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tous les autres contrats, formé par le concours des vo lontés des deux parties contractantes, ne peut se résoudre, ni pour le fout, ni pour partie, que par le concours des volontés des deux parties. C'est pourquoi, de même que dans les contrats ordinaires d'échange je ne puis vous obliger, si vous n'y consentez, à me rendre la chose que je vous ai donnée en échange aux offres de vous rendre celle que j'ai reçue de vous ou de vous décharger de l'obligation de me la donner, si je ne l'ai pas encore reçue; de même, dans ce contrat, le donneur de valeur qui a contracté avec le tireur, ne peut obliger le tireur à lui rendre l'argent qu'il lui a donné pour la valeur de la lettre de change, aux offres de lui rendre la lettre, tant que celui sur qui elle est tirée n'est pas en demeure de l'acquitter.

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77. Quand même le donneur de valeur auroit perdu, soit par sa faute, soit même sans sa faute, la lettre qui lui a été fournie, il ne pourroit pas pour cela obliger le tireur de consentir à la résolution du contrat, et de lui rendre la somme qu'il lui a donnée pour la valeur de la lettre, aux offres de donner quittance au tireur, et une reconnoissance que la lettre de change demeureroit nulle, au cas qu'elle fût retrouvée. Le tireur n'est en ce cas obligé à autre chose qu'à lui fournir un second exemplaire de la lettre de change.

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Quand même le tireur auroit en ce cas consenti à la résolution du contrat, il ne seroit tenu de rendre l'argent qu'il a reçu pour la valeur de la lettre, qu'après qu'il auroit eu le temps d'écrire à celui sur qui eile est tirée pour lui donner avis de la résolution du contrat, afin qu'il ne paie pas la lettre, si elle lui étoit présentée, et celui d'en avoir réponse.

78. Non-seulement le contrat entre le tireur et le donneur de valeur ne peut se résoudre, il ne peut même recevoir aucun changement sans le consentement des parties. C'est pourquoi le donneur de valeur ne peut contraindre le tireur à lui donner à la place de la lettre de change qu'il lui a donnée, une autre lettre de change sur un autre lieu, ou sur une autre personne du même lieu.

Mais si les changemens demandés sont des changemens qui n'intéressent que le donneur de valeur, et qui ne peuvent intéresser en rien le tireur, le tireur ne peut les refuser, suivant ce premier principe de l'équité naturelle, que nous sommes obligés de faire à notre prochain le plaisir qu'il nous demande, lorsqu'il ne nous coûte rien. Par exemple, si vous m'avez donné une lettre de change sur Lyon à l'ordre de Jean, qui étoit alors mon correspondant, et qu'ayant changé de correspondant, je demande que vous me passiez à sa place une autre lettre à l'ordre d'Irenéée mon nouveau correspondant, yous ne pouvez pas me le refuser, parce que cela vous est tout-à-fait indifférent.

ARTICLE I I.

Des contrats entre l'endosseur et celui à qui il passe son ordre.

79. Nous avons vu au chapitre dernier, qu'il y avoit différentes espèces d'endossemens et d'endosseurs : le contrat qui intervient entre l'endosseur et celui à qui il passe son ordre, est différent selon ces différentes espèces.

L'endossement par lequel l'endosseur, propriétaire de la lettre de change, passe son ordre à une personne qui lui en compte la valeur au lieu où se fait l'endossement, est un vrai contrat de change par lequel celui à qui l'ordre est passé, échange l'argent qu'il donne à l'endosseur dans le lieu où se fait l'endossement, contre l'argent que l'endosseur s'oblige de son côté de lui faire recevoir dans le lieu où est tirée la lettre de change qu'il lui remet.

Ce contrat est entièrement semblable à celui qui in tervient entre le tireur et le donneur de valeur..

Il produit entre l'endosseur et celui à qui l'ordre est passé, soit en cas de refus de paiement, soit en cas de refus d'acceptation, les mêmes obligations et les mêmes actions que la lettre de change produit entre le ti reur et le donneur de valeur tout ce que nous

en

en avons dit dans l'article précédent, reçoit ici appli

cation.

80. Outre ce contrat d'échange, cet endossement contient une cession et transport de la lettre de change que l'endosseur fait à celui à qui il passe son ordre, et de tous ses droits et actions, tant contre ceux qui l'ont fournie, que contre celui sur qui elle est tiree, lorsqu'il l'a acceptee.

que

C'est pourquoi, en cas de refus de paiement, et de protêt de la lettre de change, le proprietaire non-seulement a l'action qu'il a de son chef contre le dernier endosseur qui lui a passé son ordre, laquelle naît du contrat d'échange intervenu entre cet endosseur et lui, l'endossement renferme ; mais il a encore les actions que cet endosseur avoit contre les précedens endosseurs et contre le tireur, lesquelles sont censées lui avoir été cédées par l'endossement fait à son profit, comme nous venons de le dire, et auxquelles le refus qui lui est fait d'acquitter la lettre, donne ouverture, comme nous avons vu suprà, n. 62.

81. C'est une chose particulière à la cession qui se fait par l'endossement d'une lettre de change, que par cette cession celui au profit de qui l'ordre est passé, entre dans tous les droits et actions de l'endosseur, dès l'instant de l'endossement, et sans qu'il soit besoin qu'il en fasse aucune signification à celui sur qui la lettre est tirée, ni à quelque autre personne que ce soit; ordonnance de 1673, tit. 5, art. 24. C'est une exception à la règle générale, qu'un transport ne saisit, s'il n'est signifié, que nous avons établie en notre Traité du Contrat de Vente.

Pour que l'endossement opère de plein droit ce transport, il faut qu'il soit revêtu des formes prescrites par l'ordonnance nous en avons parlé suprà, n. 38 et 39.

Quoique par la déclaration du 18 novembre 1702. toutes cessions et transports faits par quelqu'un dans les dix jours avant sa faillite, soient de nul effet, néanmoins l'endossement fait la veille de la faillite de l'endosseur, est valable, et il transporte tous les Taité du Contrat de Change.

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droits résultans de la lettre de change à celui au profit de qui il a été passé, et qui en a payé de bonne foi la valeur: c'est ce qui m'a été attesté par plusieurs négocians très-expérimentés, et par des banquiers. La raison pour laquelle l'usage a fait excepter certe espèce de transport, de la rigueur et de la généralité des termes de la déclaration du roi, est pour ne pas donner atteinte à la foi publique sous laquelle se fait la circulation des lettres de change.

82. A l'égard de l'endossement par lequel l'endosseur passe son ordre à quelqu'un afin qu'il reçoive la lettre pour lui et comme son mandataire, le contrat que cet endossement renferme, et qui se fait entre l'endosseur et celui à qui il passe son ordre, est un contrat de mandat, d'où naissent les obligations ordinaires du mandat. En conséquence celui à qui l'ordre est passé;. s'oblige en sa qualité de mandataire, envers son endosseur propriétaire de la lettre de change, à la faire accepter, si elle ne l'est pas encore; à aller, à l'échéance, recevoir le paiement de la lettre de change; à lui en remettre la valeur; comme aussi, à défaut d'acceptation ou de paiement, à faire les protèts et autres diligences requises en pareil cas. L'endosseur, de son côté, blige à l'indemniser de toutes les dépenses qu'il fera pour cela.

83. Régulièrement celui à qui l'ordre a été passé, qui est ordinairement un banquier du lieu où la lettre de change est tirée, n'est obligé à en remettre à l'endosseur propriétaire de la lettre, la somme qu'il a reçue pour lui comme son mandataire, qu'au lieu où il ľa reçue; ce qui est conforme au principes par nous établi en, notre Traité des Obligations, que le débiteur d'une somme d'argent n'est tenu de la payer qu'au lieu de son domicile, qui est celui où elle peut lui être demandée, ubi petitur.

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Assez souvent néanmoins, par une convention ticulière, le banquier à qui l'ordre est passé, se charge de faire remettre au propriétaire de la lettre, lorsqu'il l'aura reçue, le montant de ladite lettre au lieu du do

micile du propriétaire de la lettre, ou en tel autre lieu qu'il lui indique.

Le banquier exécute cette commission par une lettre de change qu'il lui fournit sur le lieu où il s'est chargé de lui remettre le montant de celle qu'il a reçue pour lui comme son mandataire.

Ceci s'éclaircira par un exemple. Aignan d'Orléans a acheté de Victor de Marseille une certaire quantité de bottes d'huile pour la somme de mille écus, en paiement de laquelle il lui a donné une lettre de change sur Pierre de Lyon. Victor ayant reçu cette lettre de change, l'endosse, et passe son ordre au banquier Irénée, son correspondant à Lyon, et la lui envoie afin qu'il la reçoive pour lui; et par la lettre d'avis il charge Irénée de lui en faire toucher le montant à Marseille. Irénée va, à l'échéance, chez Pierre, sur qui la lettre est tirée, à qui il remet la lettre et en reçoit le montant, comme mandataire de Victor qui lui en a passé l'ordre ; et pour en remettre le montant à Victor, suivant la lettre d'avis, il envoie à Victor une lettre de change sur Cassien, banquier à Marseille, et correspondant dudit Irénée.

84. Cette lettre de change par laquelle le banquier remet à l'endosseur le montant de celle qu'il a reçue pour lui, est aux risques de ce banquier. Par exemple, dans l'espèce ci-dessus proposée, si Cassien, sur qui le banquier Irénée a tiré la lettre de change qu'il a envoyée à Victor pour lui remettre le montant de celle qu'il a reçue pour lui, ne payoit pas à l'échéance, Victor, après avoir protesté la lettre, auroit recours contre Irénée, sauf à Irénée son recours, pour les fonds qu'il a chez Cassien, contre ledit Cassien; et si ledit Cassien est insolvable, c'est Irénée qui souffrira de son insolvabilité.

Victor n'est pas tenu en ce cas, actione mandati contrariâ, à indemniser Irénée son mandataire, de la perte qu'il a soufferte de ses fonds qu'il avoit chez son correspondant Cassien; car ce n'est pas spécialement et directement pour l'affaire de Victor, mais en général pour l'exercice de son commerce de banque, qu'il avoit ces fonds chez Cassien.

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