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sitions étaient bienveillantes, et il eut plus d'une fois l'occasion de montrer que ses affections et ses compassions pouvaient s'étendre des individus aux masses, en sorte qu'il répandit ses bienfaits sur les peuples, comme il les avait répandus d'abord sur les courtisans; mais pendant longtemps sa douceur ne parut procéder que de faiblesse et de nonchalance. Cédant moins à l'amitié qu'à l'habitude, il s'abandonnait à un favori par qui il se laissait gouverner, à qui il ne savait rien refuser, et qu'il ne paraissait cependant pas regretter un seul jour quand il le perdait. Longtemps exilé de sa capitale, il ne chercha point à la remplacer par quelqu'une des autres grandes villes de ses États. Il évitait toutes les villes, il fixait son séjour dans quelque château, dans quelque site champêtre; il s'y dérobait autant qu'il le pouvait avec ses maîtresses, aux yeux de sa noblesse, à ceux des bourgeois, à ceux des soldats, et il y oubliait les affaires publiques et les troubles de son royaume (*). » Cette indolence de Charles VII fut longtemps le plus grand obstacle aux succès de ses armes, et ses mauvaises mœurs choquèrent toujours l'opinion publique. On peut en juger par le passage suivant d'un auteur contemporain: « Charles, ains qu'il eut paix au duc de Bourgogne, « menoit moult sainte vie, et disoit << ses heures canoniaux. Mais depuis « la paix faite audit duc, jà soit ce qu'il << continuast au service de Dieu, il s'ac<< quainta d'une jeune femme venue de petit lieu nommé Agnès, laquelle, depuis, fut appelée la belle Agnès, laquelle menoit un plus grand état <«< que la reine de France; et se tenoit << peu ou néant ladite reine Marie << avec le roi Charles, combien qu'elle « fùt moult bonne et très-humble dame, et, comme on disoit, moult «sainte femme.... Après laquelle « belle Agnès morte, le roi Charles acquainta en son lieu la nièce de la« dite belle Agnès, laquelle étoit femme << mariée au seigneur de Villequier,

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- (*) Histoire des Français, t, XIII, p. 10.

<< se tenoit son mari avec elle; et elle << étoit bien aussi belle que sa tante; <«< avoit aussi cinq ou six demoiselles « des plus belles du royaume, de petit << lieu, lesquelles suivoient ledit roi << Charles partout où il alloit, et étoient « vêtues comme reines (*). »

CHARLES VII (monnaies de).-Les monnaies de Charles VII sont toutes semblables à celles de Charles VI; ce sont des écus d'or, des francs à cheval, des royaux, des moutons, des chaires, des gros, des blancs, des tournois, des poieux, des liards, etc., ce qui fait qu'il est fort difficile de savoir auquel de ces deux princes il faut attribuer les espèces du quinzième siècle, marquées du nom de Charles. Nous ne reviendrons pas ici sur les espèces d'or du règne de Charles VII; nous en avons parlé avec assez de détail dans l'article que nous avons consacré aux monnaies de Charles VI. Nous nous contenterons de dire ici quelques mots des espèces d'argent et de billon.

Outre les blancs marqués de trois fleurs de lis et de l'écu de France, couronnés ou non, on attribue encore à Charles VII des pièces marquées d'un K, accosté de fleurs de lis et surmonté d'un diadème, d'un écusson de France placé entre trois demicompas, et accosté de trois couronnes ou d'une couronne et de deux briquets. Sur d'autres est figurée une grande croix, dont l'intérieur est orné d'une fleur de lis, et qui est contournée des lettres FRA C. Ces dernières pièces furent fabriquées à Tournay au commencement du règne de Charles VII, à l'imitation des plaques de Philippe le Bon, qui avaient cours en Flandre. Les petits tournois présentent tantôt des fleurs de lis et un K, tantôt trois fleurs de lis et une couronne, et d'autres combinaisons du même genre.

Charles VII, n'étant encore que dauphin, fit frapper des monnaies au nom de son père, et afin de les distinguer, il faisait mettre à la fin de la

(*) Jacq, du Clerq, t. XIV, c. 29, p. 131,

légende la première lettre du nom de la ville où la pièce avait été monnayée: ainsi les monnaies d'Orléans portaient un O, celles de Chinon un C, celles de Loches un L, celles de Bourges un B. Les pièces sorties de ce dernier atelier sont surtout remarquables, en ce que l'une d'elles porte BITVR en toutes lettres. C'était le fameux Jacques Cœur qui dirigeait alors l'atelier monétaire de Bourges, et l'on appela de son nom, gros de Jacques Coeur, les pièces ainsi marquées. Puisque nous avons parlé des lettres que Charles VII introduisit dans la légende pour distinguer les ateliers monétaires, nous dirons aussi en passant que c'est sous le règne de ce prince, ou sous celui de son père, que s'introduisit la coutume de placer sous les lettres de la légende des points nommés points secrets, servant à faire reconnaître de quel hôtel des monnaies sortait telle ou telle pièce. (Voyez, au surplus, l'art. MARQUES MONÉTAIRES.) Les malheurs qui affligèrent le royaume pendant la régence de Charles VII le forcèrent plus d'une fois à altérer les monnaies; ce furent ces circonstances qui, nous l'avons dit, déterminèrent aussi Charles VI et le roi d'Angleterre, Henri VIII, à faire frapper des saluts d'or; mais dès 1422, lorsque Charles VII monta sur le trône, il revint à la forte monnaie, et depuis cette époque il n'altéra plus les espèces.

CHARLES VIII, fils de Louis XI et de Charlotte de Savoie, né à Amboise le 30 juin 1470, succéda à son père le 30 août 1483. Sa sœur, Anne de Beaujeu, gouverna le royaume pendant sa minorité, et elle prouva, par sa fermeté et son énergie, qu'elle était digne d'être la fille de Louis XI. Le jeune roi commença seulement à l'âge de vingt ans à régner par lui-même.

Nourri de la lecture des romans de chevalerie, Charles VIII n'aspirait qu'à imiter les prouesses de Roland, de l'Amadis des Gaules et des paladins de Charlemagne. Une occasion se présenta. Louis le Maure, menacé par le roi de Naples, appelait les Français en Italie. Charles VIII résolut de profiter

de cette circonstance pour faire revivre les droits de la maison d'Anjou sur le royaume de Naples, dont il se prétendait l'héritier légitime. Déjà même il rêvait la conquête de Constantinople, l'expulsion des Turcs et le rétablissement de l'empire romain d'Orient.

Avant de quitter la France, il se hâta de signer avec ses voisins des traités funestes, pour acheter leur neutralité. Qu'importait au futur conquérant de Naples et de Constantinople la possession de quelques provinces telles que le Roussillon ou la Franche-Comté? Une fois assuré de n'être pas inquiété pendant son ab. sence, il passe les Alpes à la tête d'une armée peu nombreuse, mais bien disciplinée, et dont l'artillerie était la meilleure qu'il y eût en Europe. Il marche à l'aventure, sans argent, sans vivres, sans réserve. Le froid Comines ne peut s'empêcher de faire la remarque que cette guerre fut toute providentielle. Dès son arrivée à Asti, il manque d'argent pour solder ses troupes, et oblige la duchesse de Savoie d'engager ses diamants pour lui fournir les sommes dont il a besoin. Cependant tout lui réussit. Le duc de Milan l'accueille comme un allié; Pise se soulève à son approche et se donne à la France; à Florence, le gouvernement des Médicis s'écroule, et Charles VIII entre dans cette ville en triomphateur; à Rome, aucune résistance n'est organisée; le pape Alexandre VI se réfugie dans le château Saint-Ange, et livre aux Français le frère du sultan Bajazet, Gem, mais il le livre empoisonné; puis Naples se soulève contre ses rois, et Charles VIII y entre sans coup férir, le diadème au front et revêtu du manteau impérial. Déjà les Grecs se soulevaient de l'autre côté de l'Adriatique, à la nouvelle de l'approche des Français, lorsqu'une ligue générale contraignit Charles VIII à renoncer à ses projets de conquête et à quitter l'Italie. Le roi d'Espagne, Ferdinand le Catholique, l'empereur Maximilien, le pape, Venise, Milan même, s'étaient réunis contre lui. Ils s'oppo

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