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« pour la chandelle que les femmes « mettent ardent l'image de Nostre« Dame dudit lieu. »>

Depuis quelques années, et notamment depuis la révolution de 1830, le charivari est devenu une manifestation politique. Les minorités vaincues dans les luttes électorales font retentir quelquefois son bruit discordant et sauvage aux oreilles des candidats qui l'ont emporté sur les leurs; et plus d'un préfet a été, pour des mesures qui n'avaient pas obtenu l'assentiment général, flagellé ainsi par une partie de ses administrés; enfin, il est arrivé quelquefois à des députés d'apprendre par un charivari, après la clôture d'une session législative, que la conduite politique qu'ils avaient tenue à la chambre n'était pas approuvée par tout le monde. Sous le point de vue de l'ordre public, le charivari est considéré comme bruit et comme tapage nocturne; et, selon les circonstances, il est puni de peines de police et même de peines correction nelles.

CHARLATANS.-C'est ainsi que l'on désigne particulièrement ces hâbleurs qui haranguent le peuple sur les places publiques, et lui donnent pour son argent des élixirs, des drogues, de l'orviétan, et autres spécifiques uniques qui guérissent les maux passés, présents, futurs, et, chose bien plus étonnante encore, empêchent de mourir. Mais, dans une acception plus générale, ce nom s'applique encore à tous les diseurs de mensonges, à tous les faiseurs de belles promesses, dont l'industrie est de spéculer sur la niaiserie du public. Sur la même ligne que le marchand d'eau de Cologne, il faut placer tous ces faiseurs de phrases sonores, qui, dans les salons, dans les journaux, dans des préfaces de livres, dans les colléges électoraux, à la chambre haute, à la chambre des députés, partout, s'annoncent comme des phénix, et ne font tant de bruit que pour attirer sur leur petite personne l'attention du pays, qui, sans cela, ne les remarquerait pas. Charlatans en plein air, charlatans en gants jaunes, tous

ont cela de commun qu'ils conspirent contre la bourse du public. Les uns et les autres le flattent en effet plus ou moins adroitement, et l'on sait que, comme l'a dit le bon la Fontaine : Tout flatteur

Vit aux dépens de celui qui l'écoute.

S'il fallait donner la préférence à quelqu'un parmi eux, nous la donnerions aux véritables saltimbanques. Ceux-ci, au moins, ont une livrée qui les rend faciles à reconnaître, et la moindre ordonnance de police peut nous en débarrasser; mais comment fermer la bouche aux charlatans politiques? Comment les empêcher de cou vrir la voix des citoyens honnêtes, qui mettent l'intérêt de la patrie au-dessus de leur intérêt personnel; qui plaident la cause du peuple par amour du bien, et dans le but de prévenir quelque nouvelle explosion révolutionnaire?

Le mot charlatan vient de l'italien ciarlatano, formé de ciarlare, parler beaucoup, mentir beaucoup. C'est aussi de l'Italie que sont venus en France les premiers charlatans; c'étaient des aventuriers de Cereta, petite ville des États de l'Église. Aussi, dans la langue italienne, ceretano est-il synonyme de ciarlatano. Depuis, l'industrie du charlatanisme s'est acclimatée chez nous, particulièrement dans les provinces du Midi, qui envoient chaque année tant de brillants discoureurs à nos places publiques et à notre tribune parlementaire.

Il serait difficile de donner une énu. mération même des charlatans les plus célèbres. En effet, beaucoup de bruit pendant leur vie et le plus profond ou bli après leur mort, tel est le destin de ces sortes de gens. C'est à peine si l'on peut citer quelques exceptions, telles que Mondor, Cagliostro, et un autre, dont le nom s'est malheureusement perdu. Voici comment ce dernier s'y prit pour avoir de l'argent: il profes sait la médecine; mais le nom de financier, entendu d'une certaine manière, lui convenait beaucoup mieux que celui de médecin. De retour dans sa ville natale, après une assez longue

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absence, il convoqua une assemblée de tous ses compatriotes, et leur dit : « Je dois le jour à cette ville, j'y ai été élevé; en reconnaissance des bien« faits que j'y ai reçus, je veux faire présent d'un écu de trois francs << à tous ceux de mes concitoyens « qui voudront bien l'accepter. » Ouvrant alors un grand sac, il en tira une foule de petits paquets, puis il ajouta : « Je les vends ordinai«rement 3 fr. 6 sous; 'mais par consi« dération pour le lieu qui m'a vu «naître et que j'aime tendrement, je << rabattrai 3 francs.» Les paquets furent enlevés en quelques minutes, et la recette du vendeur s'éleva à une assez forte somme.

Une chose qui mérite d'être remarquée, c'est qu'avant la révolution de 1789, les charlatans jouissaient seuls du droit de parler en public. Alors il n'y avait point de tribune nationale, et les audiences des tribunaux se tenaient à huis clos. L'opinion publique ne pouvait donc se faire entendre que dans la chaire sacrée, par la bouche des Fénelon et des Massillon, ou dans les rues, par la bouche impure des saltimbanques. Mais huit ou dix ans avant la révolution, une ordonnance royale imposa silence à ces orateurs de bas étage, qui furent bannis en masse. Longtemps après que la voix puissante de Mirabeau eut inauguré la tribune française, plusieurs des bannis revin=rent, dit-on, et voulurent se donner pour les héritiers légitimes de notre Démosthène. Jusqu'à ce jour, la France n'a pas voulu les croire; et il est probable qu'elle ne se montrera pas crédule de sitôt. Mais l'important pour eux, c'est d'être revenus, et de faire très-bien leurs affaires.

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sujet où la nature humaine se présente sous un jour peu flatteur.

En 1728, un nommé Villars dit à quelques amis que son oncle, qui avait vécu près de cent ans, et qui n'était mort que par accident, lui avait laissé le secret d'une eau qui pouvait aisément prolonger la vie jusqu'à cent cinquante ans, pourvu qu'on fût sobre. Ses amis, auquel il en donna, et qui suivirent le régime prescrit, s'en trouvèrent si bien, qu'ils se mirent à le prôner. La mode en prit, et Villars, bien qu'il eût taxé le prix de la bouteille à six trancs, pouvait à peine satisfaire au nombre toujours croissant des demandeurs. C'était tout bonnement de l'eau de la Seine, saturée d'un peu de nitre. Ceux qui s'astreignirent à la diète virent leur tempérament se fortifier comme par miracle. Aux malades qui n'éprouvaient aucune amélioration, Villars répondait : « C'est votre faute si vous << n'êtes pas entièrement guéris; vous avez été intempérants et incontinents, corrigez-vous de ces deux vices, et << vous vivrez cent cinquante ans pour « le moins.» Certes, la leçon valait bien les six francs. Par malheur, on finit par savoir que cette eau miraculeuse n'était que de l'eau de rivière; dès lors on n'en voulut plus, et on redevint intempérant, incontinent comme auparavant.

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L'autre exemple est aussi ingénieux, et il est en outre désintéressé.

C'est en partie à une supercherie ingénieuse de Parmentier que la classe indigente doit les ressources immenses que lui fournit la culture de la pomme de terre. Voyant qu'on restait froid aux éloges qu'il prodiguait à ce précieux tubercule, il eut l'idée d'en faire planter dans toutes ses propriétés de Montreuil, et d'entourer la nouvelle plantation d'un cordon formidable de gardiens, auxquels il recommanda de laisser tromper quelquefois leur vigilance. Aussitôt, tous les paysans d'alentour accoururent pour dérober quelques-unes de ces plantes précieuses à la garde desquelles tant d'hommes étaient employés. Ils se hâtaient en

suite, malignement joyeux d'avoir esquivé les sentinelles, de planter sur leurs terres le fruit de leur larcin. L'année suivante, le pays eut une récolte abondante de pommes de terre.

Quand donc l'engeance des charlatans produira-t-elle encore un homme qui ressemble à Parmentier ?

CHARLEMAGNE ou Charles Ier naquit en 742 au château de Salzbourg, en Bavière. Il était le fils aîné de Pepin le Bref et de Bertrade. Pepin, avant sa mort, avait partagé ses vastes États entre ses deux fils, Charles et Carloman (768); mais Carloman étant mort (771), Charles resta seul maître de toute la monarchie des Francs.

Le règne de Charlemagne est demeuré célèbre dans l'histoire; il jette une clarté brillante, mais courte, au milieu de ces temps de barbarie qui suivirent la chute de l'empire romain. Quel a donc été le rôle de ce grand homme, qu'on a tant vanté, mais dont la vie et l'influence n'ont pas encore été appréciées avec justesse ?

Ce qui frappe d'abord quand on étudie le règne de Charlemagne, ce sont les guerres nombreuses qu'il eut à soutenir, et dont il sortit constamment victorieux; ce sont ses conquêtes et sa gloire militaire. Mais Charlemagne n'aurait-il été qu'un conquérant vulgaire, semblable à ces conquérants qui paraissent de temps en temps en Asie, lorsque la Providence a marqué la fin des empires vieillis? Si l'on étudie attentivement l'histoire de son règne, on s'apercevra que toutes les guerres qu'il a soutenues avaient un même but. Il s'agissait d'arrêter cette impulsion qui, depuis cinq siècles, précipitait les barbares sur la Gaule, et de mettre une fin à l'invasion, qui s'était ralentie sans doute, mais qui n'avait jamais entièrement cessé. Bien des États s'étaient déjà élevés sur les ruines de l'empire romain: les Visigoths en Espagne, les Vandales en Afrique, les Lombards en Italie, Francs en Gaule; mais aucun de ces États n'avait en lui les conditions de la durée. Leurs limites variaient sans

les

cesse au gré des invasions nouvelles, pendant qu'à l'intérieur aucun gouvernement stable ne parvenait à s'organiser. Et cependant de nouveaux barbares menaçaient l'existence de ces États éphémères : les Arabes au sud, les Saxons à l'est. Le rôle de Charlemagne fut de réunir sous sa domination tous les peuples qui, à diverses époques, s'étaient établis sur le sol de l'empire, d'en faire comme un seul faisceau, et de les opposer à l'ennemi commun. C'est là le vrai sens de ces guerres, guerres toutes défensives, quoique souvent elles paraissent offensives par la forme. C'est là ce qui absout Charlemagne, et ce qui l'élève bien au-dessus des autres conqué

rants.

Et d'abord Charlemagne acheva la soumission de l'Aquitaine. Les peuples du midi de la Gaule, si souvent vaincus par les Francs du nord, et récemment subjugués, après une guerre opiniâtre, par Pepin le Bref, s'étaient soulevés à la voix du vieux Hunald, leur ancien duc, qui était sorti de son couvent de l'île de Ré pour affranchir sa patrie et venger la mort de son fils. Charlemagne fit aux Aquitains une guerre cruelle, ravageant méthodiquement leurs campagnes, brùlant leurs moissons, déracinant leurs vignes et leurs arbres fruitiers. Ils cédèrent enfin, et se soumirent en frémissant au joug des Francs. Mais l'indomptable Hunald ne se tenait pas encore pour vaincu. Il se retira chez Didier, roi des Lombards. Ce prince était depuis longtemps brouillé avec Charlemagne, qui avait répudié sa fille; usant de représailles, il prit alors en main la cause des fils de Carloman, que Charlemagne avait dépouillés. Charlemagne passa les Alpes à la tête d'une armée, défit le roi des Lombards, l'assiégea dans Pavie, et contraignit cette ville à se rendre, après que les habitants eurent lapidé Hunald, qui s'était opposé à la capitulation; et aussitôt le royaume des Lombards fut réuni à la monarchie des Francs (774). Cependant le duc de Bavière, Tassillon, gendre de Di

Albert Lenoir del

FRANCE (Carlovingiens.)

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Figurine de bronze dite de Charlemagne (cabinet de M'Al Lenovo)

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