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saires, le juge d'instruction ne réside-t-il pas, comme le procureur de la République, au chef-lieu de l'arrondissement? Ne peut-il pas se transporter comme lui? Le juge-de-paix ne se trouve-t-il pas au chef-lieu de chaque canton, et son transport sur les lieux ne peut-il pas être requis, s'il n'a pas lieu d'office? C'est donc en résumé, à ces deux magistrats, c'est-à-dire au juge d'instruction et au juge de paix, qu'il conviendrait peut-être de réserver le droit d'entendre les témoins, de décerner les mandats et de faire même tous les actes qui tiennent à l'instruction. Que les officiers du ministère public et leurs auxiliaires procèdent à tous les actes qui sont du ressort de la police judiciaire, qu'ils se transportent sur les lieux dans les cas de flagrant délit, qu'ils dressent des procès-verbaux et recueillent les renseignements propres à éclairer le juge, ce droit ne leur est pas contesté, il émane du droit de la justice. elle-même, il s'étend à tous les actes préliminaires qui précedent l'action judiciaire; mais qu'ils empiètent sur cette action, qu'ils soient investis, même accidentellement, des fonctions du juge, que, sans en avoir le caractère ni les garanties, ils en usurpent le pouvoir, qu'au lieu de rechercher ils informent, qu'ils influent par leurs actes sur la direction de la poursuite, qu'il disposent de la liberté des personnes et du domicile, ce sont là des attributions qui ne sont point indispensables aux intérêts de la justice. et qu'il est difficile de concilier avec les droits de la liberté civile.

Maintenant nous arrivons à la deuxième face de

cette matière. Après avoir apprécié les attributions générales des officiers de police judiciaire, il faut examiner si les agents auxquels ces fonctions son confiées remplissent toutes les conditions d'aptitude qu'elles exigent.

Cet examen soulève deux questions: les agents désignés par la loi sont-ils, par leur nombre et leur capacité, en rapport avec toutes les exigences de leur mission? Leur organisation apporte-t-elle toutes les garanties que sollicite une bonne administration de la justice?

Sur le premier point, nos observations seront brèves. Les agents désignés par la loi sont, en général, ceux qu'une longue expérience et la nature même de leurs fonctions indiquaient au législateur.

Les procureurs de la République et les juges d'instruction sont nécessairement les premiers agents de la police judiciaire. Chargés soit de poursuivre les crimes et les délits, soit d'instruire ces poursuites, ils sont par là même appelés à participer à la recherche de ces infractions, aux investigations que cette recherche entraîne, à tous les actes qui tendent à les constater. Leur concours ne doit pas même se borner là; délégués de la justice, ils doivent régler, par une active surveillance, l'action d'une police qui n'a pas d'autre mission que de préparer l'action de la justice elle-même. Nous examinerons tout à l'heure si la loi a suffisamment assuré, sous ce rapport l'autorité hiérarchique qu'ils doivent exercer sur tous les autres agents.

Les juges de paix sont leurs plus utiles auxiliaires.

Magistrats de l'ordre judiciaire, initiés à l'application des lois, liés à l'accomplissement de tous les devoirs de leur fonction, soumis à une dépendance hiérarchique, leur position, leurs lumières, leur autorité leur donnent les moyens de rendre des services considérables à la police judiciaire; ils en sont les instruments les plus actifs et les plus précieux.

Les officiers de gendarmerie et les commissaires de police lui apportent également un puissant concours. La mission de protection et de surveillance qu'ils exercent habituellement, les rapports continus qu'ils reçoivent des agents placés sous leurs ordres, leur position au centre des populations, toutes les attributions de leurs fonctions principales les rendent principalement propres à ces fonctions accessoires.

Les maires et leurs adjoints n'ont pas la même situation administrative, et ne réunissent pas les mêmes conditions d'aptitude. Attachés à leurs fonctions municipales plus qu'à leurs fonctions judiciaires, exclusivement préoccupés de la mission qu'ils tiennent de ceux-là même au milieu desquels ils l'exercent, ils n'apportent qu'un zèle incertain à remplir la mission de surveillance qu'ils tiennent de la justice. Les rapports de famille, d'affection et de voisinage, qui les lient à leurs administrés, énervent dans leurs mains les pouvoirs de police qui leur sont délégués, soit qu'ils hésitent à froisser ces relations, à exciter des irritations et des haines, soit qu'ils ne comprennent pas exactement la nature et l'étendue des devoirs qui pèsent sur eux, soit enfin

que

le principe de l'élection ait altéré les rapports de subordination hiérarchique qui les liaient précédemment. Et cependant, quelque affaiblis que soient ces pouvoirs, il est nécessaire qu'ils en soient investis, il est nécessaire que dans quelques cas au moins ils puissent les exercer. C'est lorsque la notoriété publique signale autour d'eux la perpétration de quelques crimes, lorsque le flagrant délit éclate et trouble la paix publique, lorsque quelque plainte s'élève et réclame une protection immédiate. Qui pourrait, dans les communes éloignées des villes, recevoir cette plainte, recueillir les traces du crime, ordonner les mesures que les circonstances rendent urgentes, si ce n'est les maires? Dans les villes, les commissaires de police pourraient à toute force suffire à toutes les exigences de l'action judiciaire, mais dans les campagnes, cette action n'a pas d'autres agents que les maires, et si ces officiers ne se vouent pas à cette fonction d'une manière trèsactive, il faut au moins que les intérêts qui sont froissés, que les individus qui souffrent de quelque délit trouvent auprès d'eux une protection qu'ils ne trouveraient nulle part ailleurs.

Les gardes champêtres et forestiers, renfermés dans le cercle que la loi a tracé à leur compétence, sont des agents indispensables, car d'une part il est évident que, sans leur concours, les petits délits qu'ils sont chargés de constater, échapperaient à toute répression; et d'un autre côté leur surveillance s'étend sur des lieux qui n'en ont aucune autre, puisqu'ils sont, en général, éloignés de tous les regards.

Ces différents agents sont-ils suffisants pour l'exercice de la police judiciaire? Faut-il rechercher, faut-il leur adjoindre de nouveaux auxiliaires?

On a proposé depuis quelques années de réunir à tous les fonctionnaires qui viennent d'être énumérés les maréchaux de logis et brigadiers de la gendarmerie et d'attribuer à ces sous-officiers les fonctions de la police judiciaire. Cette proposition, déjà plusieurs fois mise en avant et qui se reproduira sans doute, doit-elle être accueillie?

A la suite des troubles qui éclatèrent en 1832, dans quelques départements de l'ouest, une loi qui n'eut qu'une courte durée, la loi du 23 février 1834, délégua aux maréchaux des logis et aux brigadiers. de gendarmerie, dans dix département, les fonctions de la police judiciaire'. Les motifs de cette délégation temporaire furent que l'insurrection avait laissé après elle quelques bandes de réfractaires, qui, isolément ou réunis, se livraient à des actes de brigandages; que les maires et leurs adjoints n'osaient procéder aux perquisitions nécessaires pour amener leur arrestation, menacés qu'ils étaient de représailles; que dès lors une portion considérable du territoire se trouvait dénuée de magistrats aptes à constater les délits flagrants, et que c'était pour faire

L. 23 février 1854, art. 3: « Les fonctions de police judiciaire attribuées aux commandants de compagnie et aux lieutenants de gendarmerie par les art. 194, 195 et 196 de la loi du 28 germinal an vi et par les art. 48 et 49 du Code d'instr. crim., sont également attribuées aux maréchaux des logis et aux brigadiers de gendarmerie dans les départements des Côtes-duNord, etc. »

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