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ture; de la rupture d'un câble qui s'use à force de servir, et même de celle que le frottement sur des rochers occasionnerait, ou de la perte des ancres qui en serait la suite; c'est une suite naturelle de leur usage pour le service du navire, un véritable vice qui leur est propre. Il en serait autrement si ces accidens arrivaient par la violence des coups de vent ou de mer qui, ayant obligé de filer le câble, en causeraient la rupture; ce serait une fortune de mer dont répondrait le prêteur.

Le coulage ordinaire et en plus ou moins grande proportion des marchandises qui y sont sujettes, est par cela même considéré comme un vice qui leur est propre, à moins que le coulage ne devînt extraordinaire par la force de la tempête et des coups de mer, ou qu'on ne pât l'attribuer au mauvais placement et arrimage de ces marchandises dans le navire.

Le prêteur ne répond également pas des dommages causés par le fait, par la fraude, par la négligence ou la contravention aux lois de la part de l'emprunteur, ainsi que de la part du maître ou capitaine. Si les marchandises sont confisquées pour cause de contrebande, à laquelle le donneur n'a point participé, ou dont il n'a point été instruit dès le principe, il n'est point responsable de cet accident, qui ne procède point de fortune de mer. Tout ce qui provient d'une faute ou d'une imprudence personnelle, non seulement à l'emprunteur, mais à ceux dont il doit supporter les fautes, n'est point à la charge du prêteur. En général, le prêteur ne répond pas des pertes arrivées par les faits de l'homme. De même, il ne répond pas des dangers de terre, comme si la marchandise est pillée ou incendiée, ou si la vente a été mauvaise, etc.

L'art. 12 de l'Ordonnance, après avoir dit que tout ce qui arrivait par le vice propre de la chose, n'était pas réputé cas fortuit à la charge du prêteur, ajoutait : S'il n'est autrement porté par la convention.

Cette exception avait été proposée par la commission du projet du Code de commerce. Cependant, elle se trouve supprimée dans l'article du Code. Mais faut-il conclure du silence de la loi que le législateur ait voulu interdire toute dérogation à cet égard? Nous ne le pensons pas. L'effet de ce silence est de laisser les parties dans les termes du droit commun, qui donne aux contractans la faculté de faire retomber les cas fortuits sur celui des deux qui, d'après les règles ordinaires, ne devait pas les supporter. (Art. 1772 et 1773 du Code civil).

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Mais on ne peut, sans dénaturer le contrat, soumettre le prêteur à des risques qu'il soit au pouvoir de l'emprunteur de lui faire courir. Dans le contrat à la grosse, le sort du prêteur dépend d'une condition casuelle, et non d'une condition potestative. Du reste, toutes stipulations qui ouvriraient la porte aux fraudes et à la violation de l'art. 326 du Code de commerce, sont prohibées, etc. (Art. 1169 et 1170 du Code civil; voyez d'ailleurs notre Cours de droit commercial maritime, tom. 3, tit. 9, sect. 14).

CHAPITRE VIII.

TEMS ET LIEU DU RISQUE.

SOMMAIRE.

SECT. I. Du contrat à la grosse pour un voyage
entier.

S 1. Qu'entend-on par voyage entier ?
Contrat pour l'aller et le retour.

Dans le doute, est-on présumé avoir donné
pour l'aller et le retour?

S 2. Si le navire ne fait point de retour. SECT. II. Contrat à la grosse pour un tems limité.

S1. Les pertes arrivées dans les tems des ris

ques sont à la charge du donneur.

Le péril cesse dès que le terme est arrivé.
$ 2. Clause à tant pour cent non excédant

un an.

Tems du congé.

$ 3. Du navire dont on n'a plus de nouvelles. S 4. Si le navire retourne avant l'échéance du terme limité.

$ 5. Tems illimité.

S 6. Tems des staries.

SECT. III. Des contrats pour un voyage entier, avec désignation ou limitation de tems.

S1. S'il y a tems limité et désignation de voyage.

Pour le voyage non excédant six mois, et

au prorata pour le surplus.

Pour le voyage à deux pour cent par mois. Pacte que les premiers six mois seront acquis, nonobstant le sinistre survenu après.

S 2. Pacte qu'après un certain tems le pre

neur paiera demi pour cent par mois, tant du capital que du change.

S3. Pacte que si la guerre survient, le capital et le change échu seront envoyés en lettres de change.

S 4. Pacte que si la paix survient, le change stipulé à tant par mois sera réduit au cours de la place.

SECT. IV. Lieu des risques et changement de navire.

S1. Changement de voyage ou de route.

S 2. Changement de navire.·

CHEZ les Romains, l'argent trajectice était donné ou pour l'entière navigation, c'est-à-dire pour l'aller et le retour, ou seulement pour l'aller, ou seulement pour le retour, ou pour un tems préfix.

Pour l'aller et le retour; par exemple, de Berite à Brindes, et de Brindes à Berite. Loi 122, § 1, ff de verb. oblig. Suprà, ch. 1 sect. 1. Pour l'aller seulement: de Berite jusqu'en Afrique. Loi 3, Cod. de naut. fæn. Pour le retour

seulement. Loi 1, Cod. de naut. fæn. Pour un tems préfix. Lois 4 et 6, ffeod. VideStypmannus, part. 4, cap. 2, no. 33 et suiv., pag. 379. Kuricke, tit. 6, pag. 762. Loccenius, lib. 2, cap. 6, no. 7, pag. 993. Ces divers cas sont implicitement compris dans l'art. 2, titre des contrats à la grosse, qui permet de prendre à la grosse, pour un voyage entier, ou pour un tems limité.

CONFÉRENCE.

XLII. Chez nous, comme chez les Romains, le contrat à la grosse peut avoir lieu ou pour l'entier voyage, c'est-à-dire pour l'aller et le retour, ou seulement pour l'aller, ou seulement pour le retour, ou pour un tems préfix. C'est ce qui résulte de l'art. 311 du Code de commerce, qui dit : Le contrat à la grosse énonce pour quel voyage et pour quel tems, etc.

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Qu'entend-on par» voyage entier ?

Contrat pour l'aller et le retour.

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SECTION I.

Du Contrat à la grosse pour un voyage entier.

L'ART. 13, titre des contrats à la grosse, dit que « si le tems des risques n'est point réglé par le contrat, il courra à l'égard du vaisseau, du jour qu'il aura » fait voile, jusques à ce qu'il soit ancré au port de sa destination; et quant aux marchandises, sitôt qu'elles auront été chargées dans le vaisseau, ou dans les gabares pour les y porter, jusques à ce qu'elles soient délivrées à terre. » D'après cet article de l'Ordonnance, le trajet que le navire fait depuis le départ jusques à l'arrivée au port de sa destination, soit en allant, soit en revenant, est un voyage entier, ainsi appelé pour le distinguer du voyage pour un tems li

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mité.

D

Le voyage pour l'aller et le retour, dont il est parlé au titre des assurances, art. 6 et 7, est encore plus entier que le précédent, et paraît plus analogue à la nature du contrat à retour de voyage. Vide mon Traité des assurances, ch. 13.

On est assez en usage parmi nous de donner des deniers à la grosse pour l'aller et le retour, soit sur le corps, soit sur les facultés. Dans ce cas, le risque commence à courir depuis le lieu de l'armement ou du chargement, et ne finit que lorsque le navire est revenu au même endroit : le tout relativement à la disposition de l'art. 13, titre des contrats à la grosse. Pothier, no. 54. Suivant cet art. 13, si le tems du risque n'est pas réglé par le contrat, il donné pour l'aller semble qu'on doit être présumé n'avoir donné que pour la traversée. M. Pothier, n°. 32, croit, non sans raison, que dans le doute il faut adopter la pré

Dans le doute, eston présumé avoir

et le retour?

somption contraire, laquelle en effet est analogue à la nature du contrat à retour de voyage, et à la pratique journalière.

D'après ce même art. 13, on ne doit pas être surpris que l'Ordonnance ait omis de parler du cas où le navire qui fait l'objet du contrat à la grosse, ne revient point au lieu de l'armement. Elle a peut-être supposé qu'on ne donnerait à la grosse que pour la traversée. Mais, quoi qu'il en soit de cette conjecture, notre jurisprudence est d'adjuger l'entier change maritime, malgré le défaut du retour du navire. Suprà, ch. 3, sect. 2.

Il ne serait pas surprenant qu'une jurisprudence aussi ruineuse pour les pauvres pacotilleurs, fût un jour changée. On peut dire que si l'Ordonnance eût prévu l'usage actuel où l'on est de prendre des deniers à la grosse pour l'aller et le retour, elle aurait, dans le cas de défaut de retour, établi pour le change maritime la même réduction qu'elle a prescrite au sujet de la prime. Cette réduction est si favorable, qu'elle fut admise, il n'y a pas long-tems, par notre tribunal consulaire. Mais, la justice devrait être aussi uniforme » dans ses jugemens, que la loi est une dans sa disposition, et ne pas dépendre » de la différence des tems et des lieux, comme elle fait gloire d'ignorer celle » des personnes. ▸

Ce point, ainsi qu'une foule d'autres, aurait besoin d'être décidé par le souverain. Le titre des contrats à la grosse ne renferme que dix-huit articles, et celui des assurances n'en renferme que soixante-quatorze. Plusieurs de ces articles sont conçus d'une manière équivoque. On a souvent de la peine à distinguer la règle d'avec l'exception. De là naissent l'incertitude des jugemens, et la multiplicité des procès qui troublent le commerce. Les connaissances acquises depuis 1681, l'étendue de notre navigation, et l'expérience de plus d'un siècle, font désirer une nouvelle Ordonnance maritime, qui, développant la nature des choses, et leurs divers rapports, soit capable de prévenir les litiges, et de fixer dans le royaume la jurisprudence nautique: Hoc opus, hic labor est.

CONFERENCE.

XLIII. Il arrive rarement, dit Valin, sur l'art. 13, des contrats à la grosse, de l'Ordonnance, que ce contrat ne détaille pas les risques, de même que la police d'assurance; mais enfin, si on y a manqué, il faut suivre les règles établies par eet art. 13, qui ont passé dans l'art. 528 du Code de commerce.

Si le tems des risques n'est pas réglé par le contrat à la grosse, dans le doute, il faut suivre ce que dit Pothier, n°. 32, et décider que l'argent est présumé donné pour l'aller et le retour. Ainsi, le risque court, à la charge du prêteur, jusqu'au retour du navire au port du départ.

$ 2.

Si le navire ne fait

point de retour.

« Cette présomption, observe Emérigon, est, en effet, analogue à la nature du contrat à re» tour de voyage, et à la pratique journalière. »

Mais notre auteur examine le cas où le navire qui fait l'objet du contrat à la grosse ne revient point au lieu de l'armement, et pense que la loi nouvelle, comme l'ancienne, n'ayant aucune disposition à cet égard, on devrait admettre pour le change maritime la même réduction que la loi a prescrite (art. 356), au sujet de la prime. Cependant, la jurisprudence est d'adjuger l'entier change maritime, malgré le défaut de retour du navire, et cette jurisprudence est fondée sur le principe que dès que le donneur a commencé à courir des risques, le profit maritime lui est dû en entier.

Ce principe que dès que l'assureur ou le prêteur a commencé à courir des risques, la prime ou le profit maritime est acquis, forme le droit commun en matière commerciale maritime. On a voulu le modifier et le faire fléchir seulement dans l'espèce, au sujet des assurances, mais on en cherche la raison; et les divers motifs qu'on en donne sont loin de satisfaire l'esprit et de répondre aux difficultés que fait naître la disposition exceptionnelle de l'art. 356 du Code de commerce. Disons donc que cette disposition exceptionnelle au droit commun ne saurait être appliquée que dans le cas pour lequel elle a été faite (l'assurance), et ne doit point s'étendre au contrat à la grosse.

Les pertes arrivées

SECTION II.

Contrats à la grosse pour un tems limité.

LES pertes qui arrivent dans le tems des risques sont à la charge du dondans le tems des ris- neur. Art. 11, titre des contrats à la grosse Loi 6, ff de naut. fæn. Kuricke, ques sont à la charge tit. 6, pag. 762. Pothier, no. 37, contrats à la grosse.

du donneur.,

Le risque cesse dès que le terme est arrivé.

$ 2.

Clause à tant pour eent par mois non excédant un an.

Tems du congé. $ 3.

Du navire dont

on n'a plus de nouvelles.

Mais, dès que le tems limité est passé, le risque cesse vis-à-vis du donneur, et le change maritime lui est définitivement acquis, quoique le navire soit encore en risque Post diem præstitutam, et conditionem impletam, periculum esse creditoris definit. Loi 4, ff de naut. fæn. Stypmannus, part. 4, cap. 4, no. 87, pag. 384. Pothier, n°. 36. Valin, art. 11, contrats à la grosse.

J'ai souvent vu des contrats à la grosse pour trois mois, et à prorata non excédant une année. Le terme est alors limité à un an, à l'échéance duquel le péril cesse vis-à-vis du donneur, à qui le capital et le change sont définitivement acquis.

Le congé est incapable de limiter le tems du risque vis-à-vis du preneur. Vile mon Traité des assurances, ch. 15, sect. 1, § 2.

Le navire dont on n'a plus de nouvelles est présumé être péri dans le tems

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