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les principales dispositions du projet sur les crimes et délits contre la sûreté de l'Etat.

Ici va commencer l'examen d'une autre classe de crimes et délits, je veux dire, de ceux qui sont dirigés contre les constitutions de l'Empire.

C'est par ces constitutions que les citoyens jouissent de certains droits politiques dont 'Í'exercice est une propriété sacrée.

ART. 109, 110. Toutes personnes qui

:

troublent ou empêchent cet exercice se rendent donc coupables; mais leur délit s'aggrave et peut même s'élever au rang des crimes, s'il est le résultat d'un plan concerté pour être en même-temps exécuté dans divers lieux dans ce dernier cas, l'ordre public plus grièvement blessé réclame aussi une plus sévère punition. Cette espèce d'infraction sera rare doute, et si la loi a dû s'en occuper, elle n'a pas moins dû prévoir les délits plus communs peut-être, qui auront lieu dans l'exercice même des droits dont il s'agit, et principalement dans les scrutins.

sans

ART. III, 112. Il y a délit toutes les fois que le vœu des citoyens est dénaturé par des falsifications, soustractions ou additions de billets, et ces coupables manoeuvres acquièrent un nouveau degré de gravité, lorsqu'elles sont l'ouvrage des scrutateurs eux-mêmes, car il y a, dans ce cas, violation du dépôt et abus de confiance; mais, malgré tout ce qu'a d'odieux une telle infraction, l'on a dû craindre d'ouvrir une issue trop facile à de tardives et téméraires recherches pour des faits qui ne laissent plus de traces quand le scrutin est détruit et qu'on a terminé les opérations qui s'y rapportent.

Combien, dans cette matière surtout, les espérances trompées, les prétentions évanouies, et l'amour-propre blessé, ne feraient-ils pas naître d'accusations hasardées, s'il était permis de les recevoir après coup, et hors les cas où le coupable est surpris, pour ainsi dire, en flagrant délit.

ART. 113. Notre projet de loi, en s'occupant des délits commis dans l'exercice des droits civiques, ne pouvait rester muet sur la turpitude de ceux qui achètent ou vendent des suffrages.

Laissons aux Anglais le scandaleux privilége de briguer les suffrages de leurs concitoyens à prix d'argent et à force de dépenses; l'honneur français repousse un tel moyen, et la peine qu'encourront chez nous ceux qui achètent ou

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vendent des suffrages, est tracée par la nature même de leur délit; ils ont méconnu la dignité de leur caractère; ils ont profané l'un de leurs plus beaux droits; que l'exercice de ces droits leur soit donc retiré pendant un temps suffisant pour l'expiation d'un pacte honteux, et qu'il leur soit infligé une amende, comme supplément de peine due a l'esprit de corruption et de vénalité qui les a conduits.

ART. 114. La loi qui pouryoit à ce que l'exercice des droits civiques ne soit ni entravé ni souillé, ne pouvait omettre de s'expliquer sur la garantie due constitutionnellement aussi à la liberté civile, sans laquelle tous les autres droits ne seraient eux-mêmes qu'un vain mot,

Protecteurs nés de cette liberté, les inagistrats qui, étant formellement requis de faire cesser ou de constater une détention illégale ou arbitraire, ne le font point, ne sont pas moins coupables que s'ils l'avaient ordonnée eux-mêmes.

L'ordre du fonctionnaire supérieur donné à des fonctionnaires subordonnés pour effectuer une detention illégale, ne deviendra même pour ceux-ci un légitime sujet d'excuse, qu'autant qu'il sera relatif à des objets pour lesquels il était dû obéissance hiérarchique ; et, dans ce cas, la responsabilité pesera tout entière sur le supérieur qui aura donné l'ordre.

ART. 115. Mais si cet ordre émanait d'un ministre même, comment la réparation en serait-elle poursuivie ? Le sénatus - consulte du 28 floréal an XII a prévu cette infraction, et, s'il n'en a s'il n'en a point indiqué la peine, c'est un soin qu'il a évidemment laissé à la loi organique, et un devoir qu'il faut remplir en

ce moment.

Quelque grave, au surplus, que paraisse d'abord cet objet, à raison de l'élévation des personnes qu'il concerne, personnes qu'il concerne, il ne peut résulter de la répression de tels actes aucun trouble pour la société; ( Art. 116.) car, d'une part, si la signature du ministre lui avait été surprise au milieu de ses nombreux travaux, il l'abri de toutes poursuites en faisant cesser l'acte arbitraire, et en dénonçant les auteurs de la surprise; et, d'un autre côté, quand cet acte serait réellement son ouvrage, le ministre ne sera pas immédiatement sujet aux poursuites des personnes qui se prétendraient lésées.

sera

Le recours préalable à la commission sénatoriale, créée pour la protection de la liberté

individuelle, et la nécessité d'en obtenir une décision, ne peuvent manquer d'obvier à tous les inconvénients qui résulteraient d'une action brusque et rapide dirigée contre un si haut fonctionnaire.

Si la réclamation est mal fondée, la commission sénatoriale n'y aura aucun égard; mais si elle l'accueille, le ministre devra réparer le grief, sinon il se rendra évidemment coupable.

Sans doute, grâce à l'harmonie qui règne entre les grands pouvoirs politiques, nous ne serons pas témoins de pareils débats; mais s'ils devaient éclater jamais, il convient de leur donner dès à présent des règles qui vaudront d'autant mieux qu'elles auront été posées dans un temps plus calme.

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ART. 119. Hors le cas de désobéissance qui vient d'être prévu et qui sera puni du bannissement, la peine de la dégradation civique est celle qui a paru généralement la plus

convenable à la matière.

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ART. 120. A l'égard des gardiens et conciergés qui auront reçu un prisonnier sans mandat, ou auront refusé, soit de le représenter, soit d'exhiber leurs registres aux magistrats chargés de cette surveillance, c'est une peine autre que la dégradation civique qui convient à une telle classe de coupables, et ils seront punis d'emprisonnement et d'amende.

Je viens de retracer les principales dispositions contenues dans le projet de loi sur les atteintes portées à la liberté ; je vais parler `d'une classe d'infractions qui n'appellent pas moins toute la sollicitude du législateur, ce sont les coalitions de fonctionnaires.

ART. 123. Ces coalitions inquiétantes de leur nature pourraient souvent devenir funestes; elles sont toujours un mal, mais elles

peuvent varier d'intensité, selon l'objet qu'elles

ont.

ART. 124. Si donc une peine, de police correctionnelle a semblé suffisante pour réprimer un simple concert de mesures contraires aux lois, quand nulle circonstance plus grave n'y est jointe, une peine d'un ordre plus élevé a paru nécessaire, quand ce concert est dirigé contre l'exécution même des lois ou contre les ordres du Gouvernement.

Ce crime acquiert un nouveau degré d'intensité, quand la coalition a lieu entre des autorités civiles et des corps militaires.

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ART. 125. Il devient énorme, quand il dégénère en complot contre la sûreté de l'état. Des peines graduées d'après ces idées obtiendront sans doute votre assentiment. ART. 126. Mais il ne suffisait pas d'atteindre les coalitions dirigées vers des mesures actives; il est une espèce de coalition qui se présente au premier aspect comme passive dans ses moyens d'éxécution, et dont les résultats troubleraient la société à un haut de

gré; ce sont les démissions combinées, et dont l'objet ou l'effet serait d'empêcher ou de suspendre la justice ou tout autre service public.

Des fonctionnaires qui répondraient aussi mal à la confiance du Gouvernement et aux besoins de la cité, seront justement punis quand on leur enlevera, par la dégradation civique, des droits qu'ils ont abdiqués de fait. Il reste messieurs, une autre classe de crimes et délits contre les constitutions de l'Empire.

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C'est par ces constitutions qu'existent avec des pouvoirs distincts et indépendants, l'autorité judiciaire et l'autorité administrative; si l'une empiète sur l'autre, l'ordre constitu tionnel est troublé, et il ne l'est assurément pas moins lorsque l'une ou l'autre de ces autorités ose s'arroger la puissance législative.

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ART. 127. Ainsi, ni les juges, ni les administrateurs ne peuvent suppléer par des réglements, à des lois ou à des décrets.

Ils ne sauraient non plus, sans devenir coupables, délibérer sur la question de savoir si les lois seront ou non publiées; le temps est passé, où les parlements exerçaient cette prérogative; aujourd'hui, cette prétention contraire à toute l'économie de nos pouvoirs constitués, ne serait pas un simple blasphème politique, elle serait le renversement de tout le systême constitutionnel.

Nos constitutions, et l'ordre public, s'opposent aussi à ce qu'un tribunal défende d'exécuter les ordres d'une administration, ou à ce qu'une administration intime des ordres ou défenses à un tribunal.

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rêtés, même incompétents, pourront être cassés; mais la loi ne punira point comme des délits, ce qui peut n'être que des erreurs. J'ai mis sous vos yeux, messieurs, les principales dispositions du projet relatives aux deux premières classes de crimes et délits contre la chose publique.

Il n'y aurait qu'anarchie dans un état où de pareilles prétentions seraient tolérées, et où chaque autorité se croirait en droit de se faire ainsi justice à elle-même; c'est à un pouvoir supérieur, à un régulateur commun qu'il faut recourir, en cas de dissentiment sur les attributions respectives; et tout juge ou administrateur qui franchit cette limite, devient coupable et encourt la dégradation civique.

ART. 128, 129. Une amende réprimera suffisamment le délit des juges qui auraient procédé au jugement d'affaires revendiquées par l'autorité administrative, ou d'administrateurs qui, après une réclamation légale, auraient retenu la connaissance d'affaires du ressort des tribunaux : hors les cas où les juges ou administrateurs sont avertis par un conflit ou acte équivalent, leurs jugements, ou ar

Parini ces crimes, vous avez pu en remarquer plusieurs qui sont hors du ressort des tribunaux ordinaires, et dont le jugement appartiendra soit à la haute-cour, soit à des tribunaux spéciaux; mais notre projet, qui ne change rien aux règles générales ou particulières sur la compétence ou la procédure, aura atteint le seul but qu'il se proposait, si, avec les améliorations que lui ont procurées les judicieuses observations de votre commission, il est parvenu, quels que puissent être les magistrats chargés d'appliquer ses dispositions, à éclairer et alléger leur ministère, en traçant les délits avec clarté, et en graduant les peines avec sagesse.

CHAPITRE III.

Crimes et Délits contre la Chose publique. Décrété le 16 février 1810; - Promulgué le 26 du même mois. [ARTICLES 132 à 294.]

<POSÉ DES MOTIFS par M. le Conseiller-d'État BERLIER.

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DELITS.

qualifier les crimes et délits contre la paix publique, et vous ne serez point surpris, messieurs, d'y voir figurer au premier rang le crime de faux.

Fausse monnaie.

L'on ne peut prononcer ce mot sans songer d'abord à la fausse monnaie, à cause de la gravité de ce crime et des alarmes qu'il répand dans la société.

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Si l'assemblée constituante réduisit aux fers la peine de ce crime, jusque-là puni de mort, l'on sait que cet essai philantropique ne fut point heureux, et que, peu après, il fallut rétablir la peine capitale.

ART. 132. Notre projet a maintenu cette peine, et y assujétit également ceux qui contrefont ou altèrent les monnaies d'or et d'argent ayant cours légal dans l'empire, et ceux qui les distribuent, exposent ou introduisent en France.

Cette disposition avait d'abord alarmé quelques esprits (1), qui auraient desiré qu'on établit une distinction entre le fabricateur et le distributeur; mais toute inquiétude à ce sujet était vaine, car, d'une part, le distributeur qui ignore le vice de la chose ne commet ni crime ni délit, (Art. 135. ) et, d'un autre côté, ceux qui ont remis en circulation des pièces qu'ils savaient être fausses, mais qu'ils avaient reçues pour bonnes, ne seront punis que d'une amende, attendu que la loi doit compatir à leur position, et ne voit en eux que des malheureux cherchant à rejeter sur la masse la perte dont ils étaient personnellement menacés.

Cela posé, qu'est-ce que peut être un distributeur ou introducteur qui connaît la fausseté des pièces, et n'a pas pour lui l'excuse de les avoir reçues pour bonnes? Qu'est-il, sinon le facteur volontaire, et conséquemment le complice du fabricateur? Il subira donc la même peine.

ART. 133, 134. Mais cette peine si grave sera-t-elle appliquée à toute espèce de fausse monnaie, à celles de billon ou de cuivre, par exemple, et aux monnaies étrangères ? La valeur exigue des premières ne cause pas le même degré d'alarme, et la valeur purement.commerciale des secondes, en rend aussi

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(1) Voyez les observations de quelques-unes des Cours consultées sur le projet de Code pénal. Tome II.

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Au surplus, le crime de fausse monnaie, sans être précisément de la catégorie de ceux qui sont dirigés contre la sûreté de l'état, a plusieurs points de communs avec eux. Vous ne serez donc point surpris, messieurs, de voir appliquer à ce crime, et la remise de la peine en cas de révélation, et la peine de réticence, comme pour les crimes d'état. Le suprême intérêt qu'a la société d'écarter ou de faire cesser un tel fléau, rend cette application lé gitime et nécessaire.

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ART. 132. Vous ne serez pas étonnés, non plus, d'y trouver la confiscation unie à la peine capitale : Les pertes de l'état, a dit un orateur, pour le cas que nous examinons (1), peuvent être immenses; elles sont vagues et inappréciables; c'est alors qu'à titre de dommages et intérêts, il est juste et nécessaire qu'elles soient réparées par la confiscation générale des biens du condamné.

C'est d'ailleurs notre législation actuelle, et une explication bien simple vient la justifier.

Dans les crimes et délits ordinaires où il n'y a que peu de parties lésées et où la mesure du dommage est connue ou susceptible de l'être, les réparations civiles suffisent à tout ce qui regarde l'intérêt privé; mais peut-il en être ainsi quand le dommage ast disséminé sur des milliers de personnes? et si le fruit du crime devait, à défaut de parties civiles passer nécessairement des mains du coupable à celles de ses enfants, ne serait-ce pas une espèce de prime accordée aux faux-monnayeurs sur tous les autres criminels?

En adoptant la confiscation pour ce cas, vous appercevrez aisément, messieurs, qu'elle n'a point l'odieux objet de dépouiller les familles, mais pour but unique de ne les point gratifier des dépouilles d'autrui: la justice et l'intérêt de l'état réclamaient cette disposition.

ART. 139. -Vous trouverez, sans doute,

(1) Voyez le Discours préliminaire de M. Target, sur le Code, pages 21 et 22.

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Le faux en

ART. 150, 151, 147, 148. écritures privées sera puni de la réclusion, et le faux en écritures publiques, des travaux forcés; mais, dans cette dernière espèce de faux, si la peine n'est que temporaire à l'égard du simple particulier contrefacteur d'écritures authentiques, elle sera perpétuelle à l'égard de l'officier public qui commettrait ce crime; celui-ci est doublement coupable, il a trahi la foi due à son caractère.

ART. 147. Les faux commis en écritures de commerce et de banque ont mérité une mention spéciale sans laquelle ils eussent été confondus avec les faux en écritures privées; l'extrême faveur due au commerce a donné lieu d'assimuler ces faux à ceux commis en écritures publiques.

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ART. 153. Mais il est une autre espèce de faux qui, dans le silence des lois, a souvent embarrassé les tribunaux ; c'est le faux commis dans les passe-ports, feuilles de routes, et certificats.

Jusqu'ici, messieurs, dans les diverses espèces de faux dont on vient de donner l'analyse, c'est Sans doute ce serait blesser la justice que l'état ou le corps social qui est principalement d'assimiler la contrefaction d'un passe-port à attaqué ou lésé : dans le faux appliqué aux écri- celle d'une lettre-de-change, ou la fabrication tures publiques ou privées, l'intérêt individuel d'un certificat de maladie d'un certificat de maladie à celle d'une oblijoue un plus grand role, et peut-être eût-on pugation que l'on créerait à son profit sur un renvoyer cette partie au chapitre des crimes contre les particuliers, s'il n'eût semblé nuisible de scinder cette matière.

ART. 145. Le faux en écritures est matériel quand il s'est opéré par fausses signatures, par altération ou intercalation d'écritures, par supposition de personnes; mais il est aussi une autre espèce de faux moins facile à caractériser, et qui a lieu quand un officier public écrit des conventions autres que celles qui lui ont été tracées ou dictées, et constate comme vrais des faits faux, ou comme avoués des faits qui ne l'étaient pas.

ART. 146. Toutefois il faut prendre gardé de réputer crime ce qui ne serait qu'un malentendu ou une méprise, le rédacteur d'un acte peut mal saisir la volonté des parties, et pourtant n'être pas criminel; il ne le sera, aux termes du projet, que quand il aura frauduleusement dénaturé la substance ou les circonstances de l'acte. D'après ce caractère, il ne reste rien qui puisse alarmer l'innocence.

tiers.

ART. 155. Des peines de police correc tionnelle suffiront ordinairement pour la répression des faux passe-ports, si ce n'est à l'égard des officiers publics qui auraient participé aux faux; car ils sont plus criminels que de simples particuliers quand ils abusent ainsi du pouvoir qui leur a été confié.

ART. 156, 157, 158.-Les mêmes vues ont semblé applicables aux fausses feuilles de route, mais en prenant de plus en considération la lésion que le trésor public aurait pu recevoir par le paiement de sommes non dues; car alors il y a vol joint au faux, et lieu d'appliquer des peines plus fortes.

ART. 159. A l'égard des certificats de maladie ou d'infirmités, fabriqués dans la vue d'affranchir quelqu'un d'un service public; on s'il s'agit d'attestations d'indigence ou de bonne conduite, fabriquées pour procurer à celui qui est désigné ou qui en est porteur, des secours, du crédit ou des places; un tel délit a semblé

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