette lettre mérita des félicitations directes à la Faculté, de la part du Souverain-Pontife (2).

Les écoles de théologie restèrent donc fermées à Navarre et en Sorbonne; mais leurs professeurs respectifs continuoient d'y habiter; et, non contens des lumières qu'ils répandoient au dehors par leurs écrits et leurs conseils, ils y ajoutoient, surtout en Sorbonne, tout ce qu'ils pouvoient prélever sur les revenus modiques de cette maison, et même sur leurs propres besoins, pour subvenir à ceux des prêtres du dehors, qu'on avoit privés de ressources, en les chassant de leurs églises pour n'avoir pas voulu prêter le coupable serment. Dans leur franchise, que rien ne pouvoit déconcerter, ces docteurs ne craignoient pas d'inscrire ces dépenses généreuses sur le registre d'une comptabilité, qu'on prévoyoit devoir être soumise à l'administration du Directoire du district de Paris (3).

(1) Il avoit récemment succédé dans cette chaire au docte et pieux Asseline, qui, devenu, en 1789, évêque de Boulogne-sur-Mer, ne cessa, par ses écrits et ses conseils, d'être comme l'oracle et le guide des autres prélats de l'Eglise gallicane, pendant toute la persécution.

(2) Vos quoque animum nostrum consolatione affecistis.... Universitatum et Sorbonæ præsertim professores, virtute præstantes, et de religione in hoc potissimùm rerum discrimine optimè meriti. ( Brev. doctrin. ad S. R. E. cardınales, archiepiscopos, episcopos regni Galliarum, 19 mars 1792.)

(3) Nous sommes redevables de plusieurs de ces détails à M. l'abbé DIÈCHE, chanoine de Rhodès, vice-gérent de l'officialité de Paris, vicaire-général de Châlons-sur-Marne, de la Maison de Sorbonne, où il fut d'abord professeur de droit canonique, ensuite de morale, et doyen de toute la Faculté de théologie. Ce savant et modeste docteur, qui combattit en divers écrits les erreurs de l'église constitutionnelle, et dont le zèle égaloit la sagesse et les lumières, ayant eu la part la plus active aux démarches de son corps, et à la rédaction de ces

Ce qui prouve de plus en plus combien la Sorbonne imposoit aux chefs mêmes des factieux, c'est que, malgré le rapport qu'avoit fait, le 5 janvier 1792, pour obtenir sa destruction, l'un des membres de l'Assemblée Législative, qui avoit appartenu au clergé, la Sorbonne subsistoit encore après le renversement du trône, au 10 août. L'Assemblée, subjuguée par une involontaire vénération pour elle, n'avoit pas osé porter la sentence de sa destruction, Toutes les fois qu'on l'en avoit pressée, elle n'avoit su qu'ajourner indéfiniment cette question. Qui ne croiroit que la Sorbonne ne pouvoit être détruite tant que le trône subsisteroit? Il n'existoit déjà plus, que l'on paroissoit craindre encore de la disperser. On se perdoit en vagues rédactions d'un décret de suppression générale de toutes les congrégations séculières, parmi lesquelles elle se trouveroit comprise. Ce ne fut que le 18 août qu'on en prononça l'abolition, en déguisant toutefois de cette manière la main qui la frappoit, dans une suppression confuse de toutes ces congrégations, dont plusieurs n'avoient pu se maintenir jusqu'alors (1).

Cette involontaire circonspection de la perversité sembloit se communiquer jusqu'à un certain point aux plus effrénés de ses agens. Admirable impression de respect et d'égards, que produisoit la Sorbonne! Dieu veilloit sur ceux de ses docteurs, qui, tout connus qu'ils étoient pour insermentés et pour contraires aux systèmes nouveaux, habitoient encore paisiblement cette maison, lorsque déjà l'on arrachoit avec fureur de toutes les autres les prêtres fidèles qui s'y trouvoient, pour les parquer en des lieux de carnage. En vain les hommes farouches de la section des Thermes, dans l'arrondissement de laquelle

pièces si dignes des annales de la Sorbonne et de l'Eglise gallicane, fut à peine arrivé à Rome qu'il s'empressa de les faire insérer dans les Mémoires dont nous avons parlé ci-devant, page 15. Il est mort en 1819, à Rhodes, patrie.

sa

(1) Le décret rendu sur cet objet astucieusement compliqué, ne forme pas moins de 23 pages in-4°.

tels

est la Sorbonne, veulent obtenir du comité dont ils dépendent l'autorisation d'aller enlever de même nos docteurs. Le comité, dirigé par un homme habile autant qu'humain (1), la fait refuser. Leur saint asile n'est point violé; et aucun d'eux n'est traîné dans des lieux de détention, pour mêler son sang avec celui des autres victimes qu'on y doit bientôt égorger. Mais aucun d'eux ne pourra plus rester dans cette vénérable demeure, huit jours après la publication du décret de déportation, rendu le 26 août précédent (V. ci-devant, pag. 138). Quoiqu'une connoissance plus exacte des faits, que nous venons de les rapporter, ne nous permette pas de dire d'une manière absolue, comme l'auteur de la Notice sur la Sorbonne (Paris, 1818), que « la dissolution de la société de Sorbonne s'est opérée par la seule force des circonstances, et que ses droits furent respectés par les administrateurs les plus animés de l'esprit révolutionnaire », nous souscrivons de bien grand cœur à ses réflexions, lorsqu'il ajoute : « C'est un phénomène bien frappant dans toute la révolution, qu'une société religieuse, assurément très-remarquable, ait été épargnée dans des jours où l'on recherchoit avec tant de fureur tout ce qu'il y avoit de prêtres dans la capitale pour les massacrer. Si l'attention n'étoit saisie d'effroi, en rappelant ces fatales journées, ce seroit un spectacle fört touchant, de se représenter des vieillards, entendant les cris de leurs confrères égorgés; et, tranquillement assis sur les marches de l'autel, attendre la mort avec ce calme qu'inspire une vie sans reproche ».

Nous adhérerons encore au même auteur, lorsque, demandant le rétablissement de la Société et Maison de Sor

(1) Jean-François Behours, qui, président de l'assemblée primaire de la section des Thermes, sembla presque n'être partisan de la révolution qu'afin de sauver de ses fureurs les nobles et les prêtres. Nous savons par nous-mêmes combien ensuite il fut utile à ceux d'entre eux qui étoient revenus de la déportation ou de l'exil, après le neuf thermidor, pendant qu'il occupoit la nouvelle place de commissaire national dans la même section.

bonne, il en expose les avantages incomparables, et même l'indispensable nécessité dans les circonstances actuelles. Pour en bien juger, il faut se rappeler qu'indépendamment de ces assemblées générales de la Faculté de théologie de Paris, où l'on fixoit d'une manière si imposante des points importans de Foi et de discipline, tels que ceux dont nous avons parlé; chaque semaine, comme nous l'avons aussi indiqué, les docteurs qui, résidans à la Sorbonne, au nombre de trente-sept, étoient proprement de la maison et société de Sorbonne, socii Sorbonici (1), tenoient des conseils particuliers pour les divers cas de conscience envoyés et soumis de toute la France, et même de tout l'univers catholique, à leur décision. Ainsi donc, nous pouvons dire avec l'auteur de la Notice, qui lui-même fut socius Sorbonicus (2) : « Cette société, telle qu'elle existoit, pourroit seule convenir aux besoins religieux de la France actuelle ; et il seroit urgent de rétablir cet admirable institut, uniquement consacré à l'étude du dogme, de la morale et des traditions apostoliques; cette sorte d'aréopage, dont les nations chrétiennes réclamoient avec tant d'empressement, attendoient avec tant d'impatience les jugemens; auquel les puissances elles-mêmes recouroient dans le conflit de leurs intérêts et de leurs droits, en des causes qui intéressoient la religion, sans que le tribunal spirituel qui les jugeoit fût jamais séduit par aucun genre de gloire et d'ambition, sans que jamais il portât le moindre ombrage à l'autorité royale, dont au contraire il fut toujours le plus solide appui, et le plus ardent pro

tecteur.

(1) Ils formoient une agrégation distincte et peu nombreuse, qui n'admettoit que des prêtres séculiers, et ne les recevoit même qu'après leur avoir fait subir des épreuves spéciales. En y entrant, ils étoient obligés de jurer que jamais ils ne passeroient dans aucune autre association. Un religieux, un membre d'une autre société ou congrégation quelconque, pouvoit bien être docteur de Sorbonne; mais il ne pouvoit jamais étre de la société de Sorbonne.

(2) M. Joseph De Foucauld, maintenant chanoine du second ordre, dans l'église royale de Saint-Denis.

pas

« Suivre fidèlement, et sans rien innover, une tradition qui, par un enseignement successif et uniforme, se lie à des temps où nos rapports avec la Divinité étoient clairement énoncés; telle a été la maxime constante de l'Eglise : Nihil innovetur, nisi quod traditum est. Eh! qui pourroit rappeler cette ancienne tradition dans toute sa pureté, surtout depuis le remplacement forcé et la transmutation successive des teurs légitimes, si ce n'est cette société, qu'un usage ancien et une consécration toute particulière avoient, du consentement tacite de toute l'Eglise, établie la gardienne, et en quelque sorte la dépositaire de la doctrine? Si vous achevez d'anéantir une autorité respectée, source de lumières que mille canaux répandent dans la société, vous tombez dans le vague indéfini de toutes les erreurs que l'orgueil et l'imagination peuvent produire, sans qu'il vous reste aucun guide qui puisse vous ramener.

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<< La religion, que l'on s'est plu à travestir sous des règles arbitraires, au mépris d'usages constans, et des lois les plus saintes, demande le rappel d'un corps enseignant dont tous les membres, par une destination toute particulière, ne pourroient avoir d'autre intérêt que celui du rétablissement de l'ordre, et le développement des principes sur lesquels il doit reposer une société enfin qui ait conservé l'ancienne doctrine, et où l'on puisse être assuré de la retrouver.

« Malgré tout le zèle de ces nouveaux évangélistes, qui vont même porter à des peuples inconnus une Foi que nous désertons d'une manière aussi ingrate, après qu'elle a fait le bonheur de nos pères, il faut avouer néanmoins qu'il manque une chose essentielle à ce louable apostolat. La plupart de ces jeunes missionnaires, qui, dans une éducation précipitée, n'ont pu s'instruire à fond d'une doctrine que la vie de l'homme ne suffit pas pour méditer, trouvent bien plus facile d'émouvoir les cœurs par des peintures vives et touchantes, que de convaincre les esprits par des raisonnemens et des autorités qu'ils n'ont pas eu le temps d'approfondir.

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