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Des sociétés ou réunions illicites.

Il me reste à vous parler, messieurs, des sociétés ou réunions ayant pour but de s'occuper journellement ou périodiquement d'objets religieux, politiques, ou littéraires.

Je me garderai bien de traiter ce sujet avec l'importance qu'on eût pu y mettre il y a quelques années; tout ce qui fut dit et écrit alors dérivait d'idées et de principes qui ne peuvent plus recevoir d'application sous la forme du gouvernement qui a été depuis adoptée en France.

Le droit absolu et indéfini qu'aurait la multitude de se réunir pour traiter d'affaires politiques, religieuses, ou autres de cette nature, serait incompatible avec notre état politique

actuel.

n'est lui-même que le complément du chapitre des crimes et délits contre la chose publique.

Cet exposé, bien que restreint aux dispositions principales, a été long, parce qu'il embrassait une multitude de matières dont plusieurs, dérivant de sources un peu abstraites,

avaient besoin d'être rameuées à des termes simples, précis et tels qu'ils convinssent à une législation pénale.

Je me suis au surplus abstenu d'en comparer les détails avec ceux du Code de 1791. Semblables sur plusieurs points, plus ou moins différentes sur d'autres, souvent ajoutées, les dispositions du nouveau projet de loi sont le résultat de méditations dans lesquelles nous nous sommes efforcés de mettre à profit les travaux mêmes de nos devanciers, et les leçons fournies par l'expérience des derniers temps.

Un travail de cette nature offrait de grandes difficultés; la plus grave sans doute était de bien graduer les peines et d'en faire une juste application aux divers crimes ou délits.

Mais, si le gouvernement monarchique doit être assez fort pour repousser ce qui pourrait lui nuire, il est aussi dans son essence de n'admettre aucunes rigueurs inutiles il n'interviendra donc point, hors les cas qui Cet effet s'obtiendrait exactement s'il exisl'intéresseraient spécialement, dans ces pe- tait une progression de peines parfaitement tites réunions que les rapports de famille, correspondante à la progression des délits, et d'amitié ou de voisinage peuvent établir sur si (selon les expressions de Beccaria ), le tous les points d'un si vaste empire; et lors-géométrie était applicable à toutes les petites qu'il ne se passera dans ces petites réunions rien de contraire au bon ordre, l'autorité publique, qui ne saurait être tracassière, ne leur imposera aucune obligation spéciale eussent-elles pour objet la lecture en commun de journaux ou autres ouvrages.

ART. 291. Cette obligation spéciale de se faire connaître de l'autorité et d'obtenir son assentiment commencera là seulement où le nombre des sociétaires serait tel qu'il pût devenir un juste sujet de surveillance plus par ticulière.

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combinaisons obscures de nos actions (1).

En l'absence d'un tel guide; le législateur doit consulter son cœur au moins autant que son esprit il doit aussi reconnaître et respecter les limites que la nature des choses a mises à sa puissance.

Dans l'application de la peine capitale, et même des peines perpétuelles, la gravité nécessairement énorme des crimes qui y donnent lieu, ne laisse pas apercevoir de nuances propres à entraîner la modification de la peine..

Il en est autrement à l'égard des crimes inférieurs, et dont la peine n'est que temporaire; plus on descendra dans cette classe, plus il deviendra évident que chaque espèce est susceptible de varier d'intensité; une sage. circonspection commandait donc de laisser sur ce point une suffisante latitude aux juges, et ce parti adopté par le projet, en mêmetemps qu'il satisfait la justice, a puru propre à rassurer aussi la conscience du législateur.

Puisse ce nouveau travail obtenir votre approbation et répondre aux vues bienfaisantes

(1) Traité des Délits et des Peines, §. 6, pag. 32,

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EXPOSÉ DES MOTIFS par M. le Conseiller-d'Etat FAURE. Séance du 7 février 1810.

MESSIEURS,

Le projet de Code pénal offert à vos méditations, vous à présenté dans le titre premier du livre III, le tableau des crimes et délits contre la chose publique.

Le titre II du même livre a pour objet les crimes et délits contre les particuliers.

Cette seconde partie est aussi d'une extrême importance: elle embrasse un grand nombre d'attentats dont la répression est indispensable pour garantir à chacun des membres de la société, la jouissance paisible de tous les avantages qu'il a droit d'attendre du pacte social. En vain les meilleures lois civiles auraient été faites, si la violence ou la fraude, l'intérêt ou la méchanceté pouvaient se jouer impunément de la vie, de la liberté, de l'honneur et de la fortune des citoyens, ou si le vice livré aux excès les plus honteux pouvait impunément outrager les mœurs.

Ce titre se divise en deux chapitres. L'un est relatif aux attentats contre les personnes ; le second concerne les attentats contre les propriétés. Le premier forme la matière dont nous aurons l'honneur de vous entretenir aujourd'hui.

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ART. 295,296.-Pour que l'homicide soit un crime, il faut qu'il soit volontaire. S'il est tel, il est qualifié meurtre. Mais si le meurtre est commis avec préméditation ou guet-à-pens, la loi le qualifie assassinat.

ART. 304. L'assassinat est donc un plus grand crime que le meurtre, et le meurtre n'emporte la même peine que l'assassinat, que dans des cas particuliers où l'assimilation est nécessitée par l'atrocité du crime résultant soit de la qualité de la personne homicidée, soit d'autres circonstances aggravantes.

ART. 302. La peine de l'assassinat est la mort: c'est celle du talion. Toute autre peine,

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Cette définition est plus complète que celle adoptée par la loi de 1791, en ce qu'elle comprend tout moyen dont on aurait fait usage pour commettre ce crime, et ne borne pas les tentatives au cas particulier où le poison aurait été présenté ou mêlé avec des aliments ou breuvages. Il est tant de moyens que la scélératesse peut inventer, et dont l'histoire offre l'exemple, qu'il était indispensable de recourir à des termes généraux.

D'un autre côté, il était inutile d'ajouter la disposition de cette même loi de 1791, qui porte que, si avant que l'empoisonnement ait été effectué, ou avant que l'empoisonnément des aliments et breuvages ait été découvert, l'empoisonneur arrêtait l'exécution du crime, soit en supprimant les aliments et breuvages, soit en empêchant qu'on en fasse usage, l'accusé sera acquitté.

Cette disposition était nécessaire lorsqu'elle fut adoptée, parce qu'alors il n'existait aucune loi contre les tentatives de crime. Mais l'article 2 du nouveau Code, qui les prévoit et les définit, annonce assez qu'aucune de ces tentatives ne sera considérée comme le crime même, lorsqu'elle aura été arrêtée par la volonté de l'auteur, et non par des circonstances fortuites et indépendantes de sa volonté. ART. 299.1 Quant au parricide, qui con

siste dans le meurtre des pères ou mères légitimes, naturels, ou adoptifs, ou de tout autre ascendant légitime, ce crime, même commis sans préméditation ni guet-à-pens, révolte tellement la nature que, loin de pouvoir être puni d'une peine moindre que l'assassinat il mérite une peine plus forte. Aussi est-il dit dans le premier livre du nouveau Code, (art. 13.) qu'avant d'être exécuté à mort, il aura le poing droit coupé. Nous ne répéterons point les observations qui vous ont été présentées à cet égard.

On sait que chez les Romains le coupable de parricide était condamné au supplice le plus affreux.

ART. 299.-Vous Vous remarquerez, messieurs, que le nouveau Code assimile les pères et mères adoptifs aux pères et mères légitimes. Le Code Napoléon a consacré cette assimilation par ses diverses dispositions. Suivant l'art. 349, l'obligation naturelle qui continuera d'exis<< ter entre l'adopté et ses père et mère, de «se fournir des aliments dans les cas déter« minés par la loi, sera considérée comme « commune à l'adoptant et à l'adopté, l'un << envers l'autre. »

«

Ajoutons que l'article 350 accorde à l'adopté sur la succession de l'adoptant, les mêmes droits que ceux qui appartiennent à l'enfant né en mariage.

ART. 300, 302. Le meurtre d'un enfant nouveau né, crime que le projet qualifie infanticide, sera puni de la même peine que l'assassinat. On se rappelle que la qualification d'assassinat est donnée à tout meurtre commis avec préméditation, Or il est impossible que l'infanticide ne soit pas prémédité: il est impossible qu'il soit l'effet subit de la colère ou de la haine, puisqu'un enfant, loin d'exciter de tels sentiments, ne peut inspirer que celui de la pitié. Il est hors d'état de se défendre, hors d'état de demander du secours, et par cela seul, il est plus spécialement sous la protection de la loi. Des hospices sont établis pour recevoir ceux dont on ne peut prendre soin. L'infanticide est donc, sous tous les rapports, un acte de barbarie atroce, et quand il serait quelquefois le fruit du déréglement des mœurs, une telle cause ne peut trouver d'indulgence dans une législation protectrice des mœurs,

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ART. 304. La peine de l'assassinat sera aussi cele du meurtre qui aura été précédé, accompagné ou suivi de quelque crime ou délit.

LIVRE III, TITRE II, CHAP. I. Ce concours de circonstances qui s'aggravent réciproquement, est d'une nature si effrayante qu'une peine inférieure ne suffirait pas pour tranquilliser la société.

ART. 303. Enfin, le Code assimile aux assassins et punit comme tels tous malfaiteurs, quelle que soit leur dénomination, qui, pour l'exécution de leurs crimes, emploient des tortures ou commettent des actes de barbarie. Ces individus à qui les moyens les plus horribles ne coûtent rien pourvu qu'ils arrivent à leurs fins, et qui portent la terreur et la désolation partout où ils existent, ne peuvent être retenus que par la crainte du dernier supplice.

Quant au meurtre dénué de toute espèce de circonstances aggravantes, il sera puni de la peine qui suit immédiatement celle de mort, c'est-à-dire de la peine des travaux forcés à perpétuité. Dès que ce crime n'est point le résultat d'un dessein formé avant l'action, dès qu'il ne présente aucun des caractères dont nous 'avons parlé, il est sans contredit moins grave que l'assassinat, et dès-lors ne doit pas emporter la même peine. Autrement cette juste proportion qu'on ne saurait observer avec trop de soin entre les délits et les peines, et cette gradation qui en est la suite nécessaire, ne subsisteraient plus.

Le nouveau Code ne se borne pas à établir des peines contre les coupables des divers crimes dont nous venons de parler; il en établit aussi contre ceux qui se permettent des menaces d'attentats contre la vie des personnes, lorsque ces attentats, s'ils étaient commis, seraient punis d'une peine capitale ou au moins égale à celle des travaux forcés à temps.

ART, 305. De telles menaces, lorsqu'elles sont écrites, annoncent un dessein prémédité de faire le mal. Le plus souvent l'écrit où elles se trouvent contient un ordre quelconque; par exemple, l'ordre de déposer une somme d'argent dans un lieu indiqué. Quel que soit l'ordre, la loi punit le crime de la même peine que le vol avec violence. N'est-ce pas en effet un crime semblable? La personne menacée est dans une situation d'autant plus critique, qu'elle ne peut pas se mettre continuellement en garde, et qu'elle craint toujours que si elle n'obéit point à l'ordre, tôt ou tard, et au moment où elle y songera le moins, elle ne finisse par être victime du crime dont elle est menacée. La terreur que ces menaces inspirent ne nuit pas seulement à la tranquillité de la personne qui

en est l'objet, elle est partagée par beaucoup
d'autres qui redoutent pour eux le même sort.
Ce que nous venons d'observer trouve éga-
lement son application, si l'écrit au lieu de
contenir l'ordre de déposer une somme, con-
tient celui de remplir une condition quel-
conque; en ce dernier cas, il y a toujours vio-
lence, et violence préméditée avec dessein
d'obtenir ce qu'on n'a pas le droit d'exiger.
ART. 306. Lorsque la menace écrite n'a
été accompagnée d'aucun ordre ou condition,
on ne peut l'attribuer qu'au desir de répandre
l'effroi sans aucun but de s'approprier le bien
d'autrui. Le coupable doit être puni, mais il ne
le sera que des peines de police correctionnelle.
Ce délit est en effet bien moins grave que le
premier.

ART. 307. Le Code veut aussi que des peines de police correctionnelle soient pronon. cées, quoique les menaces soient verbales, toutes les fois qu'elles seront accompagnées d'un ordre ou condition. Les menaces verbales seront moins punies que les menaces écrites, parce que le coupable agissant plus à découvert, il est moins difficile de se mettre en garde contre lui, que dès-lors elles excitent une crainte moins forte; que, d'un autre côté, la préméditation n'est pas nécessairement attachée aux menaces verbales, comme elle l'est aux menaces écrites.

A l'égard des menaces verbales qu'aucun ordre ni condition n'auront accompagnées, nulle peine n'est établie. On a considéré qu'étant dénuées de tout intérêt, elles peuvent être le résultat d'un mouvement subit produit par la colère et dissipé bientôt par la réflexion.

ART. 308. Nous observerons ici que dans les deux cas où la menace est punie correctionnellement, les coupables peuvent être mis sous la surveillance de la haute police. Cette faculté laissée aux juges leur impose le devoir d'examiner jusqu'à quel point ces individus sont dangereux, soit par leur vie habituelle, soit par leurs liaisons.

ART. 309.-Passons maintenant à l'examen des attentats qui ne portent point le caractère de meurtre, mais qui, cependant, présentent des actes de violence, que la loi doit sévèrement réprimer. Ainsi des coups auront été portés, ou des blessures auront été faites; et la personne blessée ou frappée aura essuyé une maladie, ou se sera trouvée dans l'incapacité absolue de se livrer à aucun travail personnel. Si la maladie ou l'incapacité de travail a duré plus de

vingt jours, le coupable sera puni de la reclusion. Le même crime emportera la peine des travaux forcés à temps, lorsqu'il y aura eu préméditation ou guet-à-pens; et comme les juges, en appliquant la loi, auront une latitude de cinq ans jusqu'à dix, pour la reclusion, et de cinq ans jusqu'à vingt, pour les travaux forcés à temps, il leur sera facile de proportionner la peine à la gravité du fait. C'est par gravité du fait. C'est par cette raison qu'il n'a pas été jugé nécessaire de faire entrer dans le nouveau Code les distinctions qui se trouvent dans la loi de 1791, sur les différentes espèces de mutilations.

ART. 311.- Si les blessures ou les coups sont d'une nature moins grave que ceux qui doivent donner lieu à la reclusion ou aux travaux forcés à temps, ils ne seront punis que des peines de police correctionnelle. Mais fa durée de l'emprisonnement et la quotité de l'amende dépendent des circonstances dont la preuve aura été acquise. Il suffira que les juges se renferment dans les limites tracées par la loi, à l'égard de cette espèce de

délit.

ART. 312. Enfin, quelle qu'ait été la nature du crime ou délit, le Code veut que la peine soit plus forte, si la personne maltraitée est le père ou la mère légitime ou adoptif, ou tout autre ascendant légitime. Cette différence dérive du même principe que la disposition relative au parricide. La lecture de l'article fera voir que la peine est élevée dans une juste proportion, comparativement à celle que le coupable aurait subie, si le crime qu délit eût été commis envers tout autre.

On doit observer que, lorsque les blessures ou les coups seront susceptibles d'être qualifiés tentatives d'assassinat, les dispositions qui viennent d'être analysées ne seront plus applicables : il faudra se reporter à l'article du Code, relatif aux tentatives de crime; et si le cas d'attaque à dessein de tuer a été l'objet d'une disposition spéciale dans la loi de 1791, c'est parce que cette loi ne contenait aucune disposition générale sur les tentatives.

confusion n'existera point dans la nouvelle
loi. La femme coupable du crime d'avortement
sera punie de la reclusion. Mais une peine.
plus rigoureuse, celle des travaux forcés à
temps, aura lieu contre les médecius, chi-
rurgiens et autres officiers de santé qui au-
rout procuré à la femme les moyens de se
faire avorter. Ils sont en effet plus coupables
que la femme même, lorsqu'ils font usage
pour détruire, d'un art qu'ils ne doivent em-
ployer qu'à conserver. Le chancelier d'Agues-
seau rapporte à ce sujet qu'Hyppocrate, dans le
serment qu'on trouve à la tête de ses ouvrages,
promet solennellement de ne jamais donner à
une femme grosse aucun médicament qui puisse
la faire avorter. Son serment, dit-il, est suivi
d'imprécations qui prouvent que ce crime était
considéré comme un des plus grands qu'un
médecin pût commettre. En effet, si la femme
ne trouvait pas tant de facilité à se procurer
les moyens d'avortement, la crainte d'exposer
sa propre vie en faisant usage de médicaments
qu'elle ne connaîtrait pas, l'obligerait souvent
de différer son crime, et elle pourrait ensuite
être arrêtée par ses remords. La disposition
la loi de 1791.
relative aux médecins ne se trouve point dans

ART. 319, 320. Je ne m'arrêterai point à la partie du Code qui concerne l'homicide, les blessures, et les coups involontaires résultant du défaut d'adresse ou de précaution. Ces délits sont punis de peines de police correctionnelle, et les termes généraux dans lesquels les articles

sont conçus, embrassent toutes les espèces.

Je passe aux crimes ou délits, quí, quoique volontaires, sont susceptibles d'être excusés. On se rappelle que le Code d'instruction criminelle porte, qu'aucun fait proposé pour excuse par l'accusé ne sera, quelque prouvé qu'il soit, pris en considération par le juge, s'il n'est déclaré excusable par la loi.

ART. 321. C'est ici que le Code détermine les divers cas où des crimes et délits commis envers les personnes peuvent être excusés; il n'admet point l'exeuse sans une proART. 317. L'article du nouveau Code, vocation violente, et d'une violence telle que relatif à l'avortement, offre aussi plusieurs le coupable n'ait pas eu, au moment même modifications importantes. La nécessité de de l'action qui lui est reprochée, toute la punir ce crime, n'a pas besoin d'être démon- liberté d'esprit nécessaire pour agir avec une trée. La loi de 1791 ne l'a pas oublié. Maismûre réflexion. Sans doute, il a commis une elle punit de la même peine indistinctement action blâmable, une action que la loi ne toute personne coupable de ce crime. Cette peut se dispenser de punir, mais il ne peut 67

Tome II.

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