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le général Callado, enlevèrent la ville d'assaut et mirent un terme à la révolte. Mais, en se retirant, les insurgés, composés en grande partie de nègres affranchis, avaient mis le feu à cette malheureuse cité dont une cinquantaine de maisons devinrent la proie des flammes.

Pendant le sac de Bahia qui, dit-on, fut affreux, la corvette française la Sapho, dont le commandant et l'équipage étaient descendus à terre, pour protéger les habitants contre les excès de la soldatesque, reçut à son bord tous ceux de nos compatriotes et autres résidents étrangers qui lui demandèrent un refuge.

Comprimée à Bahia, l'insurrection continua à désoler la province de Rio-Grande où tous les efforts du gouvernement ne purent l'étouffer. Sur ce point, les espérances et le courage des rebelles avaient été ranimés par le retour, dans leurs rangs, de leur ancien chef, Bento Gonsalvez qui, long-temps retenu comme prisonnier d'État à Bahia, avait pu s'évader des cachots de cette ville à la faveur des troubles qui venaient de la désoler. Bento Gonsalvez conduisit ses partisans contre les troupes impériales qu'ils défirent dans plusieurs rencontres, et la province demeura, pendant le reste de l'année, livrée à tous les fléaux de l'anarchie. Cependant le discours par lequel, le 5 mai 1838, le régent ouvrit le congrés brésilien, était loin de révéler un si déplorable état de choses. Ce document respirait, au contraire, un calme et une assurance qui contrastaient étrangement avec la situation des affaires publiques.

« Nos relations amicales avec les puissances étrangères n'ont, disait le régent, éprouvé aucune altération, et des mesures ont été prises par le Gouvernement pour prévenir une mésintelligence avec le pape; mesures qui ne sauraient compromettre la dignité de la couronne. Cette affaire du reste présente un aspect qui est loin d'être décourageant. La loi reprend son autorité dans toutes les parties du territoire où elle l'avait perdue, et le Gouvernement, avec l'aide de la Providence et l'assistance des vrais Brésiliens amis de leur pays et de la liberté, a l'espérance de mettre bientôt un terme aux dissentions intestines. La situation de nos finances et de notre circula

tion monétaire réclame des mesures promptes et efficaces. L'armée et la marine ont rendu d'éminents services pour le maintien de l'ordre et de la liberté; elles en rendront bien plus encore quand leur organisation sera achevée et que la discipline sera bien organisée. La tranquillité publique et la sécurité individuelle réclament une prompte révision de notre Code penal.

Le régent terminait en disant que le Brésil attendait des représentants de la nation, qu'ils prendraient des mesures pour consolider le trône, l'intégrité de l'empire et les institutions politiques qui le régissaient.

Vers cette même époque, la France, invoquant l'article 8 du traité d'Utrech, qui fixait les limites entre les territoires français et portugais dans cette partie du monde, envoya quelques forces pour prendre possession de Mapa, petite île située au nord de la rivière des Amazones, et d'où nos compatriotes entretenaient des communications régulières avec Cayenne. Cette prise de possession et les rapides développements de la nouvelle colonie,excitèrent la susceptibilité jalouse de la Grande-Bretagne dont les journaux poussèrent les hauts cris contre la France qui, disaient-ils, s'emparait, en pleine paix, d'un territoire qui ne lui appartenait qu'en vertu d'une fausse interprétation d'un traité tombé en dessuétude. Les publicistes anglais soutenaient, en outre, que l'article 107 du traité de Vienne et un article du traité de Paris, avaient virtuellement abrogé les conventions antérieures par lesquelles la France prétendait légitimer son usurpation.

Enfin, pendant le cours de l'été de 1828, M. Pedro de Aranjo Lima, fut nommé régent de l'empire, à la majorité de 3,300 voix contre 1,700 accordées à son compétiteur M. Cavalcanté.

BUENOS-AYRES.

Depuis quelques temps, le gouvernement de BuenosAyres exerçait une sourde et cruelle persécution contre les Français résidents dans cette république. Irrité, sans doute, des égards que la France témoignait à son antagoniste, le

général Santa-Cruz, Rosas, président de la république argentine, faisait peser un joug odieux sur nos compatriotes. Par exemple, il avait fait périr dans les fers un imprimeur français, M. Bacle, sans que personne, à Buenos-Ayres, pas même le consul de France, pût deviner la cause de cette barbare et arbitraire détention. De plus, le général Rosas avait la singulière prétention de déclarer naturalisés et soumis, par ce fait, au service militaire, tous les étrangers qui avaient résidé trois ans dans la province de la Plata, s'y étaient mariés, y exerçaient une industrie où y possédaient des immeubles.

Vainement les ministres de France et d'Angleterre s'étaient-ils souvent élevés contre ce principe, dans lequel ils voyaient un attentat à la nationalité de leurs pays respectifs. Rosas n'en persistait pas moins à vouloir exercer ce prétendu droit à l'égard des résidents étrangers, et surtout des Français qu'il honorait d'une persécution toute particulière.

C'est dans cet état de choses que le consul français. M. Roger, reçut de son Gouvernement l'ordre de protester énergiquement contre les prétentions du chef buenosayrién et de demander ses passeports, dans le cas où il ne serait pas fait immédiatement droit à ses réclamations.

Rosas ayant résisté aux représentations du cabinet des Tuilleries, le drapeau français cessa de flotter sur la maison consulaire, et M. Roger rompit tout rapport avec les autorités de la république. Enfin les choses en vinrent au point que le ministère dût ordonner au contre-amiral Leblanc, commandant la station du Brésil, de se rendre devant Buenos-Ayres, pour y faire respecter les droits de la France, par tous les moyens qu'il jugerait convenable d'employer. L'escadre de cet officier étant arrivée à l'embouchure de la Plata, et l'amiral ayant inutilement demandé à Rosas des explications catégoriques, le blocus des ports de la république argentine fut notifié, le 28 mars, au gouvernement de Buenos-Ayres et à tous les agents étrangers résidants

dans cette capitale. Toutefois, l'escadre française, qui se composait alors de quatre bâtiments, le d'Assas, la Camille l'Expéditive et l'Allerte, ne s'opposa point à ce que les paquebots du gouvernement anglais entrassent dans le port, à la condition néanmoins qu'ils n'y introduiraient aucune marchandise soumise aux droits de douane. L'amiral publia, en même temps, un ordre du jour dans lequel il recommandait à son escadre une sévère discipline et la plus rigoureuse surveillance à l'égard du blocus, aussi long-temps que le gouvernement buenos ayrien n'aurait pas fait droit aux griefs de la France.

Il faut remarquer qu'avant de recourir à cette extrémité, l'amiral avait, entre autres voies de conciliation, proposé au gouvernement argentin de laisser à un plénipotentiaire de son choix, le soin d'aller résoudre, contradictoirement avec le cabinet français, la question qui divisait les deux États, mais il exigeait qu'en attendant la solution de cette affaire, les Français résidants dans la républiqué y fussent traités comme l'étaient les étrangers les plus favorisés.

Ces conditions, dictées par un sentiment de justice et peut-être aussi de commisération pour les difficultés de toute espèce qui assiégeaient un Etat aux prises avec la famine et attaqué d'un côté par le général Santa-Cruz, de l'autre par les Indiens, et de plus, maritimement bloqué par nos forces; ces conditions, disons-nous, furent sinon rejetées, du moins éludées par l'opiniâtreté de Rosas, Dès ce moment le blocus fut poussé avec une extrême vigueur,

De son côté, le président faisait des préparatifs militaires pour armer une flotille, et publiait une proclamation dans laquelle ilmettait naturellement tous les torts du côté de la France; enfin, il convoquait, pour le 29 mai, une réunion extraordinaire de la Chambre des députés, à l'effet de pren dre en considération l'état du pays. Il informait par (un message spécial, la représentation nationale que le moment était arrivé pour elle, de décider « si la confédération ar

»gentine devrait, oui ou non, au prix de tous les sacrifices, » sans en excepter même celui de la vie, tenir le ser» ment sacré qu'elle avait fait devant Dieu et devant les >> hommes, de défendre, à tous hasards, la dignité, la » souveraineté et l'indépendance du pays, injustement at» taquées aujourd'hui par les prétentions du consul et du >> contre-amiral français. »

En réponse à cette communication, la Chambre déclara : « 1° qu'elle approuvait en tous points la conduite du gouverneur; 2° que le pouvoir exécutif devait continuer à agir dans cette importante affaire, comme l'exigeraient l'honneur et les intérêts de la nation; 3o enfin, qu'il lui était enjoint de réclamer, en temps opportun, de S. M. le roi des Français, une complète réparation de l'insulte faite à l'honneur de la confédération argentine, et une indemnité pour les pertes que le blocus aurait occasionnées à ce pays.>>

Tous les moyens de transaction ayant été épuisés par le contre-amiral Leblanc, notre consul, M. Roger, se retira à Montevideo, et la guerre fut formellement déclarée au gouverner ent de Buenos-Ayres.

URAGUAY.

Pendant tout le cours de 1838, la guerre civile continua de désoler cette province. Le 15 juin, le général FructuosoRiveras défit le président Oribe, et menaça la capitale. Après cet échec, Oribe fut obligé d'abdiquer la présidence où il fut remplacé par le général Lavalleja. Alors on essaya de négocier avec le chef victorieux auprès duquel on envoya une députation; mais cette démarche demeura sans résultat, et les troupes de Riveras investirent la capitale, qui se trouva bientôt réduite à la dernière extrémité,

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