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<< vous direz au cardinal que si vous n'êtes pas payé dans trois « jours, vous avez l'ordre exprès de vous en retourner chez

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Le Quaker suivit exactement ces instructions; mais le cardinal ne lui donna pas la réponse demandée.

Le Quaker retourna à Londres; sur le compte qu'il rendit à Cromwell, celui-ci, au lieu de négocier, ordonna à deux vaisseaux de guerre de sortir et de s'emparer de tous les navires français qu'ils rencontreraient.

Ils rentrèrent, au bout de quelques jours, avec deux ou trois prises françaises.

Le Protecteur en ordonna la vente, et le Quaker reçut ce qu'il réclamait pour l'indemniser de la perte de son bâtiment et de sa cargaison.

Alors seulement Cromwell fit informer des faits le ministre de France, résidant à Londres, en le prévenant qu'il y avait une balance de compte qui lui serait remise, afin qu'il pût en faire passer le montant à ses compatriotes, propriétaires des bâtiments pris et vendus.

Cet événement n'eut aucune suite, et les deux pays continuèrent de vivre en bonne intelligence.

La France, en effet, n'avait rien à dire; le droit de retorsion qui consiste à établir chez nous la jurisprudence dont se sert, ou peut se servir, en vertu de son droit public, une autre nation à notre égard, pouvait, cependant, trouver son application, dans le cas présent.

L'ordonnance de Charles VIII, de l'an 1445, avait réservé au roi le droit des lettres de représailles, qu'elle enlevait aux parlements en possession jusque là de les délivrer.

L'ordonnance de 1684 maintint l'usage des lettres de représailles : « Sur l'information faite et le procès-verbal justificatif de la valeur des objets pris et retenus, pourront nos sujets obtenir nos lettres de représailles, qui ne leur seront, néanmoins, accordées qu'après avoir fait faire, par nos ambassadeurs, les instances dans la forme et dans le temps porté par les traités faits avec les États et Princes, dont les sujets auront fait les déprédations. » (Livre III, titre X, art. 2 de l'ordonnance de 1681.)

« Art. V. Les prises faites en mer en vertu de nos lettres de représailles, seront amenées, instruites et jugées en la même forme et manière que celles qui auront été faites sur nos ennemis. « Art. VI. Si la prise est déclarée bonne, la vente en sera faite, et le prix en sera délivré aux impétrants, jusqu'à

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la concurrence de la somme pour laquelle les lettres auront été accordées; et le surplus demeurera déposé au greffe pour être remis à qui il appartiendra. »

Bien que le véritable but des lettres de représailles soit de procurer à ceux qui ont été lésés un légitime dédommagement du tort qu'ils ont reçu et alors que les démarches officielles faites auprès du gouvernement étranger, n'ont pas obtenu justice, on ne saurait trop déplorer l'exercice d'un droit qui établit légalement une sorte d'état de guerre entre les sujets de deux pays qui sont amis. La reproduction trop répétée, de part et d'autre, en invoquant le droit de rétorsion, de faits de la nature de celui que Cromwell avait autorisé, soit que leur exécution ait été remise à des bâtiments de l'État, soit qu'elle ait été abandonnée aux intéressés eux-mêmes, pourrait (en agrandissant chaque jour le cercle des déprédations autorisées comme moyen de compensation), faire éclater, entre les deux États, des hostilités géné

rales sérieuses.

Cette faculté trop dangereuse devait être restreinte; aussi, par l'art. 16 du traité de paix d'Utrecht, et par l'art. 9 du traité signé antérieurement à Ryswick, entre la France et l'Angleterre, fut-il stipulé qu'à l'avenir l'une des deux Puissances «ne délivrera aucunes lettres de représailles contre les sujets de l'autre, s'il n'apparait auparavant d'un délai ou d'un déni de justice manifeste; ce qui ne pourra être tenu pour constant, à moins que la requête de celui qui demandera des lettres de représailles, n'ait été rapportée ou représentée au ministre ou ambassadeur qui sera dans le pays de la part du Prince contre les sujets duquel on poursuivra les dites lettres; afin que, dans l'espace de quatre mois, il puisse s'éclaircir du contraire, ou faire en sorte que le défendeur satisfasse incessamment le demandeur. Et s'il ne se trouve sur les lieux aucun ambassadeur ou ministre du Prince, on n'expédiera encore les lettres qu'après quatre mois expirés, à compter du jour que la requête aura été présentée au Prince contre les sujets duquel on les demandera, ou à son conseil privé. >>

Les traités signés, à cette époque, entre les autres Puissances, ont reproduit la même clause. «De sorte», dit Valin, « qu'en «< cette partie c'est le droit commun des nations.» En effet, dans les traités qui ont été conclus depuis ceux d'Utrecht, jusqu'à nos jours, on retrouve la même pensée. (Voir Livre I, titre II, § 51 et titre III, § 24.)

Il existe encore une autre catégorie de prises maritimes en

temps de paix: ce sont celles qui ont lieu pour fait de traite des noirs; nous en parlerons au chap. XXXI.

En ce qui concerne les pirates, auxquels on peut donner la chasse et que l'on a le droit de capturer eu tout temps, nous prions le lecteur de se reporter au Livre I, titre II, §§ 40, 57, 58, 64, et au titre III, §§ 13, 24, 25, 28, 30 et 35.

Quant aux représailles exercées par un gouvernement contre un autre gouvernement, on pourrait les regarder comme des cas de guerre, quand la menace d'avoir recours à la force a été, en effet, suivie de mesures coërcitives. Plusieurs faits de représailles de cette nature sont consignés dans les chapitres III, XXX et XXXVII.

CHAPITRE XI.

RUPTURE DE LA PAIX SANS DÉCLARATION DE GUERRE. 1)

Prises maritimes: bâtiments du commerce saisis dans les ports; attaques en pleine mer, etc.

L'usage général des nations autorise toute Puissance qui déclare la guerre à une autre Puissance, à faire, au même instant, saisir tous les bâtiments appartenant à celle-ci ou à ses sujets, qui se trouvent dans les divers ports de sa domination.

Usage déplorable et brutal auquel devrait être substitué à jamais celui beaucoup plus libéral et beaucoup plus conforme à la justice, à la morale et à l'humanité, que de nombreux traités ont consacré, d'ailleurs, en stipulant, d'une part, qu'en cas de rupture entre les nations contractantes, un délai de six mois ou un an serait accordé aux négociants pour retourner dans leur patrie avec leurs propriétés; d'autre part, que les marchandises embarquées sur les bâtiments d'une nation devenue ennemie, avant que la rupture avec cette nation, ait pu être comme dans le port d'embarquement, ne seraient point confisquées. (Voir Livre I, titre III, § 4, ainsi que le § 10, deuxième section, en ce qui concerne le délai, fixé en 1854 par la France aux bâtiments russes.)

C'est avec regret que nous nous rappellons que le gouvernement français, en 1806, s'est appuyé sur l'usage général, contre

1) Voir Livre I, titre III, § 4, et Livre II, chap. IV.

lequel nous nous élevons, en promulguant le décret du 6 octobre, en vertu duquel furent saisis les bâtiments prussiens qui se trouvaient dans les ports français, au moment où Napoléon déclara à la Prusse la guerre à laquelle mit fin les traités signés à Tilsit, les 7 et 9 juillet 1807.

La réclamation que nous faisons entendre en faveur des bâtiments qui, se trouvant dans les ports sous la foi de la paix publique et sous la protection du droit des gens, se voyent brutalement saisis, et confisqués, au moment même de la rupture, nous la formulons encore, expressément, en faveur des bâtiments que la tempête jette sur les côtes d'une Puissance ennemie, ou qui se présentent avec confiance, ignorant que le port où ils entrent est tombé au pouvoir de l'ennemi. (Voir chap. II, § 4, et chap. XII, §§ 4 et 5.)

Mais si nous blâmons ces usages, combien ne devons nous pas trouver plus blàmables encore ces attaques inattendues, véritables actes de piraterie, qui ont eu lieu, en maintes circonstances, avant que la guerre eut été déclarée. (Voir chap. IV, VII, XXVI.)

§ 1.

La reine Elisabeth d'Angleterre voulant rompre avec les Villes anséatiques et arrêter leur prospérité commerciale dont les négociants anglais se montraient fort jaloux, fit saisir, par l'amiral Sir Francis Drake, dans le port de Lisbonne, soixante de leurs bâtiments chargés de marchandises, dont elles ne purent jamais obtenir la restitution. Le souverain du Portugal (Philippe, roi d'Espagne) ne put, de son côté, obtenir satisfaction de l'attentat commis contre son indépendance en qualité de souverain territorial; il ne put s'en venger qu'en chassant de Lisbonne les facteurs de la compagnie des commerçants anglais. Peu de temps avant, dans le mois d'avril 1587, l'amiral Drake avait brulé ou coulé à fond, dans le port de Cadix, une centaine de navires chargés de munitions destinées pour le Tage.

§ 2.

En rompant la paix de Bréda, cinq ans après sa conclusion, Charles II, roi d'Angleterre, fit commencer, en 1672, les hostilités de la manière la plus scandaleuse et sans déclaration de guerre, par l'attaque de la flotte hollandaise de Smyrne, composée de soixante-dix bâtiments marchands, dont la cargaison était estimée à un million de livres Sterling. L'espérance de saisir

une aussi riche proie, décida-t-elle la conduite de ce prince qui avait toujours besoin d'argent ? Les Hollandais attaqués à l'improviste et par des forces bien supérieures, se défendirent avec tant de courage, qu'ils ne perdirent qu'un seul vaisseau de guerre de l'escorte, et trois ou quatre bâtiments marchands. « Cette agression << inique », dit Hume, dans son Histoire de la Grande-Bretagne, chap. LXV, « ayant eu un mauvais résultat, jeta sur ses au«teurs une double infamie. » Cette circonstance n'empêcha pas Charles II, peu de temps après, de faire paraître un manifeste par lequel il prétendait encore que l'empire de la mer appartenait à l'Angleterre, et que tous les peuples devaient l'hommage à son pavillon.

§ 3.

Nous avons dit, dans les chapitres IV et VII, les prises faites pur la marine militaire et par les armateurs de la Grande-Bretagne sur les Français et sur les Espagnols; nous dirons dans les chapitres XXIII à XXV, les attaques dirigées contre la ville de Copenhague.

Mais nous rapporterons encore dans les §§ 4 et 5, divers faits qui prouvent que, depuis Elisabeth jusqu'à nos jonrs, les procédés n'ont pas varié; et si ces faits ne suffisaient pas à le démontrer, la conduite du cabinet anglais envers la Grèce, en 1850, le ferait complétement. (Voir chap. XXXVII.)

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La mort de Charles VI, empereur d'Allemagne et dernier måle de la maison de Habsbourg, arrivée le 20 octobre 1740, devint l'occasion d'une guerre générale. L'état d'épuisement et de faiblesse dans lequel ce prince laissait ses États, encouragea les prétentions de plusieurs souverains. D'une part, l'électeur de Bavière, descendant d'Anne d'Autriche, fille de l'empereur Ferdinand Ier, et l'électeur de Saxe, roi de Pologne, qui avait épousé la fille de l'empereur Joseph Ier, prétendaient à la succession de Charles VI, comme empereur; d'autre part, le roi d'Espagne, Philippe V, faisait valoir ses droits aux royaumes de Hongrie et de Bohème, en sa qualité de successeur de Philippe III, lequel, par une convention diplomatique, avait fait passer à la couronne d'Espagne les droits qu'il tenait de son ayeule Anne, fille de l'empereur Maximilien II. Enfin, le roi de Sardaigne renouvela ses prétentions sur le duché de Milan; et le roi de Prusse réclama

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