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route d'Orléans à Paris. Macdonald, qui était encore à Meaux, fut envoyé avec dix mille hommes au secours de Victor et d'Oudinot; tous trois se retirèrent sur la ligne de l'Yères; Schwartzemberg, qui connaissait la défaite de Blücher, les suivit mollement. A la nouvelle de ces événements, l'empereur laisse Marmont à Étoges contre Blücher, et Mortier sur la route de Villers-Cotterets pour contenir Bulow et Wintzingerode : il quitte Montmirail avec sa garde, descend jusqu'à Meaux, prend la route de Meaux à Guignes, arrive sur l'Yères et se joint aux trois maréchaux [15 févr.]. Son armée présentait alors cinquante mille hommes; elle était pleine d'enthousiasme et se porte en avant [17 févr.]. L'avant-garde de Wrède, qui était à Mormans, est écrasée et perd quatre mille hommes; une autre division bavaroise est enfoncée à Valjouan; les corps ennemis se replient de toutes parts et repassent la Seine; les Wurtembergeois veulent défendre Montereau. Les hauteurs qui bordent la Seine sont emportées par Pajol et Gérard, après un violent combat où Napoléon dirige lui-même le feu de l'artillerie; l'ennemi se retire dans la ville, où il est écrasé par la cavalerie et les habitants; il repasse la Seine ayant perdu six mille hommes. Schwartzemberg ordonne la retraite sur Troyes, et prescrit à Blücher, alors retiré à Châlons, de se joindre à lui par Arcis et Méry. Les colonnes françaises se mettent à sa poursuite par Bray et Nogent, arrivent à Méry, et trouvent cette ville occupée par un corps de Blücher qui se disposait à agir sur la gauche et les derrières des Français. Oudinot, après un violent combat, emporte Méry et rejette les Prussiens sur l'Aube [21 févr.]. Napoléon arrive à Troyes. Schwartzemberg se retire sur Bar-surAube, et donne la main à Blücher, qui occupe Arcis. Les deux masses ennemies se trouvaient encore réunies, mais elles étaient troublées, inquiètes; les fuyards jetaient l'alarme jusque sui le Rhin, où les paysans de la Lorraine et de l'Alsace faisaient une guerre acharnée à leurs convois, et où la ligne de retraite des alliés pouvait être coupée par Augereau.

Augereau avait réuni à Lyon dix-sept mille hommes sa mission était de remonter la Saône, de soulever les paysans belliqueux de la Comté et du pays de Vaud, et de se porter sur le Rhin et les Vosges pour couper les convois et la retraite de l'ennemi. Mais, au lieu d'opérer cette large diversion, il ne s'occupa qu'à faire une guerre de chicane sur la Saône et le Rhône

contre le corps de Bubna: il dispersa son armée en détachements, reprit Bourg, Montmélian, Chambéry, battit Bubna à Aix et le rejeta dans Genève. Alors les alliés se rassurèrent et changèrent de plan. Blücher dut se diriger sur la Marne pour Y écraser Marmont, se joindre aux corps de l'armée du Nord et marcher sur Paris. Schwartzemberg devait se replier sur Langres en entraînant Napoléon à sa poursuite, pendant qu'une nouvelle armée, dite du Midi et forte de cinquante mille nommies, marcherait sur Mâcon pour battre Augereau et assurer la ligne de retraite des alliés.

En effet, pendant que Schwartzenberg se retire derrière l'Aube, puis sur Bar et enfin sur Chaumont, Blücher passe l'Aube à Arcis, se jette sur Marmont à Sézanne et le force à reculer à la Ferté-sous-Jouarre. Là Marmont est joint par Mortier, qui s'était porté de Soissons à Château-Thierry. Blücher pousse sur Meaux pour tourner la droite des deux maréchaux et les couper de Paris: ceux-ci reculent à la hâte sur Meaux et en chassent les Prussiens. Blücher se replie sur la Ferté-sousJouarre, y passe la Marne et se dirige sur Lisy pòur tourner la gauche des maréchaux : ceux-ci se prolongent sur la rive droite de l'Ourcq, et l'arrêtent par deux violents combats; mais ils étaient fort inquiets, n'ayant que dix mille hommes pour couvrir Paris, et voyant Bulow et Wintzingerode qui s'avançaient sur Soissons.

Napoléon, ayant appris la marche de Blücher, laisse Macdonald et Oudinot pour contenir les Autrichiens, part de Troyes avec vingt-cinq mille hommes, et arrive par Sézanne à la FertéGaucher [1 mars]. Blücher, apprenant ce mouvement, renunce à marcher sur Paris et fait passer la Marne à toute son armée [26 févr.]. Quand les Français arrivent harassés à la Ferté sousJouarre, ils découvrent sur l'autre rive l'ennemi qui se retire à la hâte sur Soissons, sous les murs de laquelle il a donné rendez-vous aux deux corps de l'armée du Nord. Napoléon ordonne à Marmont et à Mortier de reprendre l'offensive par VillersCotterets [2 mars]; puis il passe la Marne et court sur Soissons. L'ennemi marchait à la débandade, couvrant les chemins de traîneurs; pressé par Marmont et Mortier, menacé à gauche par l'empereur, acculé à l'Aisne et à une place mauvaise mais bien garnie, il fallait qu'il fût détruit ou mît bas les armes. Mais la fortune allait se jouer encore des combinaisons du génie

Bulow et Wintzingerode s'étaient portés sur Soissons et allaquaient cette place [9 mars]. Le commandant, n'osant exposer cette bicoque à un assaut, capitula. A peine la garnison s'étaitelle écoulée, que les colonnes de Blücher s'y précipitèrent pleines de joie de ce refuge inespéré (4 mars]. Les armées de Silésie et du Nord étaient réunies; Blücher n'était plus un fugitif; il avait doublé ses forces et pouvait reprendre l'offensive.

Napoléon, furieux de ce fatal accident, auquel les alliés ont attribué eux-mêmes tout le succès de leur campagne, essaya vainement d'enlever Soissons. Alors il voulut tourner les alliés par leur gauche, les prévenir à Laon, les couper de la Belgique. Il enleva le passage de l'Aisne à Béry, et rencontra sur le plateau de Craonne l'armée de Blücher rangée en bataille [7 mars]: il parvint à l'en déloger après un combat très-sanglant; mais il perdit huit mille hommes, et les ennemis se retirèrent en bon ordre sur Laon, où ils se préparèrent à une deuxième bataille. Il s'obstina à les suivre: il ne pouvait opposer aux cent mille hommes aguerris de Blücher que trente mille soldats jeunes, malades, à peine habillés. Après une journée de combat pour déposter l'ennemi des approches de Laon, il reconnut la position inattaquable de front, et ordonna à Marmont de la tourner par la route de Reims [10 mars]; mais celui-ci, assailli par des forces supérieures, fut enfoncé et rejeté au delà de l'Aisne. L'empereur s'opiniâtra encore deux jours à batailler devant Laon. Après avoir perdu cinq mille hommes, il se retira par la route de Reims, en laissant Mortier à Soissons que les alliés avaient évacuée. Reims avait été surprise par le corps russe de Saint-Priest, qui, ayant traversé les Ardennes, servait de lien à Blücher et à Schwartzemberg. Napoléon enleva cette ville après un violent combat, où les Russes perdirent cinq mille hommes et leur général [14 mars]. Après cette victoire, il s'arrêta pendant trois jours pour donner du repos à ses troupes et jeter un regard sur sa situation.

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§ XIV. RUPTURE du congrès. OPÉRATIONS EN Belgique, daNS le Midi, en Italie, aux Pyrénées. L'invasion étrangère n'avait pas tiré la France de son apathie; l'empereur avait ordonné vainement une levée en masse, prescrit de couper les ponts, de sonner le tocsin, de détruire les vivres à l'approche de l'ennemi; il n'y avait que les départements frontières qui eussent répondu à cet appel; on ne voulait plus se défendre; on laissait Napoléon

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seul contre l'Europe; il semblait qu'on ne crût pas au danger. Cependant l'administration s'embarrassait, les impôts ne rentraient plus; on ne pourvoyait à l'entretien de l'armée que par des réquisitions forcées; un tiers du territoire, déjà occupé par l'ennemi, ne donnait plus ni argent ni hommes; des bandes de réfractaires remuaient la Vendée. Les ennemis du régime impérial redoublaient leurs intrigues; la contre-révolution se préparait; la conspiration dont Talleyrand, Dalberg, Vitrolles, de Pradt étaient les chefs, négociait activement avec les étrangers, et elle détermina, par ses révélations, la rupture du congrès de Châtillon.

Caulaincourt, poussé dans ses derniers retranchements [15 mars], avait remis un contre-projet par lequel la France ne gardait de toutes ses conquêtes que la Savoie avec le royaume d'Italie borné à l'Adige pour le prince Eugène; mais les alliés déclarèrent [19 mars] qu'ils « regardaient les négociations comme terminées: indissolublement unis pour le grand but qu'avec l'aide de Dieu ils espéraient atteindre, ils ne faisaient pas la guerre à la France, ils regardaient les justes dimensions de cet empire comme une des premières conditions d'équilibre politique, mais ils ne poseraient pas les armes avant que leurs principes n'eussent été reconnus et admis par son gouvernement. » Alors le cabinet de Londres déroula son plan de restauration des Bourbons. Le comte d'Artois vint à Vesoul, les ducs d'Angoulême et de Berry à Saint-Jean-de-Luz et à Jersey; Louis XVIII fit des adresses au sénat et à la nation; les conspirateurs de l'intérieur répandirent des proclamations où le mot d'ordre était : « Plus de tyran, plus de guerre, plus de conscrip tion, plus de droits réunis. »

Les événements de la guerre dans la Belgique, à Lyon, en Italie, aux Pyrénées contribuèrent à cette résolution suprême des alliés. Après le départ de Bulow pour Soissons, le corps du duc de Weimar fut contenu par les habiles manœuvres de Maison, qui s'était retiré sous le canon de Lille. Carnot se défendait énergiquement dans Anvers. Huit mille Anglais essayèrent, d'accord avec les habitants, une surprise sur Berg-op-Zoom [8 mars]; mais la moitié de ce corps fut tuée ou prise dans la ville par une garnison de deux mille cinq cents hommes. Enfin, quand le duc de Weimar cut reçu des renforts, il se dirigea contre Maubeuge; mais les habitants, hommes, femmes, enfants,

se portèrent sur les murailles, et le forcèrent à se retirer honteusement [27 mars].

sans

Augereau n'avait devant lui que les vingt-cinq mille Autrichiens de Bubna, disséminés de Châlon à Genève, et il restait immobile. Napoléon lui ordonna plusieurs fois de former une seule colonne de toutes ses troupes, et de marcher sur le Rhin: << Frappez l'ennemi au cœur, lui disait-il. L'empereur vous somme d'oublier vos cinquante-six ans et de vous souvenir des beaux jours de Castiglione. » Augereau n'en resta pas moins à Lyon, sous prétexte qué son armée n'était pas équipée. « J'ai en ce moment, lui répondit l'empereur, une division de quatre mille gardes nationaux en chapeaux ronds et en vestes, gibernes, armés de toute sorte de fusils, dont je fais le plus grand cas, et je voudrais bien en avoir trente mille. » Augereau ne se mit en marche que quand l'armée du Midi s'avança sur Châlon et Mâcon; mais arrivé à Lons-le-Saulnier, il craignit d'être coupé de Lyon, rétrograda et rentra dans cette ville [9 mars]. Dès lors il n'était plus qu'un chef de partisans, et non une aile de Napoléon: ses opérations ne pouvaient plus influer sur les événements. Cependant il essaya de reprendre Mâcon, fut repoussé, et se retira sur les hauteurs de Limonest pour sauver Lyon par une bataille. Il fut défait, évacua Lyon, se dirigea sur Valence pour prendre la ligne de l'Isère; et, sous prétexte d'empêcher la jonction des Autrichiens avec les AngloEspagnols, échelonna ses troupes depuis Valence jusqu'à Pont-Saint-Esprit. C'était une trahison: Augereau était depuis trois semaines en négociation avec les étrangers. Les alliés entrèrent à Lyon : maîtres de cette ville et de Genève, ils avaient leur ligne d'opérations assurée, et tenaient les portes de l'Italie.

Eugène occupait la ligne de l'Adige avec trente-huit mille hommes de troupes peu certaines, et il avait des garnisons dans Ancône, Château-Saint-Ange, Pise, Livourne, etc. L'armée autrichienne, forte de soixante-dix mille hommes, avait sa droite sur le lac de Garda, son centre sur l'Adige, sa gauche sur le Pô, appuyée au corps anglais qui tenait Ferrare. Venise, PalmaNova, Cattaro, Raguse étaient assiégées. Les deux armées attendaient, pour reprendre les hostilités, l'arrivée de Murat, qui venait de signer son traité définitif avec l'Autriche, et qui marchait lentement par l'État romain et la Toscane sur Modène

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