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n'avait jamais été portée à un chiffre aussi imposant; il atteignait 26,000 hommes de toutes les armes; les arsenaux avaient reçu de larges approvisionnements; on faisait relever les fortifications dans la province de Rio Grande do Sul, à Matto Groño, et au Para; on avait engagé au Holstein, près de 2,200 hommes allemands surtout artilleurs, et quelques excellents officiers.

A la marine tout était en progrès aussi. En deux ans on avait fait l'acquisition de plusieurs frégates à vapeur de guerre, et de quelques corvettes à voiles; l'activité se faisait sentir dans tous les services; une administration aussi bien réglée fermait enfin des plaies jusqu'alors saignantes, car jusqu'alors la marine avait été singulièrement négligée, et il fallait de grands efforts pour la relever. Une bonne marine se crée avec difficulté ; mais elle se détruit avec une facilité étonnante. On pourrait dire qu'avant le ministère du 29 septembre 1848 le Brésil n'avait pas réellement de marine; mais cette année il en présentait une excellente et qui fit ses preuves à la Plata, où une trentaine de bâtiments à vapeur et à la voile soutinrent dignement l'honneur du pavillon brésilien.

A l'administration des affaires intérieures de police, de justice et de l'Église, le ministre M. Gueiroz, avait voulu prouver qu'il n'était pas moins habile administrateur, qu'orateur distingué. Une scrupuleuse surveillance, une probité inattaquable, une étonnante activité, avait été déployée par ce ministre, le plus jeune de tous ses collègues. Il avait réformé la garde nationale, l'administration de la justice, et celle des prisons; il avait poursuivi l'exécution du traité de septembre sur la traite des noirs avec une grande loyauté. On pouvait dire que la traite était condamnée au Brésil; mais ce résultat n'était pas dû aux efforts du gouvernement britannique, dont les actes violents ne faisaient que surexciter les justes antipathies de la nation. Cette loi de 1850 qui proclamait la traite acte de piraterie avait déjà pour effet, non pas sans doute d'éteindre, mais de restreindre sensiblement le commerce des esclaves dans l'Empire. La part prise par le gouvernement impérial dans la répression de cet infâme trafic avait été des plus loyales. Plus de cent facteurs portugais avaient déjà dû renoncer au commerce des noirs et un seul marchand d'esclaves, de la famille de Fonseca, avait per

du 81 navires par suite des opérations contre la traite. Cette perte de près de 5 millions subie par un seul négrier peut faire comprendre quel coup terrible a été porté par les escadres combinées à ce trafic de 30 millions de capital flottant qui étaient engagés dans le commerce des noirs et qui avaient dû refluer sur les banques de Lisbonne. Déjà les chefs indigènes d'Afrique commencent à trouver le commerce légitime plus avantageux que la traite, et les missionnaires n'étant plus paralysés par les influences de ces chefs, vont pouvoir propager les bienfaits du christianisme dans ces contrées. Disons donc avec le baron Olinda, ministre des affaires étrangères s'adressant au parlement brésilien : « On peut considérer la traite des noirs comme éteinte. »

Le ministère avait compris qu'en même temps qu'on mettait un terme à la traite, il fallait pour suppléer aux bras des nègres, qui manqueraient bientôt, des bras libres et européens; le système de colonisation devrait être double et comprendre l'un et l'autre élément; sans cela il serait incomplet, et il arriverait ce qui est déjà arrivé au Brésil, que la loi ne serait pas exécutée, car l'intérêt individuel des propriétaires qui ont leurs terres à cultiver, et qui font majorité dans le pays, trouverait moyen de l'annuler.

Aussi le ministère avait en 1850 proposé une loi de colonisation sous ce double point de vue. Rien ne prouvait mieux les progrès matériels et moraux du pays, que l'exposé du président du conseil des ministres. On améliorait partout les routes, qui existaient; on en ouvrait d'autres nouvelles, qui relieraient toutes les parties du pays; on commençait celle do Matto Groño, point intérieur jusqu'à Santaren, ville placée sur l'Amazone; une autre était dirigée de Coritiba à Saint-Paul jusqu'à l'Assomption, capitale du Paraguay; une compagnie s'était organisée pour un chemin de fer, qui relierait la capitale de l'empire, en traversant la province de Rio de Janeiro, aux provinces de Saint-Paul et Minas Geraes; beaucoup d'associations pour la navigation à vapeur des rivières intérieures s'étaient aussi organisées; en peu de temps on verrait le Mucury, qui pénètre au cœur du pays des diamants, l'Amazone avec tous ses tributaires, le Tocantins, Araguaya, Tapajoz, Blanco, et Solimaes; le Panama, le Paraguay, l'Uruguay,

et la Doce, tous ces immenses cours d'eau dont la navigation est si facile, traversés par des bateaux à vapeur, qui porteraient la vie et la civilisation aux peuples établis sur leur bords. Le gouvernement encourageait toutes ces entreprises.

A l'extérieur, le Brésil prenait enfin une place, qu'il aurait dû prendre plus tôt; M. Paulino Soares, homme d'Etat distingué, déclara que le gouvernement brésilien voyait avec douleur continuer dans la Plata, une guerre qui, en se perpétuant, était essentiellement nuisible aux intérêts de l'Empire. On avait exigé du général Oribe, commandant en chef de l'Etat Oriental, des satisfactions et indemnités pour les vols pratiqués par ses soldats aux frontières de Rio-Grande du Sud, et sur les propriétés des Brésiliens résidants à l'Etat Oriental. Enfin, le gouvernement brésilien s'était résolu à intervenir, si ces satisfactions et indemnités n'étaient pas données. Dans les chambres, l'opposition voulut attaquer le gouvernement sur les conséquences de cette immixtion politique. Mais MM. Carneiro Leaô et Paulino Soares au Sénat, et MM. Pereira da Silva, et Maciel Monteiro, défendirent avec talent la politique du ministère, et firent de si pressants appels au patriotisme des représentants de la nation que la discussion fut abandonnée.

Après la discussion des budgets, les Chambres votèrent une loi, fixant le sort du corps diplomatique brésilien, et établissant les catégories, les promotions, et les retraites; citons encore une autre loi sur l'instruction publique, primaire et secondaire, donnant au gouvernement droit de surveillance sur les établissements particuliers, et modifiant l'instruction supérieure des écoles de droit d'Olvida et Saint-Paul, ef des écoles militaires : une troisième loi définissant les crimes militaires, et en rendant la connaissance aux conseils de guerre ; la législation nécessitait cette réforme, surtout à l'approche d'une guerre, et quand des embaucheurs et des espions pouvaient compromettre l'intégrité de l'armée brésilienne.

La session du Parlement fut close le 13 septembre, après quatre mois et dix jours de travaux.

Cependant le gouvernement brésilien faisait partir pour BioGrande du Sud le général comte de Caxias avec une armée de 16,500

hommes; le général avait ordre d'entrer dans l'Etat Oriental et de tomber sur les troupes du général Oribe, aussitôt après que le général Urquiza se fut déclaré contre le dictateur de BuenosAyres, le général Rosas. Oribe n'ayant pas donné les satisfactions, qui avaient été exigées de lui par le chargé d'affaires du Brésil à Montevideo, M. Silva Pontes, le casus belli éclatait, et il fallait entrer en campagne.

Nous avons plus d'une fois exposé longuement l'origine des affaires de la Plata: on nous permettra donc de ne pas trop insister sur cette question bien connne.

Buenos-Ayres, on le sait, formait une vice-royauté, au temps de la domination espagnole ; quand les provinces de l'Amérique du sud se soulevèrent contre la métropole européenne, celle de l'Uruguay, qu'on appelle aujourd'hui Bande ou Etat Oriental, qui a pour capitale Montevideo, et qui est comprise entre l'Océan, les rivières de la Plata et de l'Uruguay, et la province Brésilienne de Rio-Grande du Sud, fut occupée par les troupes du Portugal et incorporée au Brésil, alors possession portugaise. Le Brésil, lors de l'indépendance, se trouva comprendre une province de mœurs, d'habitants, de race espagnole; mais en 1825, une révolte soutenue par le général Lavallega éclata dans cette province, et Buenos-Ayres entra en guerre avec le Brésil de concert avec les révoltés pour faire restituer aux Etats de la Plata cette province arrachée en 1817.

Après une guerre de trois ans, l'Angleterre intervint, et le Brésil dut abandonner la province de l'Uruguay, avec cette condition qu'elle ne fût pas annexée à la Confédération argentine, mais qu'elle formât un Etat indépendant sous une constitution républicaine approuvée par lui. Ces conditions furent la base du traité de paix d'août 1828 entre le Brésil, Buenos-Ayres, l'Etat Oriental, et l'Angleterre.

La Confédération ne put voir avec plaisir cette province indépendante; aucun gouverneur de Buenos-Ayres n'osa cependant faire quelque tentative pour l'annexer avant le général Rosas, qui commença cette œuvre avec une incroyable habileté, et en se servant des ressources les plus déliées de la diplomatie.

Il ne fit qu'apporter des obstacles au gouvernement du premier

président de l'Etat Oriental, Don Fructo Rivera, qui accordait des secours et des encouragements aux révoltés. Lavallega et autres, n'ayant rien obtenu par là, Rosas s'adressa au second président, le général Oribe, qui embrassa ouvertement sa cause, restreignit la liberté de la presse, entrava par des règlements prohibitifs, le commerce des ports maritimes de l'Etat Oriental au profit de Buenos-Ayres, et commit tant d'attentats, qu'une révolution éclata contre le président. Celui-ci donna sa démission, et abandonna le pouvoir, se soumettant aux conditions qu'on lui imposait.

Don Fructo revint au pouvoir; alors le général Rosas leva le masque, et fit franchement la guerre à l'Etat Oriental, en nommant Oribe commandant en chef de ses troupes; puis il traversa l'Uruguay, et marcha sur Montevideo. Cette guerre durait depuis onze ans ; la France et l'Angleterre avaient plus d'une fois voulu la finir, en pratiquant une intervention armée, et n'avaient pu atteindre leur but: l'Angleterre, après quelques échecs diplomatiques, avait abandonné la question, et la France se trouvait seule engagée; le gouvernement français avait mieux aimé faire un traité avec Rosas, en lui abandonnant Montevideo, que de continuer une intervention inutile et onéreuse; un traité avait été arrêté par l'amiral Lepre dour, et il n'y manquait que l'approbation de l'Assemblée nationale et la ratification du gouvernement français, quand le gouvernement brésilien, de concert avec le général Urquiza, et le général Viravoro s'arma contre Rosas, et lança une armée dans l'Uruguay.

L'armée brésilienne n'eut pas à combattre; mais la flotte de l'Empire, forte de 32 navires de guerre, sous le commandement du vice-amiral Grenfell, se rendit maîtresse des rivières, et défendit toute communication entre Rosas et Oribe. Le général Urquiza, qui allait en avant, trouva partout des adhésions, et Oribe fut successivement abandonné de toutes ses troupes, sans pouvoir présente le combat. Urquiza et le général brésilien entrèrent à Montevideo, et l'Etat Oriental fut en moins d'un mois délivré des troupes argentines.

Le gouvernement brésilien avait stipulé à l'avance des traités avec l'Etat Oriental, Urquiza et le Paraguay comme récompense

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