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D'autres membres : L'ordre du jour!

(L'Assemblée, consultée, passe à l'ordre du jour.) M. Fauchet. Voici une lettre de la municipalité de Caen qui annonce à l'Assemblée que les informations relatives aux particuliers détenus dans le château de cette ville pour l'affaire du 5 de ce mois, se poursuivent avec activité, et qui envoie une partie des déclarations déjà prises dans cette affaire. La municipalité leur a fait subir un interrogatoire, mais elle a cru devoir les tenir toujours au secret. Leurs parents, leurs amis, demandent la permission de les voir; ils invoquent l'exécution des Droits de l'homme, et la loi qui veut que le prisonnier puisse être assisté d'un conseil après avoir subi son interrogatoire. Les officiers municipaux ont cru qu'ils ne pouvaient pas céder à ces réclamations sans avoir préalablement consulté l'Assemblée, pour être autorisés par elle à laisser communiquer les prisonniers avec les personnes qui demandaient à les voir. Maintenant que le premier interrogatoire est subi, je propose de rendre un décret pour autoriser les officiers municipaux à délivrer du secret les personnes qui ont subi le premier interrogatoire.

M. Goujon. L'autorisation de l'Assemblée est absolument inutile parce que les lois ont décidé formellement qu'un prisonnier ne pouvait plus être tenu au secret après avoir subi son premier interrogatoire.

Plusieurs membres : Le renvoi au comité de législation!

D'autres membres : Non! non! Il faut décider sur-le-champ.

M. Goujon. Je demande la question préalable, motivée sur ce que la demande de la municipalité de Caen est jugée par les lois.

(L'Assemblée adopte la question préalable ainsi motivée, sur la motion de M. Fauchet, et renvoie les pièces au comité de législation.)

Un de MM, les secrétaires don ne lecture des lettres, adresses et pétitions suivantes :

1° Arrêté des supérieur, préfet et professeurs du collège de Louhans, département de Saône-et-Loire, membres de la congrégation de Saint-Joseph, par lequel ils prennent l'engagement de distribuer à leurs frais, le 14 juillet prochain, après un exercice public, des prix à ceux de leurs élèves qui auront le mieux répondu sur la Constitution, et de fournir aussi à leurs frais un exemplaire du Code constitutionnel à ceux d'entre eux qui n'auraient pas le moyen de s'en procurer.

(L'Assemblée décrète qu'il sera fait mention honorable de cet arrêté dans le procès-verbal, et que cette pièce sera renvoyée au comité d'instruction publique.)

Un membre: Je demande que M. le Président soit chargé, au nom de l'Assemblée, d'écrire une lettre de remerciements à ces professeurs.

Plusieurs membres: La question préalable! (L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur cette motion.)

2o Lettre de M. Tarbe, ministre des contributions publiques, qui soumet à l'Assemblée un mémoire sur la fixation du prix de la poudre de traite, et prie l'Assemblée de le prendre en considération. (L'Assemblée ordonne le renvoi de ce mémoire au comité de commerce.)

3o Pétition des sieurs d'Yvernois frères, qui réclament en faveur d'une mère de dix enfants, que deux d'entre eux, ci-devant employés en 1re SERIE. T. XXXV.

qualité de secrétaires commis auprès des comité de l'Assemblée nationale constituante, soient continués dans leurs fonctions.

(L'Assemblée renvoie cette pièce au comité des pétitions.)

4° Lettre de M. Tarbé, ministre des contributions publiques, qui adresse à l'Assemblée un mémoire contenant des éclaircissements sur la demande faite par plusieurs corps administratifs, de l'exemption du droit d'enregistrement des certificats de vie, que les Invalides sont obligés de joindre aux quittances de payement de leur pension.

(L'Assemblée renvoie la lettre et le mémoire au comité des contributions publiques.)

5o Adresse des volontaires nationaux du second bataillon du département de l'Orne, qui offrent à l'Assemblée l'hommage de leur respect et de leur dévouement, et qui protestent de vivre libres ou de mourir pour la cause commune. (Applaudissements.)

(L'Assemblée ordonne qu'il sera fait mention honorable de cette adresse dans le procès-verbal.)

6o Pétition de M. de Gennes, ancien curé de la paroisse de Blanzac, qui réclame une pension à raison de ses services et de ses infirmités.

(L'Assemblée renvoie cette pétition au pouvoir exécutif.)

7° Lettre de M. James Rutledge, qui demande à être entendu à la barre sur des inculpations qu'il prétend lui avoir été faites dans un discours de M. Fauchet (1) prononcé à la tribune dans la dernière séance; cette lettre est ainsi conçue :

« Monsieur le Président,

« Monsieur Fauchet, évêque du Calvados, m'a compromis dans le procès que je crois avoir soutenu avec quelque gloire contre le sieur Necker et adhérents. Je demande, Monsieur le Président, en vertu de la déclaration des Droits de l'homme et du citoyen, à répondre à la barre à mon calomniateur.

« Je suis avec respect, etc.

Signė : JAMES Rutledge. » Plusieurs membres : L'ordre du jour !

M. Fauchet. Je demande que M. Rutledge soit entendu à la barre comme il le désire, pour qu'on sache en quoi je l'ai calomnié.

M. Gossuin. M. Rutledge n'a qu'à se justifier par écrit et à faire parvenir sa justification à un comité.

M. Goupilleau. Ce particulier a la voie des. papiers publics; il peut s'en servir pour répondre à M. Fauchet.

M. Grangeneuve. Il serait singulier que l'on permît à un citoyen, lorsqu'il lui aurait plu de se prétendre inculpé par une motion ou par une discussion qui aurait lieu à la tribune de l'Assemblée, d'être entendu sur cette discussion toutes les fois qu'il le demanderait. Ce serait faire perdre un temps très considérable et mettre chaque jour des embarras dans vos délibérations. Je demande que l'on passe à l'ordre du jour.

(L'Assemblée, consultée, passe à l'ordre du jour.)

8 Pétition de la commune de Mittelscheffollzeim, département du Bas-Rhin, qui réclame des secours pour des citoyens ruinés par un incendie.

(1) Voir ci-dessus, séance du 3 décembre, p. 530. 36

(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité des secours publics.)

9° Pétition de M. Dubois, chirurgien, qui, en attendant le règlement des indemnités qu'il réclame, demande des secours provisoires.

(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité des secours publics.)

10° Lettre des commissaires de la Trésorerie, qui envoient à l'Assemblée l'état des recettes et des dépenses du mois de novembre.

(L'Assemblée renvoie cet état au comité de la Trésorerie.)

11° Pétition de Jean Duvivier, ci-devant bedeau de l'église des Bénédictins de Montdidier, qui demande une modification à la loi du 20 septembre dernier, relative aux personnes qui étaient attachées au service des églises supprimées.

(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité de liquidation.)

12° Pétition de plusieurs particuliers, ci-devant attachés à l'église collégiale de Saint-Florent-deRoye, qui réclament également une modification à la loi du 20 septembre dernier.

(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité de liquidation.)

13° Adresse de F. Lanthenaz, qui fait hommage à l'Assemblée nationale d'un ouvrage destiné à combattre le fanatisme, et à préparer une des plus importantes réformes dans les lois civiles.

(L'Assemblée renvoie cette adresse au comité de législation.)

Un membre: Je propose de décréter qu'il sera fait mention honorable de l'adresse et de l'ouvrage dans le procès-verbal.

Un autre membre: Je demande l'ajournement de cette motion jusqu'après le rapport du comité de législation.

(L'Assemblée adopte cette dernière motion.)

14 Pétition du sieur Séguin, ancien entrepreneur de tabac, et receveur du grenier à sel de la ville de Cette, qui réclame une pension de retraite de 800 livres.

(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité de liquidation.)

15 Adresse de plusieurs citoyens de la ville de Metz, qui offrent à l'Assemblée nationale l'hommage de leur reconnaissance pour le décret qu'elle a rendu contre les émigrés.

(L'Assemblée ordonne qu'il sera fait mention honorable de cette adresse dans le procès-verbal.)

16 Pétition des notaires de la ville de Tulle, qui réclament contre les dispositions de la loi du 29 septembre dernier.

(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité de législation.)

17° Pétition de M. Bayard, accusateur public près le tribunal du deuxième arrondissement de Paris, qui expose à l'Assemblée qu'il existe un grand mal dans la conduite que tiennent les citoyens pendant les élections. Les assemblées primaires sont presque désertes, tandis que les salles de spectacles sont toujours pleines. Pour remédier à ce mal, il propose de porter une loi qui ordonne que, pendant la tenue des assemblées primaires, tous les spectacles seront fermés aux heures pour lesquelles les assemblées primaires sont convoquées.

Voix diverses; Le renvoi au comité de législation! L'ordre du jour!

(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)

13° Pétition du sieur Raffin, prêtre, âge de 70 ans, qui réclame une augmentation de pension.

(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité des secours publics.)

19. Pétition de plusieurs citoyens négociants établis au Caire, qui réclament des indemnités. (L'Assemblée renvoie cette pétition au comité de commerce.)

M. le Président. La parole est à M. Carez qui demande à donner lecture d'une lettre de la municipalité de la ville de Toul, relative à des projets d'enrólement et des manœuvres contre la sûreté publique.

M. Carez. Il paraît que les enrôlements se multiplient dans plusieurs parties du royaume et que les ennemis implacables de notre Révolution, en perdant l'espoir d'intéresser sérieusement à leur cause les puissances étrangères, ont formé le projet de répandre l'alarme et l'inquiétude dans l'intérieur en y fomentant des divisions à l'aide desquelles ils cherchent à se faire un parti puissant. Je suis convaincu de l'inutilité de leurs efforts; mais je crois qu'il faut sévir contre les perturbateurs acharnés qui ne réussissent que trop à persuader aux hommes faibles la possibilité d'une contre-révolution. C'est en harcelant ainsi le peuple, en lui inspirant des craintes sur sa liberté, qu'ils parviennent du moins à retarder les heureux effets d'une Constitution qu'ils ne peuvent anéantir. Voici une lettre de la municipalité de Toul où elle dénonce des enrôlements qui se font dans cette ville:

«La ville de Toul recèle dans son sein de nombreux ennemis de la Révolution; mais la surveillance active d'une municipalité patriote a su jusqu'à présent déjouer les manœuvres des prêtres fanatiques et des nobles contre-révolutionnaires qui y abondent. Les officiers municipaux s'étaient aperçus que depuis quelque temps un assez grand nombre de jeunes gens avaient quitté leurs foyers pour passer à Coblentz. Ils cherchaient à découvrir les auteurs de ces enrôlements secrets; plusieurs citoyens sont venus faire au greffe de la police des déclarations qui ont donné lieu à une information de plusieurs témoins qui attestent que le sieur Nicolas-FrançoisXavier Gauthier, ci-devant garde du corps du roi, est en relation avec les ennemis de la patrie, pour former dans l'intérieur un parti qui put les favoriser en cas d'invasion sur le territoire français; qu'il a promis à plusieurs jeunes gens que feur service commencerait à compter du jour qu'ils se seraient présentés à lui, et que la récompense serait la même en servant au dedans du royaume qu'en servant au dehors.

« Il résulte encore de l'information que le sieur Charles-François Marc lui servait d'embaucheur et que le sieur Charles-François Malvoisin, lieutenant-colonel commandant le 13° régiment des dragons, a eu quelque part à cette affaire. »

Le conseil général de la commune a recueilli tous les faits et les déclarations contre les sieurs Gauthier, Marc et Malvoisin et me les a envoyés pour en faire part à l'Assemblée, je demande que cette affaire soit renvoyée à l'examen de votre comité de surveillance, pour vous en faire le rapport incessamment. Je dépose sur le bureau les pièces contenant l'information et la délibération en forme du conseil général de la commune.

Plusieurs membres : La lecture des pièces!

D'autres membres : Le renvoi au comité de surveillance pour en faire le rapport séance tenante. (L'Assemblée, consultée, décrète que les pièces seront lues.)

M.Carez. J'observe à l'Assemblée que la lecture de toutes ces pièces, qui sont très longues, fera perdre beaucoup de temps; il est plus simple de charger le comité de surveillance de s'assembler sur-le-champ, et d'en faire le rapport.

M. Taillefer. Je demande la lecture des pièces. Le principal auteur des enrôlements est à Paris. L'Assemblée jugera peut-être convenable, après la lecture des pièces, de porter contre lui un décret d'accusation. Ainsi il n'y a pas de temps à perdre.

Voix diverses: La lecture des pièces! Le renvoi au comité!

M. Duvant. Les enrôlements ne sont pas les seuls moyens employés par les princes pour renverser la Constitution. Un négociant digne de foi m'écrit qu'ils ne négligent aucune dépense pour avoir des ouvriers qui fabriquent de faux assignats. Il faut que l'Assemblée s'occupe de cet objet et qu'elle ordonne que le timbre des assignats soit changé, chaque année, comme cela a été pratiqué en Espagne.

(Cette motion n'a pas de suite.)

M. Navier. Le renvoi des pièces au comité a pour objet de faire examiner s'il y a lieu de rendre un décret d'accusation. Un pareil décret est d'une si haute importance, que l'Assemblée doit être bien réservée à le rendre. Elle aimera mieux, sans doute, connaître par elle-même les pièces qui doivent être la base de l'accusation, que de les connaître par l'organe de son comité; je demande qu'elles soient lues.

M. Dumas. La ville de Toul n'est pas la seule où il se fait des enrôlements. Il est important de connaître le fil de toutes ces trames ourdies contre la sûreté publique. Je demande la lecture des pièces.

M. Albitte et d'autres membres demandent la parole. (L'Assemblée est dans une vive agitation.) Plusieurs membres: La discussion fermée! (L'Assemblée ferme la discussion.)

M. le Président. Je consulte de nouveau l'Assemblée pour savoir si elle veut entendre la lecture des pièces.

(L'Assemblée, consultée, ordonne la lecture des pièces.)

M. Carez. Voici l'extrait des registres de la municipalité :

« Aujourd'hui, 25 novembre 1791, dix heures et demie du soir, le corps municipal de Toul, extraordinairement assemblé, un des membres a représenté qu'il avait appris dans la journée que plusieurs jeunes gens de la ville se disposaient à émigrer, et qu'ils avaient été décidés à cette démarche par des citoyens de la ville, que dans le nombre de ceux qui devaient partir était le sieur Charles-François Marc, fils mineur du sieur Clément Marc, ci-devant chantre à la collégiale, et que l'on accusait le sieur Marc de faire le métier d'embaucheur; qu'il était très intéressant de connaître la vérité des faits à cet égard.

« Sur quoi la matière mise en délibération par le procureur de la commune, il a été arrêté que le sieur Marc serait à l'instant mandé pour répondre sur les inculpations qui lui étaient faites: ce qui ayant été exécuté sur-le-champ, et ledit sieur Marc s'étant présenté, il a été interrogé sur

les faits ci-après: savoir s'il n'a pas conduit chez le sieur Gauthier, garde du corps, les sieurs JeanBaptiste Simon, François Simon et Philippe Marc, fils mineur demeurant en cette ville: il a répondu que non.

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Interrogé s'il n'a pas été, avec ces jeunes gens, chez M. Malvoisin, commandant le 13° régiment de dragons, en garnison en cette ville pour prendre des renseignements sur les moyens d'émigrer a répondu que non.

« Sur quoi le corps municipal a observé qu'il ne disait pas la vérité et que pour l'en convaincre on allait le confronter. Pourquoi FrançoisSimon et Philippe Marc ont été mandés, et se sont rendus à l'instant à l'assemblée, où, étant arrivés, M. le maire leur a demandé, savoir, au sieur François Simon, s'il n'avait pas été chez le sieur Gauthier, le 23 du courant, pour se concerter sur la manière de pouvoir rejoindre les émigrés et fugitifs de France à Coblentz.

A répondu que, le 23 du présent mois, s'étant trouvé à la porte de Metz, chez le sieur Benoît, aubergiste, avec le sieur Marc, et autres jeunes gens de cette ville, et instruit que le sieur Marc était dans la disposition de sortir du royaume, et avait des relations nécessaires pour favoriser cette évasion, il feignit d'avoir le même dessein, afin de s'assurer les sentiments dudit sieur Marc et lui dit de le conduire chez les personnes chargées de faire passer les mécontents à Coblentz; qu'en conséquence, ledit sieur Marc applaudit aux sentiments qu'il manifestait, le mena chez le sieur Gauthier, ancien garde du roi, où, étant parvenu, conduit par le sieur Marc, comme émigrant, le sieur Gauthier, en le louant beaucoup et faisant l'éloge de ses sentiments, lui dit qu'il ne lui conseillait pas d'émigrer dans le moment, qu'il fallait rester à Toul pour y défendre la cause des honnêtes gens qui étaient dans la même opinion que lui; que son service lui serait compté en restant dans le royaume comme en le quittant; que sur ce qu'il insistait pour partir, ledit sieur Gauthier lui répliqua que puisqu'il ne voulait pas l'en croire, il n'avait qu'à s'adresser à M. Malvoisin, commandant le régiment des dragons.

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En conséquence, il s'est transporté chez le sieur Malvoisin où le sieur Marc est entré seul, et étant sorti un quart d'heure après, il raconta au répondant qui l'attendait à la porte, qu'il était très satisfait de la réception qu'il lui avait faite, sur ce qu'il avait annoncé à M. Malvoisin qu'il y avait dix ou douze jeunes gens dont il était le moins grand, animés du même sentiment; M. Malvoisin lui témoigna de la satisfaction, et lui dit qu'une armée composée de ce genre serait une bonne armée; qu'il parlerait le lendemain à M. Gauthier de cette affaire et qu'il n'avait qu'à revenir à 9 heures du matin. Il ignore si le sieur Marc est allé ou non au rendez-vous qu'il est tout ce qu'il a dit savoir. Lecture à lui faite de ses réponses et des interrogats, a dit ses réponses contenir vérité, et a signé: François Simon.

:

«Le sieur Baptiste Simon, interrogé s'il n'avait pas été engagé, par le sieur Marc, à aller chez le sieur Gauthier, ci-devant garde du corps, pour lui faciliter et procurer les moyens d'émigrer, a répondu que non; mais, ayant feint d'en avoir envie, pour connaître le complot qu'on disait être excité dans cette ville, il à fait part de son dessein au sieur Marc, qui l'a conduit, le 13 du courant, chez le sieur Gauthier, ci-devant garde du corps. Etant arrivé chez lui avec son frère, Marc lui commanda de ne pas entrer plusieurs ensemble pour n'être pas suspects.

« Au sortir de la maison du sieur Gauthier, le sieur Marc leur a dit que le sieur Gauthier les avait renvoyés pour recevoir des éclaircissements nécessaires à l'exécution du projet d'émigration qu'ils avaient, à M. Malvoisin, commandant le régiment des dragons; qu'en conséquence ils se rendraient tous les quatre ensemble chez M. Malvoisin; que le sieur Marc entra seul étant sorti environ un quart d'heure après, il dit qu'il avait été très bien reçu, parce qu'il lui avait annoncé qu'il y avait plusieurs jeunes gens de sa connaissance dont il était le plus petit, qui étaient dans l'intention d'émigrer. M. Malvoisin avait répondu qu'une armée de cette sorte ferait une bonne armée; que pour mieux parler de cette affaire, il verrait, le lendemain, M. Gauthier; qu'il n'avait qu'à revenir à ladite heure; qu'il ignore si ledit sieur Marc s'est trouvé au rendezvous; mais qu'il sait que le sieur Marc est allé avec le sieur Simon, chez le sieur Malvoisin, vers les 7 heures du soir ce qui est tout ce qu'il dit savoir.

«Le sieur Philippe Maré, interrogé s'il a été engagé à émigrer, etc., a raconté les faits de la même manière.

« D'après ces trois dépositions, faites en présence du sieur Marc qui en a eu lecture, ledit sieur Marc. interpellé de nouveau de s'expliquer sur ce qui s'était passé, vu qu'il est contredit sur sa première réponse, a déclaré le 23 du présent mois, s'élant trouvé avec plusieurs jeunes gens chez le sieur Benoist, aubergiste à la Corne-deCerf, il a entendu dire à un nommé Lelorrain, garçon épicier, natif d'Arles, demeurant chez le sieur Genneveau, qu'il partait le lendemain ; que sur ce qu'il lui répondít que peut-être il le suivrait sous peu de temps, sur cette équivoque quelqu'un proposa d'émigrer, ce qui fut accepté par la compagnie; que quelqu'un de la compagnie ayant dit que c'était au sieur Gauthier, ci-devant gårde du corps, qu'il fallait s'adresser, pour avoir les renseignements nécessaires pour ce projet; et le sieur Marc ayant plus de connaissance de M. Gauthier, que tous les autres qui ne le connaissaient pas, ils partirent au nombre de quatre pour s'y rendre. Etant parvenus à la maison dudit sieur avec François Simon, le répondant dit au sieur Gauthier le sujet de leur venue; que le sieur Gauthier leur conseilla de ne pas émigrer, mais de rester dans cette ville pour y soutenir la cause des honnêtes gens ayant les mêmes sentiments qu'eux; que leur service leur serait compté au dedans du royaume comme au dehors; qu'il suffisait qu'il connut leur bonne volonté; qu'au surplus ils pouvaient s'adresser en toute confiance à M. Malvoisin, commandant du treizième régiment de dragons; qu'étant allé effectivement chez le sieur Malvoisin, celui-ci lui répéta le même discours, et lui donna les mêmes conseils; qu'au surplus, s'il voulait du service, il le placerait dans son régiment, et aurait soin de lui; et c'est tout ce qu'il a dit savoir, et a signé : Charles-François Marc.

Le 26 novembre, le sieur François Martin, fils mineur, s'est présenté devant la municipalité, en vertu du mandement à lui donné, et a déposé que le sieur Marc lui avait proposé d'émigrer; que pour vaincre ses refus, il lui avait proposé de transporter une partie de ses effets dans une armoire appartenant audit_sieur Marc, et qu'il déposerait le reste de ses effets dans des malles qu'il se chargeait de faire partir; qu'il lui avait ensuite offert de l'argent pour les frais de sa

route, ce qui est tout ce qu'il a dit savoir, et a signé François Martin.

Le même jour est comparu Charles-François Malvoisin, lieutenant-colonel commandant le 13 régiment de dragons, en garnison en cette ville, lequel a dit qu'ayant appris indirectement qu'on l'accusait d'avoir voulu favoriser les projets de l'émigration de plusieurs jeunes gens de cette ville, il se présentait à l'effet de s'instruire de ce qui se passait à ce sujet. A l'instant, le corps municipal lui ayant fait donner lecture des déclarations faites par François et Jean-Baptiste Simon et le sieur Marc, contenues aux procès-verbaux ci-dessus, mondit sieur Malvoisin a répondu que des quatre déclarations ci-dessus, celle du sieur Marc est la seule qui puisse le concerner; qu'elle n'est point conforme à la vérité, n'ayant fait autre chose que ce qu'il va déclarer:

«Le 23 du courant, sur les 8 heures du soir, il est entré chez lui un jeune homme à lui inconnu, qui a dit que son dessein était d'émigrer; qu'il venait prendre les informations nécessaires à l'exécution de son projet, et a demandé des lettres de recommandation; qu'à ces propositions le commandant a répondu qu'il lui conseillait de de servir, il le placerait dans son régiment et lui rester dans la ville et que si son intention était procurerait une place où il pût exercer son talent dans la pharmacie; que cette déclaration dudit sieur Marc est de la plus grande fausseté, et très injurieuse aux sentiments de dévouement à la Constitution, dont il a donné des preuves en plusieurs circonstances; que le 24, le même jeune homme s'étant présenté chez lui vers les 9 heures du matin, if lui a répété les mêmes discours, et même avec plus de sévérité et sur ce que ledit Marc, dans la même conférence, le prévint que deux autres jeunes gens nommés Simon viendraient le trouver incessamment pour obtenir des lettres de recommandation auprès des émigrés, mais que c'était un piège qu'il devait éviter, parce que leur intention était de les remettre à la municipalité, le comparant répliqua qu'il ne donnait de lettre à personne pour pareils projets et a signé Malvoisin.

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Ledit jour est comparu le sieur Nicolas-François-Xavier Gauthier, ci-devant garde du corps du roi, demeurant en cette ville (Ah! ah !), lequel a dit qu'ayant été inculpé de favoriser des projets d'émigration de plusieurs jeunes gens de la ville, dans les jours derniers, il se présentait et invitait le corps municipal de vouloir bien recevoir la déclaration qu'il va faire.

« Le mercredi 23 novembre présent mois, deux jeunes gens sont venus me voir vers 8 heures et demie du soir. J'étais alors à souper chez mon frère; je fus les recevoir sur l'escalier attenant à la grande salle de la maison. Là, ne les connaissant pas, je m'informai de leurs noms, et de ce qu'ils désiraient de moi. L'un d'eux, garçon apothicaire, me dit qu'il avait projet d'émigrer ainsi que son camarade et qu'il venait me demander avis ainsi que ma protection. Je leur répondis sur-le-champ que je n'étais point un homme à protéger; et tranchant sur des compliments qu'ils croyaient me faire à ce sujet, je leur ajoutai que je mettrais mon bonheur à rendre service à un citoyen de Toul, si l'occasion s'en présentait; mais que pour l'objet dont il me parlait, je ne pouvais fui être d'aucune utilité, et que s'il voulait avoir confiance en moi, le parti le plus sage que j'avais à lui proposer était de rester chez eux; qu'ils étaient sans doute plus utiles à leurs parents et dans l'intérieur de la

France, que chez l'étranger. Les jeunes gens insistèrent, et je leur répétai la même chose en leur ajoutant: «Si c'est intention de servir, nous avons ici de braves commandants, entre autres, M. Malvoisin; allez le trouver, il pourra vous être plus utile et vous donner du service: si vous êtes bons sujets, il vous avancera. » Ils me répondirent qu'ils ne le connaissaient pas. «Il n'est pas besoin, leur dis-je, de le connaître, vous pouvez lui dire, si vous voulez, que c'est moi qui vous envoie; »> et là-dessus je les congédiai, sans même m'enquérir du nom du second jeune homme.

« Hier vendredi, un bruit public me rapporta que ces jeunes gens étaient connus pour vouloir émigrer et que l'on me regardait comme le moteur de cette émigration. Aujourd'hui, on me rapporte qu'il y a beaucoup de fermentation, dans la ville, par rapport à moi; qu'on m'accuse de de distribuer de l'argent à des jeunes gens. Je viens rendre compte de ma conduite et démentir ces faussetés.

pinants, je me permettrai deux amendements. Le premier, c'est qu'un courrier extraordinaire sera expédié aujourd'hui pour s'assurer des prévenus, parce que le courrier de Toul part demain et qu'il serait possible qu'à la nouvelle de la dénonciation, les accusés cherchassent à s'évader. Le second amendement est motivé par ce fait que plusieurs membres de l'Assemblée nationale ont reçu des lettres qui leur apprennent que de pareils enrôlements se font sur les frontières, à l'étranger et dans Paris même. C'est pourquoi je demande que l'Assemblée enjoigne de la manière la plus formelle, tant aux corps administratifs et aux municipalités qu'aux commandants des gardes nationales de surveiller tous ces enrolements et toutes ces machinations qui se trament contre la sûreté publique dans l'intérieur du royaume et de lui rendre compte le plus promptement possible.

Il est temps, Messieurs, que les amis de la Révolution et de la Constitution jouissent enfin du repos qu'elle leur assure. Je vous dirai que la ville de Toul est infectée d'aristocratie. Cette aris

«De tout a été dressé procès-verbal, etc. » Voilà, Messieurs, l'extrait des pièces. Il s'agit de savoir si l'assertion de MM. Gauthier, Malvoi-tocratie y est d'autant plus dangereuse qu'elle y sin et Marc doit être crue contre quatre témoins qui déposent absolument les mêmes faits. C'est là, je crois, le point de la question sur lequel l'Assemblée doit délibérer.

Je demande le renvoi au comité de surveillance.

M. Masuyer. Il est inutile maintenant de renvoyer ces pièces à un comité dont le rapport n'apprendrait rien de plus, et je demande en conséquence que l'Assemblée rende sur-le-champ un décret d'accusation contre les sieurs Gauthier, Malvoisin et Marc. L'Assemblée a plus de preuves qu'il n'en faut pour rendre, sur des procès-verbaux légalement dressés, le décret d'accusation contre les trois particuliers accusés. Nous avons contre le sieur Malvoisin la déclaration du sieur Marc, contre celui-ci et contre le sieur Gauthier la déposition de quatre témoins. Les dénégations des accusés ne peuvent pas atténuer le poids de ces dépositions. Il ne serait pas difficile d'ailleurs de prouver que le sieur Malvoisin est le plus coupable de tous. Je conclus donc au décret d'accusation. (Applaudissements.)

Un membre Je demande préalablement le renvoi de ces pièces à un comité, au comité de surveillance, par exemple, pour qu'il vous en fasse son rapport.

M. Bréard. Les preuves qui viennent à l'appui de la dénonciation sont si claires et si précises que je ne crois pas qu'il soit nécessaire de renvoyer à un comité, qui ne pourrait vous donner plus de lumières que les procès-verbaux. Si, sur une simple lettre signée Varnier, vous vous êtes crus assez instruits pour rendre un décret d'accusation contre lui, vous êtes, dans l'hypothèse présente, bien plus suffisamment éclairés, bien plus autorisés, passez-moi cette expression, à rendre un décret d'accusation contre les sieurs Malvoisin, Gauthier et Marc fils. En parcourant les réponses des prévenus, qui ne s'aperçoit que ces malveillants se sont évidemment dénoncés eux-mêmes dans leurs propres réponses? On s'en rend facilement compte en examinant les réponses du sieur Gauthier. Je demande qu'il soit fait une deuxième lecture de la déposition du sieur Gauthier, et je soutiens que, lorsque vous aurez entendu cette lecture, vous serez en état de rendre un décret d'accusation.

M. Gouvion. En appuyant la motion des préo

avait établi, il y a 15 ans, un chapitre de chanoines nobles, et que l'on avait ainsi privé tous les citoyens d'aspirer aux places de ce chapitre auxquelles cependant ils avaient des droits. Qu'est-il arrivé ? Ces chanoines se trouvant supprimés par la Révolution, en sont les plus ardents ennemis, et non contents de troubler la ville, plusieurs sont allés à Coblentz, où ils ont pris les armes contre leur patrie.

Je suis de Toul, Messieurs; ma famille y est souvent exposée à des insultes à cause de mon patriotisme reconnu. Si l'Assemblée ne nous protège pas, quel parti nous restera-t-il à prendre et que deviendrons-nous ?

Ainsi, en appuyant la motion des préopinants, je demande que les sieurs Malvoisin, Marc et Gauthier soient mis en état d'accusation et que le pouvoir exécutif soit chargé d'expédier ce soir à la municipalité de Toul un courrier extraordinaire pour les faire arrêter. Vous pouvez y avoir toute confiance, car, grâce à Dieu, il n'y a ni nobles ni aristocrates dans cette municipalité (Vifs applaudissements.) et le peuple y est bon patriote. Je suis persuadé que si le 13. régiment de dragons voulait faire un mouvement pour protéger son lieutenant-colonel, la garde nationale de Toul seule, qui est excellente, suffirait pour lui en imposer.

Plusieurs membres : Vous n'avez pas besoin de cela.

M. Quesnay veut parler.

M. Delacroix. Je demande à faire un amendement.

M. Quesnay. Monsieur, j'ai la parole et je ne vous la céderai pas.

Plus cette affaire est grave, moins les commencements de preuves que vous avez reçues doivent vous laisser de doute. J'ai demandé la parole afin que le décret d'accusation fût mis promptement aux voix. (Applaudissements.)

Plusieurs membres : La discussion fermée! (L'Assemblée ferme la discussion.)

M. Delacroix. Je demande par amendement que les prévenus soient conduits sur-le-champ et séparément dans les prisons d'Orléans, dans la crainte que si on les mettait dans les prisons de Toul, les dragons, dont M. Malvoisin est le chef, ne tentent de délivrer les prisonniers. (Applaudis

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