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une clôture équivalente à un mur et entraînant l'exemption'. La clôture, établie postérieurement à la désignation du terrain par un arrêté du préfet, aurait-elle pour effet d'affranchir la propriété de la servitude? Plusieurs auteurs l'ont contesté, mais le Conseil d'État l'a admis', et nous croyons que sa jurisprudence est conforme aux principes. L'autorisation donnée à un entrepreneur d'extraire des matériaux d'un terrain qui n'était pas dans les cas d'exemption ne peut pas enlever au propriétaire le droit de clore son terrain, et la clôture doit entraîner, pour l'avenir, l'exemption de la servitude établie par la loi, à quelque époque qu'elle soit faite.

Il y a des règles spéciales pour les bois soumis au régime forestier. D'après les articles 170 et suivants de l'ordonnance du 1er août 1827, il doit y avoir un concert entre les ingénieurs et les agents forestiers.

Mais ces dispositions ne sont applicables qu'aux bois soumis au régime forestier, et non pas aux bois appartenant à des particuliers3.

773. Les formes dans lesquelles s'exerce le droit de l'administration, transmis par elle aux entrepreneurs, ont laissé à désirer pendant longtemps. Jusqu'en 1868, la législation générale ne donnait aux particuliers d'autres garanties que la nécessité d'un arrêté du préfet pour désigner le terrain dans lequel les matériaux seraient extraits, et l'obligation, pour l'entrepreneur, d'avertir le propriétaire avant d'user du bénéfice de l'autorisation. Plusieurs préfets avaient pris des arrêtés pour, imposer aux entrepreneurs diverses mesures

1 Arr. Cons. 21 mai 1867 (Watel). Voy. aussi 6 janvier 1853 (Lemaire). Arr. Cons. 5 novembre 1828 (Pasquier) et 18 mars 1869 (Delom).

3 Arr. Cons. 50 juillet 1863 (Manté).

Loi des 28 septembre-6 octobre 1791. Section VI, art. 1or.

13 juin 1866 (de Béthune).

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destinées à empêcher les abus; ces mesures ont enfin été généralisées par un décret du 8 février 1868.

D'après l'article 1o de ce décret, l'occupation des terrains doit être autorisée par un arrêté du préfet, indiquant le nom de la commune où le terrain est situé, les numéros que les parcelles dont il se compose portent sur le plan cadastral et le nom du propriétaire. Cet arrêté vise le devis qui désigne le terrain à occuper ou le rapport par lequel l'ingénieur en chef chargé de la direction des travaux propose l'occupation. D'après l'arrêt du Conseil du 7 septembre 1755, les terrains étaient désignés par les ingénieurs et inspecteurs des ponts et chaussées. En vertu des principes qui régissent notre organisation administrative depuis 1789, les ingénieurs n'ont plus que des propositions à faire au préfet.

Si l'extraction des matériaux doit avoir lieu dans un département autre que celui où s'exécutent les travaux, l'autorisation doit être donnée par le préfet du département où sont situés les terrains1.

D'après l'article 2 du décret de 1868, le préfet envoie une ampliation de son arrêté à l'ingénieur en chef et au maire de la commune. L'ingénieur en chef en remet une copie certifiée à l'entrepreneur; le maire notifie l'arrêté au propriétaire du terrain ou à son représentant.

774. L'entrepreneur doit alors entrer en relations avec le propriétaire. La circulaire ministérielle du 15 février 1868 indique qu'il est désirable qu'il se mette d'accord avec lui pour régler les conditions de l'extraction des matériaux. Si un accord amiable n'intervient pas, il doit, d'après l'article 4, être procédé, avant toute occupation, à une constata

Arr. Cons. 31 mai 1866 (Serre) et autres.

tion contradictoire de l'état des lieux qui permettra plus tard de régler l'indemnité due au propriétaire.

Aux termes de l'article 4 du décret de 1868, l'entrepreneur doit, à cet effet, notifier au propriétaire, par lettre chargée, qu'il compte se rendre sur le terrain ou s'y faire représenter à un jour donné. Entre cette notification et la visite des lieux, il doit y avoir un délai de dix jours au

moins.

Cette notification invite le propriétaire ou, s'il ne demeure pas dans la commune, son fermier, locataire ou gérant, à désigner un expert pour procéder contradictoirement avec celui que l'entrepreneur aura choisi, à la constatation de l'état des lieux. En même temps, l'entrepreneur avertit le maire de la commune.

Si le propriétaire néglige de désigner son expert dans le délai fixé, cet expert est nommé par le maire (art. 6).

Au jour fixé, les deux experts procèdent ensemble à leurs opérations contradictoires, et dressent leur procès-verbal en trois expéditions, dont l'une est remise au propriétaire du terrain, l'autre à l'entrepreneur, la troisième au maire de la commune (art. 5).

Immédiatement après les constatations prescrites par l'article 4, l'entrepreneur peut occuper le terrain et y commencer les travaux autorisés par l'arrêté du préfet, tous les droits du propriétaire étant réservés en ce qui concerne le règlement de l'indemnité. Toutefois, s'il existe sur le terrain des arbres fruitiers ou de haute futaie qu'il soit nécessaire d'abattre, l'entrepreneur est tenu de les laisser subsister jusqu'à ce que l'estimation en ait été faite dans les formes voulues par la loi (art. 7).

En cas d'opposition de la part du propriétaire, l'occupa

tion a lieu avec l'assistance du maire ou de son délégué (même article).

par

Il n'est pas inutile de rappeler, à cette occasion, que les entrepreneurs doivent observer les règles prescrites à d'autres points de vue pour le creusement des carrières, exemple celles qui interdisent de faire des excavations à une certaine distance des routes et à une certaine distance des places de guerre.

775. Comment doit être réglée et calculée l'indemnité? Il y a ici plusieurs règles tout à fait spéciales à cette matière.

Une in 'emnité est due. L'arrêt de 1755, la loi du 28 pluviôse an VIII, la loi du 16 septembre 1807 le proclament.

L'indemnité doit-elle être préalable? On l'a soutenu, en se fondant sur l'article 1, section VI, de la loi des 28 septembre-6 octobre 1791; mais cela est impraticable; et l'on peut ajouter que la législation postérieure a implicitement abrogé cette règle. Le Conseil d'État a toujours repoussé ce système, combattu par presque tous les auteurs.

Toutefois il avait admis que, si l'occupation du terrain durait longtemps, le propriétaire ne pouvait pas être obligé d'attendre plusieurs années pour obtenir la réparation du dommage qu'il subissait'. Le décret du 8 février 1868 a confirmé la jurisprudence du Conseil. Il dispose, dans son article 8, que, si les travaux doivent durer plusieurs années, l'indemnité est réglée à la fin de chaque campagne. De cette façon, le propriétaire continue à toucher l'équivalent des revenus annuels de sa terre.

L'indemnité se règle ou à l'amiable ou, en cas de contes

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tation, par le Conseil de préfecture, après expertise, dans es conditions fixées par l'article 56 de la loi du 16 septembre 1807. Depuis le décret du 8 février 1868, les experts ont pour base de leurs opérations la constatation de l'état des lieux faite antérieurement à l'occupation du terrain, en vertu des articles 5 et 6 de ce décret. Mais cette expertise antérieure ne peut pas dispenser d'une expertise postérieure aux travaux'.

Il est d'ailleurs évident que le conseil de préfecture ne pourrait pas, après cette première expertise, régler immédiatement l'indemnité qui sera due pour tous les dommages que l'occupation devra entraîner'.

776. Venons maintenant aux bases du calcul de l'indemnité. Il faut distinguer deux cas ou bien l'administration s'est emparée d'une carrière en exploitation, ou bien elle a fouillé un terrain dont le propriétaire n'exploitait que la surface en la cultivant, sans s'occuper de la valeur des matériaux enfouis.

Dans le premier cas, l'administration doit, d'après l'article 55 de la loi du 16 septembre 1807, payer la valeur des matériaux. Dans le second cas, l'administration ou l'entrepreneur qui la représente ne doit que la réparation du préjudice causé à la terre par les fouilles. On voit qu'il y a là deux solutions très différentes.

Le législateur semble avoir considéré que, dans le dernier cas, on ne causait pas de préjudice au propriétaire en lui prenant ses matériaux sans les lui payer, puisqu'il paraissait ignorer la valeur du sous-sol et n'en tirait point parti. Assu

1 Arr. Cons. 5 août 1869 (Monet).

* Arr. Cons. 18 décembre 1874 (chemin de fer du Midi), min de fer du Midi).

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