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même des choses. Il y a sous l'empire de la Providence une espece de nécessité : c'est celle qui existe entre les effets et les causes, entre les conséquences et les principes. C'est cette liaison secrette qui enchaîne tout dans l'ordre moral comme dans l'ordre physique, et qui fait que chaque chose existante a la raison suffisante de son existence. Delà ces paroles de Salomon, que ce qui est arrivé, arrivera, et que rien n'est nouveau sur le soleil. Delà ce mot de Leibnitz, que le présent est gros de l'avenir, ainsi que le passé a été gros du présent. On a aussi cité les paroles prophétiques de ce grand homme sur la révolution actuelle. « Je trouve, dit-il, que ces opinions (des impies) s'insinuant peu-à-peu dans l'esprit des » hommes du grand monde, qui reglent les » autres et dont dépendent les affaires, et se glissant dans les livres à la mode, dispo» sent toutes choses à la révolution générale dont l'Europe est menacée (1).» Mais il ne falloit pas être un aussi grand homme que Leibnitz pour tirer une pareille conséquence. Il ne falloit que consulter l'expérience de tous les âges et de toutes les nations. On auroit aussi, sans avoir la longueur de sa vue et la profondeur de son génie, prédire, comme lui, << que ces hommes qui se déchargent de l'im»portune crainte d'une providence surveil » lante et d'un avenir menaçant, lâchent la

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(1) Nouveaux essais sur l'entendement humain, ouvrage peu connu en France: composé au commencement de ce siecle, et qui ne se trouve point dans la collection de ses œuvres,

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bride à leurs passions brutales et tournent leur esprit à corrompre les autres, seront capables pour leur plaisir ou pour leur avan» cement, de mettre le feu aux quatre coins de la terre ». Parler ainsi, ce n'est pas prédire, c'est bien voir; ce n'est pas présager, c'est connoître le cœur humain et raisonner juste. C'est aussi dans ce sens que Bayle faisoit le prophete. « Si vous prophétisez, dit-il, qu'un état est à la veille d'une fâcheuse » révolution, à cause des vices énormes qui » y regnent, de l'athéisme, de l'impiété, des » blasphêmes, du luxe, des impudicités et des » injustices qui y dominent; vous avez raison. » Une prédiction bâtie sur ce fondement sera » demise.» (Cont. des pensées diverses, t. IV, pag. 200). Eh! quel est parmi nous l'homme sensé et prévoyant qui n'aie pas aussi prophé tisé? Quel est l'orateur sacré qui depuis trente ans n'aie pas annoncé les jours de deuil et de désolation, et ne se soit pas écrié avec Jérémie malheur à Samarie, malheur à Babylone, malheur à Jérusalem, malheur et malheur. Mais il ne falloit pas avoir le don de lire dans l'avenir, pour prévoir par l'état des choses et le renversement des principes, la destinée de la France. Il ne falloit pas une vue bien transcendante pour prédire qu'un gouvernement qui se vendoit aux philosophes, c'està-dire, aux ennemis de tout gouvernement, excepté du leur, devoir s'écrouler tôt ou tard: que l'oubli de la religion préparoit l'oubli de tous les devoirs, et que des progrès de l'impiété naissant la décadence totale des mœurs, de la décadence des mœurs devoit naître

infailliblement la ruine de l'état. Tous les sages le prédisoient. Mais les sages, dit Bossuet, sont-ils crus dans ces temps d'emportement et ne se rit on pas de leurs prophéties? On ne croyoit donc pas aux sages: on se moquoit sur-tout des prêtres; et ne pouvant pas alors les traiter d'allarmistes, on les traitoit de fanatiques et d'intolérans. Mais ce qu'il y a de plus étrange, c'est que maintenant même que nos prophéties ont été si littéralement et si horriblement accomplies, on feint de s'en moquer encore. Accablés par l'événement, les impies se relevent par l'impudence. Ils nous disent encore que tant de crimes et de malheurs sont l'ouvrage de nos préjugés et non de leurs maximes: de nos passions et non de leurs principes. Pressés de s'expliquer sur notre état présent, ils se sauvent dans l'avenir. Ils nous disent encore avec autant d'orgueil que de folie, qu'ils vont reconstituer la nature et récréer l'entendement humain, et que du fond de ce chaos où ils nous ont plongé, va sortir un monde nouveau tout rayonnant de gloire et de lumiere. Tant les hommes sont incorrigibles! tant il est vrai que l'expérience n'est rien pour eux ! mais si d'un côté les philosophes ont perdu le droit d'être crus, puisqu'ils nous ont si cruellement trompé, de l'autre nous avons toujours celui de prédire, puisque l'événement nous a si fort justifiés. Or, nous leur prédisons encore que cette même philosophie qui a fait tous nos malheurs présens, ne produira jamais notre prospérité future, et que des crimes de nos enfans ne pourront ja

mais naître les vertus de nos neveux. Nous leur prédisons qu'en voulant faire des Français un peuple de penseurs, ils n'en feront qu'un peuple dur, atroce et égoïste: qu'il pourra bien devenir l'effroi des nations par ses armes, mais que bientôt il en sera l'horreur par ses vices: que la paix ne lui sera pas moins funeste que la guerre, et que n'ayant plus rien à dévorer, il finira par se dévorer lui-même. Nous leur prédisons qu'un état qui a placé l'Etre-Suprême à la tête de sa constitution, comme un être sans conséquence, et ne tolere la religion qué comme un mal nécessaire ou un bien indifférent, ne peut pas subsister, et que semblable à la statue aux pieds d'Argile, eût-il la tête d'or, une seule pierre suffira pour la renverser. Ou plutôt, nous leur prédisons que la nécessité les rendra à la raison; qu'à force de malheurs ils deviendront plus sages, qu'honteux d'avoir exclus de leur gouvernement la source de toute morale, ils la rappelleront enfin comme la base du bonheur public: et nous finirons par leur rappeller encore cette autre prédiction du même Leibnitz, " » que si l'on se corrige de cette maladie d'esprit. » épidémique dont les mauvais effets commen

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cent à être visibles, ces maux seront peut-être » prévenus; mais que si elle va en croissant, la Providence corrigera les hommes par » révolution même qui en doit naître; car quoi » qu'il puisse arriver, tout tournera toujours » pour le mieux en général, au bout du compte, » quoique cela ne doive et ne puisse pas arriver » sans le châtiment de ceux qui ont contribué » même au bien par leurs actions mauvaises ».

Au rédacteur des Annales Catholiques.

De Kerns en Unterwalden, 3 avril 1797.

J'ai lu, monsieur, dans le No. 30 de vos Annales que j'avois recueilli, pour les prêtres déportés, plus de 1500 livres dans une seule petite ville protestante. Votre correspondant n'a pas été exact. Il est vrai qu'en voyant arriver de Lucerne dans notre canton, des prêtres vénérables par leur constance dans la foi, je tâchai d'en placer huit dans notre petit canton. J'en pris d'abord un tout au commencement, puis deux, et j'en ai encore un. Je priai plusieurs de mes concitoyens de se charger de quelques autres. Mais qu'étoit-ce pour tant d'indigens qui venoient de toutes parts? Aucun prêtre français n'osoit commencer la collecte. Mais lisant dans les lettres de St.-Paul, quel divin emploi c'est de faire pour des fidelles, sur-tout pour des généreux confesseurs de la foi une collecte de charité, je partis, muni de la seule permission de mon évêque de Constance, et d'une recommandation des évêques français qui se sont refugiés en Suisse. J'osai comme prêtre suisse, commencer le premier la collecte, comme j'avois été le premier en ce canton, à prendre chez moi un prêtre déporté que j'allai chercher moi-même à Lucerne. La premiere collecte que je fis en 1793 et 1794, fut tellement bénie de Dieu, que je trouvai en trois voyages plus de 300 louis d'or. Le plus que j'ai trouvé, c'a été à Berne. Ce qu'il y a à

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