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d'elles qu'elles faffent précisément tout ce que vous ferez, parce que vous avez un attrait particulier la mortification.

pour

Cet article demanderoit une lettre entiere. On dégoûte fouvent les jeunes perfonnes de la piété, par la raifon qu'on leur demande une trop grande perfection, & l'on fe laffe foi-même des œuvres de pénitence, lorsqu'on ne fait pas fe modérer. La vie commune eft la plus sûre, quoiqu'elle ne foit pas la plus parfaite; c'eft un parti violent de vouloir vous interdire toute vifite & tout délaffement. Prenez garde que votre directeur ne foit trop myftique, & que fa direction ne finiffe par vous rendre fcrupuleuse, plutôt que bonne chrétienne.

Faut-il donc tant fe tourmenter pour embraffer la piété ? La religion nous apprend ce qu'on doit croire, ce qu'on doit pratiquer,

& il n'y aura jamais un meilleur directeur que l'évangile. Mêlez la folitude à la fociété; & faitesvous des connoiffances qui ne vous jettent, ni dans la mélancolie, ni dans la diffipation.

Variez vos lectures. Il y en a de récréatives, qu'on peut faire fuccéder à celles qui font férieufes: St. Paul, en nous donnant des regles pour converfer décemment, nous permet de dire des chofes qui foient riantes & gracieufes, quæcumque amabilia.

On ferviroit Dieu en efclave, fi on s'imaginoit toujours pécher. Le joug du Seigneur eft le plus doux & le plus léger. Aimez Dieu, dit St. Auguftin, & faites ce que • vous voudrez; parce qu'alors vous ne ferez rien qui ne lui foit agréable, & vous agirez à fon égard, comme un fils envers un pere qu'il chérit.

Sur-tout foulagez les pauvres,

d'autant mieux que vous êtes en état de les fecourir. La religion a pour piedestal l'humanité; & fi l'on n'eft pas charitable, on n'est pas chrétien.

;

Je ne vous confeille nullement de donner aux communautés outre qu'elles ne manqueront pas, il n'eft pas jufte d'appauvrir les familles pour les enrichir. On ne ceffe de crier contre la rapacité des moines; & il ne faut pas don-ner lieu aux gens du monde de faire de nouvelles plaintes à ce fujet. Notre richeffe doit être notre réputation; & elle doit être fondée fur le défintéreffement & fur la pratique de toutes les vertus.

Quoique ami de mon état, je n'engagerai jamais personne à nous faire des largeffes, ni perfonne à fe faire religieux; je crains de donner lieu aux reproches & au repentir, comme je craindrois de vous ennuyer, fi je prolon

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geois davantage cette épître, qui n'a d'autre mérite à mes yeux que l'avantage qu'elle me procure de pouvoir vous affurer du refpect avec lequel j'ai l'honneur d'être, madame, &c.

A Rome ce 2 Janvier 2749.

LETTRE XI.

Au révérend pere***, religieux Francifcain.

J'AI griffonné, mon cher ami, pendant trois jours confécutifs, tout ce que vous paroiffez defirer. J'ai tâché de mettre dans ce difcours, du pathétique, du fublime, du fimple & du tempéré; de forte qu'il y aura pour contenter les différens goûts. Il faudra vous appliquer à bien l'apprendre & à bien le déclamer, non-feule

ment pour vous-même, mais pour l'auditoire, qui fera très-nombreux & très-bien compofé.

Ce petit ouvrage se reffentira de la précipitation; mais il en aura plus de feu. Mon imagination s'allume comme un volcan, quand je fuis extrêmement preffé: j'appelle à moi toutes mes idées, toutes mes pensées, toutes mes perceptions, tous mes fentimens, & tout cela bouillonne dans ma tête & fur le papier, d'une maniere furprenante.

Malgré toute la chaleur que vous trouverez dans cette production, j'y ai mis de l'ordre autant que j'ai pu. Je ferai content fi vous l'êtes, & je le defire ardemment.

La guerre eft plus allumée que jamais: on me l'écrit de la Flandre, où les fortereffes tombent, comme les tuiles au moment d'une tempête. Dieu veuille que les

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