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rétrocession ont été analysées dans le rapport d'experts, que ceux-ci ont dû avoir sous les yeux des actes la constatant;

Attendu, du reste, que les époux Gogot et Puech, pour faire repousser cette revente, demandent à n'invoquer que les moyens soulevés sur le premier point; qu'il y a lieu, dès lors, pour les motifs déjà énoncés, de rejeter leurs conclusions et d'admettre celles de l'administration de l'Enregistrement;

Sur le troisième point :

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Attendu que l'art. 22 de la loi du 22 frimaire an VII décide qu'il ne pourra être fait usage en justice d'actes non enregistrés, sans les soumettre à cette formalité, tout au moins en même temps que l'acte qui les mentionne ;

Attendu qu'il est constant que les actes énumérés dans les contraintes précitées ont été produits devant des experts; que la production devant experts est l'usage qui donne lieu à la perception des droits; que c'est à tort que les époux Gogot soutiennent que ces actes doivent bénéficier de la disposition de l'art. 537, C. proc. civ. qui exempte d'enregistrement les quittances des fournisseurs, ouvriers, maîtres de pension et autres de même nature produites à l'appui d'un compte ;

Attendu que ce texte s'applique uniquement aux redditions de comptes proprement dits rendus par des personnes chargées d'une gestion pouvant être qualifiées de comptables; qu'il est inapplicable aux quittances produites en justice à l'appui d'une demande ou d'une action quelconque ; que dans l'espèce sur laquelle les experts ont eu à prononcer il n'y avait pas reddition de compte, mais liquidation d'une société et règlement des droits de divers cohéritiers ; que, dès lors, le texte de loi invoqué ne peut être appliqué pas plus que la prescription dont entendent se prévaloir les époux Puech;

Sur le quatrième point:

Attendu que le jugement du tribunal de Cosne du 18 juillet 1888 n'a pas été soumis à la formalité de l'enregistrement à défaut par les parties d'avoir consigné le montant des droits auxquels il donnait ouverture entre les mains du greffier, et que les époux Gogot offrent, d'ailleurs, de les acquitter, disant que, s'ils ne l'ont pas fait, c'est parce que le receveur voulait percevoir sur le jugement les droits afférents aux actes produits;

Attendu que, comme le demande l'Administration, il y a lieu de joindre les deux instances liées par les oppositions aux contraintes de 1885 et 1890; Par ces motifs,

Statuant par un seul et même jugement, le tribunal joint les deux instances, reçoit, en la forme, les époux Gogot et Puech opposants aux contraintes; au fond, les déclare mal fondés en leur opposition et les en déboute;

Dit que, dans la quinzaine de la signification du présent jugement, les consorts Gogot seront tenus de présenter à l'enregistrement, au bureau de Cosne ou dans un autre bureau de l'enregistrement de l'arrondissement de Cosne qui leur plaira : 1o l'acte de vente d'octobre 1863 du Petit-Crézan, par Thibault à Petit et Aufort; 2o l'acte de rétrocession du mème domaine, à ce dernier, par Petit; 3° les divers documents dont se sont servis les experts, mentionnés à leur rapport; 4° le jugement du tribunal de céans, du 18 juillet 1888;

Dit qu'à défaut de ce faire, lesdits mariés Gogot et Puech seront passibles des droits arbitrés pour ces divers actes par l'administration de l'Enregistrement, s'élevant à 27.378 fr. 75; les condamne solidairement aux dépens.

La dame Puech-Petit, assistée et autorisée de son mari, a déféré cette décision à la Cour de cassation pour :

1. a) Violation de l'art. 7 de la loi du 20 avril 1810 et des principes en matière de perception de droits d'enregistrement, en ce que le jugement attaqué, pour condamner l'exposante à payer à l'administration de l'Enregistrement deux sommes, l'une de 16.000 fr., l'autre de 8.000 fr. montant des droits dus pour deux prétendues mutations, s'appuie sur un contrat dont elle ne définit le caractère que d'une manière contradictoire ;

b) Violation du même texte et des art. 12, 23 de la loi du 22 frimaire an VII, 1353, C. civ., en ce que ledit jugement, pour établir la réalité des prétendues mutations, s'est appuyé, non pas sur des pièces pouvant être qualifiées «< actes » dans le sens de la loi fiscale, mais sur des phrases détachées d'un rapport d'experts et des notes informes fournies par les parties à l'appui d'un compte de liquidation, ou même sur une opinion prêtée aux parties par les experts; 2o Violation des art. 23, 29, 68, 69 de la loi du 22 frimaire an VII, 537, C. proc. civ., et 7 de la loi du 20 avril 1810, en ce que le jugement attaqué, considérant à tort comme des actes - des pièces qui ne constituent, tout au plus,, que des écrits, a condamné l'exposante à payer une somme de 3.000 fr. si elle ne les présentait pas à la formalité de l'enregistrement, et, cela, alors que ces pièces étaient produites dans une instance en reddition de compte et sans, d'ailleurs, indiquer le droit afférent à chacune d'elles ;

3o a) Violation des art. 1148 et 1172, C.civ., en ce que le jugement attaqué a décidé que l'exposante serait tenue de payer une somme dans le cas où un tiers ne produirait pas certains actes et documents, et ainsi prononcé contre elle une condamnation éventuelle pour l'inexécution d'une obligation qu'il n'est pas en son pouvoir de remplir;

b) Violation des mêmes textes et de l'art. 23 de la loi du 22 frimaire an VII et 7 de la loi du 20 avril 1810, en ce que le jugement attaqué n'a pas constaté, à l'appui de la condamnation qu'il prononce, que l'exposante ait fait usage en justice des actes dont il s'agit ;

4° Violation de l'art. 64 de la loi du 22 frimaire an VII, en ce que le jugement attaqué déclare les époux Puech passibles des droits réclamés, bien qu'aucune contrainte n'ait été décernée contre Mme Puech;

5° Violation des art. 57 de la loi du 28 avril 1816, 61 de la loi du 22 frimaire an VII et 14 de la loi du 16 juin 1824 et du principe de la personnalité des peines, en ce que le jugement valide, à l'égard de l'exposante, la contrainte signifiée le 12 juin 1890, alors que cette contrainte comprend des droits en sus réclamés pour actes produits en cours d'instance, c'est-à-dire par application de l'art. 57 de la

loi du 28 avril 1816, droits qui, en les supposant exigibles, étaient éteints 1o par l'effet de la prescription biennale; 2o par suite du décès de la personne qui les avait encourus;

60 Violation de l'art. 31 de la loi du 22 frimaire an VII et de l'art.7 de la loi du 20 avril 1810, en ce que le tribunal a condamné l'exposante à payer les droits d'enregistrement du jugement dont s'agit, sans établir qu'elle profitait de ce jugement, alors que les droits de jugement ne sont dus que par les parties qui tirent profit des condamnations;

70 Violation des art. 31 et 32 de la loi du 13 brumaire an VII et de l'art. 76 de la loi du 28 avril 1816, en ce que le jugement attaqué valide la contrainte qui réclame des droits et amendes de timbre sans que les contraventions alléguées aient été préalablement constatées par un procès-verbal;

80 Violation de l'art. 1er no 5 de la loi du 28 février 1872 et 7 de la loi du 20 avril 1810, en ce que le jugement a validé la contrainte relativement au droit gradué de partage sans établir que ce droit était calculé sur l'actif net partagé ;

9° Violation de l'art. 1202, C. civ., en ce que le jugement attaqué a prononcé une condamnation solidaire aux dépens en dehors des cas prévus par la loi ;

10° Violation des art. 141, C. proc. civ., 65 de la loi du 22 frimaire an VII,17 de la loi du 23 ventôse an IX et 7 de la loi du 20 avril 1810, en ce que le jugement attaqué ayant été rendu sans qu'il y ait eu signification respective de mémoires entre la Régie et l'exposante, le tribunal n'a pu avoir une connaissance suffisante du litige.

Ce pourvoi a été admis par la Chambre des requêtes. Nous extrayons de la défense présentée par l'Administration devant la Chambre civile les développements relatifs au 5e moyen (dernière branche) ainsi qu'aux 6° et 7e moyens.

5o MOYEN, 2° et 3o BRANCHES.

XXI. Cette seconde branche du moyen se fonde, pour repousser l'exigibi lité des droits en sus, sur ce que cette pénalité aurait été encourue par Mme Puech mère, qui était décédée avant le jugement attaqué et dont le décès a été notifié à l'Administration par l'acte de reprise d'instance du 21 décembre 1890.

La Direction générale ne méconnaît nullement le principe de la personnalité des peines, dont le pourvoi tire argument, mais elle prétend que les conditions requises pour son application ne se rencontrent pas au cas particulier.

Les droits en sus réclamés aux termes de la contrainte validée par le tribunal comprennent: 1 ceux afférents aux actes produits devant les experts sans avoir été préalablement enregistrés; 2° ceux exigibles sur le jugement lui-même, pour défaut d'enregistrement dudit acte dans le délai légal.

XXII. L'art. 23 de la loi du 22 frimaire an VII dispose qu'il ne pourra être fait aucun usage en justice d'actes sous seings privés qu'ils n'aient été

préalablement enregistrés et l'art. 57 de la loi du 28 avril 1816 prononce la pénalité du droit en sus, pour production en cours d'instance d'un acte non enregistré. Ces dispositions sont ainsi conçues :

Loi du 22 frimaire an VII, art. 23:

<< Il n'y a point de délai de rigueur pour l'enregistrement de tous autres actes que ceux mentionnés dans l'article précédent, qui seront faits sous si: gnature privée, ou passés en pays étranger et dans les îles et colonies françaises où l'enregistrement n'aurait pas encore été établi; mais il ne pourra en être fait aucun usage, soit par acte public, soit en justice, ou devant toute autre autorité constituée qu'ils n'aient été préalablement enregistrés ». Loi du 28 avril 1816, art. 57:

« Lorsqu'après une sommation extrajudiciaire ou une demande tendant à obtenir un payement, une livraison, ou l'exécution de toute autre convention dont le titre n'aurait point été indiqué dans lesdits exploits, ou qu'on aura simplement énoncée comme verbale, on produira, au cours d'instance, des écrits, billets, marchés, factures acceptées, lettres ou tout autre titre émané du défendeur, qui n'auraient pas été enregistrés avant ladite demande ou sommation,le double droit sera dù et pourra être exigé ou perçu lors de l'enregistrement du jugement intervenu. »

L'usage en justice d'actes non enregistrés est prohibé par ces textes en des termes à peu près identiques : « Il ne pourra être fait usage », dit l'article 23 de la loi de frimaire ; « lorsqu'on produira. . . . des écrits », porte l'article 57 de la loi de 1816. Or le premier de ces articles est depuis longtemps entendu en ce sens qu'il vise le plaideur qui fait usage ou au nom duquel il est fait usage d'actes en justice et non pas son mandataire, même légal. La Cour de cassation a statué en ce sens que lorsqu'un époux ne figure à une instance que comme mari et pour autoriser sa femme, les droits des actes sous seing privé dont il aurait été fait usage au cours de cette instance ne peuvent être réclamés qu'à la femme à l'exclusion de son mari (Req., 6 novembre 1827; Dall. Rép., no 4982, note 3). Cette décision est motivée sur ce que « l'article 23 de la loi du 22 frimaire an VII contient bien la prohibition de faire aucun usage public d'actes non enregistrés, mais que la peine de l'infraction de cette prohibition n'est pas prononcée contre les particuliers qui auraient fait cet usage dans un intérêt qui ne leur est pas personnel ».

On doit reconnaître de même que l'article 57 de la loi de 1816 punit du droit en sus le plaideur qui fait la production prohibée ou au nom et pour le compte duquel elle est faite. Or ce n'est pas Mme veuve Petit qui était partie au procès dans le cours duquel la production a eu lieu, mais bien Mme Puech, sa fille, encore mineure au début de l'instance, pour laquelle elle agissait en sa qualité de tutrice et qui était l'unique héritière de M. PetitSoleil fils afné contre lequel l'action en reddition de compte avait été originairement intentée.

Le jugement du tribunal de Cosne du 5 avril 1882 est rendu entre la dame Marie Petit, femme Gogot, et « la dame Constance Mathilde Lambert, veuve du sieur Petit fils aîné, au nom et comme lutrice naturelle et légale de Marie-Anne-Blanche Petit, sa fille mineure . ... ».

Le rapport d'experts du 26 novembre 1883, qui constate la production, reproduit les mêmes qualités. Mme veuve Petit n'y est visée que comme agissant au nom de sa fille mineure.

Le 26 juillet 1884, cette dernière, née à la Charité le 26 juillet 1863, était majeure. Aussi le jugement du tribunal de Cosne du 18 juillet 1888, sur l'instance en reddition de compte, exprime-t-il qu'il est rendu entre Mme Petit, femme Gogot, et « la dame Marie-Anne-Blanche Petit, femme Puech ». Mme veuve Petit mère n'y figure plus.

Mme Puech a donc toujours été, depuis la mort de son père, seule dans l'instance, soit en personne, soit représentée par sa tutrice, en face des époux Gogot, et c'est elle personnellement qui était débitrice des droits simples et en sus dus sur les actes produits, droits exigibles seulement, aux termes de l'article 57 précité, lors de l'enregistrement du jugement, c'est-àdire postérieurement au 18 juillet 1888.

Elle était majeure depuis près de quatre ans lorsque ces droits sont devenus exigibles. Elle est donc mal venue à se prétendre étrangère à cette dette.

Il importe peu, d'ailleurs, que la production ait été faite, avant sa majorité, non par elle personnellement, mais par sa mère, en son nom. Alors même que la pénalité eût été exigée dès l'instant même de la production, elle était encourue, non par la tutrice mandataire légale, mais par la mandante. L'application littérale des textes de loi reproduits ci-dessus conduit nécessairement à cette conclusion qui est en complète harmonie avec les règles générales de la législation fiscale.

Il est de principe, en effet, que, en matière de contravention aux lois fiscales, l'amende est encourue nonobstant la bonne foi des parties (Cass. req., 30 janv. 1867, S. 67. 1. 179, et 18 nov. 1878, S. 79. 1. 81).

La Chambre civile a jugé, dans cet ordre d'idées, le 10 novembre 1874 (Bull. civ. 128; S. 75. 1. 132), que lorsqu'une déclaration de succession a été passée par le mari, administrateur légal, au nom de sa femme, cette circonstance n'a pas pour effet de déplacer la responsabilité encourue pour insuffisance commise dans ladite déclaration et que le droit en sus est dû par l'héritière, c'est-à-dire par la femme, et non par son mandataire légal. Plus récemment la même Chambre a décidé que l'ancien possesseur est tenu personnellement du droit en sus encouru pour mutation secrète d'immeubles, alors même que la vente a eu lieu par mandataire. C'est vainement, dit la Cour, que l'ancien possesseur « excipe de ce que c'est par l'entremise de son mandataire que la vente a eu lieu et de ce que, si celui-ci a commis un délit fiscal en ne présentant pas le titre de la mutation dans le délai légal à la formalité, c'est lui seul qui doit acquitter ce droit en sus, le mandant ne pouvant être rendu responsable du fait qui rend cette peine applicable. >> (Arrêt du 27 nov. 1895; Dall. pér., 96. 1. 521).

Ce principe est de tous points applicable à l'espèce actuelle.

XXIII. Quant aux droits en sus, encourus pour défaut d'enregistrement du jugement du 18 juillet 1888, il n'est pas contestable qu'ils sont dus personnellement par Mme Puech, qui était majeure en 1888 et qui figure seule, avec les époux Gogot, audit jugement auquel Mme veuve Petit, sa mère, est restée complètement étrangère.

6o MOYEN.

Violation de l'art. 31 de la loi du 22 frimaire an VII et de l'art. 7 de la loi du 20 avril 1810.

XXIV. L'art. 31 de la loi du 22 frimaire an VII est ainsi conçu : « Les droits des actes civils et judiciaires emportant obligation, libération ou translation de propriété ou d'usufruit de meubles ou immeubles seront supportés par les débiteurs et nouveaux possesseurs et ceux de tous les autres actes le seront par les parties auxquelles les actes profiteront lorsque, dans ces divers cas, il n'aura pas été stipulé de dispositions contraires dans les actes. >>

Le pourvoi se fonde sur ce texte pour soutenir que les droits d'enregistrement d'un jugement ne peuvent être réclamés qu'aux parties qui profitent de cette décision.

Il paraît inutile, au cas particulier, de rouvrir la controverse à laquelle l'interprétation de l'article précité a donné lieu,

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