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sur Hambourg et la Westphalie; Klenau fut détaché sur Dresde. Les Français trouvèrent à Weissenfels Bertrand, qui était tenu en échec par Giulay, maître de Naumbourg. Alors ils se porèrent rapidement sur Freybourg, pour éviter un combat; puis, contenant par des arrière-gardes les Prussiens au delà de l'Unstrutt, et les Autrichiens sur la Saal, ils gagnèrent rapidement Erfurth. On y apprit que les Bavarois, s'étant joints aux Autrichiens et formant cinquante mille hommes, commandés par Wrède, venaient de s'établir à Hanau. Après un jour de repos on quitta Erfurth [25 oct.]. Macdonald, Victor, Sébastiani, marchaient en avant; Marmont, Ney, Augereau, au centre; Bertrand et Mortier venaient en arrière. Murat abandonna l'armée et s'en retourna à Naples : il négociait déjà avec l'Autriche.

L'armée arriva près de Hanau. Il fallait forcer un défilé le long de la Kintzig, à travers une forêt, et en quelques heures; car Blücher filait à gauche par les sources de la Nidda, et Schwartzemberg à droite par les montagnes de la Franconie. Napoléon battit l'avant-garde ennemie, arriva au débouché de la forêt, et trouva toute l'armée bavaroise en bataille, la droite appuyée à Hanau et couverte par quatre-vingts canons; il la culbuta de toutes parts, lui fit perdre dix mille hommes, et la rejeta au delà de la Kintzig [30 octobre]. Alors il passa avec l'avant-garde et le centre. Wrède revint sur l'arrière-garde, mais Bertrand le battit de nouveau et le rejeta sur le Mein.

Le 2 novembre toute l'armée, réduite à soixante mille hommes, avait passé le Rhin. Nos malheureux débris s'entassèrent dans les hôpitaux, où le typhus se déclara et enleva trente mille hommes en six semaines. Les alliés suspendirent leurs opérations pour préparer l'invasion de la France.

« La campagne de 1813, dit Napoléon, sera le triomphe du courage inné dans la jeunesse française, celui de l'intrigue et de l'astuce dans la diplomatie anglaise, celui de l'impudeur dans le cabinet autrichien; elle marquera l'époque de la désorganisation des sociétés politiques, celle de la grande séparation des peuples avec leurs souverains, enfin la flétrissure des premières vertus militaires, la fidélité, la loyauté, l'honneur. » Défection d'York qui livre le Niemen, de Bulow qui livre l'Oder, de Schwartzemberg qui livre la Vistule; trahison de l'Autriche au congrès de Prague, trahison des Saxons à Leipzig,

trahison des Bavarois à Hanau : voilà à travers quels obstacles l'armée française a été ramenée sur le Rhin par l'Europe confédérée.

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§ X. CAPITULATION DES PLACES.

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OPERATIONS SUR LE BAS ELBE.

- INSURRECTION DE LA HOLLande. OPÉRATIONS EN ITALIE ET SUR LES PYRÉNÉES. Napoléon avait laissé plus de cent mille hommes dans les places de la Vistule, de l'Oder et de l'Elbe, vieux soldats qui manquèrent à la France dans ses revers. Saint-Cyr, assiégé dans Dresde avec trente mille hommes, montra peu de résolution, et, après avoir essayé vainement de se faire jour jusqu'à Davoust en réunissant les autres garnisons de l'Elbe, il capitula sous condition que son armée serait conduite en France et ne servirait qu'après échange [11 novembre]. Cette capitulation fut indignement violée par les Autrichiens, et l'on retint prisonnière la garnison de Dresde: depuis l'assassinat de nos plénipotentiaires à Rastadt, il n'y avait plus de droit des gens pour la France. Stettin capitula le 5 décembre après neuf mois de blocus, Zamosc le 22, Modlin le 25, Torgau le 26. Cette dernière ville, encombrée de vingt-sept mille malades, se rendit sous condition que les non-combattants seraient conduits en France la capitulation fut violée. Dantzig, où Rapp s'était défendu avec héroïsme pendant un an, capitula le 29 sous les mêmes conditions que Dresde: la capitulation fut encore violée. Wittemberg se rendit le 13 janvier, Custrin le 30 mars, Glogau le 10 avril 1814.

Bernadotte avait détaché Bulow sur la Westphalie, et Wintzingerode sur le Hanovre : lui-même se porta sur le bas Elbe pour se joindre à Walmoden et reprendre Hambourg. Davoust reçut de l'empereur l'ordre de revenir sur la Hollande, mais il était trop tard; il abandonna son camp de la Steckenitz, se sépara des Danois, et rentra dans Hambourg. Il y fut assiégé par le corps de Woronzow. Les Danois évacuèrent Lubeck et se retirèrent sur Rendsbourg; ils y furent enveloppés par Walmoden, et signèrent un armistice [15 déc.] qui laissa les Français isolés aux bouches de l'Elbe sans espoir d'être dégagés, et ayant à résister même aux habitants; mais Davoust, à force d'énergie et d'habileté, s'y maintint jusqu'à la fin de la guerre. Le Danemark, ce dernier et constant allié de la France, fut contraint d'entrer dans la coalition.

Pendant ce temps, Bulow s'était avancé en Hollande, où il y

avait à peine douze mille hommes de très-mauvaises troupes, sous le commandement de Molitor. Celui-ci évacua Amsterdam [18 nov.], jeta des poignées d'hommes dans les places, et se replia sur Utrecht. La Hollande se mit en insurrection et appela les alliés. Wintzingerode vint joindre Bulow, força le passage de l'Yssel à Zwol, s'embarqua sur le Zuyderzée, et entra à Amsterdam [24 novembre], où il établit un gouvernement provisoire qui proclama l'indépendance des Provinces-Unies, et rappela le prince d'Orange. Bulow, après un rude combat à Arnheim, arriva à Utrecht. Molitor se retira sur la Meuse. Gertruydemberg, Bois-le-Duc, Breda, Berg-op-Zoom, avaient à peine pour garnison une centaine de marins et de vétérans; les autres places n'étaient pas gardées. Les Anglais débarquèrent aux bouches de l'Escaut, et les îles de la Zélande leur furent livrées par les gardes-côtes. La ligne du Leck, d'Arnheim à Rotterdam, fut franchie, et l'ennemi n'avait plus d'autre obstacle que le Wahal. Decaen prit le commandement de la Hollande; il réunit à grand'peine quelques bataillons de jeune garde, de garde nationale et de marins; mais il ne put sauver les îles du Leck et de la Meuse, et il évacua bientôt, faute de garnison, Wilhemstadt, Gertruydemberg et Breda. Maison succéda à Decaen [9 décembre].

Les campagnes de 1812 et de 1813 avaient enlevé à l'Italie toute son armée, et ce ne fut qu'avec beaucoup de peine et vers le milieu d'août qu'Eugène put rassembler quarante-cinq mille fantassins, quinze cents chevaux et cent trente canons. Cette armée, entièrement neuve, se porta au delà des Alpes Juliennes et défendit pied à pied les approches de l'Italie. Eugène battit plusieurs fois les Autrichiens; mais ceux-ci étaient secondés par les habitants; toutes les provinces illyriennes se soulevèrent; les Français se retirèrent sur l'Isonzo [13 septembre]. La défection des Bavarois donna aux Autrichiens l'entrée du Tyrol; Hiller arriva par le col de Toblach à Trente, et descendit la Brenta [16 octobre]. Aussitôt Eugène jeta garnison dans Venise, et se retira sur l'Adige, où il n'arriva qu'après avoir chassé l'ennemi de Bassano. Son armée était réduite à trente mille hommes par la désertion, et il fallait défendre l'Adige de Ferrare à Rivoli. Les Autrichiens arrivèrent à Caldiero; Eugène les attaqua, les battit et les força à la retraite [15 novembre]; mais alors un corps anglo-autrichien débarqua à l'embouchure

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du Pô, s'empara de Ferrare, se porta à Ravenne et insurgea les États pontificaux. Eugène se concentra sur le moyen Adige, s'assura des passages du Pô, et repoussa toutes les propositions des alliés, qui lui offraient la couronne d'Italie. Il comptait sur la coopération de Murat, qui marchait sur Rome avec vingt-cinq mille Napolitains, pour chasser les Anglais de la Romagne et reprendre l'offensive. Mais Murat voulut jouer le même rôle que Bernadotte : il avait traité secrètement avec l'Autriche, qui lui garantit ses États, et il marchait contre les Français, en s'annonçant comme le protecteur de l'indépendance italienne.

Wellington, avec son armée de cent vingt mille hommes, s'était emparé des cols de Maya et de Roncevaux, et il attendait la reddition de Pampelune et de Saint-Sébastien pour entrer en France. Soult, en arrivant à Bayonne, compléta son armée avec trente mille conscrits du Midi; il arma les forts des Pyrénées, fit de Bayonne une place redoutable, et prit l'offensive pour dégager Pampelune et Saint-Sébastien. Il franchit le col d'Ibagnetta, et trouva l'ennemi posté à Cubiry dans une position inaccessible; il essaya vainement de l'en débusquer, et, après une bataille acharnée, où il perdit huit mille hommes, il se retira derrière les Pyrénées [1813, 15 juillet]. Alors Saint-Sébastien et Pampelune, après une résistance héroïque, capitulèrent. Les Anglais, maîtres de Saint-Sébastien, l'incendièrent et massacrèrent tous les habitants [31 août].

Wellington resta inactif pendant deux mois pour réorganiser son armée: alors il passa la Bidassoa, perça la ligne des Français, qui s'étendait de Saint-Jean-de-Luz à la montagne de Rhune, et les força à se retirer derrière la Nive [8 novembre]. Soult se maintint pendant un mois sur cette rivière, dont les bords furent le théâtre d'une bataille continuelle où les Anglais perdirent quinze mille hommes et les Français dix mille [9-13 décembre]. A la fin de décembre, Wellington avait sa gauche à Ustaritz, son centre sur la Nive, sa droite à l'Adour; Soult occupait une courbe de Saint-Jean-Pied-de-Port à Bayonne par Peyrehorade.

Suchet, suivant les ordres de l'empereur, avait laissé vingt mille hommes dans Denia, Peniscola, Tortose, Mequinenza, Lerida; il avait quitté Valence au milieu des témoignages d'affection des habitants, et il était arrivé à Barcelone, où il rallia

le corps de Decaèn [7 juillet]. Les Anglais le suivirent, passèrent l'Ebre et investirent Tarragone. Suchet délivra cette place, et en ramena la garnison; de là il se retira sur le Llobregat, battit les Espagnols au col d'Ordal, et les poursuivit jusqu'à Tarragone [1813, 11 sept.]. Cette victoire assura ses cantonnements entre le Llobregat et Barcelone. Mais les dangers de la France et les renforts qu'il dut envoyer à l'empereur le forcèrent bientôt à se replier sur Figuières.

§ XI. SITUATION DE LA FRANCE.

DÉCLARATION DE FRANCFORT

- OPPOSITION DU CORPS LÉGISLATIF. APPRÊTS DE Napoléon. L'empereur était revenu à Paris : « Il y a un an, dit-il au sénat, toute l'Europe marchait avec nous; aujourd'hui toute l'Europe marche contre nous. Nous aurions tout à redouter sans l'énergie et la puissance de la nation. » Et il fit décréter une levée de trois cent mille hommes sur les conscriptions de 1803 à 1814, convoqua le corps législatif, et, avec l'argent du domaine extraordinaire, prépara des armes, des chevaux, des habits. Mais il n'y avait plus que le peuple des paysans et des ouvriers, celui qu'il avait tenu éloigné de toute influence politique, celui qui s'était prodigué à lui sur les champs de bataille, celui qu'il semblait, au milieu de sa cour de nobles et de chambellans, voir avec dédain et méfiance, il n'y avait plus que le peuple qui eût gardé sa foi en lui, qui ne séparât pas sa cause de celle de la France, qui vît toujours en lui l'homme de la révolution. Tout le reste de la nation, harassé, épuisé, irrité, accusait son ambition seule des maux et des dangers de la patrie, s'effrayait des deux millions d'hommes et des huit milliards dépensés par lui en huit années, enfin regardait comme intolérable le despotisme du sabre. Les gens qui n'avaient vu dans la révolution que la conquête d'institutions libres, les débris des Girondins, les vaincus du 18 fructidor et du 13 vendémiaire, la génération nouvelle qui souffrait de la dictature sans comprendre les causes qui l'avaient amenée, enfin les mères de famille, les commerçants ruinés, les nombreuses victimes du régime impérial, tous ne voulaient plus de Napoléon, et étaient prêts à sacrifier le représentant de l'indépendance nationale pour un peu de paix et de liberté. Mais, ainsi qu'il était arrivé dans toutes les phases de la révolution, ils faisaient à leur insu l'œuvre des royalistes, qui se cachaient derrière cux, pleins de joie de se voir arrivés au but de leurs désirs les éternels

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